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CHAPITRE II : LE MODÈLE DU FOEDUS SOCIALE

5. Le foedus à l’horizon de l’alliance militaire

Le foedus est en effet l’accord le mieux identifié par lequel Rome et ses partenaires peuvent conclure une alliance militaire. Il en est d’abord, quantitativement et qualitativement, la forme la mieux attestée et la plus durable. Et il semble surtout s’insérer aisément dans un système de relations qui mobilise formellement les deux parties, romaine et alliée, sur le mode d’un échange paritaire lors de sa conclusion. Accord militaire ‘idéal’ dans le paysage mental des acteurs de la scène diplomatique méditerranéenne, il convient donc d’abord d’en restituer la signification en tant que forme de leurs relations. Il faut pour cela le situer à sa place exacte dans le système juridique du ius gentium, puis en restituer l’esprit à travers l’exploration des aspects rituels de sa conclusion qui, aux yeux des Anciens, en constituent l’élément central. Comment le foedus manifeste-t-il la volonté des partenaires d’inscrire leur relation d’alliance dans la continuité de l’échange qui en a guidé la négociation ?

(s’inspirant sans doute d’une source grecque), que nous avons rapidement commenté supra, et de Proculus, Dig., XLIX, 15, 7, 1, ou encore des notices sur des questions aussi spécifiques (quoique génétiques pour le ius gentium) que le postliminium comme celle d’Aelius Gallus d’après Festus s. v. postliminium (voir aussi Paulus, l. XVI ad Sabinum d’après Dig., XLIX, 15, 19, 3).

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On doit la critique la plus influente d’une telle approche juridique à E. BADIAN, Foreign Clientelae (264-70 B. C.), Oxford, 1958 ; voir également les considérations de G. LURASCHI, Foedus ius Latii civitas. Aspetti constituzionali della romanizzazione in Transpadana, Padoue, 1979, p. 23sq. ZIEGLER, art. cit., p. 68sq, reprenant les conclusions antérieurement formulées par W. PREISER, a cependant montré dans quelles conditions on pouvait raisonnablement parler d’un ‘droit international’ dans l’Antiquité. Voir aussi plus récemment les réflexions de C. BALDUS, ‘Vestigia pacis. The Roman peace treaty : structure or event ?’, in R. LESAFFER éd., Peace Treaties and international Law in European History : From the Late Middle Ages to World War One, Cambridge, 2004, pp. 103-146, e. p. p. 111sq. En la matière, le problème ne réside peut-être pas tant dans la volonté de clarifier les catégories (deditio, foedus…) au sein d’un système cohérent, que dans le travers spécifiquement an-historique qui consiste à plaquer des typologies datées sur les périodes antérieures : l’utilisation fréquente de la fameuse notice d’Aelius Gallus – explicitement consacrée à la seule question du postliminium –, ou de celle, plus tardive, de Proculus, pour penser la typologie des communautés soumises à Rome en fournissent un exemple assez révélateur.

Le recours séculaire aux foedera

Une lecture rapide de l’Annexe 1 montre l’ancienneté et la persistance du recours au

foedus comme instrument formel de définition des obligations militaires entre alliés. On

considère traditionnellement que les Romains y ont systématiquement recours lors de la conquête de l’Italie, avant d’opter pour d’autres instruments moins contraignants lorsqu’ils se lancent dans l’expansion ultra-marine, c’est-à-dire dès la conquête de la Sicile au milieu du IIIe siècle av. J.-C. Son utilisation obéirait à une logique à la fois chronologique et géographique, les Romains s’associant étroitement leurs alliés italiens afin de se constituer un réservoir de soldats pour leurs conquêtes ultérieures, tandis qu’ils privilégieraient des formules de portée plus limitée avec leurs partenaires non-italiens301. Cependant, J. W. RICH, reprenant une hypothèse ancienne de NIEBUHR, a récemment proposé de faire remonter cette coupure plus haut dans le temps, en essayant de démontrer que dès les débuts de la conquête de l’Italie, les Romains ont fait le choix d’accorder ou non un foedus aux cités et peuples dont la plupart sont venus en leur pouvoir après deditio : le statut de bon nombre d’entre eux, pour lesquels un foedus ultérieur n’est pas attesté, reposerait alors essentiellement sur la restauration consécutive à la deditio302.

Cette hypothèse, si elle présente l’intérêt de corriger l’idée d’une coupure trop rigide entre les réalités juridiques et diplomatiques de l’Italia sous hégémonie romaine et celles du monde ultra-marin, repose en fait sur un simple constat documentaire : la faible proportion de

foedera attestés eu égard au grand nombre de cités et de peuples liés à Rome par une

alliance303. Un tel constat, cependant, pose un problème de méthode essentiel, tant nos connaissances sur ce sujet dépendent d’une stratification complexe des sources. Des foedera conclus par Rome sur les trois siècles qui occupent notre étude, nous n’avons en effet qu’un seul témoignage épigraphique de première main. Leur existence, et beaucoup plus rarement leur contenu, ne sont donc le plus souvent connus que par l’intermédiaire des historiens anciens. Il en résulte une première difficulté, proprement terminologique : ceux-ci ne désignent pas toujours l’accord avec le terme approprié, c’est-à-dire foedus, normalement

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Ce changement d’instruments diplomatiques a été analysé par exemple par E. BADIAN, op. cit., p. 33sq ; DAHLHEIM, op. cit., p. 158sq, ainsi que M. H. CRAWFORD, ‘Origini e sviluppi del sistema provinciale romano’, in G. CLEMENTE, F. COARELLI et E. GABBA dir., Storia di Roma, 2, L’Impero mediterraneo. 1, La Repubblica imperiale, Turin, 1990, pp. 91-121.

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Cf. J. W. RICH, ‘Treaties, allies and the Roman conquest of Italy’, in P. De SOUZA et J. FRANCE éd., War and Peace in Ancient and Medieval Europe, Cambridge, 2008, pp. 51-75 renvoyant à B. G. NIEBUHR, Römische Geschichte, Berlin, 1832, vol. III, pp. 611-614 et 726-727.

303 RICH, art. cit., p. 54 suivant les conclusions de A. AFZELIUS, Die römische Eroberung Italiens (340-265 v.

traduit par sunqh=kai en grec, de sorte qu’on reste parfois dans l’incertitude quant à sa nature exacte304. Encore s’agit-il là d’accord dont ces auteurs rapportent explicitement l’existence. Car il faut compter avec les nombreuses lacunes et imprécisions de la documentation annalistique et historique sur trois siècles de Conquête, en Italie puis dans différents espaces de Méditerranée. On peut certes raisonnablement considérer que, en matière de traités, le compte-rendu des historiens grecs et latins dépend en dernière instance des archives officielles de l’Urbs. Mais on imagine aisément que, entre la conclusion d’un foedus entre Rome et une communauté alliée, sa ratification effective, son archivage et son éventuelle ‘publication’ sur une table de bronze, et la connaissance que peut en avoir un auteur ancien, les occasions d’en perdre la trace sont multiples305.

Dans ces conditions, une fois qu’on a rappelé que nos connaissances ne reposent pas sur des archives diplomatiques mais sur le compte-rendu d’historiens qui ne s’intéressent que secondairement aux aspects juridiques de la diplomatie romaine, il vaut mieux abandonner toute idée d’un quelconque rapport de proportion foedera / total des accords conclus. En fait, à l’inverse de RICH, on peut bien davantage s’étonner de la fréquence des attestations du

foedus et y voir la confirmation de ce qu’il est le mode ‘normal’ de conclusion d’un accord

entre Rome et ses alliés. Ce qui frappe en effet, c’est l’ancienneté et la grande extension géographique du recours au foedus dans l’histoire de la Conquête. Le cas de l’Italie reste encore le mieux connu306. Dans le seul horizon du Latium d’abord, on sait que, dès le Ve siècle, Rome conclut des foedera avec la Ligue Latine (le foedus Cassianum), mais aussi avec des cités latines prises individuellement, avant d’en conclure à nouveau avec les cités restées

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Les termes latins et grecs ne sont certes pas strictement équivalents, mais on peut globalement considérer que foedus = sunqh=kai (pl. de sunqh/kh) au sens de ‘convention’, mais aussi parfois seulement o(/rkion (cf. H. J. MASON, Greek terms for Roman Institutions, Toronto, 1974, p. 72 et 90) - quoique les o(/rkoi renvoient plus précisément au serment qui le sanctionne c’est-à-dire le ius iurandum -, tandis que les spondai/ (pl. de spondh/) équivalent aux indutiae latines, cf. A. GIOVANNINI, Les relations entre les États dans la Grèce antique, du temps d’Homère à l’intervention romaine (ca. 700-200 av. J.-C.), Stuttgart, 2007, pp. 224-31 pour le lexique grec. On verra infra les autres termes moins précis qui peuvent être utilisés pour désigner un accord.

305 On a déjà évoqué supra le problème de la ratification (ou non) d’un foedus, mais sur le processus complexe de ‘publication’ qu’il suit une fois ratifié, voir dernièrement les réflexions de J.-L. FERRARY, ‘La gravure des documents publics de la Rome républicaine et ses motivations’ in R. HAENSCH éd., Selbstdarstellung und Kommunikation Die Veröffentlichung Staatlicher Urkunden auf Stein und Bronze in der Römischen Welt, Munich, 2009, pp. 59-74.

306 Sur le recours au foedus en Italie, depuis les travaux fondateurs de Th. MOMMSEN, Le Droit public romain, T. VI, 2, Paris, 1889, p. 269sq et K. J. BELOCH, Der Italische Bund unter Roms Hegemonie. Staatsrechtliche und statistische Forschungen, Rome, 1880, pp. 158-177 et 194-224, voir A. N. SHERWIN-WHITE, The Roman citizenship, Oxford, 1973², pp. 118-133 ; BADIAN, op. cit., pp. 25-32 ; A. J. TOYNBEE, Hannibal’s Legacy : the Hannibalic war’s effects on Roman life, vol. I, London-New York, 1965, pp. 258-266 ; DAHLHEIM, op. cit., pp. 117-125 ; V. ILARI, Gli Italici nelle strutture militari romane, Milan, 1974, pp. 25-56 et T. HANTOS, Das römische Bundesgenossensystem in Italien, Munich, 1983, pp. 150-181.

indépendantes après 338307. À ses frontières, elle en noue aussi avec d’autres peuples comme les Herniques ou encore les Èques308. Son utilisation est ensuite largement attestée avec les Campaniens, les Samnites, mais aussi les Apuliens et les Lucaniens, ainsi que les Ombriens et les Marses, Péligniens, Frentans, Vestins et Picentes, lors de la conquête de l’Italie309. Il est aussi l’instrument privilégié d’alliance avec les cités de Grande-Grèce, de Naples à Vélia, et de Rhegium à Tarente en passant par Locres310.

Il est vrai qu’il est un domaine dans lequel son existence est moins bien attestée. Dans le monde étrusco-ombrien, marqué par une forte fragmentation politique, la proportion entre le nombre de foedera attestés et le nombre de cités paraît certes fort basse311. C’est très net en Ombrie : seul le foedus de Camerinum y est bien attesté, tandis qu’on peut formuler raisonnablement l’hypothèse qu’Iguvium et peut-être Ocriculum en ont également un312. Quant à l'Étrurie, les sources n’ont gardé la trace d’un foedus que pour Faléries et Tarquinies313. Surtout, dans la mesure où la pratique des indutiae, parfois conclues pour des

307 Cf. Cic., Balbo, XXV, 53, Liv., II, 22, 5 et A 2, 1 (foedus Cassianum) et Liv., VII, 12, 7 et A 2, 5 (pour son renouvellement) ; Licinius Macer, fr. 14 Chassignet et A 1, 7 (foedus des Ardéates) ; Pol., VI, 14, 8 et A 1, 20 (o(/rkia pour Tibur et Préneste). La tradition a, du reste, gardé trace de l’existence de nombreux foedera bien après leur conclusion, mais sans qu’on sache si ceux-là comportaient initialement des dispositions spécifiquement militaires : pour Gabies (cf. SHUTERLAND, RIC, I, n° 363, 364 et 411), Tusculum et Lanuvium (Cic., Balb., XIII, 31) ainsi que Lavinium (cf. Liv., VIII, 11, 15).

308 Cf. Liv., II, 41, 1 et A 2, 2 (foedus Hernicum, sans doute renouvelé ultérieurement, cf. cas A 1, 12 et 32). Pour les Èques, D.H., IX, 59, 5 et X, 21, 8 parle de sunqh=kai, tandis que Liv., III, 1, 8 et 24, 10 se contente de parler allusivement d’une pax qu’il faut de toute façon entendre comme un foedus, cf. A 2, 3 et 4. On peut ajouter que Cic., Balb., XIII, 31 ajoute un mystérieux foedus des Volsques, dont on ne sait si on doit l’associer aux alliances attestées, cf. A 1, 22.

309 Cf. Liv., VII, 19, 4 et A 1, 13, Liv., VIII, 2, 1 et 4 et A 1, 18, Liv., Per., XI, 5 et A 1, 43 (foedus des Samnites renouvelé plusieurs fois) ; Liv., XXIII, 5, 9 et A 1, 17 (foedus des Campaniens), Cic., Balb., XI, 28 et A 1, 30 (foedus de Nuceria Alfaterna) ; Liv., VIII, 25, 3 et A 2, 7, Liv., IX, 20, 8 et A 1, 27 (foedera des Apuliens) ; Liv., VIII, 25, 3 et A 2, 8, Liv., X, 12, 2 et A 1, 37 (foedus des Lucaniens) ; Liv., IX, 45, 18 et A 1, 33 (foedus des Marses, Péligniens, Marrucins et Frentans), Liv., X, 3, 5 et A 1, 35 (renouvelé pour les Marses), Liv., X, 3, 1 et A 1, 34 (foedus des Vestins) et Liv., X, 10, 12 et A 1, 36 (foedus des Picentes).

310 Cf. Liv., VIII, 26, 6 et A 1, 25 (foedus de Naples) ; Liv., XXVI, 39, 5 et A 1, 42 et 45 (foedus de Velia et Rhegium) ; Pol., XII, 5, 1-3, Liv., XXXVI, 42, 1-2 et A 1, 50 (foedus de Locres, dont on ignore cependant s’il existait dès avant 204, cf. A 1, 96) et Liv., XXXV, 16, 3 et A 1, 52 (foedus de Tarente au sujet duquel on pourrait faire la même remarque que dans le cas de Locres précédemment évoqué à propos de A 1, 88, mais la pax de Liv., Per., XV, 1 peut très certainement être entendue comme un foedus contrairement à ce que pense RICH, art. cit., p. 72). L’‘Uria’ du manuscrit de Liv., XLII, 48, 7 reste d’identification incertaine, bien qu’on songe volontiers à Thurii qui se trouverait alors aussi en possession d’un foedus (cf. A 1, 44). Ajoutons qu’Héraclée est également dotée d’un foedus, bien qu’on ignore s’il comporte des dispositions militaires, cf. Cic., Balbo, XXII, 50.

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RICH, art. cit., reprenant les conclusions de AFZELIUS, propose d’identifer entre 25 et 44 cités en Ombrie, et 16 en Étrurie.

312 Cf. CIL, XI, 5631 et A 2, 9 (foedus des Camertes), et Cic., Balb., XX, 46-47 et A 1, 38 (foedus d’Iguvium). Le cas d’Ocriculum (A 1, 31) est souvent mobilisé pour prouver l’existence de relation informelle d’amicitia sans foedus, mais il nous semble que la notice de Liv., IX, 41, 20 (Ocriculani sponsione in amicitiam accepti) peut très bien dériver d’un compte-rendu de la campagne de Fabius qui se contente de mentionner sa promesse sans évoquer la ratification ultérieure d’un foedus.

313 Cf. Liv., VII, 38, 1 et A 1, 16 (foedus des Falisques), et AE, 1951, n° 191 et A 1, 46 (foedus des Tarquiniens). On sait que Capène, qui n’est cependant pas clairement attestée comme alliée militaire, dispose également d’un

durées très longues, y est bien mieux attestée, on a pu penser qu’elles constituaient un mode de relation spécifique et exclusif des foedera314. Il faut cependant rappeler que, outre que l’on ne perçoit pas très bien comment des trêves à caractère temporaire (quoique de durée prévue parfois très longue) pourraient organiser une collaboration militaire future, et qu’on ignore largement comment l’information diplomatique est transmise par l’annalistique, le ‘trou livien’ des années 292-264 nous laisse dans une grande incertitude quant aux conditions de la soumission finale des cités étrusques et ombriennes315. Aussi peut-on tout aussi bien considérer que les exemples de Camerinum et de Tarquinies prouvent au moins que le recours au foedus est possible dans le secteur, et suivre la démonstration de W. V. HARRIS pour lequel, dans la mesure où nous ne connaissons pas d’autre mode de formalisation de l’alliance que le foedus en Italie, il faut postuler que les Romains en usent aussi dans leurs relations avec ces peuples316. Le même argument vaut pour les peuples italiens et les cités grecques définitivement soumis dans les années 270, car, si RICH estime que les Romains finissent par renoncer au foedus dans la mesure où il est constamment violé par leurs partenaires, on peut tout aussi bien considérer que celui-ci se révèle un instrument suffisamment souple pour régler leurs relations avec des États progressivement diminués317.

Au-delà des frontières de la péninsule et dès avant l’expansion ultra-marine, les Romains ont déjà eu recours aux foedera pour nouer des alliances militaires avec des États parfois lointains, comme Massalia et plus encore Carthage dès le IVe siècle318. C’est donc en

foedus, cf. CIL, XI, 3873, 3876a, 3932, 3936 et G. MANCINI, NSA, pp. 18sq, n° 1-3 et 5-6 (voir aussi Liv., V, 24, 3).

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Voir par exemple le raisonnement de SHERWIN-WHITE, op. cit., pp. 123-125 qui explique cette spécificité par un supposé sentiment d’étrangeté ethnique à l’endroit des Étrusques. On trouvera une liste complète des indutiae attestées chez TAÜBLER, op. cit., p. 31 n. 1.

315 Cf. ZIEGLER, art. cit., pp. 97-98 pour une définition prudente des indutiae comme instrument de la pax, M. HUMBERT, ‘L’incorporation de Caere dans la civitas Romana’, MEFRA, LXXXIV, 1972, p. 258-266, e. p. n. 2 p. 259, affirmant plus nettement l’impossibilité de fonder une relation d’alliance sur un tel accord ‘temporaire’. De toute façon, si, pour la période antérieure à 294, Tite-Live rapporte la conclusion d’indutiae en laissant entendre à chaque fois qu’elle résulte du refus romain du foedus demandé par les Étrusques, pour les dernières indutiae accordées, comme celles de 294 pour Perusium et Arretium par exemple (Liv., X, 37, 5, cf. A 1, 40 et 41), rien ne permet de dire qu’elles ne constituent pas une étape préalable à la discussion d’un foedus conclu ultérieurement. Le ‘trou livien’ nous laisse de fait dans l’ignorance des arrangements qui peuvent intervenir dans les années 280-270.

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On peut donc postuler un foedus pour Rusellae, cf. A 1, 39, sans compter le cas de Volsinies, pour laquelle c’est peut-être un tel traité qu’il faut voir derrière la formule e)/nspondoi de D.C., fr. 7, 14, cf. W.V. HARRIS, ‘Roman Foedera in Etruria’, Historia, XIV, 1965, pp. 282-92 et Rome in Etruria and Umbria, Oxford, 1971, p. 85sq.

317 Voir supra le cas des Samnites, des Lucaniens, ou même des Tarentins. Quant aux Picentes, rien n’empêche de considérer que les cités qui sont restées fidèles en 268 gardent le foedus de 299. Le cas des Bruttiens (cf. A 1, 51) des Sassinates (A 1, 54) ou des Sallentins (A 1, 55) est cependant moins clair, mais l’analogie reste la méthode la moins risquée à nos yeux.

318 Cf. Just., XLIII, 5, 8 et A 1, 10 (foedus des Massaliotes) ; Liv., VII, 27, 2 et A 2, 6 (foedus des Carthaginois en 348) et Pol., III, 26, 1 et A 2, 10 (foedus de la guerre pyrrhique), et voir en général B. SCARDIGLI, I trattati romano-cartaginesi, Pise, 1991 pour les traités avec Carthage.

toute logique qu’ils continuent à en user à chaque fois qu’ils se lancent dans la conquête d’un nouvel espace de Méditerranée au IIIe siècle. En Sicile, d’abord, ils nouent un traité d’alliance avec Messine, puis la Syracuse de Hiéron II, avant de préférer vraisemblablement d’autres associations moins ‘formelles’ – quoique nos connaissances à ce sujet soient singulièrement limitées comme on le verra plus loin. Encore faut-il signaler qu’ils peuvent y recourir ultérieurement avec les cités de moindre importance issues du démantèlement de l’empire syracusain comme Tauromenium et Netum319. La formule fédérale paraît encore plus largement privilégiée dans le Nord gaulois, cisalpin puis transalpin, où des foedera sont attestés avec les Cénomans320. En Afrique aussi, où les royaumes numides, sans compter Carthage, sont aussi associés à Rome par un traité d’alliance321. Elle est également nettement perceptible dans la péninsule ibérique. L’intervention romaine y est en effet marquée par la conclusion probable d’un traité d’alliance avec Sagonte, puis, à l’occasion de la seconde guerre punique, avec Tarraco ou les Ilergètes, même si les Cornelii paraissent privilégier les formules plus souples de l’amicitia avec d’autres princes ibériques. Et Gadès dispose peut- être d’un foedus dès la fin du conflit322. Elle est enfin attestée en Orient, quoique de manière apparemment marginale, avec la conclusion du traité des Étoliens323.

La formule du foedus, d’abord largement répandue dans la péninsule italienne, reste donc une option importante dans la longue conquête de la Méditerranée. Il nous semble d’ailleurs que, sur ce point, le dossier toujours plus consistant des foedera épigraphiques conclus avec de multiples États en Orient, aux IIe puis Ier siècles avant J.-C., renforce l’hypothèse d’un usage prolongé de l’instrument fédéral. D’autant d’ailleurs que, comme l’a montré J.-L. FERRARY à propos de ces derniers, à travers la définition de clauses plus ou

319 Cf. Cic., II Verr., III, 13sq et A 2, 11 (foedus de Messine) ; Pol., I, 16, 9 et A 2, 12 puis Liv., XXIV, 23, 11sq et A 2, 14 (foedus de Syracuse renouvelé) ; Cic., II Verr., V, 56sq et A 1, 84 (foedus de Netum), ainsi que Cic., II Verr., V, 50 pour le cas de Tauromenion, cependant exemptée de service naval à partir de l’époque de Marcellus (voir toutefois A 1, 57 et la n. correspondante) ; cf. DAHLHEIM, op. cit., pp. 127-136 et A. PINZONE, ‘I socii navales siciliani’, in M. C. CALTABIANO, L. CAMPAGNA et A. PINZONE éd., Nuove prospettive della ricerca sulla Sicilia del III sec. a. C. : archeologia, numismatica, storia, Messine, 2004, pp. 11-34, e. p. p. 25.

320 Cf. Cic., Balbo, XIV, 32 et A 1, 71 pour les Cénomans. On est fortement tenté de penser que les Vénètes disposent aussi d’un foedus, cf. A 1, 70. Voir, entre autres, G. LURASCHI, Foedus ius Latii civitas. Aspetti constituzionali della romanizzazione in Transpadana, Padoue, 1979, p. 25sq.

321 Cf. Liv., XXIV, 48, 10sq et A 2, 14 (foedus de Syphax) ; Sil. It., XVI, v. 168 et A 2, 17 (foedus de Massinissa). Cf. M. R. CIMMA, Reges socii et amici populi romani, Milan, 1976, p. 41sq et Ch. HAMDOUNE, Les auxilia externa africains des armées romaines, IIIe siècle av. J.-C. – IVe siècle ap. J.-C., Montpellier, 1999, p. 11. Pour le foedus de Carthage, cf. Liv., XXX, 43, 10sq et A 2, 20.

322 Pour le foedus des Sagontins, dont on discute âprement qu’il ait été conclu dès avant la Guerre, cf. Corn. Nep., Hann., 3, 2 et Saint-Augustin, Civ. Dei, III, 20 et A 1, 73 avec les nn. correspondantes. Les autres traités sont mieux attestés, comme celui de Tarraco, cf. Pline, H.N., III, 3, 24 et A 1, 78 ; celui des Ilergètes, cf. Pol., X, 38, 4-5 et A 2, 16 et celui de Gadès, cf. Cic., Balbo, XV, 34 et A 2, 19. Pour la politique des foedera en Espagne, cf. R. C. KNAPP, Aspects of the Roman experience in Iberia 206-100 B. C., Valladolid, 1977, p. 38sq.