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Chapitre 2 - Présentation de l’étude

2.1 Le contexte d’étude

2.1.2 Le contexte économique et socio-démographique

En 2000, le Sénégal comptait une population d’environ 10 millions d’habitants. Il occupait la 154ème place de l’Indicateur de Développement Humain26 : l’espérance de vie est inférieure à 55 ans, le taux d’alphabétisation des plus de 15 ans proche de 40 %, avec un fort écart entre les sexes, le niveau de mortalité maternelle est supérieur à 500 pour 100 000 naissances vivantes et près 20 % des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de retard de croissance ou d’insuffisance pondérale (PNUD, 2002). Majoritairement rural, le pays est en voie rapide d’urbanisation : 40 % de la population nationale habite en ville, dont 20 % dans la capitale, Dakar. Avec un taux de croissance naturel supérieur à 2,5 %, le Sénégal doit faire face à une explosion des besoins éducatifs, nutritifs et de santé.

Malgré une légère évolution au cours des dernières années, la population des villages d'étude est encore très traditionnelle. En effet, bien qu’en baisse depuis le début des années 1990, l’Indice Synthétique de Fécondité reste supérieur à 7 en 2000 et l’âge moyen à la primiparité demeure inférieur à 20 ans. La polygamie est fréquente, le célibat définitif est marginal et l’écart d’âge entre époux au mariage est proche de 10 ans. La population est structurellement très jeune : au 1er janvier 2000, les moins de 10 ans représentent près du tiers de la population totale27. Le niveau d’instruction est faible, avec des inégalités marquées selon le sexe : en 1997, 75 % des femmes âgées de 15 à 24 ans sont analphabètes et 60 % des hommes n’ont pas reçu d’instruction primaire (Delaunay, 1998). La densité de population, évaluée à 60 habitants au kilomètre carré en 1940 (Vanhaeverbeke, 1970), puis à 85 en 1966 (Cantrelle, 1969), atteint des niveaux sans précédents, supérieurs à 150 hb/km².

A l’instar des autres pays d’Afrique intertropicale, le Sénégal a bénéficié d’une forte baisse de la mortalité aux jeunes âges au cours des dernières décennies : le taux de mortalité infanto juvénile est ainsi passé de 279 ‰ en 1970 à 139 ‰ en 2000 (Nations Unies, 1994). Au Sénégal, la mortalité dans l’enfance reste cependant parmi les plus élevées au monde avec un fossé marqué entre le milieu urbain et le monde rural : en 1999, la mortalité infanto juvénile en milieu rural, supérieure à 170 ‰, est 1,8 fois supérieure à celle des zones urbaines, proche de 90 ‰ (DHS 3 ; Adjamagbo et al., 2002).

26 L’IDH est indicateur combinant l'espérance de vie, le niveau de connaissances (mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation, et le P.I.B. réel par habitant ajusté en parité de pouvoir d'achat (PPA). Il classe 173 pays et, en 2000, la France occupait la 12ème place.

27 On dénombre 5020 enfants de moins de cinq ans et 4560 enfants âgés de 5 à 10 ans, représentant respectivement 17% et 16% du total.

A Niakhar, la baisse de la mortalité infanto juvénile s’est amorcée assez tôt (Pison, 1995), passant de près de 500 ‰ dans les années 1960 à 180 ‰ pour la période 1994-1996. En raison de la forte incidence des maladies infectieuses, multipliant les risques de décès au cours du sevrage (Marra et al., 1996), le milieu d’étude se caractérise par des niveaux de mortalité juvénile relativement élevés par rapport à la mortalité infantile, respectivement à 151 ‰ et 104 ‰ pour la période 1984-93 (Delaunay, 1995).

Les difficultés sanitaires et sociales de la population sont avant tout le reflet d’une situation économique problématique : en 2001, le Sénégal fait partie du groupe des PMA28. Le Sénégal est en effet un pays faiblement industrialisé, tirant l’essentiel de ses revenus de la pêche, du tourisme et de l’exportation de phosphates et d’arachide. Son Produit Intérieur Brut, évalué à 4,4 milliards de Dollars pour l’année 2000, stagne depuis 25 ans. L’économie sénégalaise est fortement dépendante de son agriculture. Or, au cours des dernières décennies, le secteur agricole a été durement touché, par les effets combinés d’un déficit pluviométrique prolongé et d’une forte baisse des cours mondiaux des matières premières : le Sénégal est passé d’un taux d'autosuffisance alimentaire de 138 % en 1962 à 79 % en 1989 et importe désormais chaque année près de 800 000 milles tonnes de céréales. Pour faire face aux difficultés économiques, en 1994, la monnaie nationale, le franc CFA, a été dévaluée de 50 %.

La population sénégalaise est composée d’une pluralité de groupes ethniques. Les Wolofs représentent près de 40 % de la population, le groupe des Hal Pulaar près de 25 %, les Sereers environ 15 %, les Diolas 10 % et les peuples mandingues 5 % ; d’autres groupes, les manjaks, les balante, les bassari, les bétiks complètent cette mosaïque ethnique. La population de Niakhar est quasiment homogène sur le plan ethnique : elle est composée à plus de 97 % de Sereers (Marra et al., 1996). L’ethnie Sereer regroupe plusieurs sous-groupes partageant un patrimoine commun, mais cultivant également de multiples différences, avec en particulier des dialectes très différents. La population habitant les villages proches de Niakhar est presque exclusivement composée de sereers sine sine. Au regard des principaux groupes ethniques voisins, les Wolofs et les Pulaars, la société Sereer se caractérise, d’une part, par l’absence d’un système politique ou juridique formel et, d’autre part, par un système de parenté traditionnel bilinéaire, à prédominance matrilinéaire (Diouf, 1970 ; Troy, 1999).

Les Sereers sont un peuple de paysans avec une vie sociale rythmée par le calendrier des travaux agricoles : ils vivent principalement d’une économie agro-pastorale, combinant la production de cultures de rente, le mil et le sorgho, et de cultures principalement destinées à la vente, l’arachide, les haricots et les fleurs d’ibiscus. Le système cultural sereer est perfectionné : il prévoit une rotation de cultures et des jachères permettant d’assurer l’entretien du sol et la pérennité des cultures, en étroite association avec l'élevage29 (Lericollais). Au cours des dernières décennies, dans un écosystème fragilisé par la baisse prolongée de la pluviométrie, l’accroissement de la pression démographique, le développement des échanges commerciaux, les politiques étatiques et la crise économique ont remis en cause l’équilibre du système agro-pastoral traditionnel. Bien que parfaitement adapté aux caractéristiques de l’environnement, l’économie agro-pastorale traditionnelle apparaît fragilisée, avec « un seuil démographique maximum au-delà duquel le système décrit comme typiquement sérère n'est plus réalisable » (Pelissier, 1953, p.24). La réduction des jachères et la modification des rythmes d’alternance des cultures a entraîné une dégradation sans retour du milieu agricole contraignant une part importante de la population active à l’émigration saisonnière : les stratégies de mobilité circulaire vers les villes touchent près de 70% des femmes, principalement lors de l’adolescence (Pontié et Lericollais, 1995). Les sereers sont profondément attachés à leur identité et à leur terroir, mais s’ouvrent cependant peu à peu aux différentes mutations opérées au sein de la société sénégalaise, avec une forte influence économique et culturelle mouride30.

Le milieu d’étude est fortement sous-équipé en infrastructures : en 2001, aucun village n’est alimenté en électricité, plus du tiers de la population consomme une eau saumâtre issue des puits traditionnels et 60 % des ménages s’approvisionne en eau auprès de robinet collectifs (Delaunay et al., 1998). En l’absence de route goudronnée et de latérite, les villages sont reliés entre eux par des pistes et les charrettes tirées par des chevaux constituent le principal moyen de déplacement. L’unité d’habitat est la concession, délimitée par des palissades de paille séchée, et regroupe fréquemment plusieurs ménages. Les cases, rectangulaires, sont généralement fabriquées en terre séchée, couvertes de toits en paille ; les familles qui le peuvent construisent des maisons en dur, couvertes de tôle ondulée.

29 Les paysans pratiquent un assolement où la culture du mil et de l'arachide succédent à une année de jachère pâturée ; les troupeaux de bovins partent en transhumances