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L’auto-identification : Variables explicatives et corrélations identitaires

Dans le document Cités cosmopolites (Page 60-65)

Commentaire :

Les deux modalités les plus choisies, « Marseillais » et « Jeune » (partie droite du tableau 48) sont, comme on peut s‟y attendre, les moins dépendantes de critères sociaux, ces choix sont très bien distribués dans la population d‟enquête.

Tout juste la préférence pour « Marseillais » est-elle particulièrement marquée dans les classes moyennement cultivées (les mères ont plus souvent une scolarité secondaire) et chez les garçons. C‟est aussi le premier choix des filles, mais celles-ci se dispersent davantage sur les autres options, notamment sur « Etre un homme ou une femme ». En bref, que l‟on étudie dans une classe de Foch chauffée pour Prépa ou dans une section menuiserie de Montaigne, que l‟on soit fils de cadre né à Londres ou immigré comorien, on s‟identifie semblablement au territoire local, à la communauté marseillaise (les variables scolaires et les variables d‟origine n‟interviennent pas dans ce choix).

De même, les attractions avec d‟autres éléments de l‟identité sociale, notamment l‟identité politique, sont rares. On ne trouve pas d‟attraction particulière concernant la religion et son importance, l‟avis sur l‟islam, les objectifs prioritaires des hommes politiques, la peine de mort, etc. Ce qui caractérise plus typiquement le choix de « Marseillais » comme catégorie d‟appartenance est une sorte d‟apathie sociale : une tendance à méconnaître ou à nier les tensions civiles (c‟est la seule identification qui attire typiquement l‟idée que le racisme est un phénomène qui n’existe pas vraiment), et une tendance à méconnaître le fonctionnement de la laïcité (ceux et celles qui choisissent « Marseillais » pensent typiquement qu‟on n’a pas le droit d’être français et en même temps d’une autre religion que catholique). Mais en réalité le sens que les individus confèrent à la catégorie « Marseillais » est probablement variable. La particularité de cette attache, en effet, est qu‟elle s‟associe avec un maximum d‟autres options (Tableau 47 : cinq attractions très significatives). Elle se combine préférentiellement avec des options aussi différentes que la fierté hexagonale (l‟association des choix « Marseillais » et « Français » a une fréquence très significative), ou une affirmation transnationale (association significative « Marseillais » et « Origine nationale »), ou encore l‟affirmation d‟appartenance religieuse (association forte entre « Marseillais » et « Votre religion »), et finalement avec l‟idée que la communauté d‟âge est facteur d‟appartenance (association privilégiée de « Marseillais » et de « Jeune »). Or, si l‟on excepte cette dernière modalité, les autres sont bien spécifiées socialement et correspondent à des profils sociaux différenciés (v. ci-dessous). Seuls ne sont pas spécialement enclins à valoriser l‟appartenance locale ceux et celles qui s‟identifient par leur genre, ou bien qui relativisent l‟appartenance nationale en choisissant une référence plus universelle (« Habitant du monde » ou « Européen »).

L’option pour la catégorie « Jeune » est plus marquée socialement, même si elle concerne près d‟un(e)

lycéen(ne) sur trois. Elle est plus typiquement choisie par les enfants de familles peu nombreuses, scolarisés en lycée général, et qui affirment qu‟ils n‟ont pas de religion. Cependant elle ne dépend pas du statut socio-économique des parents ni de leur niveau de formation. Sur les composantes de l‟identité politique testées dans l‟enquête, il y a peu d‟associations préférentielles : seulement une tendance comparativement plus marquée que les autres catégories à se situer au centre, ou encore à penser que les hommes politiques doivent assurer les retraites – deux choix qui sont néanmoins minoritaires dans l‟absolu. Si l‟on prend en compte les autres choix catégoriels effectués par ceux et celles qui ont choisi « Jeune » (Tableau 47), ce choix apparaît ambigu, il pourrait couvrir une dualité d‟orientations identitaires. En effet, il s‟associe préférentiellement à « Marseillais » d‟une part, et à « Habitant du monde » ou encore « Européen » d‟autre part, – c‟est-à-dire des catégories qui se repoussent ou ne s‟attirent pas entre elles.

Le choix de la catégorie « Religion » pour s‟identifier (22,8 % des répondants) est quant à lui très

marqué socialement. Il est privilégié par des jeunes dont la famille est typiquement de statut défavorisé, dont les parents sont analphabètes (c‟est la seule catégorie d‟identification qui soit significativement associée à cette modalité), et la mère plus souvent sans activité. Les fratries sont nombreuses, le(la) lycéen(ne) n‟a jamais fait de petits boulots (dans l‟enquête, c‟est une caractéristique des milieux défavorisés). Il (elle) est plutôt scolarisé(e) en LP, et plus en seconde qu‟en terminale. L‟opinion politique du père est un peu plus déclarée d‟extrême gauche. La religion concernée est l‟islam dans la grande majorité des cas – une moitié environ des jeunes qui se sont déclarés musulmans (ils sont 416) ont choisi de s‟auto-identifier par la religion –, et secondairement le judaïsme, donc deux religions minoritaires ; elle est souvent donnée pour très importante, et les jeunes s‟opposent significativement plus à l‟idée que l‟islam soit un obstacle pour l’intégration. Ils déclarent un intérêt pour la vie politique du pays d‟origine de leurs parents. S‟ils ne sont pas caractérisés par des affinités politiques particulières, ils sont plus sensibles que les autres à la xénophobie et au traitement de l‟immigration : ils pensent typiquement que le racisme est un phénomène qu’il faut combattre, ils sont majoritairement favorables à la régularisation des sans-papiers, et souhaitent voir l‟immigration favorisée car les populations des pays pauvres ont besoin de pays d’accueil pour travailler, et qu‟elle fournit la main d’oeuvre nécessaire à l’économie.

Les autres choix d‟identification spécifiquement privilégiés par ceux (celles) qui choisissent de s‟identifier par la religion semblent encore une fois indiquer que le choix de l‟auto-identification par la religion prend selon les cas des valeurs distinctes. En effet, si l‟association la plus fréquente est « Marseillais », les associations les plus typiques sont soit l‟appartenance à Marseille, soit l‟origine nationale ou la catégorie raciale. Comme si le jeune qui s‟identifie par la religion portait selon les cas une vision inclusive de la communauté locale, une vision dans laquelle il n‟y pas ou il ne devrait pas y avoir de contradiction entre s‟affirmer Marseillais et s‟affirmer musulman, et on souscrit aux deux (cas le plus fréquent, qui concerne un tiers de ceux et celles qui s‟identifient par la religion) ; ou bien la volonté d‟assumer une différence globale qui expose à des tensions avec la société majoritaire : différence religieuse/raciale/d‟origine nationale (cas qui ne concernent qu‟un quart de ceux qui choisissent de s‟identifier par leur religion, mais significatifs).

Le choix de s’identifier par le genre n‟est déterminé socialement que par une variable : le sexe – un tiers

environ des filles ont choisi cette appartenance catégorielle, pour un dixième environ des garçons. La maturité intervient secondairement : cette option est plus choisie en terminale qu‟aux niveaux inférieurs des parcours scolaires. Mais elle n‟est pas corrélée à un type d‟établissement ou à un milieu social. Elle s‟associe semble-t-il à un certain non-conformisme social : une distance un peu plus marquée par rapport au jeu politique. Dans un contexte où la majorité se déclare disposée à voter pour Lionel Jospin, on se déclare un peu plus typiquement sans opinion quand on choisit de s‟identifier comme homme ou femme. Une distance plus marquée aussi à la religion : on affirme plus typiquement ne pas avoir de religion. C‟est enfin la seule catégorie d‟identification à trouver que la violence au lycée est un vrai problème, un sentiment qui peut peut-être se rapprocher de la posture critique qui se dessine sous le choix de s‟identifier par le genre. Il n‟y a pas d‟autre corrélation notable. Les lycéennes et lycéens qui s‟auto-définissent par le genre dispersent leurs autres choix d‟identification entre les diverses catégories offertes, de façon généralement non significative, si ce n‟est qu‟encore une fois émerge une distribution contradictoire : on trouve une association très marquée avec « Habitant du monde » (ces jeunes sont d‟ailleurs la seule catégorie avec « Habitant du monde » qui ne place pas « Marseillais » en première ou deuxième position), et une autre association, plus rare mais tout de même significative, avec « Français ».

L’option pour la catégorie « Habitant du monde », choisie par un élève sur cinq, est encore moins

déterminée socialement : elle n‟a d‟association significative sur aucune des variables qui caractérisent la position sociale de la famille. Elle est seulement un peu plus fréquente relativement en lycée général et en classe de Terminale. Les jeunes qui s‟identifient par cette catégorie se spécifient dans l‟enquête par une constance idéologique : ils ont effectivement des orientations cosmopolites. Ils pensent que le racisme est un phénomène qu’il faut combattre, que l‟immigration ne doit pas être bloquée car le métissage culturel est bon, ils sont contre le rétablissement de la peine de mort, et encore plus typiquement pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde. Les autres choix qu‟ils effectuent sur la question de l‟auto-identification sont remarquablement cohérents avec cette orientation cosmopolite et universaliste : ils ont deux associations typiques : avec « Homme ou femme » (27 %) et avec « Jeune » (21 %). D‟un

point de vue quantitatif, ils ne choisissent Marseillais qu‟en troisième lieu (à 24 %), après « Homme ou femme ». Ils évitent les identifications localisées ou particulières, quand bien même il s‟agirait d‟Europe.

Le choix de la catégorie « Français » correspond à un autre profil de cohérence sociale et idéologique.

Au plan social, ce choix est typique d‟enfants de famille de statut intermédiaire, de taille réduite, dont le père a fait des études secondaires seulement, et est un peu plus souvent gaulliste que dans les autres catégories d‟appartenance. L‟enfant, quant à lui, déclare qu‟il a une religion mais peu importante pour lui. Il se dit plus gaulliste ou d‟extrême droite que les autres catégories. Pour le reste, il montre un profil homogène de nationaliste autoritaire, avec une inquiétude cristallisée sur le changement apporté dans la société par les flux migratoires. Il a tendance à regretter que les sanctions au collège ou au lycée ne soient pas assez sévères (question ouverte). Il ne se positionne pas sur la question de savoir si l‟islam fait obstacle à l‟intégration (la majorité des enquêtés disent leur désaccord avec cette proposition), mais il est typiquement d‟accord avec l‟idée qu‟il y a des communautés à Marseille. Il pense néanmoins que le racisme est un phénomène contre lequel on ne peut rien faire. Il est pour le rétablissement de la peine de mort, contre la régularisation des sans-papiers, pour que les hommes politiques s‟attachent prioritairement à limiter l‟immigration. Il pense que l‟immigration doit être complètement bloquée car les immigrés ne peuvent pas s’adapter. Il croit qu‟on n‟a pas le droit d‟être français et en même temps né de parents étrangers. Une autre attraction statistique révèle cependant que le choix de la catégorie « Français » n‟est pas si univoque que ces associations le laisseraient supposer : il en est qui s‟identifient par l‟appartenance nationale et qui pensent typiquement comme ceux qui s‟identifient par le cosmopolitisme ou encore ceux qui s‟identifient par la couleur de la peau que l‟immigration ne doit pas être bloquée car il est bon de mêler les cultures.

Au plan des combinaisons de choix, « Français » est préférentiellement associé à « Marseillais » : 35 % de ceux qui s‟identifient comme Français » s‟identifient aussi comme « Marseillais », ce qui montre que le sentiment d‟appartenance à la communauté locale, loin de s‟opposer à l‟appartenance nationale, noue avec elle, dans certaines configurations identitaires, une liaison privilégiée. Les deux appartenances ont probablement des corrélats cognitifs complémentaires, l‟une visant davantage le proche et l‟échange concret, l‟autre relevant plus de l‟imaginaire ou de l‟idéologique. Une deuxième liaison typique (mais deux fois moins fréquente) associe l‟identification par l‟appartenance nationale et celle par le genre.

Le choix de l’identification par la catégorisation raciale est aussi marqué socialement que

l‟identification par la référence nationale ou par la religion. Le profil qui se dégage des attractions est proche de celui qui correspond à l‟identification par la religion, mais en plus accentué. Les jeunes qui s‟identifient par la couleur de leur peau vivent très significativement dans un milieu défavorisé, leur famille est très nombreuse, leur mère est plutôt en recherche d‟emploi, ils n‟ont jamais fait de petits boulots. Ils sont typiquement en LP, et plutôt en début de scolarité au lycée. Ils sont plus que les autres enclins à dénier la violence au lycée. Ils se déclarent par ailleurs de religion musulmane, et sont d‟avis que la religion est très importante pour eux, de façon aussi prononcée que leurs camarades qui s‟identifient par la religion. Ils refusent absolument l‟idée que l‟islam soit un obstacle pour l’intégration, mais ils sont insensibles au débat idéologique sur le communautarisme : ils se déclarent typiquement sans opinion sur l‟affirmation qu‟il y a des communautés à Marseille. Ils auraient plus que les autres envie de voter L. Jospin à une élection présidentielle. Ils se signalent en outre par leur souci du racisme et une sensibilité aux problèmes des pays du Sud qui se teinte de cosmopolitisme : ils sont d‟avis que le racisme est un phénomène qu’il faut combattre, aussi nettement que leurs camarades qui s‟identifient par l‟appartenance à une religion ; et ils sont pareillement favorables à la régularisation des sans-papiers. Ils sont de plus aussi typiquement favorables à l‟annulation de la dette des pays du tiers-monde que ceux qui s‟identifient par le cosmopolitisme, et sont enclins à penser que l’immigration ne doit pas être bloquée au nom du métissage des cultures.

Les combinaisons d‟identifications suggèrent que l‟identification par la catégorisation raciale s‟inscrit dans deux genres de profils identitaires au moins, à l‟instar de ceux qui s‟identifient par la religion. Un tiers d‟entre eux s‟identifient également comme « Marseillais », ce qui suggère un profil où la particularité raciale, fortement ressentie, n‟est néanmoins pas perçue comme une exception à l‟appartenance locale, ou bien elle est perçue comme ne devant pas constituer un motif d‟exclusion de la communauté locale : nous n‟avons pas le moyen d‟estimer le potentiel contestataire de ces choix d‟identification. Et d‟autre part, 30 % d‟entre eux (un effectif de 45) choisissent comme autres catégories d‟identification l‟origine

nationale ou la religion, ce qui tendrait à dessiner plutôt un profil d‟auto-marginalisation dans la communauté locale.

L’identification par l’origine nationale n‟est choisie que par un peu plus de 10 % de la population. Elle

est associée préférentiellement au choix de l‟identification locale, « Marseillais », ou à l‟identification par la religion, et à un moindre degré au choix de la catégorisation raciale. Cette option est plutôt choisie par des filles scolarisées en LP et en début de scolarité au lycée. Les familles sont de statut défavorisé, elles sont nombreuses. Ces jeunes se déclarent musulmans, la religion est importante pour eux, et typiquement, ils ne sont pas d’accord du tout avec l‟idée que l‟islam soit un obstacle pour l’intégration. Plus que les autres catégories, ils(elles) déclarent que leurs meilleur(e)s ami(e)s ne sont pas dans le lycée (ce qui peut renvoyer moins au climat de la classe qu‟aux pratiques autoritaires d‟affectation des élèves dans des établissements professionnels dispersés après la 3ème), et ils(elles) se déclarent contre le rétablissement de la peine de mort.

Enfin l’identification par l’appartenance européenne est une rareté, elle n‟est choisie que par 1 lycéen

sur 20, et les profils sont très marqués socialement. Les familles se caractérisent moins par leur statut socio-économique que par la formation des parents : pères et mères ont fait des études supérieures. Ils sont politiquement plutôt à droite. Les jeunes qui font ce choix sont plutôt des garçons, étudiant en lycée général et en fin de scolarité. Leur vie scolaire est satisfaisante et harmonieuse : ils ont leurs amis dans le lycée, c‟est exceptionnellement qu‟ils y rencontrent de la violence, ils adhèrent au principe et aux formes des sanctions. Ils se déclarent typiquement de religion chrétienne. Ils sont nettement opposés à la régularisation des sans-papiers et seraient pour le rétablissement de la peine de mort. On entrevoit ici un profil où l‟Europe est moins saisie comme ouverture internationale que comme nouvel espace sécurisé d‟entre-soi.

Signalons enfin, le cas de ceux qui ont refusé l’éventail des catégories d’identification proposées. Ils ne sont pas typés socialement. Mais ce sont très massivement des garçons, ils ont l‟expérience des petits boulots, ils sont plutôt en terminale et ont une vision assez critique de l‟ordre scolaire : ils disent typiquement voir de temps en temps de la violence. Ils refusent le conformisme politique au point de se déclarer sans opinion lorsqu‟il leur est demandé pour qui ils voteraient à une élection présidentielle. Mais ils ont des connaissances sur l‟organisation politique : ils font plus que les autres le départ entre les députés et les sénateurs qui sont élus et les organes du pouvoir exécutif et judiciaire, qui ne le sont pas.

En conclusion,

Remarquons d‟abord que presque tous les lycéens ont donné à la question sur les auto-identifications les deux réponses qui étaient possibles. Ceux qui ne se sont pas reconnus dans les catégories proposées forment une minorité plutôt mieux équipée intellectuellement que la moyenne, et pas autrement spécifiée par des choix propres.

L‟analyse des catégories d‟identification, de leurs déterminants sociaux et de leurs corrélations avec d‟autres variables identitaires donne un tableau général en fondu, et surtout qui écarte une vision déterministe des identités sociales. On repère seulement deux noyaux qui ne se reconnaissent pas dans des catégories inclusives pour la population d‟enquête, tentés peut-être par une forme de repli :

- un groupe d‟une soixantaine de jeunes issus de l‟immigration qui s‟identifient par une combinaison religion – race, ou religion – origine : les corrélations identitaires les montrent préoccupés de leur statut minoritaire ;

- et un autre groupe d‟une soixantaine d‟individus également, qui s‟identifient par une combinaison Français – Marseillais : les corrélations avec les autres variables testées révèlent une tendance autoritaire et nationaliste.

Parmi les jeunes qui se déclarent de religion musulmane (ils sont 416), seule une moitié environ choisit l‟islam comme identifiant. Parmi ceux-ci, un quart semblent être sur la position de repli ou de crispation dont nous venons de parler. Mais les autres, les trois quarts, s‟incluent dans des groupes ouverts : un tiers choisissent « Marseillais » comme autre identifiant, les autres choisissent des catégories inclusives ou universalistes : « Homme ou femme » « Habitant du monde » ou « Jeune » (les 20 jeunes qui s‟identifient par l‟association « Religion » et « Français » pourraient être principalement juifs : on a vu que c‟est une

association privilégiée du choix de la catégorie « Religion » comme identifiant). L‟attraction vérifiée entre l‟identification à la communauté des Marseillais et l‟identification à la religion musulmane prouve à tout le moins que les jeunes pour qui l‟islam a de l‟importance sont massivement sortis du sentiment d‟antagonisme ou de reniement entre islam et société française, qui s‟observait encore dans les années 198033, et qui venait tout droit du rapport colonial au Maghreb34. Toutefois, on l‟a noté, il est impossible de savoir dans quelle mesure cette combinaison est affirmation tranquille d‟appartenance à une communauté locale accueillante pour la minorité musulmane, ou si elle exprime une posture revendicative.

En tout état de cause, l‟identification par l‟appartenance marseillaise apparaît plurivoque. Si elle est la plus fréquente (avec 488 choix) et la moins marquée socialement des catégories d‟identification dans notre population, il y a de bonnes raisons de penser qu‟elle entre dans des configurations identitaires variées. Il y a différentes façons de se sentir et de se vouloir marseillais, qui correspondent sans doute entre autres à des pratiques de la ville différenciées35. On a mentionné deux profils assez bien cernés : celui qui correspond à l‟association « Marseillais » - « Français » (60 individus), et celui qui correspond aux associations « Marseillais » - « Religion » ou « Marseillais » - « Couleur » / « Origine » (170 individus). Un troisième est fréquent mais peu spécifié à ce stade : celui qui correspond à la combinaison

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