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CHAPITRE 2 UNIVERS CONCEPTUEL

2.4 F EMINISMES ET ÉCOFEMINISMES

2.4.3 Le féminisme radical

En premier lieu, parlons du terme « radical ». Ce mot vient du latin radix, qui veut dire racine. C’est un mot que j’apprécie particulièrement en ma qualité d’herboriste. Comme jardinière, je comprends bien l’importance de la racine d’une plante : c’est par elle que la plante se nourrit des minéraux qui lui permettront de grandir, et c’est aussi elle que l’on doit enlever si on veut éradiquer ou contrôler une plante envahissante. La philosophe Marie-José Mondzain (2017) parle d’une radicalité fondatrice : « La radicalité pour moi ne peut pas être synonyme de la violence ou de la terreur, elle est au contraire pour moi voisine, associée, au désir de nouveauté, à l’exigence d’une jeunesse qui souhaite donner du sens à son existence 25». Cette philosophe pense qu’il faut redonner aux mots leur sens original et leur

capacité de générer du changement. Les féministes radicales pensent donc que pour réellement atteindre l’égalité, il faut aller à la « racine du problème » : le patriarcat, sur lequel se sont bâtis tous nos systèmes économiques, politiques, relationnels, depuis le début du monde occidental (Toupin, 2003). On est loin du cliché souvent rapporté par plusieurs étudiantes inscrites dans les formations « Rythmes féminins26 » en lien avec les termes

« féministes radicales », soit des femmes qui brûlent leurs brassières, sont hargneuses et qui détestent les hommes. Il est certain que la colère, saint antidote à la passivité, à la résignation et à la peur, a été et est encore un des moteurs du féminisme, comme elle l’est dans tous les mouvements sociaux. Cependant, elle n’en est qu’un des moteurs. Ainsi, le fait d’aller à la racine-radix- de l’inégalité ou de l’iniquité hommes-femmes me semble plutôt une bonne idée si notre réelle intention est d’y parvenir un jour.

2.4.4 Du patriarcat

L’expression patriarcat renvoie au mot patriarche, père. Dans l’Ancien Testament, ce terme renvoyait au chef de famille et propriétaire d’un territoire donné. Dans la Rome

25 Conférence dans le cadre du Banquet d’été de la Grasse, 2017 26 Formations que j’offre pour les femmes depuis 2006.

Antique, le père est le « padre padrone », soit le père patron, qui a le contrôle sur les membres de la famille et qui en même temps les « protège ». Dans le féminisme, ce terme désigne une organisation sociale, politique et juridique basée sur la domination du « père », c’est-à-dire l’homme, le mâle adulte hétérosexuel. La théorie du patriarcat (Luyckx, 2001, Delphy, 1981, Gimbutas, 1982, Rifkin, 1980, Walby 1990) suppose que ce paradigme « de domination du patriarche » crée un système qui s’approprie le travail et la force de travail des femmes, leur corps, leur sexualité et la reproduction.

Cette théorie a été inspirée par les travaux de l’anthropologue Lewis Henry Morgan, a été popularisée par Engels dans la foulée du marxisme vers le milieu du 19e siècle, puis reprise par de nombreuses féministes radicales vers la fin des années soixante, dont l’archéologue Marija Gimbutas (1982). Gimbutas, qui a inspiré plusieurs anthropologues et archéologues féministes ainsi que le mouvement de l’écoféminisme spirituel, soutient, de par ses découvertes de nombreuses statuettes de déesses et symboles féminins, qu’il y aurait eu un culte de la Déesse-Mère dans le croissant fertile et dans ce qu’elle appelle l’Ancienne Europe. Ainsi, le patriarcat serait né des invasions progressives des semi-nomades indo- européens, les Kourganes lors de la domestication du cheval, autour du 4e millénaire av. J.- C., et n’aurait cessé de se développer depuis (Gimbutas, 1979, Freu, 1989).

Surprenant (2018, p.49) résume bien le patriarcat, lorsqu’elle parle d’un système qui - Divise les femmes et les hommes en deux groupes distincts.

- Hiérarchise ces groupes en leur donnant une valeur et un ordre différents.

- Situe le groupe des hommes en position dominante et subordonne celui des femmes. - Assigne aux hommes et aux femmes des sphères distinctes et hiérarchisées.

- S’appuie sur la contrainte à l’hétérosexualité.

- Légitime les discriminations systémiques par l’idée d’une nature inférieure des femmes.

En résumé, malgré les avancées dans le monde occidental et particulièrement au Québec, le monde actuel démontre que transformer le paradigme dominant dans lequel « la

loi du plus fort gagne » est un long chemin à parcourir et qu’il reste encore beaucoup de kilomètres à marcher.

2.4.5 Matérialisme vs différentialisme

À vrai dire cela ne sera rien si la femme ne parvient pas à tisser le tissu plein et neuf d’une parole jaillie d’elle-même. Annie Leclerc, 1974

Au sein des féminismes, deux courants principaux s’affrontent. Je tenterai ici de les présenter. Le féminisme matérialiste s’oppose à la vision naturaliste des choses. S’appuyant au départ sur les théories de Marx, il croit que « le féminin » est un construit social autour duquel notre société s’érige. Ce construit impose à la femme la reproduction et le travail ménager et invisible, ce qui contribue à son aliénation. Il soutient ainsi que le corps biologique, le sexe, n’a aucun impact sur le genre. L’Américaine Judith Butler (1990) en est l’une des théoriciennes : « Plutôt que de faire découler le genre d’un prétendu “donné” corporel du sexe, Butler pense que c’est par la répétition performative de pratiques signifiantes que s’institue l’identité sexuelle des individus. »(Benoit, 2016, p.77). Le féminisme matérialiste s’appuiera notamment sur son interprétation du livre le Deuxième Sexe de Beauvoir (1949), qui exprime d’ailleurs sa « répulsion pour cette tare féminine que sont les règles », un « évènement malpropre », qui dégage « une odeur fade et croupie… de marécage, de violettes fanées » (Auffret, 2017, p.497).

La pensée matérialiste est la plus répandue dans les milieux féministes contemporains et souvent la seule qui soit légitimée comme réellement féministe. C’est habituellement par ce courant de pensée que les non-initié-e-s à la multiplicité des courants féministes définiront LE féminisme. Froidevaux-Metterie (2018) fait remarquer qu’actuellement, pour pouvoir se définir comme féministe, nous devons adhérer à la fois à la proposition universaliste, soit que la femme possède les mêmes droits que l’homme, mais aussi à celle de la construction du genre, soit qu’il faut déconstruire les rôles sexués. Elle souligne que si ces postulats sont très

pertinents épistémologiquement parlant et ont permis de grandes transformations dans notre monde, ils ne constituent pas la totalité de la pensée féministe.

Selon cet auteure (Froidevaux-Metterie, 2018) :

Ils témoignent même d’une certaine forme d’oubli, pour ne pas dire d’aveuglement, qui oblitère tout un versant de la condition féminine contemporaine [et mondiale]. Dans les deux cas en effet, on gomme la dimension incarnée de l’existence féminine, au nom de l’universalité du genre humain, par un côté, au nom de la pluralité des genres, de l’autre.

Le féminisme différentialiste, quant à lui, soutient qu’il existe une différence réelle entre les sexes, qui n’est pas seulement le fait d’un construit. Ce courant, porté en France au départ par Fouque (1995) et Irigaray (1985) et qu’on retrouve dans l’écriture d’Annie Leclerc (1974), s’inspire de la psychanalyse revisitée avec une approche féministe. Il encourage l’introspection comme voie de libération, autant que les actions militantes. Le différentialisme croit que la source de la phallocratie et de l’aliénation des femmes n’est pas la construction sociale des genres, mais plutôt l’interprétation négative, le mépris et la domination de ce qui appartient au féminin. Qu’il ne peut y avoir de transformation de la société en profondeur si l’on ne s’attaque pas aux racines de cette perception.

Le différentialisme américain est porté par des voix comme Gilligan (1986). Cette auteure soutient que les analyses des théoriciens du développement affectif et social sont biaisées et incomplètes : ils prennent le garçon ou l’homme comme modèle de référence, au lieu d’analyser le développement des deux sexes séparément. Elle dit ainsi que « les difficultés qu’éprouvent les femmes à se conformer aux modèles établis de développement humain indiquent peut-être qu’il existe un problème de représentation, une conception incomplète de la condition humaine, un oubli de certaines vérités. » (1986, p.12). Gilligan croit qu’un réel changement ne sera possible qu’au moment où les théoriciens du cycle de vie analyseront le développement de la femme, et ainsi « leurs théories deviendront plus fertiles ». Elle soutient qu’il faut nous mettre « à l’écoute de la voix différente des femmes » (1986, p.44). Avec ses études sur la différence des sexes, Gilligan a fourni les assises à ce

qui deviendra « l’éthique du care » qui dépassera les études féministes pour entrer dans l’anthropologie morale et l’éthique contemporaine (Zielinski, 2010, p.631).

Plusieurs féministes matérialistes soutiennent que le différentialisme est une idéologie naturaliste qui sera à l’origine de l’acceptation sociale de domination masculine et d’oppression des personnes homosexuelles. Ainsi, comme l’explique Froidevaux-Metterie (2018, p. 83) :

Le fossé devient abyssal entre un féminisme matérialiste et universaliste pour lequel la subordination des femmes résulte de l’emprise exercée sur elles par les hommes au sein d’une société hétéronormée, et un féminisme différentialiste qui entend combattre la phallocratie au nom d’« une autre différence des sexes ».

La crainte des féministes matérialistes, soit que des preuves biologiques soient utilisées de façon biaisée comme elles l’ont été dans le passé pour soutenir des visées idéologiques anti-féministes, est compréhensible et il est vrai qu’il y a là un véritable travail de veille à faire.

2.4.6 Le féminisme autochtone

Une politique féministe autochtone cherche à faire plus que simplement élever le statut des femmes autochtones – elle cherche à transformer le monde à travers des formes de gouvernance autochtones qui pourraient être bénéfiques à tout le monde27.

Andrea Smith

Selon Konwahahawi Rourke (2017), le féminisme autochtone est « un mouvement de femmes autochtones désireuses de rétablir le savoir ancestral (…) un féminisme global considéré comme un mode de vie qui court dans nos veines et bénéficie de l’appui de notre

lignée matriarcale 28». Smith (2006) nous apprend que les communautés autochtones

n’étaient pas structurées sur des bases hiérarchisées, patriarcales ou d’oppression avant la colonisation. Dans la vision traditionnelle autochtone, l’homme et la femme sont respectivement à l’image du ciel et de la terre. Les traditionalistes autochtones portent tous un respect inaliénable à l’égard de la Terre-Mère et croient que la femme est à son image. Pour Sioui (1987), une grande partie des peuples premiers des Amériques seraient matricentristes dans leur conception du monde.

La différenciation des sexes semble avoir été au cœur de l’aménagement social et des conceptions spirituelles autochtones traditionnelles. Pourtant, l’homme et la femme sont considérés comme ayant la même valeur intrinsèque, formant une société égalitaire qui détonnait, lors des premières rencontres interculturelles, avec les valeurs des peuples colonisateurs dans laquelle la femme était inférieure à l’homme. Sioui (1987, p.27) fait une critique sévère du patriarcat et de « l’hominisme » :

La théorie patriarcale de l’évolution (…) n’est, à la lumière de la pensée gynocentrique amérindienne, qu’une apologie au racisme, au sexisme et à ce que nous nommons hominisme et définissons comme une conception erronée de la nature qui fait de l’homme le centre de la création.

Le féminisme autochtone s’appliquera, selon Konwahahawi Rourke (2017), à rétablir en premier lieu les savoirs traditionnels et à observer comment les femmes autochtones sont perçues et représentées au sein de leurs communautés. Le texte d’Arnaud (2014) démontre bien le statut discriminatoire des femmes au sein des communautés :

(…) les femmes autochtones subissent une double discrimination, qui s’exprime à la fois dans la société qui impose les règles et à la fois au sein de leurs propres nations. Ce sont les femmes qui vont faire bouger ce système de l’intérieur, progressivement, au prix de luttes longues, car elles n’ont pas les moyens des conseils de bande ou de l’Assemblée des Chefs. (2014, p.217)

Pour Konwahahawi Rourke (2017), le féminisme autochtone est « un mouvement où nos femmes dénoncent avec force les répercussions de la colonisation ». Smith (2016) en parle comme d’un féminisme révolutionnaire : en voulant revenir à des formes traditionnelles d’organisation, il remet en question les structures politiques et économiques patriarcales. En ce sens, il est réellement radical et s’apparente selon moi à la branche américaine du différentialisme. Et puisque, pour la femme autochtone, la femme et la terre sont intrinsèquement reliées et que ces femmes seront parmi les premières à militer contre l’exploitation des ressources naturelles et des territoires mettant en péril la nature, ses habitants et les populations qui y résident29, le féminisme autochtone me semble également

écoféministe.

2.4.7 Écoféminismes

Les femmes doivent comprendre qu’il ne peut y avoir de libération pour elles, ni de solutions aux objectifs écologiques, au sein d'une société dont le modèle fondamental de relations à l’autre continue d’être un de domination30. Rosemary Radford Ruether

L’écoféminisme met en relation l’oppression des femmes et la domination des humains sur la nature. C’est Françoise d’Eaubonne (1974), co-fondatrice du MLF et grande amie de Beauvoir, qui crée ce terme dans son livre « Le féminisme ou la mort ». D’après cette auteure, pour établir et renforcir sa domination sociale et économique, le patriarcat a voulu contrôler le corps des femmes par la reproduction ainsi que celui des sols par l’agriculture. (Casselot, 2017). L’écoféminisme se développera dans les années 80, où de nombreuses penseuses

29 Le mouvement Idle no more, la lutte de Louise Wawatie et sa famille contre l’entreprise Résolu, la marche

de l’eau de grand-mère Mandawin et l’importance des femmes dans le mouvement de Standing Rock ne sont que quelques exemples. Pour Standing Rock, même la presse populaire reconnaît leur présence : https://www.usatoday.com/story/news/nation/2017/03/11/women-standing-rock-arent-backing-

down/98975956/

américaines et femmes de terrain l’adopteront comme mouvement politique d’appartenance pour définir leurs luttes (Griffin, 2015, King, 1995, Merchant, 1990, Shiva & Mies, 2014, Starhawk, 1987, Warren, 1993, Epstein, 1993). Comme d’Eaubonne elles dénonceront « le sexocide des sorcières perpétré par l’Inquisition » (Gandon, 2009, p.1). et utiliseront ainsi la symbolique de la sorcière dans leurs manifestations. Pour Salleh (1996), il est évident que les femmes et l’environnement subissent les mêmes formes d’oppression face au capitalisme et à la mondialisation. Merchant (1980) fait d’ailleurs le lien entre la philosophie mécaniste des Lumières et l’oppression de la femme et de la nature, décortiquant le travail de Francis Bacon afin de nous faire voir ses métaphores troublantes, du genre « pour lui arracher la vérité, on peut violer la nature, comme on violente une femme. » (Larrère, 2012). L’écoféminisme deviendra un mouvement mondial auquel peuvent se rallier plusieurs communautés de femmes qui y trouvent enfin un écho à leurs luttes (Shiva, 1998, Aleksic, 2017).

Même si d’Eaubonne (1974) avait réfléchi à la question, l’écoféminisme est avant tout un mouvement populaire. Selon Hache (2016), on ne peut réellement comprendre l’écoféminisme si l’on ne connaît pas le contexte dans lequel il a émergé : ce sont des femmes venues de plusieurs horizons, réunies pour protester et changer les choses au niveau environnemental qui ont réellement donné naissance au mouvement. L’auteure raconte comment les militantes ont voulu articuler leurs expériences et leurs apprentissages de manière empirique, dans une posture inspirée de la phénoménologie, en écrivant des textes suite à leurs actions militantes écologistes. C’est ainsi que se sont tout naturellement tissées des résonances entre les enjeux écologiques et féministes, dans la prise de conscience de la destruction croisée des femmes et de la nature au cours de la modernité et « à travers la reconnaissance de leur peur d’anéantissement devant l’utilisation du nucléaire et la peur quotidienne des femmes d’être insultées, agressées, violées… ».

Elle raconte ainsi que face à la terreur qu’elles ressentaient face au nucléaire et pour la suite du monde, « ces femmes ont résisté au désespoir à travers la joie et la puissance d’agir que procure l’action politique. Elles ont répondu à ces temps apocalyptiques en inventant

des formes d’action collectives spécifiques féministes, ou plutôt écoféministes. » (Hache, 2016, p.14-15).

Pour Spretnak (1993), trois voies ont mené à l’écoféminisme tel qu’il est aujourd’hui. La première a été prise par des féministes qui constataient une trop faible articulation de la théorie du patriarcat et de l’exploitation de la nature au sein de la théorie marxiste. La seconde est venue avec la redécouverte du concept de la Mère-Terre, des théories de la Déesse-Mère (Gimbutas, 1979) et du renouveau de la spiritualité féminine. La troisième venait du mouvement écologiste, où plusieurs femmes déploraient le manque de lien entre le capitalisme et le patriarcat. Ainsi, l’écoféminisme portera en son sein des tendances qui divergent (principalement matérialistes et différentialistes). Les écoféministes ne sont pas toutes d’accord sur la nature des liens entre la Femme et la Nature, à savoir s’ils sont principalement biologiques ou socio-culturels (Gandon, 2009, Tong, 2009, Burgart-Goutal, 2018). Elles sont tout autant en désaccord sur l’intensité de ce lien et se demandent « si les femmes devraient renforcer, atténuer ou simplement reconcevoir entièrement leur lien avec la nature » (Gandon, 2009, p.24331). Cependant, il importe de voir ces désaccords et tensions comme autant de richesses et non comme des incohérences ou des scissions, comme le dit Casselot (2017, p.33), car :

Chacune d’entre elles illustre les façons dont les femmes vivent, agissent avec et réfléchissent sur la nature. La complexité des écoféminismes est révélatrice de la complexité des interactions que nous pouvons avoir entre nous, femmes ou féministes. Complexes, riches, difficiles, nécessaires.

2.4.8 Écoféminisme spirituel

Bretagne, février 2015. Je suis dans un Festival du Féminin. Une des organisatrices fait un discours enlevant, touchant et inspirant. Je me sens unie, « boostée » et solidaire… jusqu’au moment où elle mentionne que « nous ne

sommes pas féministes ». Je frissonne. Ça me fait mal, en dedans. Comment peut-elle dire cela ? Comment peut-on s’affirmer non-féministe, de nos jours ? Et d’autant plus quand on crée un festival « empuissançant » les femmes ? Je constate alors combien il reste de travail à faire pour faire connaître toutes les voies du féminisme aux femmes. (Festival du Féminin, Récits phénoménologiques, 2015)

L’écoféminisme spirituel constitue une branche importante de l’écoféminisme américain. Il soutient que les grandes religions monothéistes ont été des voies d’instauration et de maintien du patriarcat. Il soutient que pour transformer réellement la pensée humaine vers un monde d’équité, il faut supprimer l’image de « Dieu le Père » ou du moins conscientiser l’impact du fait que le modèle de la suprême Divinité soit masculin. Il importe de savoir que tout un mouvement de la théologie aujourd’hui est d’ailleurs féministe (Dumais et Roy, 1989, Dermience, 2000, Melançon, 2000, Snyder, 2014).

La plupart des écoféministes spirituelles honorent le sacré en tant que Déesse, Dieu- Déesse ou Source indifférenciée. Selon Tong (2009), les écoféministes spirituel-le-s vont choisir de s’engager dans une variété de spiritualités centrées sur la Terre, principalement les pratiques anciennes adorant la Déesse-Mère (aujourd’hui appelées Wicca) ou les spiritualités autochtones. Elle souligne que ces féministes voient le corps de la femme tout comme la nature comme sacré, honorant leur nature cyclique et leurs rythmes naturels. Les écoféministes spirituel-le-s s’identifient souvent comme « sorcières », utilisant sciemment ce terme pour honorer les femmes victimes du sexocide et l’utilisant comme moteur d’affirmation d’un mouvement politico-spirituel se voulant révolutionnaire.

Une des figures importantes de l’écoféminisme spirituel est l’activiste Starhawk (2015). Selon elle, le paradigme de ce mouvement se structure autour de trois axes principaux : l’immanence, l’interconnexion et le mode de vie empathique (Tong, 2009). L’immanence affirme que tout être vivant est habité du spirituel : ainsi, la Déesse est dans l’humain,

l’animal, la plante et les minéraux. L’interconnexion affirme, quant à lui, que tous les êtres