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Avant de construire les outils d’enquête : établir les critères de scientificité de la recherche

Dans le document 2015 M S 18 N C P ’ - : S G ’ L U Q O D (Page 88-91)

CHAPITRE V LA CONSTRUCTION DE L’OUTIL D’ENQUÊTE : LE CADRE

5.3 Avant de construire les outils d’enquête : établir les critères de scientificité de la recherche

Le critère de scientificité centrale du chercheur s’inscrivant dans une démarche qualitative faisant appel à des enquêtes de terrain est la rigueur empirique. Ce que dit Olivier de Sardan (2008) de la recherche qualitative en anthropologie (mais cela s’applique à toutes les sciences sociales) est éclairant pour la réflexion sur les critères de scientificité d’une telle recherche.

On a affaire, avec l’enquête de terrain propre à l’anthropologie ou à la sociologie qualitative, à un entrelacs complexe d’ordres de grandeur, de tendances, de descriptions, d’illustrations, de cas significatifs, de discours et représentations

« locales », d’hypothèses souples, d’interprétations prudentes, de théories locales, de généralisations plus ou moins assumées, le tout pris dans de constantes variations d’échelles et de perspective. Avec cette mosaïque quelque peu hétéroclite de données commentées et interprétées, nous sommes bien dans de l’à-peu-près. Mais cet à-peu-près n’a rien (ne devrait rien avoir) d’un n’importe quoi. (Olivier de Sardan, 2008, p.11-12).

La rigueur empirique du chercheur constructiviste est, selon Olivier de Sardan (2008, p.11)

« indexée à un double rapport d’adéquation : (a) le rapport d’adéquation entre l’argumentation et les données d’enquête; (b) le rapport d’adéquation entre les données d’enquête et le « réel de référence ».

Rapport d’adéquation 1 : la rigueur dans la collecte des données

Le premier rapport d’adéquation fait clairement référence à la qualité de l’enquête terrain : les données recueillies reflètent-elles adéquatement la « réalité » du terrain? Dans le cadre de notre recherche, c’est la stratégie de triangulation des données d’enquête de sources multiples qui nous a permis de nous assurer de ce rapport d’adéquation soit positif. La triangulation des données est le principe de base de toute enquête, le croisement et le recoupement des informations étant essentiel au travail socio-anthropologique. Olivier de Sardan (2008) définit la triangulation comme étant « l'utilisation de multiples sources de données, observateurs, méthodes ou théories dans l'investigation du même phénomène dans le but de vérifier la robustesse du traitement des données : notamment l’interprétation des unités de sens, la catégorisation ». La triangulation simple implique de croiser les sources d’informations afin de ne pas être prisonnier d’une seule source. La « triangulation complexe » implique de raisonner le choix des informateurs multiples et de faire varier de façon raisonnée les points de vue en fonction de leur rapport au problème traité. Il ne s’agit donc pas seulement de croiser ou de recouper les informations pour arriver à une description plus véridique, mais bien de rechercher des discours contrastés et de s’appuyer sur les variations des données plutôt que de chercher à les « aplatir » (Olivier de Sardan, 2008, p.80).

La triangulation est souvent utilisée comme une stratégie de renforcement de la validité des données ou des résultats de recherche ou, dans certains cas, pour réduire les biais du chercheur (Taylor et Bogdan, 1984). Elle présente plusieurs formes : la triangulation référentielle, la triangulation opérationnelle et la triangulation méthodologique. La triangulation référentielle a recours à plusieurs groupes d'individus comme sources de données; la triangulation opérationnelle a recours à plus d'un investigateur dans un processus de recherche; la triangulation méthodologique fait référence à l'utilisation de méthodes de recherches différentes dans le but de rehausser la crédibilité des résultats. Dans le cadre de cette recherche, nous avons fait appel à la triangulation référentielle et à la triangulation des méthodes de cueillette des données.

Dans le domaine des sciences sociales, les recherches de nature qualitatives fondées centralement sur des entretiens semi ou non directifs sont généralement considérées difficiles à reproduire. Avec raison. Cela n’est cependant pas une raison suffisante pour considérer que cette méthode de collecte de données n’est pas valable ou est moins valide en termes scientifique. Dans les cas où ce qui est étudié est un phénomène nouveau sur lequel encore peu d’information n’a été collecté et sur lequel peu d’écrits scientifiques sont disponibles, mener des entretiens approfondis avec des acteurs-clé constitue souvent la seule méthode à même de constituer une base de données suffisamment robuste pour justifier une analyse scientifique. Or, dans le cas des dynamiques transnationales du mouvement paysan ouest-africain, nous avons précédemment mentionné que peu d’écrits étaient disponibles, même si le mouvement sénégalais a été plus abondamment étudié que les autres. Il était donc tout à fait justifié de recourir à une stratégie d’enquête mettant les entretiens avec des acteurs au premier plan.

Rapport d’adéquation 2 : la rigueur dans l’analyse des données

Le deuxième rapport d’adéquation concerne l’analyse faite par le chercheur des données d’enquête obtenues. En recherche qualitative de type socio-anthropologique, la validité scientifique de l’analyse requiert que les résultats de l’étude soient distincts des déductions de l’auteur. En d’autres termes, les théorisations du chercheur doivent s’appuyer explicitement sur des données de terrain tenant lieu de « preuves »; la façon dont les données ont été recueillies doit être explicitée, de même que les décisions interprétatives prises sur le terrain, au fur et à mesure (Sardan, 2008, p.99). Bref, la qualité de l’analyse, ainsi que sa validité et sa plausibilité, dépendent de la profondeur du souci d’adéquation empirique, de la pertinence et de la fiabilité des données. C’est dans cette perspective que, dans les chapitres issus des enquêtes terrain, la trame narrative et analytique des enquêtes a été articulée, chaque fois que c’était possible, de manière à donner au lecteur un accès direct aux données brutes tirées de l’enquête : extraits d’entretiens, descriptions, observations, extraits de documentation grise.

Dans le document 2015 M S 18 N C P ’ - : S G ’ L U Q O D (Page 88-91)

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