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L’Avis préliminaire de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec sur la

révision de la proposition québécoise de la classification : Processus de production du handicap (OOAQ, 1997), témoigne concrètement du travail de représentation réalisé par les

orthophonistes et les audiologistes. Ce deuxième texte, écrit celui-là, renvoie à l’autre partie du titre de cette thèse : quand des orthophonistes et des audiologistes représentent la

communication, c’est-à-dire quand ces professionnels sont les “porte-parole” de (l’habitude

de vie de) la communication.

Dans la version de 1996 du PPH, celle qui a fait l’objet d’une validation, l’habitude de vie reliée à la communication est ainsi libellée : “Les habitudes d’une personne reliées à la transmission et à la réception de messages de la part d’autres individus, ainsi que de la société.” (Fougeyrollas et coll., 1996, p.122). Les sous-catégories de l’habitude de vie sont au nombre de quatre : 1) communication orale et corporelle, 2) communication écrite, 3) télécommunication et 4) signalisation (Fougeyrollas et coll., 1996, p.122).

Selon l’Ordre, cette définition ne montre pas “l’évolution du concept et des réalités qui y sont liées” (Avis préliminaire..., p.4). L’Ordre propose d’ajouter à cette définition les lignes suivantes :

“Une habitude de communication peut se réaliser de façon autonome (comme dans une activité de conversation) mais très souvent elle est une composante d’une autre habitude de vie (comme acheter des billets d’autobus). L’habitude de vie de communiquer doit donc être prise en considération dans un grand nombre d’autres catégories ou sous-catégories d’habitudes de vie (nutrition, transports, soins corporels, responsabilités, déplacements, relations interpersonnelles, etc.)” (Avis préliminaire..., p.9).

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et de modifier les quatre sous-catégories de la façon suivante :

1) communication verbale, 1.1) communication orale, 1.2) communication écrite et 1.3) communication signée, 2) communication non verbale et paraverbale, 3) communication par d’autres systèmes codés et 4) communication à distance (télécommunication) (Avis

préliminaire..., p.9).

Dans les quelques précisions qui précèdent les propositions, l’Ordre affirme que la “communication est nécessaire à la réalisation de la quasi-totalité des habitudes de vie” (p.5) et suggère donc des modifications au schéma conceptuel du PPH de manière à rendre plus visibles les habitudes de vie déplacements et communication, et plus explicite leur “caractère transversal” (p.6). Selon l’Ordre, la case habitudes de vie du schéma devrait être divisée en deux parties : dans celle du haut seraient identifiées les habitudes déplacements et

communication, tandis que dans celle du bas, le reste des habitudes de vie. L’Ordre souhaite

également que soit ajoutée une “introduction à la nomenclature des habitudes de vie” qui viendrait appuyer et expliquer l’idée du caractère préalable des habitudes communication et

déplacements.

Les autres modifications proposées dans l’Avis préliminaire..., concernant les aptitudes reliées à la parole et reliées au langage, sont essentiellement des ajouts, ce qui ferait passer le nombre total d’entrées de ces deux sections de 41 à 122. L’Ordre propose enfin d’ajouter deux items à la section des facteurs environnementaux. Dans le tableau placé en annexe de la thèse (cf. annexe 9), on trouvera l’essentiel des propositions contenues dans l’Avis

préliminaire... dans la colonne centrale du tableau, entre les propositions originales (version

1996) et les propositions validées (version 1998) du PPH.

Dans le chapitre suivant, j’examine plus attentivement ce texte (plaidoyer?) des orthophonistes et des audiologistes ainsi que les propos qu’ils ont tenus sur leur pratique et sur l’application qu’ils pourraient faire du PPH et de sa nomenclature afin d’en dégager les modèles de référence explicites et sous-jacents de même que les définitions concrètes et effectives de la communication.

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«La pensée complexe doit remplir de très nombreuses conditions pour être complexe : elle doit relier l’objet au sujet et à son environnement; elle doit considérer l’objet, non comme objet, mais comme système / organisation posant les problèmes complexes de l’organisation. Elle doit respecter la multidimensionnalité des êtres et des choses. Elle doit travailler / dialoguer avec l’incertitude, avec l’irrationnalisable. Elle doit non plus désintégrer le monde des phénomènes, mais tenter d’en rendre compte en le mutilant le moins possible.»

E. Morin, Science avec conscience, 1982 (p.305-6)

S’étant vu confier la tâche de réviser la définition de la communication dans la nomenclature du Processus de production du handicap, une vingtaine d’orthophonistes et d’audiologistes ont par le fait même amorcé une réflexion critique sur leur pratique et sur ce que d’aucuns diraient l’objet de leur pratique. En s’interrogeant sur les éléments qu’il conviendrait d’inclure dans une définition de la communication destinée à une nomenclature des conséquences des maladies, ils ont questionné le statut de leur profession au sein des institutions qui les emploient ainsi que la place qui est faite aux “troubles de” la communication. Les propos qu’ils ont tenus lors de la journée d’étude puis au moment des entrevues, et leurs écrits, plus spécialement le document résumant les propositions issues de la journée d’étude et des travaux du comité de l’Ordre, montrent que vis-à-vis du Comité québécois de la CIDIH (les auteurs du PPH), les orthophonistes et les audiologistes se sont vus comme des représentants de la communication. En même temps, ils ont dû donner un sens et définir la notion de communication, c’est-à-dire se représenter la communication. Le présent chapitre se divise donc en trois grandes parties : la première réfère à ce qui arrive “quand des orthophonistes et des audiologistes représentent la communication”; la seconde à ce qui est dit “quand des orthophonistes et des audiologistes se représentent la communication”; et la troisième aux résultats du processus de réflexion dans lequel se sont engagés les participants de mon étude, c’est-à-dire à l’émergence de nouveaux repères pour la pratique.

Dans la première partie, j’examine de près le texte de représentation des orthophonistes et des audiologistes (le deuxième texte du chapitre précédent) pour ce qu’il révèle des modèles et des définitions explicites et implicites de la communication. Dans le contenu de ce texte, intitulé Avis préliminaire de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec sur la

révision de la proposition québécoise de la classification : Processus de production du handicap (ci-après désigné par Avis préliminaire...), on retrouve la position officielle de ces

professionnels relativement aux notions de communication et langage. Je compare ensuite le contenu de ce texte de l’Ordre43 aux propos des participants rencontrés en entrevue individuelle, et en particulier ceux qui portent sur les rapports qu’ils voient entre le PPH et leur pratique et son objet. Je présente et commente ensuite le résultat de la démarche entreprise par l’Ordre sur la base de ce qui a été et n’a pas été inclus dans la nomenclature du PPH, publiée l’année suivante, en 1998.

Dans la deuxième partie du chapitre, j’examine les propos tenus par les professionnels lors des discussions de la journée d’étude et au cours de l’entrevue individuelle en vue de définir la communication. À partir de ces définitions pratiques, c’est-à-dire des définitions issues de la pratique et commandées par elle, et donc faites en fonction de leur pratique, je dégage les modèles de référence explicites et sous-jacents et les mets en relation avec ce qu’ils ont dit des différentes dimensions de leur pratique professionnelle.

Dans la troisième partie du chapitre, je reviens sur les éléments retenus par les orthophonistes et les audiologistes pour représenter et se représenter la communication et je tente de voir en quoi ces éléments, qui émergent, pourraient éventuellement constituer de nouveaux repères pour la pratique professionnelle.