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4.3 Les caractéristiques socio-démographiques de l’enfant malade et de ses parents

4.3.2 Les caractéristiques socio-démographiques des parents Nous avons retenu comme facteurs caractérisant les parents de l’enfant le niveau

4.3.2.1 L’âge des parents

De manière classique, l’âge des parents est un indicateur multidimensionnel, exprimant fondamentalement une information biologique, mais constituant également un puissant indicateur du statut social, du pouvoir économique et du rapport à la tradition. Nous supposons, pour notre part, que l’ouverture aux innovations extérieures et, plus généralement le rapport aux différentes alternatives thérapeutiques varient selon l’âge des personnes en charge de l’enfant. Notre hypothèse pose que les parents les plus jeunes ont tendance à plus facilement adopter des pratiques thérapeutiques suivant les recommandations des autorités sanitaires, alors que les plus âgés, gardiens de la tradition et bénéficiant d’une plus grande expérience de gestion et de traitement de la maladie, privilégient plutôt les soins à domicile et le recours aux thérapeutes traditionnels. Enfin, nous pensons que l’âge de la mère, par ailleurs étroitement corrélé à son niveau de parité, est directement associé à sa capacité à décider et à mettre en œuvre les soins.

Les personnes interrogées avaient en moyenne 41 ans au moment de l’enquête (tableau annexe 4.58). Les mères biologiques, âgées en moyenne de 34 ans, sont significativement plus jeunes que les tutrices106, âgées en moyenne de près de 50 ans. Agés de 45 ans en moyenne, les répondants au questionnaire père sont de près de 10 ans les aînés des mères. Dans plus de 70 % des couples, le père a au moins 5 ans de plus que la mère, ce qui est conforme à nos connaissances de la population d’étude (Delaunay, 1998). Avec une moyenne d’âge de 53 ans, les personnes autres ont un âge significativement supérieur à celui des parents de l’enfant et sont le plus souvent leurs aînées107.

Bien qu’il existe une relation évidente entre l’âge de la mère et celui du père108, nous avons choisi, conformément à notre stratégie d’analyse, d’étudier de manière séparée l’influence de l’âge de la mère et de l’âge du père sur les pratiques thérapeutiques : ici, l’âge du père est légèrement plus associé aux pratiques de soins à domicile (tableau annexe 4.48) et celui de la mère plutôt aux recours externes (tableaux annexe 4.49). Les indicateurs distinguent, pour la mère comme pour le père de l’enfant, deux classes d’âges articulées autour de l’âge médian.

106 Les tutrices ont la charge d’enfants confiés, dont elles ne sont pas les mères biologiques

107 Se reporter au chapitre 2.3.5 présentant l’échantillon d’enquête pour les détails sur la nature des liens des personnes autres

Bien que limitée, l’influence de l’âge des parents sur les soins à domicile est tout à fait conforme aux relations attendues : les pères âgés de moins de 45 ans ont une légère tendance à privilégier la consommation de médicaments et l’utilisation d’enveloppement frais ; à l’inverse, lorsque le père de l’enfant est âgé de plus de 45 ans, l’ingestion d’aliments spéciaux, la pratique de massages et d’incantations augmentent (tableaux annexes 4.48 et 4.59).

L’âge des parents détermine significativement la réalisation de recours externes, avec, là encore, des relations allant dans le sens des principaux résultats de la littérature : les parents jeunes font preuve d’une capacité supérieure à adopter des schémas thérapeutiques conformes aux recommandations sanitaires. Les enfants de mère âgée de moins de 35 ans consultent 1,7 fois plus souvent en structure sanitaire, y compris dès le début de maladie et fréquentent 1,3 fois plus souvent un thérapeute traditionnel ; ils effectuent plus généralement 1,6 fois plus souvent plusieurs recours externes consécutifs (figure 4-26). En revanche, de manière surprenante le respect des règles de posologie pour le traitement par chloroquine est meilleur pour les enfants dont le père est âgé d’au moins 45 ans (tableau annexe 4.87)

Figure 4- 26 : Propension à pratiquer différents soins selon l’âge de la mère de l’enfant : moins de 35 ans (N=430) ou 35 ans et plus (N=455) 9,1% 5,7% 27,4% 16,0% 18,4% 14,1% 15,1% 8,8% 0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% 25,0% 30,0% Plusieurs recours externes * (1,60) Recours en centre de santé *** (1,71) Recours traditionnel * (1,30) Recours en centre de santé 48H *** (1,72)

Mère âgée de 16 à 34 ans Mère âgée de 35 ans et plus

L’âge des parents, et en particulier celui de la mère, influence les conditions de prise en charge des enfants malades au sein de la cellule familiale (tableau 4-8). Conformément aux observations de la littérature sur l’évolution du statut de la femme en milieu rural africain, en prenant de l’âge, les femmes gagnent en pouvoir de décision et en autonomie : les femmes de plus de 35 ans prennent plus fréquemment l’initiative des recours externes, décident plus souvent seules des actes thérapeutiques et participent également plus à la prise en charge du coût des soins (tableau 4-8). Le corollaire de ces résultats est que le champ d’action des jeunes mères est orienté sur la mise en œuvre des soins : les mères âgées de moins de 35 ans emmènent plus fréquemment les enfants malades en consultation que les autres. Par ailleurs, l’âge moyen élevé des personnes autres, intervenues au cours de l’épisode morbide, souligne que la capacité à participer au processus thérapeutique dépend d’un statut en partie défini par des critères d’âge.

Tableau 4- 8 : Conditions de prise en charge des recours externes selon l’âge de la mère109

Mère propose RE1 Décision seule RE1 Mère finance RE1 Mère accompagne RE1 N Age de la mère 16-34 ans 35 ans et plus *** 40,4 66,1 Ns 27,7 32,2 *** 27,1 42,4 * 34,9 25,4 284 166 118

*** Significatif à 1% ; ** Significatif à 5% ; *significatif à 10% ; ns non significatif à 10%

Bien qu’il ne soit pas possible de dissocier les effets d’âge des effets de génération, les comportements thérapeutiques et les modalités de prise en charge de la maladie semblent évoluer au cours du temps, conformément aux fondements de l’hypothèse classique selon laquelle l’innovation passe par les jeunes classes d’âge. Par ailleurs, à Niakhar, si en prenant de l’âge, les mères gagnent en autonomie et en pouvoir de décision, elles sont toujours confrontées à un problème d’accès aux ressources financières limitant leur capacité à prendre en charge les soins les plus coûteux. En effet, les femmes âgées de plus de 35 ans jouissent d’une plus grande liberté d’action par rapport aux autres membres du ménage, ce qui modifie leur implication dans le schéma décisionnel ; cependant, leur manque de moyens financiers restreint la gamme de choix thérapeutiques accessibles et inhibe fortement la propension à consulter en structure sanitaire.