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Judas, « l’idiot-victime ». De l’hypotexte biblique à l’hypertexte contemporain

II. 1.2. « Cyber-littérature religieuse »

I.1. Judas, « l’idiot-victime ». De l’hypotexte biblique à l’hypertexte contemporain

Rien de plus chargé de pathos dans le roman de Ferniot que la scène de la trahison. Succédant au pacte conclu entre Jésus et Judas, cette décision se prend presque artificiellement, avec franchise et cœur rempli d’affliction :

Je crois en lui. Il est le Messie. De cela, je suis convaincu. […]

À peine a-t-il terminé que le Sicaire, avec une soudaine brusquerie, lance : « Pour trahir mon Maître, combien me paieras-tu ? [...]

- Trente deniers ? Davantage ? - Trente deniers »

Soudain les yeux de Judas s’emplissent de larmes ».402

Plus d’une fois le texte souligne l’insignifiance de la trahison dans l’arrestation de Jésus et pousse à des interrogations plus subtiles : « Combien, se demande Judas avec mélancolie, y a-t-il là-dedans d’espions de la caste sacerdotale, du parti pharisien, d’Antipas enfin […] ? »403. En l’occurrence, l’icône de son martyre commence à se dessiner.

Chez Schmitt, les larmes de Judas se chargent du même sens – le pressentiment d’une mort sacrificielle :

Yéhoûdâh se jeta à terre, mit ses bras autour de mes chevilles, et me tint longuement les pieds embrassés. Je sentais ses larmes chaudes couler entre mes orteils. Pauvre Yéhoûdâh ! Il en était, comme moi, tout à la joie. Il ne savait pas à quelle nuit ce matin allait nous conduire, ni ce que ce pari allait exiger de nous.404

L’« idiot-victime » est une des principales valences de l’idiotie qu’on attribue à Judas en raison de son adhésion totale au message christique, qui fait de lui un sujet double du Christ se sacrifiant de la même façon que lui. Ce n’est pas un hasard si le roman de Ferniot brosse un tableau où les deux personnages diaphanes se confondent : « Dans l’ombre, Judas a suivi son Maître depuis Gethsémané »405. Même si l’idiotie pure est

402

Jean Ferniot, Judas, pp. 206-207. 403

Ibid., p. 207. 404

Eric-Emmanuel Schmitt, L’Évangile selon Pilate, op. cit., p. 62. 405

incompatible avec toute forme d’altérité (car l’idiot n’en est pas capable), celle de Judas développe l’idiotie christique de descendance dostoïevskienne. Certes, les ressorts de cette transmutation identitaire supposent l’articulation d’un système suffisamment autonome pour qu’il recèle en lui la force d’une révolution de valeurs et d’idéation tout aussi complexe que celle du christianisme. Si on parle d’idiotie chez Judas, ce n’est que pour exprimer, on s’appuyant de façon très précise sur les textes contemporains, les sens qui se cache au-delà de l’apparence. Ces récits explorent une nouvelle valeur du christianisme qui suit la voie du martyre. Le principe n’étant pas de claironner son propre sacrifice, le christianisme tel que des écrivains comme Pagnol, Schmitt, Ferniot ou Job est bâti sur un sacrifice silencieux. Prônant une distance entre le monde matériel et la réalité spirituelle, la victime chrétienne se tait à jamais. Contrairement aux attentes, la voix de certains sacrifiés retentira pendant des siècles, comme c’est le cas de Jésus et des saints ou martyrs. Mais si Judas est lui aussi victime d’un sacrifice silencieux, son acte ne retentit que dans l’époque contemporaine. Ce sacrifice inouï d’une victime désignée est exploité par les écrivains contemporains et c’est bien sur ce ressort qu’on va se concentrer.

Les mentions hypotextuelles sur la désignation du traître sont suffisamment consistantes pour que des débats sur la liberté se configurent. Les prophéties vétérotestamentaires sont habilement utilisées par Marcel Pagnol et Eric-Emmanuel Schmitt pour faire du Nouveau Testament le lieu l’accomplissement de l’Ancien Testament. L’analyse débouche sur la problématique de la confrontation entre la prophétie et son accomplissement dans un réel qui n’est que sa négation. On démontrera que l’accomplissement des prophéties représente la négation de la temporalité par une présentification du futur / passé : surtout dans la Bible, les choses commencent à s’accomplir dès leur profération. L’état d’idiotie est parfait pour nier le représentable par le représentable et le réel par le réel.

Chez Ferniot, la trahison se déroule sur plusieurs niveaux de signification. D’abord dans une visée temporelle chronologique : au moment où Jésus désigne Judas comme traître, il l’est déjà car il a déjà reçu l’argent. Dans ce cas il serait question d’une prescience de Jésus due à une multitude de contingences : l’annonce de l’acte par quelqu’un d’extérieur, la supposition. Mais à regarder de près, la scène comporte une détemporalisation de la trahison pour s’inscrire dans la temporalité de la rédemption. Jésus dit : « L’un de vous me trahit »406. L’histoire et la temporalité se concentrent dans un

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présent. L’œuvre de rédemption semble avoir commencé, avant même que Jésus le désigne comme traître407. Les longs débats entre les deux personnages jouent eux aussi un rôle essentiel dans le choix de Judas de trahir.

Judas participe, par sa libre adhésion, à la recréation d’un monde dépourvu de mal. Acceptant de se présenter sous le masque de l’idiot, il élimine le mal de la temporalité humaine, il fait qu’il n’ait pas existé :

La rédemption du monde, si tel est le destin terrifiant et sublime qu’il m’est donné d’accomplir, dépendrait alors de toi autant que de moi. L’Éternel ne veut, ne peut détourner les créatures du néant malgré elles. Tu les représenterais, en leur nom tu choisirais ton sort, comme moi le mien. Si tu refusais, l’alliance conclue au premier jour du monde avec l’homme – c’est-à-dire le choix de ce qu’il y a de divin contre ce qu’il y a de bestial en notre nature – serait abolie, elle n’aurait même jamais existé. Il n’y aurait, littéralement, pas eu de Création. Le rachat, la vie surnaturelle de l’espèce, serait alors entre tes mains ; plutôt, puisque je suis consentant, entre les tiennes.408

Tout antagonisme est annulé, le mal est biffé et se dissout dans le bien. La même conception de la mort est partagée par Rosset qui parle de l’« être sans histoire et sans durée »409 : « le pouvoir de Dieu est celui du Diable : les deux se confondent dans le pouvoir outrecuidant de la mort qui est d’annuler ce qui a existé, de faire en sorte que ce qui existe n’a pas d’existence410. Le monde ne souffre pas de devoir finir, il souffre de ne pas avoir commencé : de ne pas avoir encore „eu lieu” »411. Jean Ferniot disserte longuement sur l’impossibilité d’intervenir sur une chose accomplie dans le passé. Les personnages de son roman cherchent des alternatives à l’irréversibilité du temps. Les débats sur impossibilité de faire qu’une chose accomplie ne soit plus, sont occasionnés au moment où les miracles sont mis en question. Les miracles représentent le désir de l’être de changer le passé. Mais pour Jeshua cela signifierait le reniement des lois de Dieu et le

407

Eduardo Manet va jusqu’à attribuer à Judas une existence éternelle quasi divine : « Le temps n’existe pas. Tu as été, tu es, tu seras là, Judas, avec nous. Pour l’éternité » (Eduardo Manet, Ma vie de Jésus, op. cit., p. 277).

408

Jean Ferniot, Saint Judas, op. cit., p. 160. 409

Clément Rosset, Le Réel. Traité de l’idiotie, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1977, p. 72. 410

Une solution plus objective à laquelle recourent les personnages coupables est la mort autoinfligée. Si la mort ne peut littéralement annuler le mal qui a été fait (« Ce qui est ne peut être autrement », dira le Coryphée dans Ajax in Sophocle, Tragédies, tome II, Ajax - Œdipe Roi - Électre, texte établi par Alphonse Dain et traduit par Paul Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 2002, p. 23), elle est investie d’une fonction expiatoire.

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reniement de Dieu par lui-même : « Comment pourrait-il les modifier, ces lois, sans renier son œuvre et se désavouer lui-même »412. La solution que les personnages trouveront pour résoudre ce dilemme sera l’amour, un amour prêt au sacrifice.

Il y a chez Schmitt aussi un épisode qui révèle cette appréhension temporelle de la rédemption, avec l’image d’un Jésus hésitant. Ignorant son origine, il se voit devancé par les miracles qu’il se voit faire. Il accomplit les résurrections sans trop y croire ni trop les comprendre. Il n’a pas la force de changer le cours des choses advenues. Sa force est la parole qu’il adresse au Père, le seul à pouvoir changer les choses dans le passé. Yéchoua ne dit pas : « Mon Père, fais que le décédé revienne à la vie », mais il dira : « Mon Père, fais qu’il ne soit pas mort »413. Tout le travail est attribué au Père. Il le fait intervenir dans l’histoire. « Fais » – maintenant –, qu’il ne soit pas mort – dans le passé. En réalité Yéchoua prie pour un fait déjà accompli. Les miracles sont regardés dans la même optique dans Saint Judas. Par l’intervention de Judas le monde est restitué à sa perfection. L’idiotie procède par le dépouillement de la parole et devient le sacrifice de la parole : « Résiste, reprend Jeshua, résiste à l’orgueil de la terre, qui te fait te rebeller. Mes paroles sont difficiles à accepter et même à comprendre, car ce qu’elles découvrent est obscur, obscur à ma propre intelligence. On ne pénètre pas avec des mots dans le secret de Dieu »414. Nommer les choses signifierait les faire exister et entraîner des représentations. Dans l’appréhension d’un réel qui a commencé à exister au moment où il a été envisagé, les représentations ne sont plus nécessaires à la signification. De la sorte, le Judas d’Armel Job n’est même pas un nom, il est une action, une œuvre : « Je suis […] l’innommable. Je n’ose pas dire mon nom »415. S’il disait son nom, Judas deviendrait une représentation. Or, l’idiot nie et annule la représentation, possible par la parole, et facilite l’accès à une extra-temporalité. Se concentrant sur la problématique du réel en rapport avec la représentation et en tant qu’insignifiance et détermination, Clément Rosset disserte sur l’innommable comme terme exprimant en « un seul mot l’idée de l’indétermination et l’idée de dégoût »416. C’est ainsi que Judas devient l’innommable que les écrivains réhabilitent pour incarner la congruence entre le passé et l’avenir, « la coïncidence du réel et de sa représentation : la chose y arrive en même temps que ses signaux, l’une et l’autre se

412

Jean Ferniot, Saint Judas, op. cit., p. 73. 413

Eric-Emmanuel Schmitt, L’Évangile selon Pilate, op. cit., p. 61. 414

Ibid., p. 160. 415

Armel Job, Judas le bien-aimé, op. cit., p. 71. 416

confondant chronologiquement et logiquement » 417 . Plus exactement, l’axiome shakespearien, to be or not to be, se transforme en un autre type de questionnement ontologique, qui interroge l’étant même : « avoir été ou ne pas avoir été ». Rosset articule cette idée de la mort comme annulation de la chose, et non pas seulement de sa fin, quand il discute autour des deux solutions philosophiques au réel – « l’illusionnisme » et « l’inguérissable » (de descendance hégélienne et kantienne) : « Il n’y aura, tôt ou tard, plus de différence entre « ceci s’est passé » et « ceci ne s’est pas passé »418. De ce phénomène complexe l’intuition mallarméenne rendra compte elle aussi : « RIEN N’AURA EU LIEU […] QUE LE LIEU »419. La solution de Pagnol pour conserver le mystère se joue sur la scène : les Écritures y sont accomplies dans l’extra-temporalité artistique. Comme le pointe Rosset, « tout ce qui doit périr est déjà mort. […] Je meurs, mais reste ce que j’ai amené au cours de ma vie éphémère. […] Je disparais, mais il y aura toujours à admirer les frises de Phidias, les tragédies de Shakespeare, les opéras de Mozart »420. Jeshua de Ferniot le dit aussi, de façon très précise : « Il n’y aurait, littéralement, pas eu de Création ». Avec le sacrifice de Judas, toute existence post-adamique est annulée. Ainsi, expulsant le mal du monde en l’assumant421, l’homme sort de la temporalité et devient créateur du monde :

Il fallait que l’homme, de créature, devînt aussi créateur […] Le temps ne s’écoule que pour les êtres créés, donc imparfaits, limités, non pour le Créateur immuable. L’acte que serait le tien n’est pas nécessaire à l’accomplissement des Écritures. Que sont les Écritures ? De la poésie, de la musique de mots et d’idées, des cris de colère, des soupirs d’amour […] On ne peut rien imaginer de plus atroce que la trahison suicide du suicide, que la cupidité et la félonie associées au désespoir. Mais en même temps qu’il t’accable, cet acte, il te sauve. […] Alors Lucifer redeviendrait le porte-Lumière. En nous se résoudrait la grande contradiction, le oui et le non, le clair et l’obscur, la vie et la mort. Nous équilibrerions, dans les plateaux de la balance, tout le mal de l’Histoire.422

417 Ibid., p. 137. 418 Ibid., p. 71. 419

Stéphane Mallarmé, Poésies et autres textes, édition établie, présentée et annotée par Jean-Luc Steinmetz, Librairie Générale Française, Paris, 2005, coll. « Le Livre de Poche », poème « Un coup de Dés n’abolira jamais le Hasard ».

420

Clément Rosset, Le Réel. Traité de l’idiotie, op. cit., p. 69. 421

Assumée, la trahison de Judas serait capable de détruire le mal. 422

La proposition de Jésus et Judas devant le gnosticisme tranchant participe à l’instauration d’une temporalité capable de mettre la créature en position plus élevée et de l’harmoniser aux lois divines. Par amour, l’ancienne dichotomie de la morale serait invalidée car le bien aurait compensé tout le mal de l’histoire.

Une autre solution est avancée par Claudel lorsqu’il noue ironiquement l’image du traître à l’image du créateur, du poète : « Je l’écoute [Jésus] souvent avec plaisir. Moi-même dans cette inspiration, j’ai composé un petit recueil intitulé : Cantique pour le mois

de Nizan »423, « nul plus que moi n’admire l’héroïque obstination des Macchabées. C’est même le poëme épique que j’ai écrit à ce sujet et qui m’a valu l’entrée au Sanhédrin »424. Vu que l’acte poétique comme arme contre la mort et le temps est un thème récurrent dans l’œuvre de Claudel. Sa démarche d’ironiser Judas sur ce point est intéressante. Claudel lui-même, en tant que poète créateur, devient l’image de l’architecte en Dieu425. Une fois sa construction finie, il la consacre à l’univers. La poésie est un offertoire pour Claudel. Le poète, habité par la parole divine, superpose la réalité humaine à l’atemporalité primordiale : « Avant que nous soyons, il était là et déjà nous étions avec lui sa nécessité et son désir. / De son côté est le commencement et cela dont le propre est de ne pas mourir. / Il y a eu un moment de lui à nous commun ou nous n’étions pas séparés »426.

Claudel ne se tient pas à l’écart de la problématique du parcours dans le temps et dans l’espace de l’humain quand il parle de la mission de l’être, ainsi que d’une route

interrompue d’un cheminement « déjà tracé auquel il voudrait mettre fin »427 :

Et mon rôle est d’essayer de prendre par surprise, en ces points où les Deux Chemins en se croisant font subitement quatre Voies

Cette Création que Dieu a réussie d’un seul coup et ces choses qui n’existent qu’à la fois.

Trouverai-je dans ma feuille de route une clause quelque jour qui me permette De me dérober à l’appel inflexible des kilomètres

Et de fouler ce sol neutre enfin où le sillon par avance caché ne m’attende d’aucun devoir ?

423

Paul Claudel, Mort de Judas, op. cit., p. 19. 424

Ibid., p. 20. 425

Paul Claudel, Feuilles de Saints : L’architecte in Œuvre poétique, op. cit., p. 621. 426

Paul Claudel, Feuilles de Saints : Saint Martin in Œuvre poétique, op. cit., p. 663. 427

Didier Alexandre, « La restauration du poème long. Feuilles de saints » in Claudel poète ? De “La

cantate à trois voix” (1912) à “Poésies diverses” (1952), la Revue des Lettes Modernes, textes réunis et

Au lieu de ce texte à déchiffrer mot par mot, que l’on me donne la mer à boire !428

Même le temps, perçu comme une « invitation à mourir »429 suit un sens – cours – qui va «

d’un point, et non pas vers un point »430. Il n’est que la scène où se profère la parole dans un présent que nous possédons en totalité. L’existence humaine comme réservoir de la parole divine est une image significative dans la poétique de Paul Claudel. Dans son combat rappelant celui de Job en lutte avec l’ange de Dieu, embrassade arrêtée pour l’éternité (voir le tableau de Rembrandt en Annexe, Illustration 4), Claudel milite pour une communion réciproque entre l’homme et Dieu. Cela permet à l’homme de devenir co-créateur, co-rédempteur, collaborateur à la co-naissance431. Une douce tension émane de l’écriture de Claudel. Elle est présente aussi dans la pièce de théâtre sur Judas, qui garde, en dépit de la tonalité, un faible degré d’empathie du dramaturge avec son personnage. La scène finale qui restitue Judas à l’éther, voire à la communion des éléments que l’auteur, en tant qu’alchimiste réussit à produire. Il dresse l’image de la libération, de la délivrance et du soulagement du traître432 :

Maintenant retenu par le fil presque imperceptible, je peux dire qu’enfin je m’appartiens à moi-même. Je ne dépends plus que de mon propre poids, sans en perdre une once. D’une part aussi exacte qu’un fil à plomb j’indique le centre de la terre. D’autre part, grâce à ce trait en quelque sorte idéal qui me retient et me soutient, j’ai acquis de tous côtés autonomie et indépendance. À droite, à gauche, il n’y plus d’obstacle, je suis libre, tout m’est ouvert.433

428

Paul Claudel, Feuilles de Saints : La Route interrompue in Paul Claudel, Œuvre poétique, op. cit., p. 695. 429

Paul Claudel, Art poétique : Connaissance du temps III in Paul Claudel, Œuvre poétique, op. cit., p. 145. 430

Ibid., p. 145. 431

Jacques Houriez, L’inspiration scripturaire dans le théâtre et la poésie de Paul Claudel. Les œuvres de la

maturité, Paris, Presses Universitaires franc-comtoises, 1998, pp. 19 ; 190.

432

L’image peut renvoyer à la mort d’Ysé du Partage de midi (voir Paul Claudel, Théâtre I, Édition revue et augmentée, textes et notices établis par Jacques Madaule et Jacques Petit, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade, 1967). Mais aussi à d’autres poèmes comme Au Verso de « Sainte Geneviève », VI et VI de

Feuilles de Saints où Claudel évoque la décorporalisation, la libération de la consistance matérielle :

« Autour de mon palais, dit le Roi, j’ai mis un anneau de ciel, déjà il me semble que je ne tiens plus à la terre, / L’heure du sommeil est venue, déjà il me semble que ça commence à être libre sous moi, comme le ponton à la mer de minuit qui commence à se plaindre et à souffrir. », « Tout à cessé de mourir » in Paul Claudel,

Œuvre poétique, op. cit., p. 649.

433

Claudel prête une attention spéciale au visuel et au gestuel transposés de façon lyrique dans la pièce. Si Mesa est surpris face aux astres434, Judas se présente dans la position d’offrande à Dieu. Il soutient quitter la terre, pour gagner l’élément de l’air et son infini : « personne n’estimera qu’enfin libéré du sol j’aie payé trop cher le privilège d’osciller. Quel la jeunesse vienne donc à moi »435. Devenant le centre du cercle, il se place lui-même au centre de la création, comme l’élu de Dieu, comme le poète :

Tous les signes de ce calcul en action par quoi, recrutant tous les métiers, son art