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Chapitre I : Cadre conceptuel de la gouvernance d’entreprise

1.3. Théories fondatrices de la gouvernance d’entreprise : de la théorie actionnariale à la théorie cognitive :

1.3.1. Le courant disciplinaire de la gouvernance d’entreprise :

dirigeants d’entreprises. De ce fait, elle contribue à définir l’attribution des pouvoirs et des responsabilités ainsi que les mécanismes de prise de décision.

De ce qui précède, il paraît que les problèmes de la gouvernance d’entreprise résultent de la séparation entre la propriété du capital et la prise de décisions, du pouvoir disproportionné de certains actionnaires, des droits des salariés et du contrôle sur les actionnaires minoritaires. Donc, la gouvernance d’entreprise provient de la nécessité de concilier plusieurs intérêts, souvent contradictoires, des différents acteurs liés à l’entreprise. Cependant, la gouvernance d’entreprise fait référence au système par lequel une entreprise est dirigée et contrôlée.

1.3. Théories fondatrices de la gouvernance d’entreprise : de la théorie

actionnariale à la théorie cognitive :

Selon Charreaux (2004), les théories de la gouvernance d’entreprise n’ont pas pour objet d’étudier la façon dont les dirigeants gouvernent, mais celle dont ils sont gouvernés. En effet, ces théories se divisent en deux courants : le courant disciplinaire centré sur la discipline du comportement des dirigeants et le courant cognitif fondé sur la connaissance et l’innovation.

1.3.1. Le courant disciplinaire de la gouvernance d’entreprise :

Ce courant est scindé en deux approches théoriques : la théorie actionnariale et la théorie partenariale.

a. La théorie actionnariale : protection des investisseurs financiers

En raison de l’importance et du rôle que jouent les marchés boursiers dans les pays anglo-saxons, notamment avec la montée en puissance des investisseurs institutionnels, la vision actionnariale essentiellement centrée sur la discipline du dirigeant, se caractérise par une domination des recherches et des études sur la gouvernance d’entreprise. En fait, le passage de la firme entrepreneuriale à la firme managériale a donné naissance à la séparation des fonctions de propriété de capital et de prise de décision (Khaldi, 2014, p. 25).

Fondée sur l’analyse de Berle et Means de 1932, la théorie actionnariale donne une attention particulière aux apporteurs de capitaux, afin de protéger leurs investissements financiers.

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La théorie actionnariale est fondée sur la relation d’agence1, issue notamment des travaux de Jensen et Meckling de 1976 et Jensen de 1983 (Charreaux, 1999, p. 2).

Dans le cadre de cette théorie, la gouvernance des entreprises se préoccupe « de la façon

dont les apporteurs de capitaux permettant de financer les sociétés, garantissent la rentabilité de leur investissement » (Charreaux, 1999, p. 1). Cependant, le critère de

performance est celui de la valeur actionnariale, à travers une meilleure maîtrise du processus de création et de répartition de la richesse en faveur des principaux mandants de l’entreprise (Meier & Schier, 2008, p. 181). Donc, l’enjeu principal de cette théorie est l’incitation des dirigeants de l’entreprise à la maximisation de la valeur actionnariale, par la mise en place d’un certain nombre de mécanismes de contrôle. Ces derniers permettent de discipliner et d’encadrer le comportement du dirigeant et de réduire son espace discrétionnaire. Dans cette perspective, le facteur déterminant de la création de valeur est la sécurisation de l’investissement financier.

Néanmoins, cette théorie présente certaines limites. Pour (Charreaux, 2004), elle ne permet pas d’expliquer le fonctionnement des entreprises non anglo-saxons et son peu de réalisme au vu du rôle minime joué par les actionnaires dans le financement des entreprises. De plus, la relation qui lie les mécanismes disciplinaires des dirigeants à la performance financière reste ambiguë (p. 8). Aussi, cette théorie qui est associée à la conception légale de la propriété ne reconnaît comme propriétaire que les apporteurs de capitaux, supposés être les seuls créanciers. Elle conduit à ne s’intéresser qu’aux mécanismes permettant d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires (Charreaux, 2011, p. 5).

Autrement dit, le rôle de la gouvernance se limite à sécuriser uniquement la rentabilité de l’investissement financier et à protéger les investisseurs financiers contre les comportements opportunistes des dirigeants de l’entreprise. De ce fait, elle ne permet pas de répondre à la demande d’informations financières et patrimoniales légales émanant d’autres parties prenantes que les actionnaires (Charreaux, 1999, p. 9). Donc, elle échoue à rendre compte à l’ensemble des acteurs constituant l’environnement de l’entreprise.

Par conséquent, la nouvelle approche tient compte du fait que les actionnaires ne constituent pas les seuls créanciers résiduels de l’entreprise, en particulier dans les économies nippones ou de l’Europe Continentale ; les travaux et la réflexion sur la

1 La relation d’agence se définit comme étant un contrat par lequel une ou plusieurs personnes -le principal- engage une autre personne -l’agent- pour accomplir en son nom une tâche qui implique une délégation de décisions et donnant une autorité à l’agent.

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gouvernance ont été élargis à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise d’où parvient l’approche partenariale.

b. La théorie partenariale : prise en compte des intérêts de l’ensemble des stakeholders

Avec les limites de la théorie actionnariale, la nouvelle approche partenariale est venue avec le principe de prise en compte de l’ensemble des acteurs de l’entreprise dénommés ‘’parties prenantes’’ ou ‘’Stakeholders’’. En effet, cette théorie considère l’entreprise comme une équipe composée de plusieurs facteurs de production, qui participent tous dans la réalisation du résultat de l’entreprise (Charreaux, 2004, p. 8). Dans ce contexte, l’approche partenariale est censée prendre en compte les effets des conflits associés à la répartition de la rente organisationnelle entre les différentes parties prenantes (Charreaux, 2005, p. 216). L’aménagement principal comparativement à la théorie actionnariale réside donc au niveau de la répartition en contestant le statut de créancier résiduel exclusif des actionnaires (Charreaux, 2011, p. 7).

Ainsi, la gouvernance partenariale est censée se préoccuper de l’arbitrage entre des intérêts antagonistes et par conséquent, celle des légitimités au sein de l’entreprise et des modalités de résolution de conflits (Clarkson, 1995, cités par Meier et Schier, 2008, p. 183). Dans ce cadre, l’entreprise est considérée comme un centre de jeu de coopération de l’ensemble de ses acteurs dans le processus de création et de répartition de la valeur.

En fait, la vision partenariale s’appuie sur la ‘’Théorie des Parties Prenantes’’ (TPP) qui prend en considération les intérêts et les droits de tout agent, qu’il soit actionnaire ou non, et qui a une relation directe avec l’entreprise. Son objectif est d’élargir les responsabilités des dirigeants, qui ne seront plus limitées aux attentes des actionnaires, en dépassent la simple maximisation de la richesse des apporteurs de capitaux à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (Khaldi, 2014, p. 16).

Pour ce qui est de la notion de ‘’partie prenante’’, elle a été formalisée par (Freeman, 1984, cité par Mullenbach-Servayre, 2007), qui la définit comme « tout groupe ou individu

qui peut affecter ou qui peut être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation ». Freeman a identifié les différentes parties prenantes qui ont un lien avec

l’entreprise comme suit : les propriétaires, les consommateurs et leurs défenseurs, les concurrents, les médias, les employés, les SIG, les écologistes, les fournisseurs, les gouvernements et les organisations locales (p. 111).

Dans le même ordre d’idées, plusieurs auteurs suggèrent différentes typologies des parties prenantes. En 1995, Clarkson (cité par Mullenbach-Servayre, 2007), distingue deux

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types : les parties prenantes primaires et les parties prenantes secondaires. Cette distinction est basée sur leur importance et leur degré de priorité pour l’entreprise. L’auteur définit les parties prenantes primaires comme étant toute personne qui a une relation contractuelle et formelle avec l’entreprise. Pour lui, il s’agit des propriétaires, des employés, des clients et des fournisseurs. Alors que les parties prenantes secondaires, c’est toute personne ou toute partie qui n’est pas essentielle à la survie de l’entreprise, bien qu’elle puisse influencer l’entreprise et sa performance ou être affectée par ses activités, tels les médias, les consommateurs, les gouvernements, les concurrents, le public et la société (p. 115). Alors qu’en 1997, Carroll et Näsi (cités par Mullenbach-Servayre, 2007) distinguent entre les parties prenantes internes, qui sont les actionnaires, les dirigeants et les employés ; et les parties prenantes externes qui sont : les fournisseurs, les consommateurs, l’Etat, etc. (p. 111).

Tout comme la théorie actionnariale, la théorie partenariale présente elle aussi des limites. La principale limite est celle de l’existence de plusieurs objectifs hétérogènes qui sont difficiles à satisfaire. Ce qui pose la question du contrôle de la conformité des actions de l’organisation à ses objectifs (Meier & Schier, 2008, p. 184). De plus, bien qu’elle permet de comprendre la nature des relations entre l’entreprise et ses différentes parties prenantes et de traiter ainsi les problèmes qui en découlent, cette théorie demeure incomplète en phase de développement ; car marquée par : l’incompréhension de certains concepts comme celui de stakeholders, les divergences entre les auteurs, les divers problèmes conceptuels et opératoires ainsi que la question de priorité entre les parties prenantes (Mullenbach-Servayre, 2007, p. 116). En effet, ses limites portent sur le manque de clarté de ses implications managériales, où certains auteurs mettent en cause les fondements normatifs de la théorie (Mercier, 2001, p. 13).

Les lacunes marquées par le courant disciplinaire fondé sur la théorie actionnariale et la théorie partenariale ont donné naissance à un courant plus réaliste, avec une nouvelle forme de création de valeur, que nous présentons ci-après.

1.3.2. Le courant cognitif : la création de valeur par l’apprentissage et l’innovation