• Aucun résultat trouvé

L’exploitation familiale : le modèle d’exploitation dominant en Afrique de l’Ouest

Dans le document 2015 M S 18 N C P ’ - : S G ’ L U Q O D (Page 28-31)

d’exploitations familiales. Les ruraux obtiennent la majeure partie de leur subsistance et de leurs revenus d’activités agricoles et non agricoles dans le cadre de ce type d’exploitation.

Les termes « agriculture familiale » ou « exploitation familiale » font référence à un vaste éventail de situations à l’intérieur desquelles les pratiques peuvent varier fortement selon les zones agro-écologiques, les pays et les groupes socioculturels (Belières et al., 2002).

L’Afrique de l’Ouest présente une grande diversité de types d’exploitations familiales en termes de superficies exploitées, de diversification des activités, de niveau d’équipement, de revenus, etc. Malgré cette diversité, on peut dénombrer un certain nombre de caractéristiques qui sont propres à l’agriculture familiale, notamment que la production agricole y repose sur une main-d’œuvre familiale le plus souvent non rémunérée et que, le plus souvent, les superficies exploitées ne dépassent pas 5 hectares. Ces exploitations familiales pratiquent pour la plupart une agriculture pluviale (non irriguée), non mécanisée et à faible utilisation d’engrais. Pour distinguer ces exploitations, Zoundi (2003) propose une classification en trois catégories.

Type 1 : Exploitations marchandes. Ces exploitations sont organisées autour d’une des principales cultures de rente (coton, cacao, café, arachide, etc.). Fortement spécialisées, ces exploitations sont particulièrement vulnérables face aux fluctuations des prix sur le marché mondial. Certaines exploitations de cette catégorie, situées en milieu urbain ou péri-urbain, sont spécialisées dans la production pour les marchés urbains.

Type 2 : Exploitations mixtes (marchandes + de subsistance). Dans ces exploitations, la production céréalière et celle des cultures de rente est plutôt équilibrée. La production est souvent considérablement diversifiée afin de se protéger tant contre les risques climatiques que contre les risques liés au marché. Zoundi (2003) observe que ces exploitations regroupent souvent des ménages qui privilégiaient autrefois la production de subsistance, mais qui consacrent aujourd’hui davantage de leurs ressources à la production marchande en raison de

besoins monétaires croissants (scolarisation des enfants, soins de santé, vêtements, matériel agricole, etc.).

Type 3: Exploitations de subsistance. Dans ces exploitations, la production est orientée principalement vers les céréales et ce, à des fins de satisfaction des besoins du ménages, bien qu’une partie de la récolte soit généralement vendue pour obtenir des revenus monétaires.

Ces exploitations regroupent les ménages agricoles les plus pauvres et les plus vulnérables, des ménages qui utilisent peu d’intrants et de matériel agricole et qui ont un accès limité aux marchés.

Ces différentes catégories recouvrent évidemment un vaste éventail de ménages et ne sont pas immuables : elles peuvent évoluer dans le temps. Néanmoins, ces catégories nous permettent de distinguer les exploitations familiales entre elles et d’ainsi contrer la vision, largement répandue dans les institutions internationales actives dans le monde du développement, identifiant l’ensemble des exploitations familiales à la troisième catégorie et ce, en dépeignant parfois les exploitations familiales – dans leur ensemble – comme étant arriérées, inefficaces et incapables de s’intégrer au marché. C’est sur la base de l’adéquation faite entre exploitation familiale et agriculture de subsistance (avec pour corollaire des ménages appauvris et vulnérables) qu’est souvent légitimé l’idée que l’accroissement de la productivité agricole doit nécessairement et centralement passer par le biais de l’agro-industrie. Or, cette vision fait l’impasse sur les exploitations qui ont démontré leurs capacités à pénétrer de nouveaux marchés et à adopter de nouvelles technologies, mais aussi sur la pluriactivité qui caractérise nombre de ces exploitations familiales.

Une des transformations majeures qui a affecté les exploitations familiales ouest-africaines dans les dernières décennies est en effet la diversification des revenus ruraux. Dans certains cas, la production agricole ne représente plus que 30 à 40% des revenus totaux des ménages agricoles (Toulmin et Guèye, 2003). Confrontés à la croissance démographique, aux changements environnementaux (faible pluviométrie, etc.), aux changements dans le soutien

accordé par l’État (ajustement structurel) et/ou aux baisses de revenus liés aux fluctuations des prix sur le marché mondial, les membres des exploitations familiales ont ainsi cherché à diversifier leurs activités (diversification des cultures, élevage, etc.) et leurs sources de revenus (activités hors exploitation, artisanat, petite commerce, etc.) afin de faire face aux risques (Toulmin et Guèye, 2003).

Alors que le mode d’exploitation agricole dominant en Afrique de l’Ouest est l’agriculture familiale, les exploitations familiales reçoivent peu de soutien public (subvention et distribution d’engrais, infrastructures de transport, etc.) et elles n’ont que très peu accès à des protections sociales pour faire face aux risques (sécheresse, etc.) et aux imprévus (maladie, etc.). Nous verrons d’ailleurs qu’une des revendications importantes des organisations paysannes ouest-africaines représentant les exploitations familiales sera que celles-ci bénéficient d’un meilleur soutien public.

Du fait de leur faible productivité, de leur faible capacité d’investissement et du faible soutien dont elles bénéficient de la part des pouvoirs publics, les exploitations familiales sont souvent mal équipées pour faire face à la concurrence internationale sur les marchés nationaux et internationaux. Les marges bénéficiaires des petits exploitants agricoles en milieu rural ont été fortement réduites à partir du milieu des années 1980 avec le retrait de l’État des services d’appui à l’agriculture (fourniture d’intrants, services de commercialisation, gestion des périmètres irrigués, conseil agricole, etc.) et la mise en concurrence des produits locaux avec les produits importés (abolition des mécanismes compensatoires et de stabilisation des prix;

réduction des protections tarifaires et des quotas d’importation) qui ont découlés de la mise

en œuvre des Programmes d’ajustement structurel (PAS)4. Bien qu’un certain nombre de ménages et d’entreprises soient sorties gagnantes de la mise en œuvre des PAS, ce n’est pas le cas pour la très grande majorité des petits producteurs agricoles de la zone, dont les revenus ont été réduits substantiellement. Cette situation a par ailleurs eu un impact important sur la sécurité alimentaire des ménages (Oxfam, 2000; Way, 2001). Dans les années 1990 et 2000, cet appauvrissement des petits exploitants agricoles a été amplifié par la libéralisation croissante des échanges commerciaux internationaux sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce et par des traités de libre-échange bilatéraux et multilatéraux (Berthelot, 2001;

Boussard et Delorme, 2007).

Dans le document 2015 M S 18 N C P ’ - : S G ’ L U Q O D (Page 28-31)

Documents relatifs