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LE DEPARTEMENT DE LA GUERRE : INSTITUTION RENOUVELEE

PREMIER COMMIS DE LA GUERRE

A. Un environnement familial bénéfique

II. LE DEPARTEMENT DE LA GUERRE : INSTITUTION RENOUVELEE

C’est à partir du règne de Louis XI qu’une gestion spécifique des documents liés aux questions militaires est mise en œuvre au sein du Conseil du roi, lequel confie cette fonction à l’un de ses secrétaires. Devant l’importance de cette charge de travail, à laquelle s’ajoute la nécessité d’envoyer des ordres de paiements aux Trésoriers, ce souverain confie à deux secrétaires le soin de gérer les affaires militaires et de signer les ordres de paiements. Par la suite, selon la volonté des souverains, les fonctions de secrétaire aux finances et à la guerre se distinguent ou sont confondues. Mais rapidement les questions militaires relèvent d’un secrétaire des guerres, ou secrétaire et contrôleur des guerres, qui signe les ordres de paiement, ainsi que toutes les mesures règlementaires concernant les armées du roi. Avec les derniers Valois, un même secrétaire est chargé de deux réalités militaires différenciées : la Guerre et la Maison du roi. C’est Henri IV qui met fin à cette double fonction en 1594, en séparant les deux

départements et en confiant l’administration de la Guerre à Villeroy et la Maison du roi à Ruzé de Beaulieu. Cette situation se perpétue ensuite sous l’Ancien Régime jusqu’à la Révolution. Le département de la Guerre, peut-être tenu par un ministre d’Etat, ou par

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SHD A1 825 folio 2.

162 L’érysipèle est une maladie infectieuse, provoquée par une bactérie, le streptocoque, qui pénètre dans les membres par les piqûres ou les petites égratignures de la peau. Elle rend le membre atteint très douloureux, dur et gonflé. On le soigne actuellement avec des antalgiques et des antibiotiques et l’on peut penser qu’au XVIIe siècle, cette maladie très douloureuse est difficile à soigner. Le seul antalgique sérieux connu à cette époque est l’opium, pris sous forme d’une potion liquide ingérable appelée laudanum.

un secrétaire d’Etat, et devient une institution autonome qui ne répond qu’aux ordres du souverain163.

Comme l’écrit Camille Rousset :

« Sous Mazarin, la diplomatie avait eu le premier rôle ; la guerre n’était venue qu’à la suite et comme auxiliaire ; Louis XIV renversa l’ordre de préséance ; il fit marcher la guerre d’abord, la diplomatie étant réduite à lui frayer les voies et à formuler en traités les bulletins de conquête164 ».

La guerre devient l’un des éléments les plus importants de la politique du souverain. Aussi faut-il à Louis XIV,qui rêve de grandeur militaire, un instrument à la

mesure de ses ambitions. C’est l’origine de l’importance prise par le département de la Guerre, et comme l’écrit François Bluche en visant particulièrement l’organe de gestion des armées :

« L’empirisme politico-administratif de Louis XIV fut donc loin d’être parfait, et même logique ou suivi. Mais, s’il présida à la naissance d’une bureaucratie, il mit en place, dans une large mesure et par la volonté du souverain, ce que M. Pierre Chaunu appelle une méritocratie165».

La structure administrative naissante chargée de gérer tous les éléments des armées en action, est certainement l’une des premières pierres de l’édifice important en France que représente l’administration centrale. L’instrument administratif créé pour gérer les armées importantes, peut ensuite servir de modèle aux autres secteurs du gouvernement, au fur et à mesure qu’ils se développent.

La présence auprès du roi de deux véritables clans très opposés, les Colbert et les Le Tellier, représentés par les deux ministres, des Finances et de la Guerre, entraîne une répartition particulière des responsabilités gouvernementales. Tout ce qui ressort des opérations terrestres et des places continentales dépend du département de la Guerre, sous l’autorité des Le Tellier, qui gèrent également l’artillerie, les poudres, les munitions et les armes. Jean-Baptiste Colbert est à la fois contrôleur général des Finances et secrétaire d’Etat de la Marine. Il dirige tout ce qui concerne la marine, qu’elle soit commerciale ou militaire, tous les ports et places maritimes, ai si que la totalité des affaires coloniales. Cette distinction entraîne une coupure radicale entre les institutions ministérielles de ce qui ressort de la stratégie terrestre (essentiellement européenne), et de ce qui relève de la marine et de l’essor colonial. Ce n’est qu’avec

163 Eléments tirés de l’article de Jean-Claude Devos « Le secrétariat à la guerre et ses bureaux » dans Revue Historique

des Armées, n° 162, mars 1986, pages 88-98.

164 Camille Rousset, Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, tome I, p. 29. 165 François Bluche, Louis XIV, p. 912.

l’arrivée de Chamillart aux affaires que ces deux entités se trouvent placées sous une même autorité, et encore pour très peu de temps166. Cette coupure institutionnelle entre opérations terrestres et opérations navales est peut-être la plus grosse erreur stratégique de l’organisation ministérielle de Louis XIV. Une politique d’ensemble serait plus utile

en raison de la situation géopolitique de la France, et elle est impossible en raison de cette scission des deux responsabilités et surtout de l’opposition entre les deux responsables, représentants des deux groupes de pression totalement opposés. Le plus grave est que cette séparation perdure sous l’Ancien Régime, jusqu’à la Révolution, et peut expliquer en partie le manque de réaction des Français devant l’impérialisme croissant de l’Angleterre, qu’il s’agisse des territoires colonisés, ou du commerce maritime intercontinental. Il est surprenant que ni Louis XIV,ni ses successeurs n’aient

compris que cette coupure engendre un manque de coordination préjudiciable à la réalisation d’une stratégie globale pour le royaume en Europe et outre-mer.