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Gouvernance et performance financière de l’entreprise

Section 1 : Cadre conceptuel de la performance de l’entreprise

2.1.2. L’analyse financière par la méthode des Scores :

De nos jours, la problématique de la défaillance des entreprises devient un enjeu majeur pour les pouvoirs publics préoccupés par la disparition d’entités économiques, dont ils ont souvent contribué au financement de leur création (Levratto, 2011, p. 122). Dans ce contexte, de nombreuses recherches ont tenté d’étudier ce phénomène en se basant sur l’analyse financière de l’entreprise. Ce constat est confirmé par Crutzen et Caillie (2007), qui montrent qu’une grande majorité de chercheurs se sont intéressés à étudier ce phénomène en raison de la défaillance fréquente des entreprises ces dernières années (p. 3). Par ailleurs, (Ouennoughi, 2017) stipule que ce phénomène pluridimensionnel n’intervient pas d’une manière brute et surprise, mais il obéit à une évolution temporelle qui varie dans le temps (p. 93).

La revue de littérature sur le sujet nous apprend que la principale cause de la défaillance des entreprises est le manque d’anticipation de ce phénomène. Pour cela, il s’est avéré nécessaire pour les spécialistes en la matière, de chercher des outils et des instruments qui aident à faire un diagnostic préventif, et permettent ainsi aux gestionnaires des entreprises de prendre les dispositions nécessaires au temps opportun, voire même les institutions financières quand il s’agit d’un crédit. Dans ce contexte, pour distinguer les entreprises saines des entreprises défaillantes, la majorité des travaux s’appuient sur différents outils d'analyse statistique de grandeurs comptables et de ratios financiers, entre autre, l’analyse financière par la méthode des scores.

Cette méthode est une technique d’analyse permettant de diagnostiquer préalablement les difficultés que peuvent rencontrées les entreprises. Elle consiste à évaluer la solvabilité future de celles-ci à partir de l’analyse des informations comptables et financières qu’elles communiquent (Elhamma, 2009, p. 2). Autrement dit, c’est une méthode qui cherche à constituer un indicateur synthétique, par combinaison de simples ratios, permettant d’avoir une information sur le degré de vulnérabilité de l’entreprise, en évaluant son risque de défaillance (Robert, Mairesse, & Desenfans, 2019, p. 11).

Ces ratios sont agrégés dans une fonction appelée ‘’Z’’ ou ‘’fonction score’’, qui permet de donner pour chaque entreprise un score. À partir d’un ensemble de ‘’n’’ entreprises divisées en deux sous-échantillons (entreprises défaillantes et entreprises saines), on mesure ‘’K’’ ratios (variables discriminantes) et l’on mesure une variable Z.

Les valeurs prises par la variable Z doivent être les plus différentes possibles d’un sous-ensemble à l’autre, où le score s’exprime selon la formule ci-après (Elhamma, 2009, p. 5).

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Z=α1 R1+ α2 R2+ α3 R3+………+ αn Rn+b Avec :

Ri : les ratios comptables et financiers αi : les coefficients associés aux ratios b : une constante

Pour Elhamma (2009), aucune fonction score n’a de pouvoir séparateur absolu. Il existe toujours une zone de recouvrement entre les deux sous-ensembles qui engendre deux erreurs :

- erreur de premier type : il s’agit de classer une entreprise défaillante par l’utilisation de la fonction score parmi les entreprises saines ;

- erreur de second type : il s’agit de classer une entreprise saine comme une entreprise défaillante par le modèle (pp. 4-5).

Toutefois, il existe plusieurs modèles de scores qui prennent généralement la forme d’équations algébriques (St-Cyr & Pinsonneault, 1997, p. 7).

En effet, les travaux pionniers relatifs aux modèles de scores ont été entrepris aux Etats-Unis dans les années 1960, notamment par Beaver en 1966, Altam en 1968, Altman et Narayaman en 1977, etc. Tandis qu’en Europe, et précisément en France, ce n’est qu’à partir des années 1970 que les modèles de score se sont développés sous l’impulsion de Collongues dans les années 1977, Conan et Holder en 1979, Holder, Loeb et Portier en 1984, ainsi que les responsables de la Banque de France. Or, les plus notables sont ceux d’Altman dans les années 1968, Collongues en 1977, et le modèle de la Banque de France en 2000 (Rahj, 2016, p. 160).

Dans notre travail, nous retenons deux modèles principaux : un modèle anglo-saxon ‘’Modèle d’Altman’’ et un modèle européen ‘’Modèle de la Banque de France’’. Car, ces deux modèles s’avèrent les plus efficaces en utilisant l’analyse discriminante linéaire qui est la plus utilisée opérationnellement.

a. Le modèle d’Altman ou le Z-Score :

Reconnu par sa célèbre formule Z-Score, le modèle d’Altman est considéré comme la référence dans le domaine de l’anticipation de la défaillance de l’entreprise, où il est très développé dans les entreprises anglo-saxonnes. Cette formule, utilisée pour prévoir la probabilité qu’une entreprise fasse faillite, a été publiée la première fois en 1968 par Altman, en se référant à la technique d’analyse discriminante de Fisher adoptée en 1936 (Zaghdoudi, Djebali, & Mezni, 2016, p. 40). Puis, elle a été réactualisée pour devenir la

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fonction ‘’Zeta’’ après les améliorations d’Altman, Haldeman et Naraganan menées en 1997 (Chibel, Bamousse, & Elkabbouri, 2018, p. 34).

La formule Z-score multi-variables permet d’analyser plusieurs indicateurs simultanément. De ce fait, elle permet d’établir une probabilité de défaillance à deux ans, en se basant sur cinq ratios financiers pondérés par un multiplicateur qui varie en fonction de la typologie de l’entreprise (Rousseau B. , 2013), où la mesure prend en compte la liquidité, la solvabilité, la rentabilité, l’activité et la croissance de l’entreprise.

En fait, pour construire son modèle qui constitue une mesure de contrôle facile à calculer pour le statut de détresse financière des entreprises, Altman s’est basé sur la méthode statistique d’analyse discriminante. Sa formule Z-score est une combinaison linéaire de quatre ou cinq ratios pondérés par des coefficients (St-Cyr & Pinsonneault, 1997, p. 9). Ces coefficients ont été estimés, sur la période de 1946-1965, en identifiant un ensemble de 66 entreprises des fabricants avec un actif supérieur à un million de dollars dont la moitié ayant déclaré faillite et l’autre moitié entreprises saines.

Le tableau ci-dessous nous présente les résultats de l’étude d’Altman. Tableau n°11 : Les résultats de l’étude d’Altman Années avant la

faillite

% de fidélité Erreur de type 1 (%) Erreur de type 2 (%)

1èreannée 95 6 3 2èmeannée 72 28 6 3ème année 48 51,7 - 4èmeannée 29 71,4 - 5èmeannée 36 64 - Source : (Altman, 1968, p. 595)

À partir des données présentées dans le tableau, il apparaît que le modèle d’Altman permet une meilleure classification des entreprises une année à l’avance par rapport aux autres années, avec une fidélité de 95% et une erreur type 1 de 6%. Le pourcentage de fidélité, selon Altman, est employé pour signifier le pourcentage de bonne classification. Ce taux correspond à la fréquence empirique des entreprises bien classées par le modèle : le groupe des entreprises saines et le groupe des entreprises défaillantes.

À l’origine, la fonction Z-score d’Altman était limitée aux entreprises manufacturières publiques, puis elle a été utilisée dans divers contextes et différents pays, avec les différentes formules : Z-score pour les non-fabricants, Z’-score pour les entreprises privées

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et Z-score aux marchés émergents. Ainsi, les formules Z-scores ont été largement acceptées au milieu des années 1980, par les auditeurs, les comptables, les tribunaux et les systèmes de base de données utilisés pour l’évaluation de la solvabilité future des entreprises ainsi que l’évaluation des prêts. Avec ses multiples fonctions scores, le modèle d’Altman est considéré comme un outil efficace qui permet de prévoir préalablement la non-solvabilité et la défaillance d’une entreprise à l’horizon de deux ans.

À noter que, le modèle d’Altman a subi plusieurs tests d’efficacité opérationnelle. Lors de son premier test, le score Z s’avérait précis avec 72% de prédiction de la faillite deux ans avant l’évènement, avec une erreur de type II de 6%. Jusqu’en 1999 et après une série de tests ultérieurs, il a été constaté que le modèle d’Altman présentait une exactitude d’environ 80 à 90% dans la prédiction de la faillite un an avant l’évènement, avec une erreur de type II d’environ 15% à 20% (Altman, 2000).

b. Le modèle de la Banque de France :

Suite à la multiplication des défaillances des entreprises qui ont marqué les années 1980 et le début des années 1990, plusieurs travaux ont été initiés par la Banque de France (BdF) dans la perspective de la détection précoce de ce phénomène (Bardos, 2001, p. 73). Depuis, cette capacité d’anticipation devient un véritable enjeu pour l’entreprise d’une part, et les prêteurs de fonds, d’autre part.

À cet égard, et dans un environnement incertain, la disposition d’outils d’anticipation est devenue donc indispensable. Pour la Banque de France, ces instruments de prévision de défaillance des entreprises s’intègrent à sa fonction de surveillance de la stabilité financière exercée par ses services. Les scores de la BdF ont été élaborés suite aux crises financières qui ont rendu le financement des entreprises plus sélectif, et qui suggère une meilleure performance financière de ces dernières.

Les premiers scores à vocation opérationnelle, appelés ‘’les scores de la BdF’’, ont été mis en place par la Banque de France en 1982 exclusivement pour les secteurs industriels (Bardos, 2005, p. 63), pour se répandre plus tard vers d’autres secteurs d’activité. En outre, ces scores ont été élaborés à partir des documents comptables et financiers de 3000 PME industrielles adhérentes au FIBEN12de moins de 500 salariés, sur une période de cinq années (1975-1980), où ces entreprises ont été réparties en trois zones : saine, défaillante et vulnérable (Guizani, 2014, p. 55), plus un échantillon complémentaire de 1348 entreprises

1Fichier Bancaire des Entreprises qui se dispose des données comptables mis à jour en temps réel ce qui permet de suivre l’évolution des besoins de financement des entreprises

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ayant fait l’objet d’une procédure légale, ou ayant disparu à la suite de difficultés au cours de la période étudiée.

Selon le bulletin de la Banque de France de l’année 2001, le premier score-industrie élaboré en 1982 a été renouvelé en 1995. Dès lors, et pour quelques autres secteurs, une deuxième génération de scores a ainsi vu le jour ces dernières années (Bardos, 2005, p. 64). Par ailleurs, suite aux changements des situations économiques et financières des entreprises, et selon les besoins, les scores de la BdF subissent des révisions permanentes. Par exemple, la dernière révision du score du secteur de la construction était en 2009, pour celui du commerce en gros était en 2012 (Banque de France, 2017).

Les scores en vigueur se résument dans le tableau suivant, leur champ couvre maintenant les grands secteurs d’activité productive en France.

Tableau n°12 : La représentation des différents scores et les différentes entreprises bénéficiant d’un score BdF

Secteur – score concerné Nombre d’entreprises ayant un score Mise à jour 2005 Mise à jour 2017 Industrie – BDFI2

Commerce de détail et réparation automobile – BDFCD Commerce de gros – BDFCG Transport – BDFT2 Construction – BDFB Hôtels – BDFH2 Restaurants – BDFR2 Service aux entreprises Sous-secteur A – BDFSA Service aux entreprises Sous-secteur B – BDFSB 42 000 36 000 32 000 7 000 20 000 3 000 3 000 9 000 8 000 35 200 48 700 31 300 7 800 30 000 4 600 7 650 13 100 15 550 Total 160 000 193 900

Source : (Bardos, 2005, p. 64 ; Banque de France, 2017, p. 17)

De ce tableau, nous remarquons que les scores en vigueur couvrent neuf secteurs d’activité. En 2005, le nombre des entreprises bénéficiaires de score étaient 160 000, alors que selon les statistiques de la BdF, le nombre à augmenter pour enregistrer 193 900 entreprises bénéficiaires en 2017.Selon la BdF, ses scores soutiennent la réflexion sur le développement des instruments de surveillance préconisés par le Comité de Bale. Ils favorisent, également, l’approfondissement des techniques et s’avèrent ainsi étroitement complémentaires des notations de crédits attribuées par les analystes (Bardos, 2005, p. 63).

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De ce fait, les scores de la BdF sont utilisés par les banques ainsi que par les entreprises, pour avoir une image synthétique du profil de l’entreprise. Ce sont donc des outils qui contribuent à informer rapidement sur le niveau de risque de l’entreprise et ainsi concourir au diagnostic au temps opportun. Donc, c’est une méthode qui a pour vocation la prévision anticipée de la solvabilité future des entreprises et la surveillance des cas risqués de manière immédiate.

2.2. Le tableau de bord financier : un outil de pilotage de la