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4.3 Les caractéristiques socio-démographiques de l’enfant malade et de ses parents

4.3.1 Les caractéristiques socio-démographiques de l’enfant

4.3.1.2 L’âge de l’enfant

La littérature identifie l’âge de l’enfant comme un déterminant majeur des pratiques thérapeutiques et des modalités de prise en charge du malade, mais son influence n’est pas uniforme et varie fortement selon les contextes culturels et sociaux. Nous formulons l’hypothèse que dans le contexte d’étude de Niakhar l’âge constitue l’un des principaux déterminants des comportements de recours aux soins. Nous supposons ainsi que, dans la mesure où une fièvre est différemment perçue chez un nourrisson de quelques mois et chez un enfant de 8 ans, le choix des moyens médicaux varie en fonction de l’âge de l’enfant, les plus jeunes bénéficiant d’un accès plus rapide et plus fréquent aux soins les plus difficiles d’accès, notamment les structures sanitaires. Nous supposons également que, dans la mesure où l’âge biologique de l’enfant renvoie à son âge social, l’âge de l’enfant détermine les conditions de prise en charge de la maladie, l’implication de la mère de l’enfant diminue avec l’âge de l’enfant et suit une logique inverse pour le père.

Les enfants enquêtés sont tous âgés de moins de 11 ans, avec un âge médian et un âge moyen proche de 4 ans.

Les sereers distinguent traditionnellement plusieurs classes d’âges dans l’enfance : de la naissance jusqu’à l’âge de un à deux ans, l’enfant, qui est le plus souvent porté sur le dos et en constante interaction avec sa mère, est appelé Ngeek. Il change de statut lors du sevrage et devient alors Robatin. Quelques mois plus tard, l’enfant est appelé O Njaaj et quelques années plus tard O Nbedadoong.

Au regard des caractéristiques médicales du paludisme, il est possible de regrouper les enfants en trois grandes classes d’âges : les enfants de moins de deux ans, représentant près de 20 % des enfants enquêtés, les enfants âgés de deux à quatre ans, représentant le tiers des enfants et les enfants âgés de cinq à dix ans, représentant plus de 40 % des enfants enquêtés103 (tableau annexe 4.53).

En comparant la structure par âge de la population intégrée à l’échantillon d’enquête à celle de l’ensemble des enfants résidant dans la zone d’étude, il apparaît une légère sous représentation de enfants âgés de moins d’un an, principalement compensée par une sur représentation des enfants âgés de 1 à 4 ans et, dans une moindre mesure, des 4-10 ans104 : ces variations sont conformes à la distribution de la morbidité dans l’enfance dans la région étudiée (Delaunay, 1998).

Conformément à nos hypothèses, les résultats montrent que l’âge de l’enfant est fortement corrélé aux pratiques thérapeutiques (figure 4-23).

103

Au cours des deux premiers mois de vie, l’enfant bénéficie d’anticorps maternels ; entre deux et six mois, l'enfant est protégé par l'hémoglobine foetal et commence son apprentissage du portage asymptomatique ; entre 6 et 23 mois, l'enfant a perdu ses anticorps maternels et n'a pas encore développé de prémunition : le risque est maximum ; entre 2 et 5 ans, puis entre 5 et 9 ans, le risque propre lié au paludisme est relativement proche, mais dépend de l’état nutritionnel et du niveau de transmisssion, puisque l’acquisition de la prémunition est dépend de l’exposition aux piqûres infectantes.

104 Au 1er Janvier 2001, la zone d’étude comptait 1220 enfants âgés de moins d’un an, 3983 enfants soit 40,8 %, âgés de 1 à 4 ans et 4554 enfants âgés de 5 à 10 ans, soit 46,7 %.

Figure 4- 23 : Propension à pratiquer différents soins selon l’âge de l’enfant : moins de 1 an (N=196), 1 à 4 ans (N=296) ou 5 à 10 ans (N=410) 15,3% 25,0% 30,2% 6,1% 11,5% 13,2% 16,8% 14,5% 10,0% 24,0% 18,0% 11,7% 15,3% 13,2% 9,0% 13,8% 11,5% 8,0% 0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% 25,0% 30,0% 35,0%

Paracétamol *** Chloroquine ** Env. frais ** Recours traditionnel *** Recours biomédical 48H * Recours traditionnel 48H * 0 à 1 an 2 à 4 ans 5 à 10 ans

*** Significatif à 1 % ; ** Significatif à 5 % ; * Significatif à 10 % ; ns non significatif à 10 % ; (rapport de fréquence) On observe une hausse des soins à domicile avec l’âge de l’enfant : la proportion d’enfants ne recevant pas de soins à domicile est de 18 % (n=57) pour les enfants de moins d’un an, de 12 % (n=139) pour ceux âgés d’un an révolu et approche les 7 % (n=706) pour ceux ayant plus de deux ans (p<0,05). La nature des soins pratiqués varie également en fonction de l’âge de l’enfant : l’enveloppement frais et les aliments spéciaux sont privilégiés pour les tous jeunes et leur pratique diminue significativement avec l’âge de l’enfant (figure 4-23 et tableau annexe 4.48).

A l’inverse, conformément à la littérature (Rosalinf et al., 1997 ; Nwanyanwu et al., 1996), la consommation de médicaments augmente régulièrement avec l’âge de l’enfant. Ainsi, les enfants âgés d’au moins 5 ans ingèrent deux fois plus souvent du paracétamol et de la chloroquine que les enfants âgés de moins d’un an ; l’âge moyen des enfants ingérant de la chloroquine est significativement plus élevé, 4,9 ans en moyenne, que l’âge moyen ceux n’en consommant pas, 4,2 ans (t<0,05).

La faible consommation de médicaments aux jeunes âges peut en partie être expliquée par les caractéristiques du conditionnement des médicaments. En effet, pour les tous petits, les médicaments doivent être administrés sous forme de sirops, exclusivement distribués dans les structures sanitaires, pour un coût d’achat supérieur à celui des comprimés et avec de fréquentes ruptures d’approvisionnement. Dans le cadre de nos observations de terrain, il est apparu que les difficultés d’accès aux sirops entraînent souvent la recherche d’une solution alternative : la mère de l’enfant pile le comprimé afin de le mélanger à une bouillie, bien que le goût amer de la chloroquine entraîne le plus souvent un rejet par l’enfant.

La propension à réaliser un recours externe diminue fortement avec l’âge de l’enfant : les enfants de moins d’un an font 1,9 fois plus souvent un recours externe que ceux âgés de 5 ans et plus ; ils réalisent également 4,8 fois plus souvent plusieurs recours consécutifs (tableaux annexe 4.45 et annexe 4.49). Cette association est indépendante de la filière thérapeutique : l’âge de l’enfant est à la fois associé à la propension à consulter en structure sanitaire et auprès de thérapeutes traditionnels. Ainsi, d’une part, le recours traditionnel est 2,0 fois plus fréquent pour les enfants de moins d’un an que pour ceux âgés de 5 ans et plus, avec un niveau intermédiaire pour les 1-4 ans (figure 4-23). D’autre part, la propension à consulter en structure sanitaire diminue linéairement avec l’âge de l’enfant (figure 4-24): l’âge moyen des enfants consultant, 3,2 ans (n=195), est significativement inférieur à l’âge des enfants qui ne consultent pas, 4,6 ans (n=707) (t<0,01).

Les jeunes enfants consultent également plus rapidement que les autres, aussi bien en structure sanitaire qu’auprès des guérisseurs traditionnels (figure 4-23). Enfin, l’âge de l’enfant influence également la mise en œuvre des traitements prescrits : le respect des règles d’observance du traitement de chloroquine prescrit par l’infirmier augmente avec l’âge de l’enfant, passant de 49 % (n=39) chez les moins de 5 ans à 68 % (n=22) pour les plus de 5 ans.

Figure 4- 24 : Propension à recourir en structure sanitaire selon l’âge de l’enfant 35,1% 30,9% 31,2% 23,5% 23,6% 15,8% 19,8% 11,7% 13,4% 5,0% 5,9% 0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% 25,0% 30,0% 35,0% 40,0% 0 an (n=57) 1 an (n=139) 2 ans (n=109) 3 ans (n=98) 4 ans (n=89) 5 ans (n=76) 6 ans (n=81) 7 ans (n=94) 8 ans (n=82) 9 ans (n=60) 10 ans (n=17)

Les conditions d’administration des soins varient en fonction de l’âge de l’enfant : après consultation en structure sanitaire, le respect des prescriptions pour le traitement par chloroquine augmente avec l’âge (tableau annexe 4.87) ; l’âge moyen des enfants respectant le protocole de prescription, 4,6 ans (N=34), est significativement plus élevé que celui des enfants ne respectant pas les règles d’observance, 3,2 ans (N=27) (t<0,05).

L’influence de l’âge de l’enfant semble en grande partie liée à la perception de son exposition au risque morbide : les plus jeunes sont perçus comme plus fragiles et nécessitent plus fréquemment une intervention externe à la concession. Les associations observées peuvent également être expliquées par l’existence de variations de la répartition des rôles pour la prise en charge thérapeutique de la maladie en fonction de l’âge de l’enfant (tableau 4-7).

Tableau 4- 7 : Caractéristiques de la prise en charge des recours externes de l’enfant malade selon son âge Mère accompagne RE1 Mère accompagne RE2 Père administre le traitement RE1 Somme moyenne mobilisée RE1 % N % N % N Francs N Age de l’enfant 0-1 an 2 à 4 ans 5 à 10 ans *** 85,1 67,6 57,5 292 87 111 94 *** 85,2 59,3 25,0 66 27 27 12 ** 2,9 8,5 17,7 212 68 82 62 * 1239 1641 1701 161 52 67 42

*** Significatif à 1% ; ** Significatif à 5% ; *significatif à 10% ; ns non significatif à 10%

La mère est d’autant plus impliquée dans l’itinéraire thérapeutique que l’enfant est jeune. Ainsi, l’âge moyen des enfants emmenés en consultation par la mère, 3,0 ans (n=203), est significativement inférieur à l’âge des enfants accompagnés par le père ou d’autres personnes, 4,4 ans (n=89) (t<0,01). A l’inverse, le père administre 6,1 fois plus souvent le traitement prescrit après consultation des enfants âgés d’au moins cinq ans. Il apparaît par ailleurs que les décisions thérapeutiques sont plus fréquemment prises en concertation pour les enfants de moins de deux ans et que la somme moyenne mobilisée pour le premier recours biomédical est significativement plus importante que pour les autres enfants, 1700 Francs CFA contre 1240 Francs CFA (t<0,1) (tableau 4-7). Nos résultats sur l’évolution des sphères de responsabilité et d’action au sein de la cellule parentale en fonction de l’âge de l’enfant, dans le sens d’une plus forte implication de la mère auprès des plus jeunes, recoupent directement les observations de la littérature sur l’intensité de la relation mère / enfant durant les premières années de vie en Afrique de l’Ouest (Bop, 1999 ; Desai, 1998 ; Castle, 1993 ; Ouédraogo, 1994).

4.3.1.3 L’allaitement de l’enfant

Par définition même, la variable de l’allaitement est fortement corrélée à l’âge de l’enfant (tableau annexe 4.54). Il nous a néanmoins semblé intéressant de chercher à déterminer si le statut d’allaitement est lié à des pratiques thérapeutiques spécifiques. La population étudiée pratique un allaitement quasi-systématique des nourrissons, avec un sevrage tardif : plus de 90 % des enfants de moins de deux ans sont allaités.

De manière attendue, l’influence du statut d’allaitement sur les pratiques thérapeutiques est très proche de celle de l’âge de l’enfant. Les enfants sevrés ingèrent ainsi significativement plus de médicaments, notamment 2,2 fois plus souvent de la chloroquine dans le cadre des soins à domicile. A l’inverse, l’enveloppement frais et les aliments spéciaux sont plus fréquemment destinés aux enfants allaités (tableau annexe 4.48), qui effectuent également plus souvent des recours externes, avec notamment une propension 3,3 fois plus importante à faire plusieurs recours externes consécutifs (tableau annexe 4.45). Les enfants allaités consultent 1,8 fois plus en structure sanitaire et auprès de thérapeutes traditionnels (tableau annexe 4.49). L’influence du statut d’allaitement apparaît très proche de celle, plus générale de l’âge de l’enfant, mais se singularise par plus de consultation des thérapeutes traditionnels dans les premières 48 heures de maladie. Cette tendance peut être expliquée par l’existence de conceptions nosologiques spécifiques, présentant le nouveau né allaité comme exposé à des maladies d’origine surnaturelle appelées « chien », « chat », « pilon », pour lesquelles seule une classe spécifique de thérapeute est reconnue comme efficace (Kalis, 1997).

Le statut d’allaitement influence également les modalités de prise en charge de la maladie. Les décisions thérapeutiques concernant des enfants allaités sont le plus souvent prises de manière collégiale (tableau annexe 4.55). Par ailleurs, conformément à nos attentes, dans la mesure où l’allaitement implique une proximité physique quasi-permanente avec l’enfant, la mère participe plus au suivi thérapeutique des enfants allaités. A l’inverse, le père est plus actif auprès des enfants sevrés, notamment pour l’administration des traitements prescrits.

4.3.1.4 Le rang de naissance de l’enfant

Le rang de naissance de l’enfant est un autre paramètre classique de l’analyse démographique. Dans le prolongement des études sur les facteurs de mortalité, nous postulons, conformément aux hypothèses dominantes, que le rang de naissance de l’enfant est significativement associé aux comportements thérapeutiques : nous supposons que les enfants ayant un rang de naissance élevé sont plus souvent pris en charge à domicile et bénéficient moins des soins les plus coûteux en temps ou en argent, c'est-à-dire les recours en structures sanitaire.

Dans le cadre de notre enquête, le rang de naissance est renseigné pour 96 % des enfants. Le rang de naissance moyen et médian, proche de 5, est élevé, avec un maximum de 17, ce qui correspond aux normes de fécondité de la région étudiée (tableau annexe 4.56). Nous avons regroupé les enfants enquêtés en deux classes : celle des enfants ayant un rang de naissance allant de 1 à 3, représentant près de 40 % des enquêtés, et celle des enfants ayant un rang de naissance élevé, supérieur à 3, composant 60 % de l’échantillon.

Bien que les enfants ayant un rang de naissance élevé reçoivent plus de soins à domicile, avec notamment plus de massages (figure 4-25), la parité influence relativement peu la pratique des soins à domicile (tableau annexe 4.48). En revanche, le faible rang de naissance est associé à plus de recours en structure sanitaire : les enfants ayant un rang de naissance inférieur à 4 consultent 1,5 fois plus souvent en structure sanitaire que les autres, y compris dans les premières 48 heures de maladie (figure 4-25).

Figure 4- 25 : Propension à pratiquer différents soins selon le rang de naissance de l’enfant : rang 1 à 3 (N=328) ou rang 4 et plus (N=537) 46,0% 53,8% 43,6% 52,3% 27,7% 18,8% 15,2% 9,9% 16,5%17,1% 0,0% 10,0% 20,0% 30,0% 40,0% 50,0% 60,0% Pratique de plusieurs soins à domicile ** (0,86)

Massages ** (0,83) Recours en centre de santé *** (1,47) Recours en centre de santé 48H ** (1,53) Recours traditionnel ns (0,96) 1 à 3 4 et plus

Ces résultats rejoignent les conclusions d’une autre étude : « les enfants avec une faible parité sont plus susceptibles de consulter une structure sanitaire que les autres »105(Goldman, 2000). Nos observations peuvent être interprétées comme l’expression de plusieurs mécanismes distincts. D’une part, les premiers nés étant les seuls enfants à la charge du ménage, ils peuvent bénéficier d’une attention accrue et d’une plus grande capacité à mobiliser des fonds. D’autre part, la parité est un indicateur directement lié à l’âge des parents : les relations observées peuvent donc exprimer une tendance du père à accéder plus facilement aux demandes de sa jeune épouse ou refléter une expérience du traitement des épisodes fébriles induisant des choix thérapeutiques différents.

Les conditions de prise en charge de la maladie de l’enfant varient significativement selon le rang de naissance de l’enfant. Ainsi, pour les enfants ayant un petit rang de naissance, les décisions thérapeutiques sont plus souvent prises en concertation et l’implication des personnes extérieures au couple parental est plus forte : lorsque l’enfant a un rang de naissance inférieur à 4, les personnes autres proposent 2,7 fois plus souvent les recours externes, accompagnent 2,8 fois plus souvent l’enfant en consultation et administrent 2,0 fois plus les traitements prescrits (tableau annexe 4.57).

L’interprétation de ces résultats semble directement liée à l’influence de l’âge des parents sur les conditions de prise en charge de la maladie : les mères ayant un faible statut socio-économique, en particulier parce qu’elles sont jeunes ou ont peu d’enfants, ont une faible autonomie d’action.

4.3.2 Les caractéristiques socio-démographiques des parents