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Le corpus complet des thèses entre 1900 et 1914

Le corpus des thèses de sciences mathématiques soutenues en France entre 1900 et 1914 est constitué de 84 ouvrages46. Afin de pouvoir exploiter ce corpus, notamment

45. Dans l’analyse ci-dessus, on peut évoquer la mise en valeur de l’apparition et de l’utilisation progressive de la théorie des ensembles en analyse.

pour connaître l’évolution des dynamiques de recherches, j’ai procédé au classement des différentes thèses en utilisant un outil bibliographique contemporain de ces re- cherches47.

Il s’agit du Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik, répertoire bibliogra- phique48 qui couvre l’ensemble de la période, du début du siècle jusqu’en 1942. Il recense l’essentiel des travaux mathématiques qui paraissent internationalement et il permet en particulier de couvrir la majeure partie du corpus des thèses en sciences ma- thématiques de 1900 à 194249. Ainsi, entre 1900 et 1914, sur les 72 thèses de sciences mathématiques soutenues à Paris, seules 7 ne sont pas référencées en tant que « Thèse » dans le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik, et pour les 12 thèses soutenues en province, trois ne figurent pas dans le répertoire.

De plus, entre 1900 et 1914 la composition du Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik et sa division en chapitres reste relativement stable, tout comme son rythme de parution50. Les perturbations les plus importantes n’interviennent que pour le volume des années 1914-191551. Entre 1900 et 1914, les évolutions des divisions à l’intérieur de chaque section ne concernent pas directement l’utilisation que je fais dans mon analyse du classement des thèses de cette période, c’est-à-dire les domaines que je distingue et où sont recensés les doctorats.

Pour la dizaine de thèses qui ne sont pas référencées par le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik, différents cas de figures se présentent :

– Si l’auteur a publié sur le sujet d’autres travaux en lien explicite avec le sujet de la thèse et référencés par le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik, tels

Dans le cadre de cette partie, je ne chercherai pas à discuter de la nature du mémoire de thèse, ni de son statut particulier, ni de la façon dont le milieu le considère. Une telle réflexion sera menée ultérieurement pour la période entre 1914 et 1945.

47. Je ne ferai ici que présenter brièvement mes méthodes et le répertoire bibliographique consulté. J’y reviendrai plus longuement dans le deuxième chapitre à propos de l’entre-deux-guerres.

48. créé en 1868, donc bien avant les périodes considérées.

49. C’est également le répertoire bibliographique qui a été utilisé par Hélène Gispert dans ses travaux Gispert 1991, 1993 et l’un de ceux auxquels se réfèrent Catherine Goldstein dans Goldstein 1999, 1994.

50. 2 ans de décalage avec l’année recensée jusqu’en 1904, puis 3 ans jusqu’en 1913.

51. Ce volume ne paraît qu’en 1922. De plus, la présentation formelle et l’organisation de ce recueil évolue précisément à partir de cette année-là. Une table des matières apparaît et pour la première fois depuis 1900 un titre de chapitre évolue : la section « Physique mathématique » est remplacée par « Théorie de la relativité et théorie de la gravitation ». De plus les chapitres correspondant aux domaines de la « Mécanique » et de l’« Astronomie, Géodésie et Géophysique » sont profondément réorganisés. Je ne parlerai pas dans le cadre de cette partie des conséquences qu’un tel bouleversement entraîne ou de ce qu’il peut révéler (ces évolutions n’ont lieu qu’à la dernière année de cette première période). De même, je ne discuterai pas ici des biais que l’utilisation de cet outil entraîne pour le découpage entre les disciplines et donc pour les équilibres entre les divers domaines mathématiques. Je ne commenterai pas non plus la façon dont sont refletées des opinions propres à certaines collectivités, opinions qui ne coïncident pas forcément avec la perception française du moment et le caractère national de certaines disciplines. Une telle discussion sera menée ultérieurement pour la période entre 1914 et 1945.

que des notes aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, j’ai alors classé la thèse en question dans la même discipline que celle donnée par le répertoire bibliographique52.

– Dans le cas contraire, j’ai effectué une recherche à partir du titre de la thèse. Lorsque je pouvais trouver une publication s’intéressant explicitement aux mêmes questions, la plus contemporaine possible53, j’ai classé la thèse concernée dans la discipline mentionnée par le Jahrbuch54.

Je ne discuterai pas des effets et des biais qu’engendre l’utilisation d’un tel ré- pertoire bibliographique ancré dans une tradition nationale. Ils semblent cependant importants. La rapide comparaison du Jahrbuch avec, par exemple, le répertoire bi- bliographique français Répertoire bibliographique des sciences mathématiques55 montre ainsi l’influence des perceptions nationales pour juger de l’appartenance d’un domaine à une discipline, pour le regroupement de domaines entre eux, regroupement dépendant de l’importance relative des différents domaines considérés.

Pour la classification du répertoire français, seuls trois grands domaines sont distin- gués (l’analyse mathématique, la géométrie et les mathématiques appliquées) domaines à l’intérieur desquels sont regroupés certaines des divisions présentes dans la classifica-

52. C’est le cas pour 4 des thèses soutenues à Paris. Par exemple, la thèse de Bratu en 1914, Sur l’équilibre des fils soumis à des forces intérieures n’est pas référencée directement. En revanche, Georges Bratu a publié en 1914 dans le Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques de Darboux un article Figures d’équilibre d’un fil dont les éléments se repoussent mutuellement, article classé par le Jahrbuch über die Fortschritte der Mathematik en « mécanique ». C’est donc le classement que j’ai adopté. Autre exemple : la thèse de Popovici en 1908, Sur les surfaces intégrales communes aux équations différentielles. Ce cas est peut-être plus sujet à discussion. En 1908, le Jahrbuch recense un article de l’auteur qui semble concerner le sujet de sa thèse : Sur les équations aux intégrales réciproques, classé en « Calcul différentiel et intégral ». Mais une recherche dans le Jahrbuch à partir de mots du titre « surfaces intégrales » donne pour la période proche de 1908 l’article d’Émile Turrière, publié en 1909 dans les Nouvelles annales, Sur certains systèmes orthogonaux du plan et sur les surfaces integrales de l’équation de Laplace r +t = 0, et référencé en géométrie analytique de l’espace. J’ai donc pour ce cas particulier préféré référencer la thèse en géométrie (géométrie analytique), classement qui est confirmé à la lecture du rapport de thèse.

53. Il m’a paru important de ne choisir que des publications de la même période, de façon à tenir compte des évolutions de la classification du Jahrbuch.

54. Outre la thèse de Popovici en 1908, ce cas concerne 3 autres doctorats parisiens. Par exemple, la thèse de Marius Grandjean de 1902, Sur le régime permanent graduellement varié qui se produit à la partie amont des tuyaux de conduite et sur l’établissement du régime uniforme dans ces tuyaux, n’est pas référencée par le Jahrbuch, comme aucun autre article de l’auteur. J’ai alors effectué une recherche sur le titre en choisissant les termes « régime permanent grauellement varié ». Cette recherche a donné comme résultat deux notes aux Comptes rendus de l’Académie des sciences écrites par Joseph Boussinesq en 1890 portant le même titre : Théorie du régime permanent graduellement varié qui se produit près de l’entrée évasée d’un tube fin, où les filets d’un liquide qui s’y écoule n’ont pas encore acquis leurs inégalités normales de vitesse et classées toutes deux dans la section de « mécanique »(en « dynamique »). J’ai donc classé la thèse de Marius Grandjean en « mécanique ». J’ai procédé de la même manière pour les thèses de Casimir Monteil en 1905 et de Rousier en 1908.

55. Dirigé par la Société mathématique de France, ce répertoire est initié par des savants français dont Poincaré à la fin du XIXème

et sa publication dure de 1894 à 1912. Le travail de recensement ne s’étend que peu à des travaux mathématiques du XXème siècle et je n’ai pu y trouver mention d’aucune des thèses soutenues entre 1900 et 1914. Cf. Rollet et Nabonnand 2002.

tion du Jahrbuch56. Au sein de l’analyse mathématique, on trouve ainsi des domaines pourtant nettement séparés dans la classification du répertoire allemand tels que l’al- gèbre, l’arithmétique, le calcul des probabilités, la théorie des fonctions ou le calcul différentiel et intégral. La section « géométrie » regroupe des domaines référencés dans le Jahrbuch en « géométrie pure, élémentaire et synthétique » et en « géométrie ana- lytique », la section « mathématiques appliquées » les questions de « mécanique », de « physique mathématique », d’« astronomie, mécanique céleste, géodésie », ainsi que de « philosophie et histoire des sciences mathématiques ».