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La stratégie de recherche : l’étude de cas

Dans le document 2015 M S 18 N C P ’ - : S G ’ L U Q O D (Page 82-88)

CHAPITRE V LA CONSTRUCTION DE L’OUTIL D’ENQUÊTE : LE CADRE

5.2 La stratégie de recherche : l’étude de cas

Pour recueillir ces données discursives et observationnelles, nous avons choisi la stratégie de l’étude de cas et ce, parce que l’étude de cas permet d’étudier de façon approfondie un phénomène dont les contours peuvent être larges – ce qui est le cas des solidarités paysannes transnationales en Afrique de l’Ouest – tout en s’intéressant aux différentes composantes qui

forment le cas, ainsi qu’à son contexte immédiat, son histoire et ses différentes dimensions.

(Roy, 2006; Yin, 2003). L’étude de cas est considérée particulièrement pertinente pour l’étude d’« un phénomène, un événement, un groupe ou un ensemble d’individus, sélectionné de façon non aléatoire, afin d’en tirer une description précise et une interprétation qui dépasse ses bornes » (Roy, 2006, p. 166). L’étude de cas est par ailleurs particulièrement fructueuse lorsqu’il s’agit de croiser différents types de données (discursives et observationnelles) recueillies sur le terrain dans une séquence sociale circonscrite dans le temps et l’espace (Olivier de Sardan, 2008, p.73). Les études de cas permettent par ailleurs de rendre compte de l’histoire longue d’un phénomène, ainsi que du point de vue d’acteurs variés. Il est par ailleurs à noter que l’étude de cas est la stratégie de recherche la plus courante dans le domaine de l’étude des mouvements sociaux et ce, encore davantage en ce qui concerne l’étude de mouvements pour lesquels il y existe encore peu de documentation disponible, ce qui est le cas des mouvements paysans ouest-africains.

5.2.1 Le processus de sélection des cas

C’est le mouvement paysan ouest-africain qui constitue, au plan méthodologique, la population de l’étude. L’Afrique de l’Ouest étant constituée de quinze (15) pays, un échantillonnage-pays était nécessaire puisque d’une analyse des dynamiques paysannes transnationales de chacun de ces pays n’était pas logistiquement envisageable. En cohérence avec l’objectif de rendre compte du processus de construction d’une dynamique transnationale dans le domaine agricole, les terrains d’enquête à retenir devaient impliquer une certaine diversité géographique. La sélection des cas – par échantillonnage non-probabiliste – s’est fondée sur six critères :

1. La pertinence théorique du cas par rapport aux objectifs de la recherche ; 2. Les caractéristiques et la qualité intrinsèque du cas ;

3. La typicité, l'exemplarité ou la valeur de contraste du cas ; 4. La valeur heuristique (la possibilité d'apprendre) du cas ; 5. L’intérêt social et scientifique du cas ;

6. L’accessibilité à l'enquête du cas.

En fonction de ces critères, nous avons d’abord retenu le mouvement paysan sénégalais comme premier site d’enquête. Ce mouvement répondait en effet à l’ensemble des six critères énoncés. Il s’agissait d’une part, d’un des mouvements paysans les plus structurés d’Afrique de l’Ouest, qui a par ailleurs une longue histoire de relations transfrontalières avec les OP des pays voisins et d’action politique à diverses échelles. Les leaders paysans sénégalais sont par ailleurs considérés comme ayant été des acteurs importants de la dynamique de création d’un réseau paysan à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest (critères 1, 2, 3 et 4). Par ailleurs, si ce mouvement est l’un de ceux qui a été le plus documenté dans les dernières années (Lecomte, 2008; Mercoiret, 2006; McKeon et alii, 2004), les dynamiques transnationales du mouvement n’ont été que très peu étudiées jusqu’à présent (critères 4 et 5). Enfin, il s’agit d’un mouvement pour lequel la chercheure avait un accès privilégié en raison de relations établies de longue date entre certains acteurs du mouvement et un de nos directeurs de thèse (critère 6).

Encart 2. Le mouvement paysan sénégalais

Le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) est une Plate-forme nationale paysanne créé en 1997 et regroupant aujourd’hui 22 fédérations paysannes et de producteurs du Sénégal. Le CNCR est un des membres fondateurs du ROPPA et a été une des Plateformes les plus actives dans le processus ayant mené à la création du ROPPA (Cissokho, 2009; Lecomte, 2008). Son président d’honneur, Mamadou Cissokho, est aussi président d’honneur du ROPPA et a souvent agi à titre de porte-parole du ROPPA dans les rencontres internationales. Le CNCR était membre de la Fédération internationale des producteurs agricoles (FIPA) jusqu’à sa dissolution en 2012 et est aussi membre de Via Campesina. Il s’agit par ailleurs d’une Plateforme paysanne considérée particulièrement influente vis-à-vis des pouvoirs nationaux (McKeon, Watts, et Wolford, 2004; Mercoiret, 2006) et une qui, ayant été abondamment étudiée dans les dernières années, sur laquelle de nombreuses informations secondaires sont disponibles.

Ce n’est que suite à cette première enquête, en janvier-mars 2011, que le site d’enquête de la deuxième étude de cas a été déterminé. La première enquête nous en avait beaucoup appris non seulement sur les dynamiques transnationales du mouvement sénégalais, mais aussi sur les dynamiques transnationales de plusieurs des autres mouvements nationaux ayant participé à la fondation du ROPPA. Et ce, notamment en raison de la présence à Dakar, au moment de notre enquête, d’acteurs paysans d’autres pays de la sous-région (dans le cadre du Forum Social Mondial 2011) avec lesquels nous avons été en mesure de mener des entrevues. Mais aussi parce que le Sénégal constituant à plusieurs égards un « Hub » régional, nous avons été en mesure d’accéder à plusieurs documents pertinents ainsi que de mener des entretiens avec des acteurs publics et de la coopération internationale qui étaient au fait à la fois de la situation nationale et de la situation régionale. Pour comprendre davantage les dynamiques transnationales des mouvements paysans ouest-africains, il nous est dès lors apparu qu’il serait méthodologiquement pertinent que le deuxième cas étudié soit excentré, c’est-à-dire qu’il se situe hors du « noyau » des dix OP/Plateformes d’organisations paysannes ayant contribué à la création du ROPPA en 2000.

Encart 3. Le ROPPA

Le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) a été fondé en juillet 2000 à Cotonou lors d’une rencontre qui a rassemblé une centaine de responsables paysans mandatés par des organisations faîtières issues de dix pays ouest-africains (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo). Dès la création du ROPPA, les membres se sont donnés pour objectif à moyen terme d’accueillir les faîtières de l’ensemble des pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En l’occurrence, il ne manquait en 2012 que deux membres (Cap Vert et Nigeria) pour que l’objectif de membership soit atteint puisque les faîtières du Ghana et de la Sierra Leone sont devenues membres du ROPPA en 2006 et celle du Libéria en 2010. Lors de sa création, le ROPPA s’est donné pour mission principale la promotion et la défense de l’exploitation familiale dans les pays de la sous-région. Bien que d’apparition récente, le ROPPA, s’est d’ores et déjà imposé comme acteur incontournable dans la sous-région en ce qui concerne les politiques agricoles et les négociations entourant la libéralisation du commerce de produits agricoles (Lecomte, 2008; Mercoiret, 2006).

Le ROPPA est à la fois le point de départ de la recherche et son aboutissement et ce, non pas parce que le ROPPA est considéré comme la fin de l’histoire du mouvement paysan ouest-africain, mais parce qu’il en est la cristallisation institutionnelle la plus importante à l’échelle sous-régionale au moment de notre recherche. Le point de départ aussi parce que c’est à partir de ce réseau que nous avons amorcé l’exercice de reconstitution de la trajectoire des relations sociales paysannes transnationales et de la construction de l’échelle sous-régionale comme échelle d’action collective. C’est en effet le narratif de cette trajectoire par les acteurs de l’organisation (des données qui ont été obtenues par le biais d’entretiens avec des acteurs du mouvement, par l’analyse de documents d’organisation et par des exercices d’observation directes) qui a constitué le matériau de travail à partir duquel nous avons amorcé notre recherche. En 2011, au moment de notre enquête au Sénégal, le ROPPA comptait des membres en provenance de treize (13) pays ouest-africains, soit les dix membres fondateurs plus des OP du Ghana, du Liberia et de la Sierra Leone. Nous avons écarté le Liberia et la

Sierra Leone en raison d’instabilités politiques persistantes qui nous apparaissaient présenter des contraintes logistiques importantes à l’enquête terrain, mais aussi parce qu’il nous apparaissait que l’autoritarisme persistant des régimes politiques de ces pays allait réduire la possibilité de comparaison avec le Sénégal. Nous avons plutôt retenu le Ghana, une démocratie stable depuis 1992, comme site de notre seconde étude de cas. Le mouvement paysan du Ghana répondait notamment au 3e critère de sélection des cas (la typicité, l'exemplarité ou la valeur de contraste du cas). Les OP du Ghana n’avaient pas participé à la création du ROPPA mais en étaient devenues membres en 2006. Elles ne semblaient pas non plus avoir participé aux autres réseaux transnationaux dans lesquels s’insérait le mouvement paysan sénégalais. Par ailleurs, alors que le français était la principale langue commune des OP ayant créé le ROPPA, le Ghana était une ancienne colonie britannique où la principale langue véhiculaire était l’anglais. Le mouvement paysan ghanéen semblait donc avoir, à plusieurs égards, une valeur de contraste par rapport au mouvement paysan sénégalais (critère 3). Par ailleurs, comme le mouvement paysan ghanéen n’avait été que très peu documenté jusqu’à présent, son étude semblait présenter un potentiel heuristique important (critère 4 – la valeur heuristique du cas; et, par extension, critère 5 – l’intérêt social et scientifique du cas). Cependant, parce que le cas avait encore été peu documenté, nous ne disposions initialement que de peu d’informations pour préjuger de la qualité intrinsèque du cas et de sa pertinence empirique et théorique par rapport aux objectifs de la recherche. Nous ne jouissions pas non plus d’une entrée privilégiée auprès des acteurs du mouvement comme cela avait été le cas au Sénégal. Pour autant, de premiers contacts avaient été établis avec des acteurs paysans du Ghana à partir d’informations recueillies auprès d’acteurs paysans du Sénégal et les acteurs paysans ghanéens contactés acceptaient de nous accueillir, ce qui paraissait conforme au critère de l’accessibilité du cas à l’enquête (critère 6). Nous avons donc déterminé, à charge de modifier ultérieurement le site de la deuxième étude de cas si cela s’avérait nécessaire (cela ne l’a pas été), que le site de la deuxième étude de cas serait le Ghana.

Encart 4. La Fédération ghanéenne des producteurs agricoles (GFAP)

La Fédération ghanéenne des producteurs agricoles ou Ghana Federation of Agricultural Producers (GFAP) a été créée à la fin 2009 par quatre organisations paysannes faîtières ghanéennes et compte des centaines d’organisations membres. Un des membres fondateurs du GFAP, la Farmer Organization Network of Ghana (FONG), est membre observateur du ROPPA depuis 2005 et en est devenu officiellement membre en 2006. La FONG demeure aujourd’hui le représentant des OP du Ghana, mais le fait (officieusement) au nom de la GFAP.

5.3 Avant de construire les outils d’enquête : établir les critères de scientificité de la

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