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Le personnage du fol-en-Christ passe par la figure de l’innocent. Notamment dans le roman de Jean Ferniot et dans la pièce de Marcel Pagnol, Judas, op. cit. représente le disciple fidèle, figure de l’innocent par excellence. Il en meurt, subissant l’opprobre. Nous nous permettons une comparaison avec l’idiot dostoïevskien car la relation entre sa figure et celle de Jésus a été importante dans cette partie explorant une certaine idiotie chez Judas. Terrassé par d’épisodes sporadiques de crises épileptiques, le prince Muichkine émet les signaux d’un mysticisme superficiellement compris par les autres. La faiblesse et l’hébétude seront ses armes pour supplanter habilement ses rivaux.

Nous tenons aussi compte d’un imaginaire pictural plus ancien qui représente Judas de manière presque mystique. Au XIIe siècle, une grande partie des représentations de Judas le montrent en train de percer son cœur ou ses entrailles avec une épée. Le Ve siècle est déjà marquant avec le Sarcophage des saints Simon et Jude (Vérone, voir en Annexe, Illustration 15) : le baiser inspirant l’amitié est accompagné d’une très forte embrassade. La grande main de Judas est posée sur le cœur du Christ. De là jusqu’à l’extase mystique comme celui de saint Jean de la Croix ou de sainte Thérèse il n’y a qu’un pas (voir en Annexe la représentation de Thérèse de Bernini, Illustration 16). Pour soutenir cette idée, nous tenons compte de l’épisode du baiser de Judas et des scènes finales des textes de notre corpus. Nous nous proposons de les analyser brièvement par la suite.

Dans les réécritures formant notre corpus, il y a un intérêt croissant pour l’amour de Judas envers Jésus. Les propositions laissent comprendre un amour mystique, sacrificiel, mais il y a aussi des allusions à un amour presque humain. Tout en reculant devant les surinterprétations, on va se référer à l’ouvrage de Georges Bataille consacré à l’érotisme. L’auteur y fait aussi une parallèle entre le sacrifice et l’érotisme. Le correspondant de l’érotisme sur le plan religieux se retrouve dans la conduite des saints dont le côté humain est envahi par la réalité sacrée657. La représentation de Judas qui perce son cœur exprime son affliction trouvant la quiétude dans le sacrifice. Chez Thérèse, la perception de l’amour

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Ibid., pp. 176-177. 657

spirituel de Dieu se prolonge au niveau de la chair658. Dans le paysage vétérotestamentaire, la délectation dans l’affliction n’est pas rare chez la créature souffrante pour Dieu. L’épouse du Cantique des Cantiques se déclare elle aussi « malade d’amour » (Cantique des Cantiques 2, 5). Le Nouveau Testament continue l’idée de la folie et la maladie dans le Christ avec l’invitation à la souffrance avec le Christ.

Passé sous silence, le sacrifice de Judas semble réaliser l’idéal chrétien d’un sacrifice solitaire imbriquant plaisir et douleur. La folie du sacrifice du Christ cache la folie de la sagesse et l’amour de Dieu659. Le récit d’Armel Job est gouverné par cette folie de l’amour à multiples visages, englobant la compassion, l’amour amical ou celui prêt à sacrifier soit la partie active (l’aimant) soit la partie passive (l’aimé) soit les deux :

Mon cœur s’est rempli d’une infinie compassion. Les larmes me brûlaient la gorge et les yeux. Je me suis jeté dans ses bras : « Rabbi, ô rabbi ! » Je l’ai embrassé comme nous le faisons si souvent. […] Ce ne sont pas ceux qui crient « Seigneur ! Seigneur ! » qui l’aiment. C’est celui qui a la force de faire sa volonté. Je l’avais, moi.660

Le personnage éprouve des sentiments mitigés : compassion, culpabilité, amour gratuit. Le champ lexical du pathos amoureux n’est pas absent : la confusion, la souffrance, l’embrassade physique, le renoncement à soi-même et à sa propre volonté pour le bien de l’autre. Judas se place lui-même dans une logique d’amour sacrificiel. Ce sujet est récurrent chez Armel Job aussi. Pour ne citer que son recueil La femme de Saint Pierre, dont Judas le bien-aimé fait partie, on remarque que l’écrivain explore le thème de l’idéal christique de l’amour sacrificiel. Il est présent dans la figure du Père du récit Le frère du

fils prodigue ; il se dégage aussi de La Créature à travers la figure de Marie-Madeleine,

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« IL a plu au Seigneur de m’accorder plusieurs fois la vision que voici. J’apercevais un ange auprès de moi, du côté gauche, sous une forme corporelle. In ne m’arrive que fort rarement de voir ainsi des […] Je voyais entre les mains de l’ange un long dard qui était d’or, et dont la pointe de fer portait à son extrémité un peu de feu. Parfois, il me semblait qu’il me passait ce dard au travers du cœur, et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. Quand il le retirait, on eût dit que le fer les emportait après lui, et je restais tout embrassée du plus ardent amour de Dieu. si intense était la douleur, qu’elle me faisait pousser ces faibles pliantes dont j’ai parlé. Mais en même temps, la suavité de cette indicible douleur est si excessive, qu’on n’aurait garde d’en appeler la fin et l’âme ne peut se contenter de rien qui soit moins que Dieu même. Cette souffrance n’est pas corporelle, mais spirituelle ; et pourtant le corps n’est pas sans y participer quelque peu et même beaucoup. [...] Tout le temps que duraient ces transports, je me trouvais comme hors de moi658. J’aurais voulu ne plus voir ni parler, mais me livrer toute entière à mon tourment, qui était pour moi une béatitude surpassant toute joie créée » (Œuvres complètes de Sainte Thérèse de Jésus, traduction par les Carmélites du Premier Monastère de Paris avec la collaboration de Mgr. Manuel-Marie Polit, Tome premier, Paris, Gabriel Beauchesne & Cie, 1907. pp. 378-379).

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Dans la tradition biblique, en témoignaient les écrits de l’Ecclésiaste, de Salomon ou de Jérémie. 660

femme incarnant un amour cosmique et salvateur : « Seul un amour fou pouvait arracher Rabbouni au pouvoir de la mort. Ce fut mon amour. L’amour d’une pauvre créature »661. Judas est lui aussi le parangon de l’amour : « Je sais ce qui me reste à faire. Car, je l’aime, moi »662.

Olivier Pot ramène en actualité la pathologie des comportements religieux. La sainteté serait une « atrophie du psychisme », mais aussi l’expression d’une idiotie comme siège d’une « vérité existentielle instinctive »663. Dans le roman Saint Judas, l’exaltation de la folie sacrificielle se concrétise tragiquement au moment du baiser : « Pour la première fois depuis bien de jours, le traître par amour aperçoit dans le regard de son Maître cette lueur de tendresse des débuts. Jeshua mesure en cet instant le prix du sacrifice. Il saisit Judas dans ses bras et lui donne un baiser »664. Scène fascinante et révélatrice, elle inverse la logique de la trahison classique. Le moment n’a rien d’une trahison. S’il peut être question d’une trahison, il s’agit de la trahison comme piège tendu au peuple : « Ce n’est pas moi que tu trahis, c’est eux »665. Le roman de Schmitt en fait écho aussi par l’inversion des rôles à l’intérieur de la relation maître – disciple : Judas est la figure de l’illuminé tandis que Jésus n’est qu’un candidat au titre de messie. Disciple préféré, plus instruit que les autres, Yehoûdâh est le seul à l’écoute de Yéchoua, au point de devenir son manipulateur : « Il m’avait convaincu que j’avais un autre rapport à Dieu que les autres hommes »666.

L’ataraxie comme l’idéal des sages antiques, la théologie d’Origène décrivant l’union de l’âme au Logos ou le parcours épectatique667 des mystiques sont des formes se sortie de soi-même et de fixation en dieu. Le desiderium, perçu comme un manque de l’être incomplet, anime Judas aussi. De plus, le désir fonctionne comme « acte de se „poser les yeux” sur quelque chose afin de la posséder »668. Le baiser de Judas, surtout dans la vision des écrivains contemporains n’en serait qu’une preuve. Signe d’amour, le baiser exprime le désir de Dieu en termes de besoin physique, faim et soif, métaphores très 661 Ibid., p. 147. 662 Ibid, p. 77. 663

Olivier Pot, « L’idiot de la famille ou l’animalité ressuscité » in Les Figures de l’idiot, op. cit. 664

Jean Ferniot, Saint Judas, op. cit., p. 208. 665

Ibid. 666

Eric-Emmanuel Schmitt, L’Évangile selon Pilate, op. cit., p. 57. 667

L’épectase désigne le parcours continu de l’âme du mystique vers Dieu. C’est un thème très riche en relation à la vie des saints. Les Homélies de Grégoire de Nysse sont une illustration complexe de cette progression vers Dieu. Pourtant, pour celui-ci, l’âme ne pourra jamais arriver à se perdre en Dieu, elle pourra juste être témoin de cette vision. Au contraire, pour Origène l’union de l’être avec la divinité n’est pas impossible.

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Gianmarco Stancato, Le concept de désir dans l’oeuvre de Thomas d’Aquin, Analyse lexicographique et

courantes dans la littérature psaltique, mais aussi chez les saints vivant la béatitude divine. Stancato Gianmarco parle de deux phases différentes d’accomplissement du désir relevant du plan temporel et du plan de l’intention : le désir passe par l’appropriation (assimilation) et par l’appréhension (le désir est rendu conforme à soi-même)669. Parler du désir chez Judas oblige de tenir compte des visons néoplatonicienne, augustinienne et thomiste sur ce thème. Le mal n’y est qu’un infirmitas desiderii, une perversion du bien : « Si nous faisons du mal c’est parce que nous désirons le bien et que nous le recherchons de mauvaise façon »670. Mais, chose essentielle, « le mal peut devenir occasion du bien »671. Encore plus, il légitime le bien et peut avoir de conséquences positives. Tel est le cas de la trahison de Judas.

Dans une autre dimension, il s’agit chez Judas du désir d’un dieu correspondant à l’attente messianique juive. Dans le cas de Judas, cette attente se retrouve devant l’accomplissement de ce qui était jusque-là de l’ordre de l’indicible et de l’espoir. Il paraît bien que le caractère expectatif de la religion juive lui donne sa signification thétique. Dans

Saint Judas, la venue de Messie est en relation avec le contexte belliqueux de l’époque et

avec l’altération des croyances et des pratiques religieuses. Chez Pagnol, l’attente du Christ s’accomplit dans un jeu de théâtralisation que les personnages consentent à jouer. Pareillement, dans L’Évangile selon Pilate, les croyances scripturaires sur la venue du messie déterminent les actes de Yehoûdâh et de Yéchoua. Le roman de Schmitt prône une communion catalysée par l’amour divin dans la relation entre Yéchoua et Yehoûdâh : « Je crois que de ma vie je n’ai jamais aimé un homme autant que Yehoûdâh. Avec lui, et lui seul, je parlais de Dieu »672. La passion est partagée ainsi que la réverbération de la foi et l’énergie divine perçue par Yehoûdâh grâce seulement à Yéchoua: « Je ne trouve pas le puits sans fond. Mais je n’en ai pas besoin puisque je vis auprès de toi »673.

Judas en tant que « fol-en-Christ » est donc analysable à partir de deux thèmes essentiels : l’amour et la mort. Avec Paul Claudel la mort de Judas prend une allure péjorative. Sa disparition est le sujet central de la pièce qui s’intitule Mort de Judas. Ce titre n’est pas sans signification dans un texte où Judas fait l’objet des brocards de Claudel. Avec Mort de Judas, Claudel souligne son refus de récupérer Judas, figure de plus en plus

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Ibid., p. 77. 670

Voir l’analyse de la dynamique du désir chez Thomas d’Aquin par Gianmarco Stancato, Le concept de

désir dans l’œuvre de Thomas d’Aquin, op. cit., pp. 99-111. Page 110 pour la présente citation.

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Ibid., p. 111. 672

Eric-Emmanuel Schmitt, L’Évangile selon Pilate, op. cit., pp. 56-57. 673

rediscutée à l’époque. Dans sa pièce, Judas soutient vivre sa mort avec délectation674, comme expression de liberté et de bonheur sacrificiel : « grâce à ce trait en quelque sorte idéal qui me retient et me soutient, j’ai acquis de tous côtés autonomie et indépendance. À droite, à gauche, il n’y a plus d’obstacle, je suis libre […] Personne n’estimera qu’enfin libéré du sol, j’aie payé trop cher le privilège d’osciller »675. Par ce fragment, Claudel met en question l’illusion de la liberté à travers le personnage de Judas qui interprète son acte comme manifestation de la liberté : « je suis libre ». Cette liberté est comprise dans une dimension matérielle et spatiale : « à droite, à gauche, il n’y a plus d’obstacle ». Par contre, avec le roman Saint Judas, la même idée prend un aspect sérieux. On voit Judas vainqueur du « doute apaisé » et de la « mort désirée »676 : « son attitude ne trahit pas la crainte, ni même l’hésitation. […] Il inspire une grande goulée d’air brûlant et il crie : „La rachat !” Il tend les bras et se jette dans le vide, tête la première »677.

Le roman insiste sur l’amour, vertu à la base des actes des protagonistes. Il y a plusieurs moments dans ce roman où l’effusion amoureuse, presque passionnelle, fait l’objet de longues sections descriptives. L’actant principal de la première scène du baiser préfigurant le baiser de la trahison est Jeshua : « Pour la première fois depuis bien des jours, le traître par amour aperçoit dans le regard de son Maître cette lueur de tendresse des débuts. Jeshua mesure en cet instant le prix du sacrifice. Il saisit Judas dans ses bras et lui donne un baiser »678. Le champ lexical de ce court fragment relève de l’amour : « tendresse », « amour », « baiser », « regard », « lueur », « bras ». Toutes les séquences centrées sur la relation d’amour entre les deux personnages contiennent des détails d’ordre physique. L’amour s’exprime par de gestes affectueux, comme le baiser, l’embrassade, les pleurs. La fin de la deuxième partie se clôt avec la description de l’amour qui s’empare de Judas. C’est dans un cadre nocturne qu’il a la révélation de cet amour : « Képhas ronfle et son frère retourne d’une bourrade. Seuls veillent encore Jeshua et Judas. Le zélote retient

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Chez Claudel, l’image de l’extase mystique et de l’absorption du contemplant dans l’absolu divin est explorée dans ses poèmes consacrés aux saints. Selon lui, le saint « n’est pas seulement un être absorbé dans la contemplation et au service de Dieu. Il n’est pas seulement chargé de demander, mais de recevoir et de distribuer » (Conférence de Paul Claudel de 1920, « Introduction à quelques œuvres », in Paul Claudel,

Œuvre poétique, op. cit., pp. 1129-1130 – Note p. 597 aux Feuilles de Saints). Judas est pour l’auteur le

contraire d’un saint. Pourtant, il partage sa révolte mystique avec le personnage du traître. Claudel exprime cette révolte à travers la tension qui existe entre l’acte poétique comme acte charnel et l’acte poétique comme déclanchement de la parole divine siégeant dans l’être. Cela fait de celui-ci le messager de la parole divine. Claudel accepte l’humanité seulement dans la mesure où elle lui permet la communion avec Jésus et ainsi, la sanctification. Voir Jacques Houriez, L’inspiration scripturaire dans le théâtre et la poésie de Paul Claudel.

Les œuvres de la maturité, op. cit., p. 36.

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Paul Claudel, Mort de Judas, op. cit., p. 28. 676

Ibid., p. 281. 677

Ibid, p. 282. 678

son souffle, ferme les yeux. En quelques instants, l’amour s’est emparé de lui, un amour violent, presque douloureux. Il sait qu’il ne reprendra plus »679. L’épisode est important pour l’évolution de l’amour de Judas pour Jeshua. Violent et douloureux, l’amour correspond à l’identité de zélote (« jaloux ») de Judas.

La scène du baptême de Jeshua marque déjà le commencement de l’attachement de Judas à Jeshua. Par ses larmes, Judas matérialise un état de joie flou et incompréhensible : « Bouleversé, Judas sent monter en lui une joie qu’il voudrait hurler. Il pleure »680. Cet épisode est suivi par une marche préparant le retirement au désert de Jeshua. Le chemin est l’occasion pour les personnages de montrer leur tendresse et leur affection. Il y a beaucoup de détails qui dressent le commencement d’une histoire d’amour entre les deux hommes. Cet amour fait toujours l’objet d’une manifestation physique. Le contact corporel, dont le point culminant est marqué par le baiser, est présent dès le début, par des gestes fugitifs, mais tendres : « Affectueusement, presque tendrement, Jeshua pousse son disciple sur le chemin du retour »681, « Jeshua a saisi son compagnon aux épaules, les deux visages se touchent presque. Les mots se pressent, se heurtent, portés par une haleine brûlante »682.

En filigrane, une place essentielle est réservée à ces gestes de tendresse entre les personnages. Le geste est affecté d’une force particulière. Il s’agit surtout d’un court rapprochement corporel qui tient place à la communication : « Dieu se tait et Judas le supplie ou l’interpelle, avec tendresse ou violence. / Parfois, le Maître le suit. Il rejoint son premier disciple quand il le sent au bord du désespoir. Tous deux restent côte à côte, silencieux, et peu à peu revient l’apaisement »683. Remarquer qu’il y a une insistance sur l’apaisement qui découle de ces rapprochements passagers : « Furtivement, au bord du plat, la main de Jeshua saisit celle de son disciple sacrifié, une main chaude, vivante, amicale. Judas respire lentement, profondément, pour apaiser le tumulte de son cœur. Il sent venir les larmes de l’abandon, de la désolation »684. Mais ces rapprochements peuvent avoir aussi un effet contraire et amplifier les angoisses de Judas.

Le geste, surtout celui de la main, est aussi le signe par lequel s’expriment le mécontentement et la désapprobation. Souvent la parole est remplacée par le geste. Le désaccord même est marqué tacitement par des regards et des gestes. En tant que zélote,

679 Ibid., p. 62. 680 Ibid., p. 37. 681

Ibid., p. 39. C’est nous qui soulignons. 682

Ibid., p. 42. C’est nous qui soulignons. 683

Ibid., p. 136. 684

Judas laisse souvent émailler son discours et son comportement d’une empreinte presque violente. Par le geste se concrétise toute une réalité intérieure :

Judas le retient par le bras, d’un geste à la fois autoritaire et déférent. Ils marchent côte à côte, un peu en arrière du groupe.

«C’est de moi que tu parlais ? - Oui.685

Pourtant, le début du roman montre le portrait d’un disciple fidèle et patient ; Judas veille et nourrit Jeshua pendant les quarante jours de retirement de celui-ci dans la compagnie de Satan : « Judas hésite à se terrer dans un refuge proche, afin de veiller »686. Mais il l’observe et l’analyse aussi. C’est grâce et à travers le regard de Judas que le portrait d’un Jeshua en lutte avec le diable est présenté au lecteur :

Plusieurs fois Judas, gravissant les pentes de la gorge, a aperçu Jeshua. Dans la chair du solitaire se sont gravées des épreuves inouïes. Émacié, cuit par le soleil du désert, son visage s’est allongé, affiné ; […] Ainsi Judas l’a vu, certain matin, secoué de violents tremblements, agitant la tête dans tous les sens […] Un autre jour, Jeshua était prostré, tête enfouie dans les mains, sanglotant […] Il y eut également l’aube de l’extase ».

Judas commence son parcours de disciple en tant que témoin. Mais il est aussi un guide et un soutient indispensable pour Jeshua. Le rapprochement entre les deux personnages évolue vite. L’amour de Judas pour Jeshua influence les actes et les attitudes du futur