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II. 1.2. « Cyber-littérature religieuse »

I.4. L’insistance sur le suicide de Judas dans les écrits apocryphes

Sans prétendre identifier de manière infaillible le suicide de Judas au suicide religieux, on met l’idée à l’épreuve. Le suicide religieux est un sacrifice consenti. Après une préparation préalable, le futur sacrifié est digne de se consacrer à l’idole :

Quand ils sont malades, ou en proie au malheur, ils se vouent à l’idole, à la condition qu’ils retrouvent santé et bonheur. Ensuite, pendant un an ou deux, ils s’engraissent, et, quand arrive une autre fête, ils se couvrent de fleurs, se couronnent de guirlandes blanches, et s’en vont chantant et jouant devant l’idole que l’on porte en procession à travers le pays. Après bien de démonstrations, ils saisissent une lame à deux manches, semblable aux utiles dont se servent les corroyeurs, se l’appliquent sur la nuque et, appuyant vigoureusement avec leurs deux mains, se détachent la tête du tronc devant l’idole.494

Le suicide de Judas pourra se poursuivre dans la logique de cette acceptation : une mort qui culmine par l’identification avec l’idole. Par amour de Jésus, Judas s’offre à Dieu. Cet aspect est surtout souligné avec insistance par Armel Job. Chez lui Judas affirme fermement : « Oui, oui ! Je l’ai livré par amour. [...] Je sais ce qui me reste à faire. Car je l’aime, moi »495. Cet amour, figure aussi chez Schmitt. Par contre, Claudel, Ferniot et Pagnol vont plus dans le sens de la dette et regardent le suicide comme une conséquence de la culpabilité.

Pour revenir à l’exploration de l’idiotie comme trait définitoire de Judas, dans le cadre des apocryphes et des réécritures, il faut parler du suicide comme d’un acte accompli par un illuminé jeté dans le monde. Et il faut rapprocher le suicide et la convulsion épileptique. La littérature traitant de l’idiotie et de l’hébétude souligne la tentation du suicide et du meurtre chez les idiots496. Ce qui plus tard allait être traité de maladie psychique et inclus dans les nosographies a été considéré pendant des siècles en relation avec Satan. Pour les légendes médiévales, l’image du fou qui nuit à la société est facilement liée à celui qui se rend coupable d’envoyer le Christ à la mort. Le seul capable

494

James George Frazer, Le Dieu qui meurt, traduction Française par Pierre Sayn, Paris, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 1931, p. 47.

495

Armel Job, Judas le bien-aimé, op. cit., p. 76. 496

de déicide n’a pu être qu’un démon. En conséquence, les textes qui parlent de Judas n’hésitent pas à l’accabler de tous les attributs démoniaques et qu’ils associent à la judéité. Le suicidé crée un malaise. Dans l’Antiquité, il n’était pas rare que le cadavre du suicidé soit crucifié pour contrecarrer par une sorte de magie l’influence nocive que son acte (surtout dans le cas de suicide par vengeance) aurait pu entraîner sur le roi497. Le refus de funérailles pour les suicidés est commun aussi. Les récits évangéliques ne s’intéressent pas à détailler ce que devient le corps de Judas après son suicide. Mais les dogmes ecclésiastiques prennent le relais et délibèrent, lors de l’élaboration de la géographique eschatologique tripartite, sur sa vie dans l’autre monde. Il aurait été condamné à souffrir éternellement en son corps dans l’Enfer498.

Arrêtons-nous sur le contexte apocryphe pour essayer de voir comment les apocryphes décrivent Judas. Ces écrits font un amalgame entre le légendaire et l’évangélique. Ils imbriquent les événements, soit en adaptant un épisode biblique adapté au contexte de l’évangélisation, soit en fournissant des détails complètement nouveaux. En raison de la complexité des récits apocryphes on risque de s’enliser dans la multitude des histoires racontées. Il s’agit tout d’abord de dépister les apocryphes où Judas est présent et de comprendre pourquoi ses auteurs l’intègre dans un discours apologétique chrétien. Pour la plupart des apocryphes, Judas est le maillon rouillé mais indispensable de la logique chrétienne. En réalité, cet élément négatif a permis aux apocryphes de donner libre cours à leur imagination, d’inverser les termes de l’équation chrétienne. Ils ont rajouté ou enlevé des éléments pour arriver à un résultat qui les arrangeait dans leur propre projet.

Un apocryphe qui garde un accent profondément tragique à propos de la trahison de Judas est le Livre du Coq499. Son importance réside dans le fait que la trahison organise tout le discours de façon à en faire le moteur de la logique chrétienne. Le thème de la trahison occupe la moitié du Livre du Coq. Le goût de l’apocryphe pour les symboles zoomorphes ainsi que pour la métamorphose des objets que Jésus anime le rapprochent de l’apocryphe La vie de Jésus en arabe500, qui joue lui aussi avec ces transmutations animalières investies de pouvoirs divins. Il s’agit là du pigeon qui s’arrête au-dessus de la tête de Judas pour le désigner. La désignation de Judas dans Le Livre du coq se fait à partir

497

Yolande Grisé, Le Suicide dans la Rome Antique, Bellarmin, Montréal, les Belles Lettres, Paris, 1982, p. 130-132.

498

Selon la théologie de saint Paul, après la mort, tout corps humain est ressuscité et reçoit un corps glorieux, spirituel.

499

Écrits Apocryphes Chrétiens I, Édition publiée sous la direction de François Bovon et Pierre Geoltrain, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1997.

500

d’une colonne de pierre tournante et parlante. Jésus a donc le pouvoir de faire parler et bouger les choses, il a le pouvoir de ressusciter un coq rôti, mais il n’a pas la force de détourner Judas de son acte de trahison. L’apocryphe insiste beaucoup sur ce refus de conversion de Judas, une trahison dans laquelle il persévère car il semble que cette désignation a un précédent : ses doutes que laisse entendre la colonne tremblante : « Malheur à Judas, fils de Simon l’Iscariote ! Car en dépit de la tristesse que tu ressens aujourd’hui dans ton cœur, plusieurs fois tu as eu l’intention de livrer à la mort notre Seigneur Jésus-Christ, fils du Seigneur »501. L’intention, devenue acte avant qu’elle ne soit action, est la source du malheur de Judas. Pourtant, Judas est privé de parole. Il est un personnage-geste, un personnage-attitude. Mutique comme un idiot, il éprouve de la colère contre les êtres, contre les objets qui lui parlent, contre les animaux qui le suivent. Schizophrène, fou de jalousie, il considère l’être humain comme un étranger et un ennemi. Avant que le soleil ne se lève502 Judas part pour se donner la mort : « s’étant rendu près d’un arbre, il y accrocha une corde, se pendit et mourut en enfer, pour le siècle des siècles »503.

Dans L’Homélie sur la vie de Jésus il ne faut pas attendre la dernière Cène pour que Judas soit désigné comme traître. Cela se révèle dès l’épisode de la multiplication des pains. Seul Judas est privé de ce pain, qui symboliquement préfigure l’Eucharistie : « Car celui avec qui je n’ai pas partagé de mes pains, celui-ci n’est pas digne du partage de ma chair »504.

Comment Judas aurait-il pu désigner Jésus sinon par un baiser puisqu’il est réduit au silence ? Ce baiser est immédiatement mis en relation avec le péché de la sexualité. Même la femme de Judas, sa copie, est transformée en pierre. Judas contamine les autres. Plusieurs récits racontent que cette femme est elle-aussi atteinte par cette négativité. Le fils de Joseph d’Arimathie qu’elle nourrit, âgé de sept mois, parle et demande à être sauvé de cette femme maudite : « Viens et enlève-moi des mains de cette femme féroce »505. C’est avec la même femme que Judas a des relations sexuelles alors que les autres disciples, depuis qu’ils suivent Jésus vivent dans l’abstinence : « Il fut seul de tous les disciples à commettre ce genre de péché ; car il n’y en eut aucun qui, après avoir suivi notre Seigneur,

501

Livre du Coq in Écrits Apocryphes Chrétiens I, op. cit., p. 156. 502

Ibid., p. 157. 503

Ibid., p. 184. 504

Homélie sur la vie de Jésus, Écrits Apocryphes Chrétiens I, op. cit., pp. 114-115. 505

soit revenu au péché, à l’exception du seul Judas »506. Le couple est caractérisé par des gestes qui renvoient à l’amour : la femme donne vie et entretient la vie en allaitant, et Judas, donne un baiser à Jésus sans que le contexte l’impose. À ce stade, on peut se demander pourquoi Judas n’est pas expulsé de l’Eucharistie.

L’idiotie impartie à Judas enferme le personnage dans le mutisme. En plus d’offenser le Créateur, le suicide a été considéré signe de folie. L’idiotie entraîne le risque d’un déchaînement corporel, qu’il s’agisse de la décharge sexuelle que les psychiatres observent chez les sujets idiots, ou tout simplement des manifestations corporelles turbulentes et spasmodiques. Le Moyen Âge ne tarde pas à assimiler la figure de Judas au petit diable sexuel, sorcier, atteint par le vampirisme. Les légendes apocryphes le décrivent avec des cheveux roux507 ; les représentations picturales aussi. De surcroît, des présences animales associées au diable, chat ou écureuil, accompagnent Judas dans les représentations picturales. Réactualisant Œdipe, il est rendu coupable non seulement d’inceste et de parricide, mais au aussi de déicide. Ses cheveux préfigurent sa monstruosité et sa tendance au mal et à la sexualité, comme l’infirmité d’Œdipe anticipe son destin malheureux.

La gravité du geste de Judas s’est élaborée en fonction de chaque époque en faisant prélaver le suicide ou la trahison, le désespoir ou la simonie, avec leurs conséquences néfastes sur celui qui se rabaisse et imite Judas. Un péché étant la conséquence et l’effet d’un autre, Judas est devenu dans l’imaginaire médiéval l’englobant et le déclencheur du mal. Non seulement victime du diable, mais diable lui-même, Judas devient synonyme de Satan. Il ne peut pas se soustraire aux rites d’exorcisation et au bestiaire qui s’y rattache. Dans certains rituels qui théâtralisent la lutte contre le mal, il sera l’animal chassé :

La chasse de Judas, rituel où quelqu’un, choisi pour ses cheveux roux ou adapté comme tel, était suivi par la foule d’un district. Dans certains endroits, le « Judas » était une marionnette qu’on brûlait ; dans d’autres, il était un bouc qu’on livrait à la mort en le jetant d’un tour. Dans certains milieux germaniques et slavons, le mot « Judas » était synonyme de « démon ». Ceux-ci et d’autres rituels suggèrent qu’il s’agissait d’une sorte d’exorcisme.508

506

Livre du coq in Écrits Apocryphes Chrétiens I, op. cit., p. 169. 507

La rousseur rappelle les envahisseurs du Nord, comme l’explique Jeanne Raynaud-Teychenné & Régis Burnet, Judas, le disciple tragique, op. cit., p. 80.

508

« The Judas hunt, a ritual in which a man, usually picked for his red hair (or provided with it) was chassed by the crowd out of a district. In some places, the “Judas” was a puppet, and burned; in others, a cat or he-goat, thrown from the tower to its death. In some German and Slavonic milieux, the word “Judas” was

Certains textes dévalorisent Judas à partir d’une détermination génétique au péché, y compris le péché de sexualité. Il s’agit des légendes médiévales et des productions artistiques plus tardives. Un tableau d’Aubrey Beardsley, Le Baiser de Judas, 1893 (voir en Annexe, Illustration 11) choisit de représenter la scène de la trahison à travers le topos de la maternité : Judas bébé saisit presque violement la main d’un Jésus-mère, un Jésus hermaphrodite. La méchanceté de l’être humain semble incorporée dans son code génétique. C’est ce que saint Augustin appelait la concupiscence. La sexualité revient sur la scène. Elle est considérée comme la conséquence du péché originel. Les scénarios expliquant le fonctionnement humain après la chute ne tardent pas à se dessiner. Grégoire de Nysse soutient que dans son omniscience, Dieu savait que l’homme allait pécher, il l’a donc créé physiologiquement en fonction de la punition qu’il allait lui infliger : il lui a donné la sexualité509. Dans ce sens, le mythe de Lilith, la première femme d’Adam dans certaines légendes et scénarios mythologiques, ne doit pas être exclu de la problématique. Femme révoltée, elle deviendra disciple de Satan avec lequel elle va s’accoupler (voir les récits cabbalistiques, L’Alphabet de Ben Sira). Dans certaines cultures, elle sera assimilée au danger et au mal. Particulièrement à l’époque de la Décadence, les récits exacerberont son pouvoir néfaste, sa séduction démonique, sa perversité ou bien sa sorcellerie510. Le vampirisme ne lui sera pas étranger, comme à Judas. Des légendes parlent d’une descendance vampirique issue de Judas Iscariote, en parallèle avec celles qui attribuent l’origine du vampirisme à Caïn. La toile de Benoît Molin, Le Baiser rendu (vers 1880, voir en Annexe, Illustration 12) est un chef-d’œuvre de la vampirisation du traître par un diable qui enfonce ses ongles dans la poitrine nue de Judas. Le baiser reçu est probablement le baiser qu’il donnera à Jésus. Ce n’est pas le seul procédé artistique pour configurer une trahison dont l’origine est le diable. Il y a aussi l’ambiguïté. Au premier abord, le baiser semble venir de la part de Judas ; le personnage immobile semble être Jésus. Un regard plus attentif laisse deviner que le donataire est Judas et le donateur, le diable lui-même. La toile est très habile pour insinuer le motif du dédoublement.

Une autre légende explique la transformation de Judas en vampire par son suicide dont la punition consiste à attendre la deuxième venue du Christ. En attendant, Judas se nourrit du sang des chrétiens. Le fameux baiser de Judas se perpétuera à travers la morsure

synonymous with “demon”. This and other features of the ritual suggest it was a kind of exorcism » (Alexander Murray, Suicide in Middle Ages, vol. II, The course on Self-Murder, Oxford University Press, 1998, p. 333-334).

509

Georges Minois, Les origines du mal. Une histoire du péché originel, op. cit., p. 60. 510

Cf. Pascale Auraix-Jonchière, Lilith, avatars et métamorphoses d’un mythe entre Romantisme et décadence, Cahier Romantique, no 8, Clermont-Ferrand, 2002.

mortelle du vampire. Le signe laissé est le chiffre XXX, symbole des trente deniers de la trahison511.

Une crise épileptique est toujours accompagnée par des mouvements spasmodiques et ce n’est pas par hasard si le spectacle de la mort de Judas emprunte ces éléments. Cette mort varie dans les évangiles et dans la tradition chrétienne. Dans la Bible, Matthieu parle d’un suicide, Luc d’une maladie – l’hydropisie512. Souvent ces variantes sont imbriquées, surtout dans les représentations iconographiques513. À ces deux récits se rajoute celui de Papias, qui parle d’un accident : « A savoir que Judas ne mourut pas de la pendaison. Avant la suffocation, il tomba »514. De même celui de Téophylacte : « Judas ne mourut pas de la corde, il survécut, décroché avant de mourir »515. Il est devenu aveugle, impotent et il a subi l’éviscération. Car ce sont ses viscères qui ont conçu la trahison. Ou bien, il s’est étranglé par sa bouche que la parole de trahison est sortie516. Voragine évoque une mort encore plus terrifiante. Il l’orne de détails :

Une fois pendu, son corps éclata par le milieu et ses entrailles se répandirent. Mais ainsi il fut accordé à sa bouche qu’il ne vomisse par elle ; en effet n’était pas juste que ce soit souillée de façon si abjecte une bouche qu’avait touchée une autre bouche si glorieuse, celle du Christ. Et il était juste que ses viscères, qui avaient conçu la trahison, soient déchirés et se répandent à terre, et que la gorge d’où s’était sortie la parole de la trahison soit étranglée par la corde.517

511

Une autre croyance qui lie le problème du vampirisme au christianisme se rapporte à l’Église Orthodoxe de Constantinople sous Mehmed II. Le cadre est majoritairement musulman. En vue de la création d’une discipline parmi les Chrétiens, les évêques pratiquent souvent les anathèmes. La justification de ces excommunications puise dans l’Évangile de Matthieu (Mt. 18, 15-18) qui autorise les apôtres à lier ou pardonner les péchés des gens. En vertu de ce même pouvoir, une fois prononcé l’anathème, l’âme de la victime est condamnée à ne plus pouvoir se séparer du corps qui refuse de se décomposer. Elle erre jusqu’à ce que l’anathème soit levé et les prières accomplies. Dans le cas contraire et vu que la notion de Purgatoire n’existe pas, l’être est condamné à devenir vampire. Consulter Matei Cazacu, Dracula suivi du Capitaine

Vampire, une nouvelle roumaine par Marie Nizet (1879), Tallandier, Paris, 2004, pp. 340-350.

512

« Cet homme, ayant acquis un champ avec le salaire du crime, est tombé, s’est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues » (Actes 1, 18).

513

À part celle classique qui illustre Judas pendu aux entrailles déchirés, une autre modalité d’amalgamer deux traditions différentes est de faire intervenir le diable qui coupe le ventre de Judas pour voler l’âme qui y siège. Voir dans en Annexe, Jean Canavesio (1942, Illustration 19) et l’image de l’église de Plampinet (Anonyme, XVIe siècle, Illustration 20).

514

Fernand Cabrol - Henri Leclerc, Dictionnaire d’archéologie chrétienne, op. cit., p. 260. 515

Ibid. 516

Pierre-Emmanuel Dauzat, Judas. De l’Évangile à l’Holocauste, op. cit., p. 103. 517

Jacques de Voragine, La légende dorée, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2004, chapitre 45,

Souvent les variantes se superposent et créent une machine infernale dont Judas est le moteur. Il y a des traditions représentant Judas à la fois éviscéré et pendu.

L’Évangile de Nicodème518 est un autre apocryphe qui a retenu notre attention. Antijuif, l’évangile disculpe Judas pour cette même raison519 : il ne s’agit pas de Judas en tant qu’individualité singulière, mais en tant que représentant d’un peuple qui choisit parmi les siens le bouc émissaire. Cette posture l’inscrit dans l’environnement notionnel de l’idiotie. Il tombe dans le piège des Juifs, il est leur instrument. Judas est un être bête en apparence qui se contente des plaisirs matériels, enfantins – ou il est cupide : « Pour cette belle œuvre, ils lui avaient donné des cadeaux d’une valeur de drachmes d’or chaque jour. Cela faisait deux ans qu’il était avec Jésus, comme le dit l’un des disciples, appelé Jean »520. On est donc devant un clivage qui atténue l’accusation dressée contre les Juifs : « Or le peuple ne savait pas que Judas parlait de Jésus ; en effet, beaucoup d’entre eux confessaient qu’il était le Fils de Dieu »521.

Déchiré et idiot, Judas est inséparable de ses frères maudits, Adam, Caïn et de tous ceux qui sont accusés d’avoir altéré l’harmonie religieuse. Le Livre de la Résurrection de

Barthélemy marque la grandeur de la malédiction : « [Malheur à toi] deux fois malheur ! ».

Il dresse un effrayant tableau des supplices qui anéantiront Judas à jamais :

Son nom a été effacé du [nombre] des saints. Sa part a été enlevée d’entre les vivants. […] La lumière de sa lampe a été éteinte. […] Sa vie a pris fin. Les anges qui suivent le Seigneur l’ont abattu. Ils ont tranché sa langue. Ils ont extirpé la lumière de ses yeux. Ils ont arraché les cheveux de sa tête. Ils ont flétri [sa] bouche. Les trente dragons […] vont le dévorer.522

On pourrait mettre en parallèle le suicide de Judas et celui d’Ajax qu’il commet après un massacre vindicatif dans un accès de colère. Ce suicide emblématique est affecté