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III. LA CONCRÉTISATION PAR LES POLITIQUES DU DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT

III.I LA RESTRUCTURATION DU SECTEUR PUBLIC ET PARAPUBLIC

Elle est née dans le cadre du PALMT (Plan d’Ajustement Économique et Financier à Long et Moyen Terme) qui s’était échelonné sur une période de sept années, plus précisément de 1985 à 1992. Elle a vu le jour comme politique publique, parce que les réformes qui avaient été prises dans le cadre du PREF (Plan de Redressement Économique et Financier) durant la période 1980-1985, avaient été jugé insuffisantes par les créditeurs ou bailleurs de fonds, en l’occurrence le FMI et la Banque Mondiale. « Le PREF a été mis au point par le FMI et la Banque mondiale qui accorde son premier prêt d’ajustement structurel en Afrique de l’Ouest avec les objectifs suivants : stabiliser la situation financière de l’État; augmenter l’épargne publique; orienter l’investissement dans les secteurs productifs; réduire l’intervention de l’État dans l’économie et restructurer le secteur parapublic »131. Le PREF comportait pourtant des signes annonciateurs de la nouvelle vision économique des nouveaux dirigeants gouvernementaux dans la mesure où, il renfermait une série de mesures qui allaient affecter directement le quotidien des populations, comme la hausse des prix des denrées dites de premières nécessités (riz Ŕ huile Ŕ sucre). Autrement dit, même si

130 Ka, Djibo Leïty, Un petit berger au service de la République et de la démocratie, Dakar : Les nouvelles

éditions africaines, 2005, p

131Diouf, Makhtar, L’endettement puis l’ajustement : l’Afrique des institutions Bretton-Woods, Paris :

les mesures qu’il renfermait n’avaient pas rencontré la satisfaction des bailleurs de fonds (FMI et Banque mondiale), le PREF annonçait timidement la volonté du gouvernement Diouf de rompre avec la politique d’assistance qui était en vigueur durant le règne du Président Senghor (1960-1980).

Les premières mesures concernent l’assainissement des finances publiques; fermetures de 23 ambassades et représentations consulaires; réduction du parc automobile de l’État et des dépenses de carburant de l’ordre de 40%; réduction de l’assistance technique française de 150 unités; réductions des subventions aux denrées de consommation de première nécessité comme le riz, l’huile, le sucre : ce qui va se traduire par de fortes hausses de prix en février 1980 et en août 1983; fermetures des internats dans les établissements secondaires132.

En annonçant ses intentions dans le cadre du PREF (Plan de Redressement Économique et Financier), lesquelles avaient été jugées insuffisantes par les bailleurs de fonds (FMI et Banque Mondiale), le gouvernement était dans l’obligation de se monter plus déterminé dans les réformes demandées, tout en se montrant plus asocial dans le PALMT (Plan d’Ajustement Économique et Financier à Long et Moyen Terme) qui s’était fixé un double objectif, à savoir conjoncturel et structurel : Autrement dit, la nouvelle orientation économique qui avait toujours pour priorité d’assainir les finances publiques, avait décidé de soustraire l’État, entendu comme gouvernement, de certaines charges qui n’étaient d’aucune utilité pour l’économie nationale.

Au niveau conjoncturel, il s’agit de redresser les finances publiques en priorité pour la période 1985/88, c’est-à-dire au cours des trois premières années avec les mesures suivantes : réduire le rythme de croissance de la consommation publique de 2,5% par an à 1%, la part des salaires dans les dépenses courantes devant être ramenée de 52% à 49 %; réduire le rythme de consommation des ménages, de 4,3% (1979/83) à 2,5%; porter le déficit extérieur à 1.4% du PIB en 1992, contre 18% en 1981, et 10.2% en 1983; porter la part de l’épargne dans le PIB à 10,4% en 1989 et à 13,7% en 1992 (elle était de 4,7% en 1981); porter le taux d’autofinancement intérieur à 67.4% en 1989 et à 89.7% en 1992 (il était de -9.3% en 1981). Au niveau structurel, les objectifs étaient les suivants : consolider les bases de la croissance économique dans l’agriculture,

132Diouf, Makhtar, L’endettement puis l’ajustement : l’Afrique des institutions Bretton-Woods, Paris :

l’industrie et le commerce; promouvoir l’emploi; restructurer le secteur parapublic; améliorer la programmation des investissements publics par réorganisation du système de planification, qui devra accorder la priorité aux projets rentables; préserver les bases de la croissance à long terme par le développement du potentiel humain; réduire le taux de croissance démographique de 3% à 2,8%133.

La Restructuration du secteur public et parapublic comme politique publique, avait pour principal objectif de corriger la crise des finances publiques auquel était confrontée entre autres, l’économie sénégalaise. Ainsi, comme politique, elle devait réduire à la fois les dépenses et les charges qui pesaient lourdement sur le budget de l’État. Il était question pour une efficacité de cette politique de Restructuration du secteur public et parapublic de mettre fin aux subventions à l’endroit des entreprises publiques, et éventuellement de procéder à leur liquidation ou fermeture au cas où, leur privatisation n’était pas envisageable ou possible. Compte tenu du fait que la crise des finances était entre autres causée par une prise en charge de la demande sociale, Il était question pour les nouveaux dirigeants de rompre avec une telle pratique. En mettant fin par exemple aux internats qui avaient donné l’opportunité à ceux et celles dont les parents n’avaient pas les moyens pour supporter les études de leurs enfants, le gouvernement Diouf, guidé par des impératifs économiques, n’avait pas hésité à sabrer dans le social. L’heure était à la suppression des subventions, ce sésame qui était distribué sous le régime de Senghor, et qui était aussi également une marque de sa sensibilité politique : le socialisme.

Dans la logique d’alléger les finances publiques, cette Restructuration du secteur public et

parapublic devait et allait également s’appliquer au secteur de la Fonction publique, dont le

nombre de travailleurs ou de fonctionnaires avait été jugé pléthorique par les créditeurs ou bailleurs de fond, en l’occurrence le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque mondiale. Il fallait donc non seulement réduire le nombre de travailleurs, mais également et surtout, arrêter ou de cesser le recrutement. Le licenciement apparaissait dès lors comme la seule arme dont disposait le gouvernement, pour satisfaire et honorer cette exigence émise par les bailleurs de fonds. C’est d’ailleurs dans la mise en place de cette politique

133 Diouf, Makhtar, L’endettement puis l’ajustement : l’Afrique des institutions Bretton-Woods, Paris :

qu’il faudrait situer la politique dite des départs volontaires, qui avait pour finalité, de réduire la taille des fonctionnaires de la fonction publique.

Les maux du secteur parapublic au Sénégal, comme du reste partout ailleurs en Afrique, ont été ainsi diagnostiqués : pléthore de personnel du fait des pressions politiques sur le recrutement, choix des responsables sur des critères de clientélisme politique et non de compétence, financement du parti politique au pouvoir, d’où la mauvaise gestion et le recours chronique aux subventions de l’État pour combler les déficits; cela a été particulièrement le cas des entreprises publiques du monde rural, qui à elles seules, recueillent 60% du total des subventions134.

En décidant donc de mettre fin un terme à la politique des subventions à l’endroit des entreprises publiques, il était donc loisible de comprendre également à ce niveau, que l’intention des autorités gouvernementales, en plus du retrait de leur soutien financier pour le fonctionnement des dites entreprises, était de procéder à des licenciements collectifs, en ce sens que la fermeture, pour défaut d’efficacité, figurait parmi les options envisagées ou préconisées. Il fallait certes privatiser, mais cette étape précédée par le retrait du soutien à leur fonctionnement, devait préalablement amener les autorités à licencier une partie considérable du personnel qui travaillait au niveau des entreprises en question. « Les privatisations ont le plus souvent entraînés des « licenciements négociés » sous formes de «

départs volontaires » avec des indemnités assez consistantes pour éviter à l’entreprise

privatisée de traîner une pléthore d’effectifs »135. En procédant de la sorte et sans se soucier des conséquences qui pourraient résulter de ses licenciements, il n’est faux de soutenir que les socialistes avaient perdu cette empathie propre à la sensibilité dite de

gauche, du moins réputée ou pensée comme telle.

Dans un Sénégal où l’emploi de façon générale, et plus particulièrement celui de la fonction publique, en plus d’être une denrée rare, ne permettait pas et ne permet pas au salarié de vivre décemment, instaurer une politique qui favorise le licenciement relève sous un certain angle d’une certaine insensibilité propre, mais compatible avec cette gestion technocratique

134Diouf, Makhtar, L’endettement puis l’ajustement : l’Afrique des institutions Bretton-Woods, Paris :

L’Harmattan, 2002, p 143

de la cité ou de la chose publique, peu aux faits des réalités auxquelles sont confrontées les gens sans travail. En effet, en faisant fi des aspirations primaires et légitimes des populations, tel que ce droit d’avoir du travail, en mettant en place une « politique » qui étouffait et rendait impossible une telle aspiration au nom de la nécessité d’une « politique » censée ultimement servir ces mêmes populations, il est légitime de soutenir que le gouvernement avait choisi de sacrifier les populations, créant par la même occasion un climat de tension entre lui et ses mandataires.

Supprimer les subventions aux entreprises publiques - procéder à la fermeture de celles dont la privatisation n’était pas possible Ŕ réduire la taille de la fonction publique constituaient Ŕ pourrait-on dire - l’essentiel de la politique de restructuration du secteur

public. Elle cadrait parfaitement avec les objectifs économiques du PAS (Programme des

Ajustements Structurels) dont les objectifs étaient de part et d’autres l’instauration d’une économie de marché Ŕ la libéralisation et la privatisation du secteur économique Ŕ et l’amélioration de la qualité de vie de l’individu et des populations. Cette politique de

Restructuration du secteur public et parapublic cadrait aussi parfaitement avec les objectifs

politiques du dit programme, en ce sens que les mesures qui en constituaient le fondement ou l’ossature, allaient et avaient fragilisé l’État-assistance qui, privé de sa substance et atteint dans son essence, était condamné à disparaître, obligeant ainsi l’individu et les populations à se prendre en chargeeux-mêmes. Ainsi la Restructuration du secteur public

et parapublic apparaissait à bien des égards comme la solution économique pour mettre un

terme à la mission sociale de l’État.

En véhiculant dans le discours officiel l’impératif économique et sa nécessité de procéder à des réformes au nom du moins d’État, mieux d’État, le gouvernement avec la mise en place d’une telle politique, entendait en effet rompre avec les pratiques de cet État-assistance qui s’est voulu durant deux décennies, plus précisément de 1960 à 1980, un État support pour l’économie et de ses activités, proche des populations et de leurs légitimes aspirations. Inachevé dans ses prétentions, fragile dans son essence même parce qu’il était en construction, cet État par son support, avait su et avait pu faire naître cette utile illusion ou cette nécessaire utopie, qui avait permis et permettait aux masses paysannes et citadines

sénégalaises en particulier et africaines en général, de croire que le gouvernement ou l’État avaient les solutions appropriées à leurs légitimes et primaires aspirations.

Cette politique de Restructuration du secteur public et parapublic qui était antisociale dans son fondement et hérétique dans ses aspirations, en favorisant la perte d’emploi, occasionnait en même temps d’autres maux, qui non résolus dans le long terme allaient être préjudiciables à l’économie. Comme telle, elle apparaissait à bien des égards comme une approche préventive et non curative aux problèmes de la crise des finances publiques qui Ŕ il est important de le rappeler Ŕ dans sa quête de solution pour une meilleure gestion de l’économie, avait choisi de ne pas s’intéresser aux dépenses dites de souveraineté. Comme politique publique, elle favorisait et portait en elle-même les germes d’une instabilité sociale dont les effets, en termes de dommages, ne pouvaient et n’allaient en aucun cas profiter à l’économie dans son ensemble.

La Restructuration du secteur public et parapublic visait à assainir les finances de l’État, elle était y certes parvenue, mais en engendrant des maux qui avaient pour noms : chômage pour les déflatés de la fonction publique en raison de la politique des départs volontaires – accroissement de la pauvreté conjointement lié à la hausse des denrées de premières nécessités (riz-huile-sucre) en raison également de la suppression de toute politique de subvention. Le calvaire des populations rurales et urbaines, était loin d’être pourtant terminé avec la Nouvelle Politique Agricole et la Nouvelle Politique Industrielle, qui se voulaient dans le fond, des politiques de rupture avec la gestion assistance sous le régime de Senghor.