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Chapitre I : Cadre conceptuel de la gouvernance d’entreprise

2.3. Rôle des mécanismes internes de la gouvernance d’entreprise :

2.3.2. Le conseil d’administration :

Selon la théorie d’agence, le conseil d’administration est le mécanisme le plus approprié pour discipliner les dirigeants et les obliger à agir dans l’intérêt des actionnaires (Boujenoui, Bozec, & Zéghal, 2004, p. 2). Comme Fama et Jensen (1983) (cités par Godard et Schatt, 2000) le font remarquer, le conseil d’administration en tant qu’autorité légale, est chargé de ratifier et de contrôler les décisions des dirigeants pour résoudre les conflits d’intérêt au sein de l’entreprise. Même si la gouvernance d’entreprise comporte plusieurs autres mécanismes, ils sont tous attachés au conseil d’administration (Louizi, 2006, p. 2). Ainsi, l’OCDE le défini comme « la structure à travers laquelle les objectifs

de l’entreprise, les moyens de les atteindre et les méthodes de leur contrôle sont fixés »

(OCDE, 2004, p. 11).

En 2000, Charreaux présentait le rôle du conseil d’administration selon les différentes théories de la gouvernance. Dans la théorie contractuelle financière de la gouvernance, le conseil d’administration est considéré comme un instrument de discipline des dirigeants au service des actionnaires. Par ailleurs, pour la théorie partenariale de la gouvernance, le conseil d’administration est un instrument facilitant la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes qui sont liées à l’entreprise. De ce fait, il constitue « un mécanisme

chargé d’assurer la meilleure coopération possible entre le dirigeant et les actionnaires, notamment en garantissant un partage équitable et en protégeant le capital managérial, de façon à inciter le dirigeant à accroître la rente » (p. 9). Enfin, et afin de s’adapter aux

nouvelles configurations organisationnelles et aux nouvelles figures de création de valeur, dans les théories stratégiques de la gouvernance, le conseil d’administration représente un instrument cognitif aidant à la création des compétences.

Il s’agit par conséquent d’une autorité légale qui joue un rôle crucial dans les stratégies de l’entreprise. Elle est chargée d’approuver les décisions des dirigeants et de contrôler le

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comportement opportuniste de ces derniers. Aussi, son rôle devient de plus en plus complexe dans les entreprises managériales où il y a une séparation entre la propriété et le contrôle.

En revanche, ces dernières années, le fonctionnement de cet organe de contrôle a fait l’objet de nombreux débats et a été critiqué dans de nombreux pays, notamment à l’égard de sa structure. En effet, dans le cadre de l’approche disciplinaire, l’efficacité du conseil d’administration à remplir ses rôles dépend largement des facteurs explicatifs de ses caractéristiques (Mkadmi & Haliou, 2013, p. 17). Dans ce contexte, les principales études portant sur le conseil d’administration ont permis d’identifier plusieurs critères associés à l’efficacité du contrôle exercé par ce mécanisme. Il s’agit principalement de sa taille, de l’indépendance de ses administrateurs, du cumul des fonctions de président du conseil et de directeur général, de la présence des administrateurs institutionnels et des administrateurs salariés ainsi que ses comités spécialisés.

a. L’indépendance des administrateurs :

Le rapport ‘’American Law Institute’’ de 1978 et le rapport ‘’Bouton’’ de 2002 définissent les administrateurs indépendants comme étant « des personnes physiques

dépourvues de tous liens d’intérêts avec l’entreprise et n’exerçant pas une fonction de direction dans l’entreprise ou le groupe. Ils sont réputés participer en toute objectivité aux travaux, et aptes à exercer leur liberté de jugement » (Genaivre, 2006, p. 23). Dans le

cadre de la théorie d’agence, la présence des administrateurs indépendants au sein du conseil a pour but d’aligner les décisions des dirigeants sur la création de la valeur actionnariale.

En 1980, Fama avance que les administrateurs externes agissent dans l’intérêt général de l’entreprise afin de garantir l’obtention de nouveaux mandats. En outre, leur présence a un poids lourd dans le fonctionnement des conseils d’administration du fait qu’ils sont essentiellement dirigés par la protection des intérêts des propriétaires. Dans cette optique, leurs intérêts personnels s’attachent à la valorisation de leur capital humain, fortement lié à leur réputation d’expert indépendant sur le marché des dirigeants (Fama et Jensen, 1983 ; voir aussi Baysinger et Butler, 1985, cités par Godard et Schatt, 2000).

Par ailleurs, l’indépendance des administrateurs à l’égard des dirigeants leur permet de s’opposer aux décisions les plus contestables (Rosenstein et Wyatt, 1997, cités par Rachdi et El Gaied, 2009). En outre, un conseil d’administration suffisamment indépendant dispose du pouvoir nécessaire pour contrôler et/ou contester directement les choix du

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dirigeant sans devoir recourir à la rémunération pour le discipliner (André, Khemakhem et Sakka, 2006, p. 8).

Le cabinet Korn Ferry International révèle qu’en 2002, aux Etats-Unis, 62% d’administrateurs indépendants siègent dans les entreprises Dow Jones, et sont présents à 100% dans les comités spécialisés. Tandis qu’au sein des entreprises françaises du CAC1

40, 43% des administrateurs sont internes, 29% sont indépendants et 21% sont des représentants des salariés (Genaivre, 2006, p. 25).

Ainsi, les administrateurs indépendants sont censés porter une vision objective sur l’entreprise et donner des avis et des conseils impartiaux sur les questions dans lesquelles se trouvent des conflits d’intérêts entre les intérêts personnels et l’intérêt général de l’entreprise. Autrement dit, en séparant le pouvoir du contrôle, l'existence d'administrateurs non exécutifs indépendants aide à surveiller et à contrôler efficacement les comportements opportunistes des dirigeants, en les aidant à évaluer objectivement dans leur travail (Mahi & Tekfi, 2020, p. 202).

b. La taille du conseil d’administration :

Certaines études soutiennent l’idée que la grande taille du conseil d’administration renforce sa capacité de contrôle et améliore ses sources informationnelles, grâce à sa structure diversifiée qui fournit de meilleurs liens environnementaux et fait preuve d’une meilleure expertise. Selon d’autres études, les conseils de grande taille rendent le processus de communication et de prise de décision plus lourd et plus difficile. Ces conseils sont souvent confrontés à des problèmes de coordination et à un risque de collusion entre les membres du conseil (Zeghal, Chtourou, & Makni-Fourati, 2006, p. 4).

En effet, certains pays préfèrent fixer une taille optimale à leur conseil, notamment le Royaume-Uni qui recommande huit membres pour les conseils d’administration de ses entreprises. Alors que, d’autres choisissent une taille minimale et une maximale telle l’Allemagne qui choisit une taille moyenne de dix-huit membres avec un minimum de trois. Pareillement pour la France, qui prévoit un conseil de trois membres au minimum et dix-huit au maximum. Cette taille est aussi préconisée pour les conseils des sociétés tunisiennes (Ammar & Nakaa, 2016, p. 66). En Algérie, et conformément à l’article 611 du code de commerce, le conseil d’administration est administré par trois membres au moins et douze au plus (Ministère du commerce, 2015, p. 156).

1 Cotation Assistée en Continu

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Comme le fait remarquer Jensen (1993), le nombre optimal d'administrateurs se situe entre sept et huit membres ; au-delà de ce seuil son efficacité diminue, car il devient facilement manipulable par les dirigeants. En 1972, Pfeffer révèle qu’un conseil de grande taille présente l’avantage d’être plus riche d’expériences et de compétences. Il permet de rendre les perspectives stratégiques de plus en plus déterminées. En 2004, Blanchard et Dionne (cités par Ammar et Nakaa, 2016) indiquent eux aussi que, la grande taille du conseil avec une structure diversifiée et une meilleure expertise représente un moyen pour bien évaluer les risques (p. 66).

D’autres problèmes peuvent surgir, notamment les difficultés de coordonner des contributions individuelles, les conflits lors de la prise de décision et la difficulté de garder de bonnes relations entre les membres. Aussi, les coûts générés par la présence d'un nombre conséquent d'administrateurs (Lipton et Lorsh, 1992, cités par Mehar, 2016, p. 36). c. Le cumul ou la séparation entre les fonctions de présidence du conseil d’administration et de direction générale :

La théorie d’agence suppose que la séparation des fonctions du président du conseil d’administration et de directeur général permet de réduire les coûts d’agence et d’améliorer ainsi le rendement des entreprises. Elle soutient l’idée que l’impartialité de surveillance n’est plus garantie dans une situation de cumul des fonctions, dans la mesure où le P-DG devient juge et partie (Rachdi & El Gaied, 2009, p. 3). Ceci est justifié par le fait que cette situation rend difficile l’identification des responsabilités du président du conseil et du directeur général en cas de mauvaises performances. C’est ainsi que Fama et Jensen (1983) critiquent cette pratique impactant le conseil qui perd ainsi son efficacité au regard de sa mission conjointe de contrôle et de conseil.

Par ailleurs, la théorie de l’intendance1 ‘’Stewardship Theory’’ recommande la structure monale (cumul des fonctions), car elle suppose que les entreprises qui optent pour cette structure enregistrent une performance supérieure à celles qui choisissent la séparation des deux fonctions (Rachdi & El Gaied, 2009, p. 5). Cela est justifié par le fait qu’une bonne connaissance de l’entreprise de la part du P-DG peut être utile à la prise de décisions. Ce postulat a été confirmé auparavant par (Sridharan et Marsinko, 1997), qui démontrent que dans une situation de cumul des fonctions de président du conseil et de directeur général, le conseil devient plus performant par le fait que le P-DG dispose de toute l’information concernant l’entreprise.

1La théorie de l'intendance est une théorie selon laquelle les gestionnaires, laissés à eux-mêmes, agiront en

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Face à ce mécanisme, des arguments divergents sont proposés. Certains pays favorisent la dualité des fonctions de président de conseil et de directeur général, notamment les pays d’Europe. L’Algérie également adhère à ce postulat, les entreprises publiques économiques se caractérisent par le cumul des fonctions de P-DG, contrairement aux pays anglo-saxons. d. La présence des administrateurs institutionnels au conseil d’administration :

En raison de l’expertise et de la compétence qu’elle apporte, la présence d’investisseurs institutionnels au sein du conseil d’administration a l’avantage de favoriser une surveillance rapprochée et plus efficace de la gouvernance de l’entreprise (Boudrigua, Jellouli, & Mamoghli, 2011). Alexandre et Paquerot (2000) avancent que leur présence au conseil d'administration est supposée engendrer les mêmes effets que leur participation au capital de l'entreprise. Ajoutons que leur notoriété et leur réputation permettent d’accroître leur pouvoir pour mieux contrôler les abus de pouvoir des preneurs de décisions et les obliger ainsi à suivre leurs recommandations (p. 20).

e. La participation des administrateurs salariés au conseil d’administration :

La présence d’administrateurs salariés au sein du conseil d’administration est globalement bénéfique pour les apporteurs de capitaux, puisque les actionnaires salariés sont plus favorables à la création de valeur actionnariale, car ils y ont directement intérêt (Hollandts, Aubert, & Eminet, 2008, p. 6). D’autre part, leur présence pousse les dirigeants à réduire leur comportement opportuniste en les contrôlant directement (Desbrières 1997, cité par Jaoua et Ben Mim, 2018).

De ce fait, leur présence au sein du conseil d’administration contribue à l’amélioration du rendement de l’entreprise en raison de leur aptitude à proposer des solutions efficaces (Jaoua & Ben Mim, 2018). En outre, les administrateurs salariés permettent de réduire l’asymétrie informationnelle dont bénéficient les dirigeants vis-à-vis des actionnaires (Hollandts, Aubert, & Eminet, 2008, pp. 6-7). Les administrateurs salariés apparaissent alors comme des garants de la pérennité de l’entreprise parce qu’il en va évidemment de leur intérêt propre mais également de leur intérêt collectif (Gomez & Hollandts, 2015, p. 20).

Toutefois, la théorie de l'agence suppose que les administrateurs salariés ne disposent pas suffisamment du pouvoir pour s'opposer aux décisions de leurs responsables hiérarchiques directs car, ils dépendent hiérarchiquement d’eux. De ce fait, leur manque d'indépendance impacte gravement sur l'efficacité de leur contrôle (Alexandre & Paquerot, 2000, p. 17).

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Pareillement, la présence des administrateurs salariés au sein du gouvernement d’entreprise peut provoquer un risque d’enracinement des dirigeants, qui peuvent tenter de détourner à leur profit les mécanismes d’actionnariat salarié et la représentation qui en découle à leur avantage (Hollandts, Aubert, & Eminet, 2008).

f. Les comités spécialisés attachés au conseil d’administration :

Selon (John et Senbet, 1998, cités par Jaoua et Ben Mim, 2018), le conseil d’administration devient plus efficace lorsqu’on y rattache des comités spécialisés, tels que : les comités d’audit, les comités de rémunération et de nomination des dirigeants et les comités d’éthique de gouvernance (Khaldi, 2014, p. 104). Car, ils facilitent son fonctionnement et contribuent efficacement à la préparation des décisions (Godard & Schatt, 2000). Ceci a été déjà confirmée par (Klein, 1995, citée par Khaldi, 2014, p. 105) qui avance que les comités spécialisés pourraient améliorer l’efficacité du conseil d’administration. Ainsi, leur développement permet d’améliorer l’efficacité du contrôle exercé sur les dirigeants (Louizi, 2006, p. 9). Néanmoins, ces comités ne remettent pas en cause les prérogatives du conseil d’administration qui détient seul le pouvoir légal des décisions.