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CHAP I : LES CONDITIONS POLITIQUES DE L’ALLIANCE MILITAIRE

2. Le contrôle de la cité sur la diplomatie militaire

Ce modèle implique cependant toujours une reconnaissance mutuelle des parties qui manifeste au plus haut point leur existence en tant que communautés politiques, que ce soient des cités, des peuples ou des royaumes. Et cela se vérifie d’abord pour les Romains eux- mêmes, car les sources nous livrent de précieuses informations sur la manière dont sont mobilisés responsables et institutions dans la décision qui préside à la conclusion d’une alliance. Ce qui se joue à travers la mise en scène de ces mécanismes en effet, c’est bien la manière dont ils se définissent eux-mêmes comme une collectivité maîtresse de sa diplomatie. Il faut donc en préciser les acteurs instutionnels et les procédures particulières avant d’analyser l’échange qu’il organise. Pour la période médio-républicaine, nous disposons d’une indication particulièrement précieuse de Polybe sur le sujet, dans le fameux développement du Livre VI des Histoires qu’il consacre à la constitution romaine. Lorsqu’il précise le rôle du peuple, celui-ci signale en effet (Pol., VI, 14, 11) :

« Kai_ mh_n peri_ summaxi/aj kai_ dialu/sewj kai_ sunqhkw=n, ou[to_j e)stin o( bebaiw=n e(/kasta tou/twn kai_ ku/ria poiw=n h)_ tou)nanti/on » 150

.

La précision institutionnelle semble renforcer l’idée d’un peuple ‘souverain’ en matière de politique étrangère, à côté de sa compétence législative et de son rôle central dans la décision de la guerre et de la paix151. Mais son utilisation ne va pas sans difficulté lorsqu’on veut reconstituer le fonctionnement réel des institutions romaines dans l’ensemble du processus qui préside à la formation des summaxi/ai

,

et préciser par exemple si le peuple agit bien dans le cadre des comices tributes à cette occasion152. L’analyse se complique d’autant quand on considère l’ensemble de la période républicaine : le Sénat et les magistrats semblent en effet jouer un rôle beaucoup plus central, et, en fin de compte, ‘souverain’, que ne le laisse penser Polybe. En ce sens, seule l’étude systématique et diachronique des cas d’alliances est susceptible de nous éclairer sur la répartition effective des compétences en la matière.

La politique des gentes et le Sénat pendant la République archaïque (Ve – mi-IVe s. av. J.-C.)

Dès les premiers temps de la République en effet, alors qu’elles ne mentionnent jamais le rôle du peuple dans la conclusion des alliances militaires153, les sources s’attachent à donner l’image d’un Sénat véritable concepteur et décideur de la diplomatie militaire romaine. Les magistrats dotés de l’imperium ne semblent qu’assumer la tâche pratique de la conduire sur le terrain, référant régulièrement au Sénat pour lui laisser le véritable pouvoir décisionnel.

150 « De plus, pour les alliances, la fin des hostilités, les traités, c’est lui qui confirme et ratifie ou non chaque

décision » (Trad. de R. WEIL, POLYBE, Histoires, Tome VI, Livre VI, Paris, 1977). Pol., VI, 15, 9, lorsqu’il détaille le pouvoir du peuple sur la politique des consuls, se répète d’ailleurs : « o( ga_r ta_j dialu/seij kai_

sunqh/kaj a)ku/rouj kai_ kuri/aj poiw=n, w(j e)pa/nw proei=pon, ou[to_j e)stin ». À une nuance près

cependant, puisque les summaxi/ai ont disparu, sans que l’on arrive clairement à déterminer si cette ‘omission’

est vraiment signifiante. En tout cas, il n’est question de summaxi/ai ni dans l’exposé des compétences des

consuls (Pol., VI, 12, qui précise pourtant, § 2, leur rôle dans l’introduction des ambassadeurs au Sénat, et, § 6, leur pouvoir de commandement sur les alliés), ni dans celui relatif au Sénat (Pol., VI, 13, qui précise pourtant son rôle diplomatique § 5-7). Si cette absence peu significative dans la mesure où cette compétence n’est pas classiquement retenue comme essentielle, il peut cependant paraître révélateur que la mention d’une dipomatie militaire n’intervienne que lorsqu’il est question du peuple, voir infra. Pour le commentaire de ces passages bien connus de Polybe, Cf. WALBANK, op. cit., ad loc. qui ne consacre cependant aucun développement spécifique à cette compétence des comices, ni au problème du rapport entre Pol., VI, 14, 11 et 15, 9.

151 Voir, dans cette perspective, la présentation classique de Th. MOMMSEN, Le Droit Public Romain, T. VI, 1, trad. de P. F. GIRARD, Paris, 1889 (réimp. De Boccard, 1985), pp. 389-395 ; ou plus récemment Cl. NICOLET, op. cit., p. 339sq.

152 Depuis MOMMSEN, op. cit., pp. 392-393, on considère que, aux deux derniers siècles de la République, ce sont les comites tributes qui ratifient les traités, alors que les comices centuriates votent la déclaration de guerre. L’incertitude demeure cependant assez grande quant à la répartition exacte des tâches avant la réforme des comices de la deuxième moitié du IIIe s., voir infra le cas de l’alliance avec les Mamertins en 264.

153 Pour la période immédiatement antérieure à notre étude, il faut cependant signaler le cas du foedus conclu avec Porsenna, car D.H., V, 32, 2sq indique nettement le rôle du peuple dans sa négociation, tandis que Pline, H.N., XXXIV, 139 précise : « In foedere, quod… populo Romano dedit Porsina ».

Celui-ci peut prendre l’initiative d’envoyer des délégations pour conclure des alliances militaires, comme c’est le cas dès 498, lorsqu’il dépêche auprès de Herniques, des Rutules, des Volsques et des Étrusques pour contrer l’offensive dipomatique des Latins à la veille de la guerre latine, quoique sans succès154. Le plus souvent cependant, il est représenté en tant que récepteur des demandes, l’autorité à laquelle il faut toujours s’adresser en dernière instance, éventuellement par l’intermédiaire des consuls. Dès le renouvellement du foedus avec les Latins en 496, après leur défaite du Lac Régille, on en a l’illustration : les ambassadeurs latins viennent offrir leur deditio devant le Sénat, qui décide finalement de leur restituer leur traité d’alliance du temps de Tarquin. Il est encore leur interlocuteur naturel lorsqu’ils négocient le

foedus Cassianum, entre 495 et 493155. De manière significative, la demande auprès du Sénat peut aussi procéder d’un renvoi du magistrat auquel les ambassadeurs s’étaient initialement adressés : c’est le cas pour les Herniques, que leur vainqueur Sp. Cassius renvoie devant le Sénat en 486, ou encore pour les Èques, renvoyés auprès de ce dernier par le consul Q. Fabius Vibulanus en 467156. La démarche des magistrats ne fait alors que confirmer l’autorité suprême du Sénat en matière de traités et d’alliances.

Si on y regarde de plus près cependant, et sans que cela ne contredise a priori cette compétence ultime, la répartition des tâches obéit à un schéma un peu plus complexe, laissant en fait une assez grande marge de manœuvre aux magistrats, c’est-à-dire le plus souvent les consuls. En 496 déjà, le récit dionysien montre les ambassadeurs latins adresser leurs supplications au dictateur L. Postumius Albus, leur vainqueur et intermédiaire manifeste auprès du Sénat : c’est lui en effet qui leur donne lecture de ses résolutions après le débat et l’adoption de la proposition modérée de T. Larcius qui permet le renouvellement du traité157. Symétriquement, la négociation du foedus que la postérité a justement retenu sous le nom de

Cassianum, passe par les étapes suivantes : en 495 puis 494, deux ambassades latines sont

reçues par le Sénat, qui décide finalement de renvoyer la conclusion du foedus aux consuls de l’année suivante. C’est en fait Sp. Cassius, l’un des deux consuls de 493 qui semble assumer

154

Cf. D.H., V, 62, 1-3.

155 Cf. D.H., VI, 18, 1 et A 1, 1 ; Liv., II, 22, 5 et D.H., VI, 25, 4 et A 1, 2. Il l’est de même, dans des conditions très différentes et finalement assez obscures, pour les Ardéates en 444, cf. Liv., IV, 7, 4 ; D.H., XI, 62, 4 et A 1, 7.

156 Cf. D.H., VIII, 68, 4 : « u(phresthsa/ntwn d’ au)toi=j a(/panta tw=n (Erni/kwn dia_ ta/xouj kai_ meta_

proqumi/aj, kai_ tou_j peri_ th=j fili/aj dialecome/nouj a)posteila/ntwn au]qij, e)paine/saj au)tou_j o( Ka/ssioj a)ne/pemyen e)pi_ th_n boulh/n » et A 1, 3. Les Èques, qui voient leur ambassade renvoyée par Q.

Fabius Vibulanus au Sénat en 467 (D.H., IX, 59, 4 et A 1, 5), s’adressent à ce dernier lorsqu’il s’agit de rétablir le traité après une nouvelle guerre en 459 (D.H., X, 21, 8 et A 1, 6).

157 Cf. D.H., VI, 21, 1sq et A 1, 1. Les Latins avaient déjà adressé personnellement leurs supplications à Postumius (D.H., VI, 18, 3).

seul cette tâche158. De fait, et de manière peu suprenante, le Sénat, ayant accordé l’amicitia aux Herniques, confie expressément la rédaction du foedus au même Sp. Cassius en 486, en lui laissant manifestement une très grande latitude dans la formulation de ses termes159. Il agit enfin de même avec les Èques en 467, dont l’élaboration du traité est confiée à Q. Fabius Vibulanus (mais pas en 459), tandis que ce sont les consuls de 444, L. Papirius Mugillanus et L. Sempronius Atratinus qui ratifient le traité avec Ardée160. Dans le cas de l’accord conclu avec Antium, finalisé au terme de sa deditio auprès du consul T. Quinctius Capitolinus en 468, il n’est même pas vraiment question du Sénat, qui semble se contenter d’approuver les actes du général, maître d’œuvre manifestement unique de l’acord et de l’alliance qui en résulte161.

Compte-tenu de l’incertitude assez grande dans laquelle nous demeurons du fonctionnement régulier des institutions républicaines au Ve s., et plus encore des relations exactes qu’elles entretiennent entre elles, l’interprétation de ces procédures paraît délicate. Une distribution déjà constitutionnellement établie des responsabilités dicte-t-elle le mécanisme des renvois : magistrats dotés de l’imperium → Sénat / Sénat → magistrats dotés de l’imperium ? Dans ce cas, le Sénat apparaît bien comme la principale autorité compétente, tandis que les magistrats se voient confier le rôle d’intermédiaires ainsi que la mission de mise en forme des accords. Cependant, l’hypothèse d’une res publica dont les institutions se mettent en place seulement très progressivement tout au long du Ve s., combinée à l’importance manifeste des grandes gentes aristocratiques dans la vie politique romaine archaïque, laisse deviner le scénario alternatif d’une diplomatie militaire nettement plus

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Pour l’ensemble du processus diplomatique, documenté par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, quoique de manière parfois un peu contradictoire, cf. A 1, 2. Liv., II, 22, 5 signale le renvoi de l’affaire par le Sénat aux consuls de 493, puis, en II, 33, 9, s’appuie manifestement sur le texte épigraphique du foedus lui-même pour préciser que c’est Sp. Cassius qui l’a conclu. Cette dernière annotation est particulièrement intéressante puisqu’elle révèle non seulement que l’on pouvait lire les noms des consuls de l’année en fonction sur le texte lui-même (ce qui est confirmé par l’épigraphie officielle ultérieure), mais aussi que le rôle respectif de chacun dans l’accord était précisé (voir également Cic., Pro Balbo, XXV, 53 qui signale l’identité des consuls Sp. Cassius et Postumius Cominus lorsqu’il se réfère au traité).

159 Cf. D.H., VIII, 68, 4 (qui fait immédiatement suite à l’extrait cité supra) : « toi=j d’ e)k tou= sunedri/ou

polla_ bouleusame/noij e)/doce de/xesqai me_n tou_j a)/ndraj ei)j fili/an, e)f’ oi[j de_ genh/sontai dikai/oij ai( pro_j au)tou_j sunqh=kai, Ka/ssion to_n u(/paton gnw=nai/ te kai_ katasth/sasqai, o(/ ti d’ a)_n e)kei/nw| do/ch|, tou=t’ ei]nai sfi/si ku/rion ». Cassius reprend d’ailleurs les termes même du traité de 493

dont il était déjà le rédacteur (D.H., VIII, 69, 2).

160 Voir les références citées supra. Pour le traité de 459, D.H., X, 21, 8 laisse penser que ce sont les consuls Q. Fabius Vibulanus et L. Cornelius Fabius qui en sont les seuls rédacteurs. Sur le rôle des consuls de 444, cf. D.H., XI, 62, 4. Il est possible que Denys tire cette information de Licinius Macer, fr. 14 Chassignet, qui a trouvé les noms dans le traité ainsi que dans les livres de toiles du temple de Junon Monéta.

161 De cet accord cependant, on ne connaît précisément que la deditio théoriquement préalable, et c’est au titre de cette dernière que le rôle de Quinctius est mis en exergue par D.H., IX, 58, 8 qui rapporte les félicitations particulières du Sénat (voir aussi le rappel de son rôle de récipiendaire à l’occasion du projet de colonisation de la cité volsque en D.H., IX, 59, 2, sur lequel on se reportera à la notice de l’Annexe 3).

contrôlée par les personnalités des grandes gentes qui dominent alors la vie politique romaine162. Les magistrats dotés de l’imperium, consuls et dictateurs, qui sont précisément les représentants des grandes gentes patriciennes dominantes, opèrent en fait comme les maîtres véritables de la diplomatie militaire, de même qu’ils sont les artisans de la politique de conquête et de colonisation163. Dans les cas de conclusion d’alliances qui nous intéressent, les Cassii, les Quinctii ou les Fabii sont donc peut-être les vrais décideurs, sinon les responsables au sens constitutionnel, et le rôle assigné au Sénat ainsi que le mécanisme des ‘navettes’ n’obéissent peut-être alors qu’au souci des sources de restituer les faits dans le schéma institutionnel classique qui leur est le plus familier, et dans lequel la Chambre Haute joue le rôle essentiel.

Si l’analyse vaut particulièrement pour le premier Ve siècle, la quasi absence d’accords militaires dans la deuxième moitié du siècle, d’ailleurs concomitante de l’instabilité politique qui voit le développement du tribunat militaire à pouvoir consulaire comme vecteur majoritaire de l’imperium, ne nous permet pas de préciser les mécanismes alors à l’œuvre. Le scénario qui se dessine à l’orée du IVe siècle, pourtant, semble encore laisser une grande place aux gentes et à leurs chefs. On sait qu’une fois les ambassadeurs clusiniens reçus au Sénat, celui-ci décide d’envoyer les trois Fabii auprès de la cité étrusque, mission diplomatique qui se transforme en fait en véritable opération de soutien militaire164. S’il est plus difficile d’établir les conditions de la conclusion des importants traités qui unissent alors Rome avec Massalia et Caeré, le rôle du Sénat se laisse encore deviner, en même temps que transparaît

162

Pour cette reconstitution sociale et politique de la période cf. T. J. CORNELL, ‘La guerra e lo stato in Roma arcaica (VII-V sec.)’, art. cit. ; C. AMPOLO, art. cit., e. p. p. 76, ainsi que les contributions indiquées infra de Crise et transformation des sociétés archaïques de l’Italie antique au Ve siècle av. J.-C., Paris, 1990. MOMMSEN insistait déjà sur la précarité de l’analyse constitutionnelle pour cette première période, et mettait en avant le rôle personnel des magistrats. Voir également, pour une approche classique, les remarques prudentes de A. DRUMMOND, ‘Rome in the fifth century II : the citizen community’, in CAH, VII, 2, 1989, pp. 172-242, e. p. pp. 186-190 sur le consulat.

163 Voir, pour cette interprétation, l’étude classique d’A. PIGANIOL, ‘Romains et Latins. I. La légende des Quinctii’, Mélanges d’Archéologie et d’Histoire, XXXVIII, 1920, pp. 285-316 sur le rôle des Quinctii, dont on mettra plus clairement en évidence le rôle infra chap. IV, mais aussi les contributions de F. COARELLI, ‘Roma, i Volsci e il Lazio antico’, dans Crise et transformation des sociétés archaïques, pp. 135-154, au sujet de la politique ‘volsque’ des Valerii, et de J.-Cl. RICHARD, ‘Les Fabii à la Crémère : grandeur et décadence de l’organisation gentilice’, dans le même recueil, pp. 245-262, pour le cas bien connu de la politique étrusque des Fabii. Nous n’avons pu consulter les contributions rassemblées dans F. GENNARO dir., Ricerche sulla organizzazione gentilizia romana, vol. I, Naples, 1984, et vol. II, 1988, et plus spécifiquement consacrées aux Mamilii et aux Veturii.

164

Cf. D.H., XIII, 12 (18) ; Liv., V, 35, 4sq ; Plut., Cam., XVII, 1sq ; Numa, XII, 6-7 et App., Gal., II ; D.C., VII, 25, 1-2 – Zon., VII, 23, 2 et A 1, 8 pour l’implication des Fabii. S. BOURDIN, ‘Les Gaulois à Chiusi’ art. cit., pp. 20-21 a donné récemment une interprétation très ‘gentilice’ de l’affaire, estimant que l’ambassade officiellement décidée par le Sénat était une invention de Fabius Pictor, qui réinterprétait là une démarche à l’origine purement ‘privée’.

alors la figure du grand chef militaire du temps : Camille165. De fait, le dux fatalis est, comme dictateur puis tribun militaire à pouvoir consulaire, l’acteur essentiel de la politique romaine en direction du monde étrusque et latin dans la décennie qui suit166.

Le Sénat, les magistrats et le peuple : la définition d’un équilibre institutionnel et la dynamique de la Conquête (mi-IVe s. – fin du IIIe siècle)

L’image d’une ferme direction sénatoriale et d’une distribution plus régulière des compétences, mais aussi peut-être des premières tensions que peut générer ce partage sans cesse mis à l’épreuve par la dynamique de la conquête, transparaît dans les sources pour la période suivante : celle de la conquête de l’Italie et de l’entrée dans le monde grec occidental. Elle doit sans doute refléter la réalité d’un équilibre institutionnel établi à la faveur de trois dynamiques convergentes, amorcées dès la première moitié du IVe siècle, celles de l’élaboration des principaux instruments institutionnels de la conquête, de la définition corrélative des règles de leur gestion par les institutions, et du renforcement du compromis particio-plébéien. Mais elle met aussi en scène les principales institutions dont il s’agit de souligner le rôle moteur dans le processus de l’expansion. Il est assez remarquable que le Sénat devienne alors l’interlocuteur quasi unique de la diplomatie militaire pendant la période centrale du IVe siècle, lorsque se jouent l’affirmation définitive de l’hégémonie romaine dans le Latium, la conquête de la Campanie et les premiers affrontements avec les Samnites. Récepteur probable de l’ambassade latine auquel il concède le renouvelement du foedus

Cassianum en 358167, il est l’interlocuteur obligé pour la conclusion des grandes alliances qui marquent les bouleversements géopolitiques de la période. On pense à celle qu’il conclut en

165 Les sources ne nous livrent pas le détail institutionnel de la conclusion de ces deux accords cf. A 1, 9 et 10. Cependant, on sait, d’une part que les Massaliotes obtiennent le privilège du locus spectaculorum in senatu en même temps que le foedus d’après Justin, XLIII, 5, 8 cité supra ; d’autre part que l’hospitium publicum qui accompagne peut-être la conclusion d’un foedus, est accordé à Caeré ex S-C., l’auteur du texte étant précisément le dictateur M. Furius Camillus d’après Liv., V, 50, 1sq.

166 On peut prendre l’exemple de son action à Sutrium, cité avec laquelle il conclut peut-être un accord au terme de chacune de ses interventions : en 389, il agit seul (Liv., VI, 3) ; en 386 il collabore avec P. Valerius Potitus Poplicola tr. mil. pot. cos. (Liv., VI, 9, 3-11 et Plut., Cam., XXXV). On peut aussi ajouter son intervention personnelle à Tusculum, puis en faveur des ambassadeurs de la cité latine qu’il renvoie lui-même devant le Sénat en 381 : Plut., Cam., XXXVIII, 4-5 rapporte alors son plaidoyer en faveur des Tusculans devant le Sénat. Si la cité obtient finalement la civitas, rappelons que sa demande initiale visait probablement au simple renouvellement d’une alliance militaire largement éprouvée depuis le Ve s., et que rien n’interdit de penser que celle-ci a été rétablie préalablement à la concession de la civitas (si tant est d’ailleurs que ces deux statuts soient exclusifs à une date si haute, voir supra nos considérations introductives à ce sujet).

167 Cf. Liv., VII, 12, 7 cité supra. Il est vrai que les sources, comme en beaucoup d’autres occasions, évoquent seulement ici une réception à Rome, sans préciser l’identité exacte de l’interlocuteur. Nous sommes cependant en désaccord avec C. AULIARD, op. cit., pp. 263-265 qui considère que cette imprécision est signifiante et refuse de la prendre a priori comme une réception au Sénat : cela nous paraît à la fois trop prudent et inutile, parce que nous n’avons pas de raisons de penser que nos sources se représentent la réception dans l’Urbs autrement que comme une audition devant le Sénat lorsqu’elles n’apportent pas de précisions particulières.

354 avec les Samnites, puis à nouveau en 341, lorsque le consul L. Aemilius Mamercinus lui renvoie expressément les ambassadeurs samnites168 ; celle de 348 avec Carthage ; celle de 343 avec Capoue et celles qu’implique la dissolution de la Ligue latine en 338 enfin169. Bien sûr, l’ampleur de la tâche comme le fonctionnement régulier des relations entre les institutions n’excluent pas l’intervention des magistrats. En 338 par exemple, la tâche concrète de définition du statut de chacune des communautés latines, et donc le renouvellement du foedus

sociale pour des cités comme Tibur ou Préneste, est confiée à un consul de l’année, sans que