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Au moins un soin à domicile

3.1.2 Les recours hors de la concession

3.1.2.2 Délai au recours externe

Le délai moyen au premier recours externe est de 2,4 jours (n=292), avec un écart type de 1,5 jours selon la filière thérapeutique. Le délai de consultation des thérapeutes traditionnels, 2,3 jours, est significativement inférieur à celui des recours en poste de santé 2,6 jours (t<0,05) (figure 3-7). Au sein des recours biomédicaux, le délai de recours varie également en fonction du type de structure consulté : la fréquentation des cases de santé intervient significativement plus tôt que le recours en poste de santé (t<0,05) (figure 3-7). Ces observations sur le long délai pour la mise en œuvre du premier recours externe, notamment en direction des structures sanitaires, concorde avec les principaux résultats de la littérature (Deming et al., 1989 ; Mwenesi et al., 1995 ; Alles et al., 1998).

Figure 3- 7 : Délai moyen en jours pour la consultation selon la nature du recours externe (rang 1 et 2)

3 2,5

2,9 2,7

2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 2,7 2,8 2,9 3 3,1

Recours en poste de santé (N=135) Recours en case de santé

(N=60)

Recours biomédical (N=195) Recours traditionnel (N=160)

Délai en jours

Ces variations s’inscrivent dans un calendrier de consultation différent pour chaque filière thérapeutique. Les postes de santé sont nettement moins consultés le jour de l’apparition des symptômes : 17 % des recours en poste de santé sont réalisés le premier jour de maladie, contre plus de 30 % des recours traditionnels et en case de santé (p<0,05) (tableau annexe 3.5).

Le délai de consultation varie significativement selon le nombre et la durée des soins à domicile. L’absence de soins à domicile facilite un recours rapide, surtout en direction des structures sanitaires : les enfants ne recevant pas de soins à domicile sont amenés significativement plus rapidement en consultation, en moyenne en 1,6 jours (N=33) que les autres ; à l’inverse, ceux recevant plusieurs soins à domicile consultent plus tardivement que ceux n'ayant reçu qu’un seul soin, 3,0 jours (N=72) contre 2,3 jours (N=100) (t<0,05).

A la lumière de ces résultats, il semble que la pratique des soins à domicile corresponde à une phase d’attente au cours de laquelle sont sélectionnés les épisodes qui ne pourront pas être pris en charge de manière satisfaisante au sein du domicile et devront être traités à l’extérieur. Le long délai de consultation favorisant les risques que l’infection provoquée par P. falciparum devienne grave (Buck et al., 1994), les soins à domicile apparaissent, dans une certaine mesure, comme un frein à une prise en charge rapide et efficace des épisodes palustres : « les enfants qui avaient reçu des soins avant de consulter à l’hôpital sont restés plus longtemps malades que ceux n’ayant rien reçu »66 (Nwanyanwu et al., 1996, p.67).

3.1.2.3 Coût du recours externe

L’immense majorité des recours externes67 ont donné lieu à une dépense : 9 % des recours ont été gracieux et la part des coûts inconnus est marginale, de l’ordre de 2 %. Dans le cadre des consultations traditionnelles, la nature de la relation avec le tradithérapeute facilite la consultation gratuite ou à crédit.

La mise en œuvre de recours en structure sanitaire sans argent est révélatrice de fortes difficultés financières d’une frange de la population, jugeant nécessaire une consultation biomédicale, mais n’en ayant pas les moyens au moment de la survenue de la maladie.

66 Traduction de l’auteur : « children who were reported to have received some treatment at home before being brought to the hospital were sick longer than those receiving no treatment

67 Les résultats présentés sur le coût de recours externe se basent sur 348 des 365 recours externes. Par choix méthodologique, nous n’avons pas documenté les recours de rang supérieurs à 2 ; par ailleurs, 17 recours externes, soit 4,6 % n’ont pas été renseigné en raison de l’absence de ses acteurs principaux (père et autres).

Le coût moyen de la consultation et du traitement des recours payants est de l’ordre de 700 Francs CFA (n=309), mais varie fortement selon la nature de la consultation : le coût moyen du recours en poste de santé, 1 300 Francs CFA, est 1,9 fois celui de la consultation en case de santé et 7,6 fois supérieur à celui des recours traditionnels (figure 3-8 et tableau annexe 3.6). Par ailleurs, bien que le coût moyen du premier recours externe soit nettement plus élevé que le second, il ne varie pas au sein des différentes filières thérapeutiques.

Figure 3- 8 : Coût moyen et somme moyenne mobilisée en Francs CFA selon la nature du premier recours externe (effectifs et écarts types dans le tableau annexe 3.6)

1342 722 177 1789 845 290 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800

Coût moyen Somme moyenne mobilisée

Poste de santé Case de santé Traditionnel

Dans le cadre de notre enquête, le coût moyen du recours en poste de santé apparaît particulièrement élevé. Il est d’une part prohibitif au regard du tarif des consultations en case de santé ou auprès de guérisseurs traditionnels. Il est d’autre part nettement supérieur aux tarifs de base pour la prise en charge d’un enfant en poste de santé, moins de 300 Francs CFA pour un simple traitement par chloroquine et de 1000 Francs CFA pour un traitement par injections intra-musculaires. Le coût élevé des recours en poste de santé peut être expliqué par l’importance des moyens thérapeutiques mobilisés pour traiter les enfants consultants.

La population fait preuve d’une grande capacité d’anticipation des coûts générés par la consultation. Chaque type de recours externe est associé à une gamme budgétaire, avec de fortes variations des moyens financiers selon la nature du recours réalisé : la somme moyenne mobilisée pour le premier recours externe est respectivement de 1 800 Francs CFA, 850 Francs CFA et 300 Francs CFA pour les recours en postes de santé, en case de santé et auprès d'un thérapeute traditionnel (t<0,01) (figure 3-8). Pour dégager des tendances, nous avons défini des catégories. La somme mobilisée et le coût effectif du recours sont le plus souvent en adéquation (p<0,01) (tableau annexe 3.8) : 16 % des recours traditionnels sont tentés sans argent et près de 40 % avec une somme inférieure à 100 Francs CFA, conformément aux observations montrant que les guérisseurs n’ont pas toujours de tarif fixe et se contentent parfois de dons non monétaires. Plus de 40 % des recours en cases de santé sont entrepris avec une somme comprise entre 100 et 500 Francs CFA ; plus de 80 % des recours en poste de santé sont tentés avec plus de 500 Francs CFA, dont un tiers avec plus de 1 500 Francs CFA. La distribution en nuage de points des sommes mobilisées et des coûts de recours (plafonnés à 5000 Francs CFA), résume autour d'une courbe de tendance la relation entre la somme mobilisée et le coût du recours externe (figure 3-9).

Figure 3- 9: Distribution en nuage de points du coût des soins et de la somme mobilisée

R2 = 0,3502 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000 Somme mobilisée Co ût d es so in s

L'adéquation entre la somme mobilisée et le coût effectif du recours diminue cependant lorsque les sommes mobilisées sont importantes : l’adéquation entre la somme mobilisée et le coût du premier recours externe passe de 90 % pour une somme inférieure à 100 Francs à 45 % pour les sommes supérieures à 1 500 Francs CFA. De fait, pour les recours traditionnels, l’adéquation entre la somme mobilisée et le coût du recours externe est maximale pour les sommes comprises entre 100 et 500 Francs CFA ; pour les recours biomédicaux, le maximum concerne les sommes comprises entre 500 et 1500 Francs CFA. Au niveau des soins biomédicaux, l’adéquation entre la somme mobilisée et le coût effectif du recours s’explique également par l’ajustement du traitement acheté au budget disponible.

Le coût du recours externe augmente avec le délai de recours : il est inférieur à 700 francs CFA en moyenne pour les deux premiers jours de maladie et supérieur 900 Francs CFA pour les jours suivants ; l’écart type tend également à augmenter (tableau annexe 3.9). Cependant, l’influence du délai de consultation sur le coût du recours varie selon la nature de la consultation. Ainsi, pour les recours en poste de santé la hausse dans le temps du coût des soins avoisine les 130 Francs CFA, soit presque 10 %, principalement en raison d’une augmentation du nombre de recours supérieurs à 500 Francs CFA. En case de santé, la hausse du coût de recours est moins importante, de près de 50 Francs CFA. Le coût du recours traditionnel tend lui à diminuer avec la durée de maladie, reculant de 10 Francs CFA, soit de 6 %. La hausse du coût moyen de traitement avec le temps de maladie s’explique avant tout par le risque d’aggravation de l’épisode morbide au cours du temps, nécessitant, en biomédecine, des moyens thérapeutiques plus importants.

Les sommes mobilisées connaissent une évolution parallèle à celle des coûts, avec les mêmes variations selon la nature du recours. La somme moyenne mobilisée pour les recours biomédicaux passe de moins de 1 300 Francs CFA pour les deux premiers jours de maladie à près de 1 800 Francs pour les jours suivants et pour les recours traditionnels de près de 250 Francs CFA à 350 Francs CFA (tableau annexe 3.10). Ce résultat peut être interprété comme l’expression d’une anticipation de l’élévation des coûts avec la durée de la maladie, mais peut également refléter une augmentation de la capacité à mobiliser des fonds avec le temps.