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CHAPITRE II : LE MODÈLE DU FOEDUS SOCIALE

6. Les clauses du foedus sociale et le champ de l’alliance

Le défaut d’une documentation primaire, constaté en introduction de ce chapitre, devient particulièrement criant quand on entreprend l’étude des clauses des traités d’alliance conclus en Italie et en Méditerranée, au cours des trois premiers siècles de l’histoire de la République. Dans l’Annexe 2, nous avons rassemblé toutes les alliances dont une partie des clauses est rapportée, de manière directe ou seulement allusive, par les sources épigraphiques et littéraires365. Sur les vingt traités recensés, on ne dispose d’un témoignage absolument sûr quant à leurs clauses que pour sept d’entre eux, et celui-ci ne porte sur les clauses d’alliance proprement dites que pour seulement cinq traités. Il s’agit d’abord du foedus Cassianum de 493, transmis par Denys d’Halicarnasse d’après un texte gravé sur une colonne et encore visible au Ier siècle avant notre ère, et probablement de son double avec les Herniques en 486, le premier étant souvent considéré comme le modèle probable de traités conclus ultérieurement en Italie366. On connaît aussi les textes du deuxième traité romano- carthaginois, en 348, et surtout du quatrième, conclu vers 279/278, tous deux restitués par Polybe d’après les tables de bronze du trésor des édiles qu’il a pu consulter367. On peut enfin y ajouter le fameux traité des Étoliens de 212 / 211, connu à la fois par la citation de Tite-Live et l’inscription fragmentaire de Tyrrhéion368. Quant aux deux derniers traités, leur utilisation paraît délicate. Dans le traité de Zama (201), l’établissement de la clause d’alliance, connue seulement dans le texte de la proposition faite aux Carthaginois, reste assez précaire369. Quant au foedus Gaditanum (mais on ne sait pas s’il s’agit du texte du traité conclu en 78, ou d’un accord précédent), il fait l’objet de citations fragmentaires de la part de Cicéron, mais il n’est même par sûr qu’elles revêtent vraiment un intérêt pour notre sujet370. Quant aux autres, on est contraint de déduire leurs clauses à partir du commentaire que les auteurs ajoutent à la mention du foedus, sur la base du rapprochement avec les clauses mieux attestées des premiers371.

365 Pour les critères exacts retenus pour opérer cette sélection, voir nos indications dans l’introduction à l’Annexe 2.

366 Pour le foedus Cassianum, cf. A 2, 1; son ‘double’ hernique cf. A 2, 2. 367

Pour le deuxième traité romano-carthaginois, cf. A 2, 6 ; le traité de la guerre pyrrhique, cf. A 2, 10 (la

numérotation des traités romano-puniques, elle-même problématique, est explicitée dans cette dernière notice). 368 Cf. A 2, 15.

369 Voir nos considérations dans la notice A 2, 20. 370

Pour le foedus Gaditanum, cf. A 2, 19. C’est encore plus vrai pour le traité des Cénomans, également connu grâce à Cicéron, et c’est pourquoi nous ne lui avons pas consacré de notice dans l’Annexe 2, cf. A 1, 71 (la clause d’exception à l’attribution de la ciuitas Romana n’ayant pas de rapport direct avec le thème de l’alliance, sans compter qu’il n’est pas assuré qu’elle soit insérée dans la version de 225).

371

À la vérité, la crédibilité du témoignage des auteurs anciens au sujet des cinq traités les mieux attestés repose elle-même sur leur rapprochement avec des dossiers mieux établis. On pense d’abord à celui des traités épigraphiques conclus par la République romaine en Orient, au IIe et au Ier siècles avant J.-C. : n’ayant cessé de s’enrichir au gré des découvertes épigraphiques et des travaux des historiens au XXe siècle, il fournit un point de comparaison indispensable pour l’étude des foedera d’alliance militaire conclus antérieurement372. Il faut y ajouter la connaissance que nous avons des accords du même type conclus par d’autres États que Rome, par exemple dans le monde grec occidental depuis l’époque archaïque, et qui permet cette fois de poser les jalons d’une comparaison pour les pratiques de la République conquérante en Italie et en Méditerranée, avant la conquête de l’Orient au IIe siècle373. Ces deux éléments de comparaison ne permettent pas de définir un modèle unique, valable pour toute l’oikouménè grecque depuis le Ve siècle avant J.-C., dont l’ensemble des acteurs s’inspireraient pour produire leurs traités particuliers, et dans lequel il faudrait donc tenter d’insérer le ‘modèle’ romain – de toute façon connu surtout à l’époque de l’hégémonie romaine. Ils aident cependant à délimiter un champ : celui des relations ‘internationales’ susceptibles d’être définies par un système de clauses écrites, dont le jeu des associations, toujours ouvert, dessine une variété de traités.

Il y a presque un siècle, TAÜBLER s’est justement essayé à cet exercice typologique en distinguant deux types principaux de traités : le ‘traité d’alliance et d’amitié’ et le ‘traité de clientèle’. On a largement discuté, depuis, non seulement la qualification et le contenu du deuxième, mais le principe même d’une classification fermée et étanche374. Il convient d’abord d’ajouter à cette typologie les traités ultra-marins qui organisent une alliance souvent décrite, à tort ou à raison, comme ‘offensive’, dans la mesure où ils débouchent parfois sur

372 À l’exception du traité des Étoliens de 212 / 211 (A 1, 15), inséré dans les StV, l’ensemble de ces traités n’a pas été rassemblé dans une collection de consultation commode : on attend sa publication par M. R. ERRINGTON, chargé de la poursuite du projet de H. BENGSTON et H. H. SCHMITT. Ils ont cependant fait l’objet d’études de détail de grande valeur, en particulier dans le cadre des activités du programme de recherche animé par J.-L. FERRARY et A. AVRAM sur ‘Les traités entre Rome et les communautés hellénistiques (IIIe s. av. – Ier s. ap. J.-C.)’. On fera surtout usage des traités les plus proches de la période étudiée (c’est-à-dire jusqu’à la première décennie du Ier s. av. J.-C.) : leurs références seront indiquées infra.

373 On en touvera une liste non exhaustive dans les précieuses collections de BENGSTON, StV, II, et SCHMITT,

StV, III. Par précaution de méthode, nous utiliserons surtout, dans la suite de nos analyses, des accords conclus dans le champ occidental et seulement par des acteurs ‘occidentaux’ (essentiellement Carthage et les cités grecques de Sicile et de Grande Grèce), sans ignorer pour autant que les codes et les pratiques diplomatiques circulent largement entre Orient et Occident, dès cette période (de fait, un grand nombre d’accords sont attestés, souvent de première main, entre Athènes et des cités d’Occident dès le Ve siècle, voir les cas recensés dans les collections indiquées ci-dessus).

374 Depuis les critiques de HEUSS, et sans entrer dans la discussion sur les foedera aequa et iniqua depuis SHERWIN-WHITE, citons simplement les efforts d’un BADIAN ou d’un LURASCHI pour tracer les lignes de la politique romaine en matière de traités et, plus récemment, les réflexions de D. W. BARONOWSKI, ‘Sub umbra foederis aequi’, Phoenix, XLIV, 1990, pp. 345-369 et FERRARY, ‘Traités et domination’ art. cit.

des alliances durables. Sans compter que les découvertes épigraphiques et le commentaire historique des traités ont permis, depuis, d’affiner la connaissance du détail des clauses fédérales, et de montrer la circulation possible de leurs formulations d’un type de traité à l’autre. Le premier modèle décrit par le savant allemand s’est pourtant vu largement confirmé par les découvertes épigraphiques depuis près d’un siècle, et sa large diffusion dans le monde méditerranéen comme sa grande continuité formelle incitent à commencer par son analyse375.

Le traité d’alliance défensive perpétuelle : le modèle du foedus Cassianum

Des traités attestés, le foedus Cassianum (et son double hernique) est celui qui correspond le plus au modèle dont TAÜBLER a proposé la reconstitution essentiellement à partir des traités romano-grecs épigraphiques des IIe et Ier s. av. J.-C., et qui définit une alliance défensive perpétuelle376. À la vérité, celle-ci correspond assez étroitement avec celle que définissent des traités d’alliance militaire contemporains du monde grec377. Aussi est-on porté à y voir un modèle ‘classique’, à la fois suffisamment structuré et souple pour pouvoir être adopté sur une longue période de temps, et dans des circonstances géopolitiques parfois très différentes378. Bon nombre d’historiens y ont d’ailleurs vu, pour cette raison, un traité- type qui, au-delà de sa simple extension au cas des Herniques en 486, a pu être largement utilisé par les Romains dans la conquête de l’Italie et parfois même de territoires ultra-marins, mais sans qu’ils n’y recourent pour autant de manière systématique379. Il faut donc en

375

Le traité des Lyciens, par exemple, tel que le restitue St. MITCHELL, ‘The Treaty between Rome and Lycia (MS 2070)’, in R. PINTAUDI éd., Papyri Graecae Schøyen, Florence, 2005, pp. 163-259, paraît conforme au modèle définit par TAÜBLER, op. cit., p. 47sq.

376 TAÜBLER, op. cit., p. 47sq, le schématise de la manière suivante : - Déclaration générale d’amitié

- Clause de neutralité - Clause d’alliance

- Clause de modification du traité

Il est vrai qu’il cantonne son analyse aux seuls traités, épigraphiques ou non, des IIe et Ier siècles, livrant, p. 276sq une analyse séparée du foedus Cassianum (cf. A 1, 1), dont il conteste d’ailleurs, pp. 282-284 et p. 317 l’authenticité de la clause de partage de butin. Plus récemment MITCHELL, art. cit., n’a cependant pas hésité à rapprocher ces traités.

377

Voir par exemple le traité conclu entre les Argiens, Mantinéens et Éléens et les Athéniens en 420, tel qu’il est rapporté par Thuc., V, 47 et confirmé par IG, I², 86.

378 Il s’agit bien sûr ici d’une continuité des formes, et non de leur signification politique : il est bien évident que la conclusion d’un traité formellement identique entre Rome et des communautés d’Italie centrale au Ve siècle, d’une part, et, d’autre part, des petites cités de l’Orient placée sous son hégémonie aux deux derniers siècles avant notre ère, n’a pas la même portée, comme l’a bien montré FERRARY, art. cit. Le fait, cependant, qu’on éprouve encore le besoin, dans une phase si avancée de la domination romaine en Méditerranée, de rédiger les foedera de cette manière, témoigne de la persistance des idéaux qui se rattachent au modèle ‘classique’, une telle alliance défensive exprimant par excellence l’indépendance et la parité des partenaires, même si c’est purement formel.

379 Voir, pour son extension à l’Italie, depuis les rapprochements de BELOCH, op. cit., p. 196sq entre le foedus

Cassianum et les traités romano-grecs plus tardifs (du moins ceux connus de son temps), BADIAN, op. cit., p. 25sq ; TOYNBEE, op. cit., vol. I, p. 262sq ; P. BRUNT, Italian Manpower (225 B.C. – A.D. 14), Oxford,

conduire l’analyse des clauses militaires, dans leur détail comme dans leur articulation, pour poser un premier jalon sûr dans la définition des traités d’alliance romains.

Si l’on excepte la clause ‘commerciale’ (sans parler de la clause finale de modification du traité, dont la fonction est purement ‘technique’), le foedus Cassianum définit avant tout, à travers ses quatre premières clauses et leur enchaînement logique, une alliance militaire défensive. La toute première revêt une forte valeur déclaratoire, qui ne prend d’ailleurs véritablement sens qu’au regard des leges qui suivent (D.H., VI, 95, 2) : « (Rwmai/oij kai_ tai=j Lati/nwn po/lesin a(pa/saij ei)rh/nh pro_j a)llh/louj e)/stw, me/xrij a)_n ou)rano/j te kai_ gh= th_n au)th_n sta/sin e)/xwsi».

Elle est en effet immédiatement suivie de la formule : « Kai_ mh/t’ au)toi_ polemei/twsan pro_j a)llh/louj… »380

.

Ces formules introductives imposent deux remarques. La première clause, d’abord, identifie les deux parties dans une formulation qui indique le caractère nettement bilatéral du traité, associant la cité de Rome d’un côté, et les cités latines de l’autre (ou plutôt de la Ligue Latine)381. En invoquant, selon une formule grecque classique, la protection d’Ouranos et de

382, elle proclame très solennellement une pax perpétuelle : celle-ci est immédiatement précisée par l’interdiction formelle de toute guerre entre les partenaires du traité bilatéral,

1971, p. 545 (qui propose, si on conteste l’authenticité du foedus Cassianum, de voir dans ce dernier une reconstruction des annalistes à partir des traités italiens) et HANTOS, op. cit., p. 150sq. TOYNBEE, avec SHERWIN-WHITE, op. cit., p. 121sq et ILARI, op. cit., p. 48, cependant, le restreignent à un nombre plus limité de traités italiens. Pour l’extension de ce modèle de foedus au-delà des frontières de l’Italie, cf. BADIAN, op. cit., p. 33sq et DAHLHEIM, op. cit., p. 158sq. Considérant qu’il faut éviter tout dogmatisme sur ces sujets, dans la mesure où les Romains eux-mêmes sont portés au plus grand pragmatisme, FERRARY, art. cit. a bien montré que le choix de tel ou tel type de traité doit toujours être mis en relation avec le contexte dans lequel il est conclu et les attentes des parties, en l’occurrence celles des Romains à partir du moment où leur hégémonie leur permet d’imposer leur décision.

380 « Qu’il y ait la paix entre les Romains et toutes les cités des Latins aussi longtemps que le ciel et la terre

resteront là où ils sont. Qu’ils ne fassent pas la guerre eux-mêmes aux autres… » cf. A 2, 1.

381 Cf. TAÜBLER, op. cit., p. 48 insiste sur cet aspect, malgré les nuances de l’ordre d’énumération des parties (voir les cas indiqués infra, dans lesquels les Romains sont aussi toujours en première position). Ce dernier peut en fait s’expliquer par la nature du texte beaucoup plus que par une quelconque préséance d’une des deux parties : nous avons le plus souvent affaire à la lettre ‘romaine’ d’un projet ou d’un texte qui n’est pas forcément le traité ‘final’ – les partenaires étant eux-mêmes tentés de se référer à cette version précisément parce que le fait d’avoir été formulée par l’autorité romaine lui confère comme un surcroît de légitimité.

382 Sur Ouranos et Gè, cf. O. De CAZANOVE, ‘Spurius Cassius, Cérès et Tellus’, REL, LXVII, 1989, pp. 93- 116, e. p. p. 113sq pour l’identification de Jupiter et Tellus derrière ces noms grecs : on a déjà vu l’importance du premier dans la sanction rituelle du foedus, tandis que la deuxième garantit la stabilité d’un accord, en particulier dans ses dimensions territoriales. Ajoutons que, d’après Varr., L.L., V, 57, les équivalents latins de Caelum et Terra sont Saturne et Ops, cette dernière étant, comme Jupiter, étroitement associée à Fides, cf. FREYBURGER, op. cit., p. 299sq. L’association des deux principes, récurrente dans le formulaire diplomatique grec (voir nn. infra pour les références), trouvera une formulation latine classique, à partir de l’époque augustéenne, dans la très œcuménique pax terra marique, voir par exemple les Res Gestae, XIII.

condition nécessaire à la définition ultérieure d’une collaboration militaire active383. On retrouve ces deux éléments dans la formule introductive des traités romano-grecs des IIe et Ier siècles : l’indication claire des deux parties, dans une position formellement paritaire, et l’affirmation de l’état de non-belligérance384. Cette dernière est d’ailleurs exprimée plus positivement par une déclaration de fili/a kai_ summaxi/a kata_ gh=n kai_ kata_ qa/lassan, bientôt précédée de la proclamation de l’ei)rh/nh, tandis que l’on éprouve toujours le besoin de rappeler consécutivement l’interdiction de la guerre385.

Le foedus Cassianum apporte d’ailleurs une précision immédiate à la définition de cet état de belligérance, avec la clause dite de neutralité. Il la lie même organiquement dans la formulation ramassée de Denys :

« Kai_ mh/t’ au)toi_ polemei/twsan pro_j a)llh/louj mh/t’ a)/lloqen pole/miouj e)page/twsan, mh/te toi=j e)pife/rousi po/lemon o(dou_j parexe/twsan a)sfalei=j, … »386.

De manière en effet très condensée, cette disposition indique l’interdiction réciproque de laisser libre passage, sur son territoire, aux armées ennemies du partenaire387. Si cette

383 Sur la pax, cf. ZIEGLER, art. cit., pp. 97-98 et P. KEHNE, ‘Pax’, DNP, IX, 2000, pp. 454-455. Pour le principe de la perpétuité, de règle dans le monde grec à partir du IVe s. (cf. GIOVANNINI, Les relations entre les États dans la Grèce antique, Stuttgart, 2007, pp. 245-6), voir nos remarques infra.

384

On peut citer le traité de Maronée, sans doute conclu vers 167 (SEG, XXXV, 823, ll. 7-12) : « (Rwmai/wn

kai_ to_n dh=mon to_n . [– – – – – – – – – – – – –] / Ai)ni/wn tou_j kekrime_nouj u(po_ Leuki/ou [– – –] / e)leuqe/rouj kai_ politeuome/nouj me [ t’ au) ]- / tw=n fili/a kai_ summaxi/a kalh_ e)/stw kai_ kata_ / gh=n kai_ kata_ qa/lassan ei)j to_n a(/panta xro/non: / po/lemoj de_ mh_ e)/stw: (voir également la formule

imagée du traité des Juifs de 161, d’après la citation des tablettes de bronze par 1 Macc., VIII, § 23). On peut également renvoyer au traité d’Astypalée en 105 (IG, XII, 3, 173b, ll. 26-29) ; celui de Thyrrhéion en 94 (IG, IX², 1, 242, l. 10, avec la restitution) ; celui des Rhodiens, conclu après 47 (App., B.C., IV, 66, 280) ; celui des Lyciens en 46 (Cf. MITCHELL, art. cit., ll. 6-9) ; et celui de Cnide en 45 (Inschr. Von Knidos, n. 33, ll. 10-11). Voir aussi la formule renvoyant au traité de Pergame conclu vers 129 en Syll.³, 694, l. 44.

385 On sait que la seule fili/a apparaissait déjà dans la clause introductive des traités romano-carthaginois, qui ne sont cependant pas des traités d’alliance défensive (cf. A 2, 6 et 10) : sur son équivalent latin d’amicitia, voir les travaux de BADIAN, op. cit., succintement repris dans ‘Amicitia’, DNP, I, 1996, coll. 590-591, mais aussi les points de vue différents de M. R. CIMMA, Reges socii et amici populi romani, Milan, 1976 ; GRUEN, art. cit., p. 54sq et P. J. BURTON, ‘Clientela or amicitia ? : modeling Roman international behavior in the middle Republic (264-146 B.C.)’, Klio, LXXXV, 2, 2005, pp. 333-369 et Friendship and Empire. Roman Diplomacy

and Imperialism in the Middle Republic (353-146 BC), Cambridge, 2011. L’ei)rh/nh quant à elle, n’apparaît pas

dans le traité épigraphique romano-grec le plus ancien, celui de Maronée (voir cependant la formule imagée du traité contemporain des Juifs, en 161, d’après la citation des tablettes de bronze par 1 Macc., VIII, § 23 : « Kalw=j ge/noito (Rwmai/oij kai_ tw|= e)/qnei )Ioudai/wn e)n th|= qala/ssh| kai_ e)pi_ th=j chra=j ei_j to_n ai)w=na, kai_ r(omfai/a kai_ e)xqro_j makrunqei/h a)p’ au)tw=n »), mais seulement à partir de celui

d’Astypalée, dans la formule stéréotypée : « ei)rh/nh kai_ fili/a kai_ summaxi/a kata_ gh=n kai_ kata_

qa/lassan ei)j to_n a)/panta xro/non » (voir aussi ceux de Thyrrhéion, des Rhodiens, des Lyciens et de Cnide

cités dans la n. précedente). Le foedus Gaditanum, sans que l’on sache si sa formulation est antérieure au Ier siècle av. J.-C. et si elle s’insère dans un traité d’alliance défensive du même type (cf. A 2, 19), en propose un équivalent latin : PIA ET AETERNA PAX.

386 « Qu’ils ne se fassent pas la guerre les uns aux autres, qu’ils ne laissent pas entrer des ennemis étrangers, et

qu’ils n’accordent pas non plus un libre passage à ceux qui leur feront la guerre ».

387 R WERNER, Der Beginn der römischen Republik, 1963, p. 447, suivi par R. HIRATA, ‘Die sogenannten Neutralitätsbestimmung im Foedus Cassianum’, in Y. TORU et D. MASAOKI éd., Forms of Control and

clause paraît impliquer nécessairement un voisinage immédiat des parties, et ne semble a

priori pouvoir s’appliquer que si elles s’inscrivent dans un même continuum terrestre, elle est

pourtant appelée à une grande fortune au-delà même des frontières de l’Italie : tous les traités d’alliance militaire d’Orient, aux IIe et Ier siècles, la contiennent388. Leur témoignage est d’ailleurs particulièrement précieux pour retracer son évolution et, dans une certaine mesure, éclairer a posteriori le sens qu’elle pouvait déjà revêtir dans le contexte italien. Obéissant à une formulation parfaitement codifiée, elle suit toujours immédiatement la clause introductive qu’elle vient préciser, mais en détaillant cette fois l’interdiction pour l’un puis l’autre partenaire, en une sorte de double déclaration de neutralité qui marque formellement la réciprocité de l’engagement et souligne la volonté des deux parties de le respecter sine dolo

malo389. Elle ajoute également deux éléments nouveaux. Elle associe d’abord à la déclaration, les alliés puis les sujets respectifs des deux parties390 : cela obéit à la fois la prétention des Romains de s’ériger en protecteurs de l’ensemble de leurs partenaires, manifeste dans les

Subordination in Antiquity, Tokyo, 1988, pp. 96-104 a voulu introduire une distinction entre mh/t’ a)/lloqen

pole/miouj e)page/twsan et mh/te toi=j e)pife/rousi po/lemon o(dou_j parexe/twsan a)sfalei=j, la

première disposition se limitant au simple accueil par l’une des deux parties de troupes ennemies de passage par son territoire (sans qu’elles fassent route vers le territoire de l’autre partie), tandis que la deuxième indiquerait l’accueil de ses troupes effectivement en marche contre l’autre partie. La plupart des commentateurs (cf. A 1, 1 pour la bibliographie) s’en tient cependant à une lecture plus ‘unitaire’ de la clause, toute présence des armées