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2.2 Le handicap un nouvel objet pour l’orthophoniste et l’audiologiste?

2.2.3 De la CIDIH au Processus de production du handicap

Dès le début des années ‘90, l’Organisation mondiale de la santé a instauré un processus de révision de la CIDIH. À l’agenda de l’OMS, il était prévu de compléter la révision de sa classification et d’en publier la version révisée finale avant la fin de 1999 (en fait, la version finale fut publiée en mai 2001). Parmi les groupes consultés par l’OMS pour réviser la CIDIH, un groupe du Québec a reçu le mandat de proposer des améliorations au troisième

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niveau de la CIDIH, le handicap. Particulièrement actif depuis 1986, le Comité québécois de la CIDIH (CQCIDIH)18, vise à faire reconnaître la nature essentiellement interactive du handicap. Depuis, les travaux et les consultations menés par les membres de ce comité les ont conduit à proposer non seulement une révision de la catégorie des handicaps, mais une classification entièrement remaniée de tous les niveaux de la classification (Fougeyrollas et coll., 1996).

Dans la version quasi-finale de leur classification publiée en 1996 par le CQCIDIH et intitulée : Révision de la proposition québécoise de classification : Processus de production

du handicap, on retrouve : 1) un historique de la classification québécoise, 2) une présentation

du modèle du Processus de production du handicap (le PPH19), 3) son schéma conceptuel (reproduit plus loin à la figure 4), 4) les définitions des catégories conceptuelles et 5) des nomenclatures et des échelles de mesure propres à chacune des catégories (Fougeyrollas et coll., 1996).

Dans le but de valider cette proposition, le document a été soumis en 1997 à une vaste consultation auprès de divers groupes professionnels et d’intervenants attachés à des établissements ou à des organismes publics et associatifs. Je reviendrai sur le processus de consultation auquel ont participé les orthophonistes et les audiologistes lorsque j’aborderai la méthodologie de la présente étude. La version finale du PPH a été publiée en 1998.

Le modèle du Processus de production du handicap se démarque de son prédécesseur international à plusieurs points de vue. Inspiré d’un modèle anthropologique de développement humain pour tous, le modèle de la production du handicap ne constitue qu’une “variation de possibilités en relation avec la norme biologique, fonctionnelle et sociale dont [les auteurs du PPH] tent[ent] de clarifier le processus de production” (Fougeyrollas et coll., 1996, p.9). C’est en partie la raison pour laquelle le PPH repose sur des concepts positifs qui réfèrent à chacune des dimensions du processus. Le PPH diffère de la CIDIH par l’importance que ses auteurs accordent à la dimension environnementale dans le processus d’intégration sociale et la production du handicap. En effet, cette dimension se retrouve à la fois dans la catégorie des facteurs de risque et dans celle des facteurs environnementaux.

18Devenu depuis le RIPPH, le Regroupement International sur le Processus de production du handicap.

19On réfère à ce document par les expressions suivantes : le Processus de production du handicap, le PPH, la proposition québécoise, la classification québécoise, le modèle québécois.

Figure 4 -- Processus de production du handicap (Fougeyrollas et coll., 1996; 1998)

2.2.3.1 De la déficience et de l’incapacité au système organique et à l’aptitude

Le PPH diffère de son prédécesseur international puisqu’aux niveaux des déficiences et des

incapacités de la CIDIH correspondent respectivement les niveaux des systèmes organiques

et des aptitudes. La notion de déficience est devenue l’un des deux pôles de l’échelle de mesure de la déficience des systèmes organiques, qui va “de l’intégrité à la déficience complète”. Il en est de même pour l’incapacité qui est un qualificateur de la catégorie des aptitudes (l’autre qualificateur étant la capacité).

Les différences entre la CIDIH et le PPH sont appréciables dans les catégories qui intéressent l’orthophoniste et l’audiologiste : dans la CIDIH, la classification des déficiences regroupe les “déficiences du langage et de la parole”, les “déficiences auditives” tandis que dans le PPH, c’est dans la nomenclature des aptitudes que l’on trouve les “aptitudes reliées au langage”, celles reliées à la parole sont classées dans la catégorie des “aptitudes reliées

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aux activités motrices” et celles reliées à l’audition sont classées parmi les “aptitudes reliées aux sens et à la perception”. Dans la CIDIH, c’est dans la catégorie des incapacités qu’on trouve la communication tandis que dans le PPH, la communication est considérée comme une habitude de vie.

2.2.3.2 Du handicap à l’habitude de vie

Le modèle Processus de production du handicap est fondé sur la définition du handicap comme “résultat situationnel d’un processus interactif entre deux séries de causes, soit les caractéristiques des déficiences et des incapacités de la personne découlant de maladies ou traumatismes et les caractéristiques de l’environnement créant des obstacles sociaux ou écologiques dans une situation donnée” (Réseau international CIDIH, 1991, p.18). Comme les concepts positifs ont été privilégiés, c’est à l’habitude de vie que renvoie le handicap ou plus précisément, la situation de handicap. En effet, celle-ci est devenue l’un des pôles de l’échelle de mesure de la catégorie des habitudes de vie, l’autre pôle étant la participation sociale.

L’habitude de vie est “une activité quotidienne ou un rôle social valorisé par le contexte socioculturel pour une personne selon ses caractéristiques (âge, sexe, l’identité socioculturelle, etc.). Elle assure la survie et l’épanouissement d’une personne dans sa société tout au long de son existence.” (Fougeyrollas et coll., 1996, p.26). La participation sociale correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie tandis que la situation de handicap résulte d’une interaction entre les facteurs personnels (déficience, incapacité et autre caractéristique personnelle) et les facteurs environnementaux (obstacle et facilitateur). Dans la liste des habitudes de vie, outre la communication mentionnée plus haut, se trouvent la nutrition, la condition corporelle, les soins personnels, l’habitation, les déplacements, les responsabilités, les relations interpersonnelles, la communauté, l’éducation, le travail, les loisirs et les autres habitudes.

La communication, définie comme “les habitudes d’une personne reliées à la transmission et à la réception de messages de la part d’autres individus, ainsi que de la société”, est subdivisée en quatre sous-catégories, soit la communication orale et corporelle, la communication écrite, la télécommunication et la signalisation (Fougeyrollas et coll., 1996, p.122).

2.2.3.3 Les facteurs de risque et les facteurs environnementaux

Deux catégories, qui n’existaient pas dans le modèle de la CIDIH, ont été introduites afin de montrer la nécessité de prendre en compte les variables environnementales dans la production du handicap. Les facteurs de risque, qui font l’objet d’une classification distincte de celle des facteurs environnementaux, font du PPH un “modèle explicatif des causes20 et conséquences des maladies, traumatismes et autres troubles” (Fougeyrollas et coll., 1996). Un facteur de risque est “un élément appartenant à l’individu ou provenant de l’environnement susceptible de provoquer une maladie, un traumatisme ou toute autre atteinte à l’intégrité ou au développement de la personne” (p.11). Quant à la deuxième catégorie, celle des facteurs environnementaux définis comme “les dimensions sociales ou physiques qui déterminent l’organisation et le contexte d’une société” (p.14), elle se conjugue à celle des facteurs personnels (systèmes organiques et aptitudes) et influence la réalisation des habitudes de vie. En tant qu’alternative au modèle des conséquences des troubles qu’est la CIDIH, le

Processus de production du handicap rejoint l’autre modèle alternatif -- la Nouvelle communication -- dont j’ai tracé les grandes lignes dans les sections précédentes. Il s’agit

maintenant de savoir quels sont les avantages et les inconvénients de chacun de ces modèles lorsqu’un orthophoniste ou un audiologiste désire rendre compte des dimensions de la conversation entre une personne porteuse d’un trouble et son proche par exemple.