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Chapitre 2 : Raconter le temps L’imagination, le récit et l’interprétation créatrice

2. Le récit, gardien du temps

2.3. La refiguration conjointe de l’histoire et de la fiction

Qu’en est-il du processus herméneutique qui sert d’adjuvant au faire poétique qu’illustre la triple-mimèsis ? Le sens que Ricœur confère à la notion de refiguration – comme « application » du monde du texte au monde du lecteur – permet déjà de répondre ceci : l’opération mimétique que conduit le récit, de manière analogue à la métaphore, réclame un effort d’interprétation. Il ne faudrait pas cependant oblitérer l’une des spécificités déterminantes de la refiguration narrative, à laquelle doit sérieusement prêter attention l’herméneutique du récit. C’est qu’à l’inverse de la référence métaphorique, dont l’effectuation se déroule essentiellement à partir d’un cadre purement imaginatif, le récit, en revanche, renvoie au monde sur deux modes de référence distincts, à supposer qu’il soit tantôt fictionnel, tantôt historiographique. La différence est notable. Si le récit de fiction produit ses effets sur le réel à partir d’un monde créé, le récit historique prétend inversement se rapporter à la réalité passée de manière descriptive, dans la mesure où l’histoire prend pour objet de ses analyses un passé réel, et non pas inventé. Quoique la prétention historiographique à décrire le passé demeure problématique à plusieurs égards, ce que Ricœur reconnaît sans peine185, il ne fait pourtant aucun doute

selon lui que l’intention historienne est primordialement dirigée vers une existence réelle : le passé tel qu’il fut. Une différence de fond semble donc polariser le genre narratif en fonction de sa capacité de refigurer la réalité de l’action. Mais, loin d’ériger un obstacle majeur, l’espace ouvert par cette polarisation entre la visée d’un passé réel et la création d’un monde irréel consolide au contraire selon Ricœur le pouvoir spécifique du récit à élever l’expérience temporelle à la compréhension. Car ce n’est

raison herméneutique, Paris, Cerf, 1991, p. 213). À condition toutefois de maintenir entre ce premier ordre et le second, celui

que bâtit le récit du poète et que son lecteur refigure dans le monde de la vie, une distinction claire, puisque l’un est erratique, alors que l’autre forme une unité solide ; l’un est fragmentaire, tandis que l’autre construit une totalité de sens.

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qu’en s’entrecroisant, soutient notre auteur, que le récit de fiction et le récit d’histoire deviennent à même de refigurer le temps.

La thèse de la refiguration conjointe de la fiction et de l’histoire est peut-être l’une des plus difficiles de Temps et récit, mais elle est également parmi les plus fortes de l’ouvrage. Non seulement implique-t-elle que la fiction et l’histoire ont plus en commun qu’il n’y paraît au premier abord, elle stipule que l’opération mimétique du récit aboutit à leur entrecroisement éventuel. Ainsi, l’idée de refiguration conjointe ajoute-t-elle une condition au bon déploiement de l’arc mimétique : c’est par l’entrecroisement des visées référentielles de l’histoire et de la fiction que le « temps humain » se constitue186.

Il ne faut pas croire cependant que c’est sur des fondations identiques que la fiction et l’histoire tendent à manifester des traits inusités de la temporalité et du même coup à répliquer poétiquement aux apories du temps. En vérité, c’est de manière très différente, et même opposée que le récit de fiction et le récit historique déploient leurs stratégies référentielles en vue d’affronter de telles apories. À ce propos, il est important d’avoir à l’esprit l’aporie principale à laquelle la refiguration conjointe de l’histoire et de la fiction prétend fournir la réplique dans Temps et récit 3 : l’aporie du temps vécu et du temps cosmique. Nous rappelons que cette aporie découle de la tension qui jaillit de la confrontation entre un temps conçu comme suite d’instants enchevêtrés et un temps fondé sur un présent extatique, auréolé de souvenirs et d’attentes. L’opposition stratégique de l’histoire et de la fiction s’explique à cet égard de la manière suivante : le paradoxe du temps vécu et du temps du monde ne pose pas les mêmes exigences aux deux sortes de récits, car ce qui est un problème à surmonter pour l’un (l’histoire) est pour l’autre (la fiction) l’un des principaux ressorts de ses expérimentations imaginatives.

Pour l’historiographie, c’est l’exigence d’inscrire une suite d’actions humaines dans le cours de la nature, qui la mène à résoudre la tension temporelle entre temps vécu et temps cosmique à travers ce que Ricoeur appelle « une conciliation apaisante »187. Trois connecteurs conceptuels permettent plus

spécialement, selon Ricœur, d’opérer cette conciliation. Il s’agit des concepts de « temps calendaire », de « suite des générations » et de « trace ».

Le temps calendaire est le connecteur qui touche le plus directement à l’aporie susmentionnée. Sa principale fonction consiste précisément à « réinscrire » le temps vécu sur le temps du monde188, offrant

ainsi, en guise de « tiers-temps », une médiation entre la suite des instants anonymes et le présent vivant

186 TR 3, p. 181. 187 TR 3, p. 247. 188 TR 3, p. 197.

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des acteurs historiques. Comment ? En datant potentiellement chaque événement, c’est-à-dire en les situant sur un cycle temporel chiffré et divisé au moyen d’intervalles (jour, mois, année) réguliers. Par la médiation de la datation, le passé commémoré, le futur attendu et le présent de l’action en viennent ainsi à coïncider avec le mouvement ininterrompu des astres. La manœuvre est d’autant plus efficace que le temps calendaire est structuré à partir de « moments axiaux » (la naissance du Christ pour le calendrier occidental, la Révolution française pour le calendrier républicain, etc.), qui sont autant d’expressions singulières d’un présent vif. En ce qui concerne les deux autres connecteurs, ils opèrent le rapprochement des deux temporalités, phénoménologique et cosmologique, moins d'une manière autonome, qu’en s’appuyant sur l’innovation du temps calendaire (tout en en renforçant la puissance de médiation). La notion de suite des générations contribue tout spécialement à situer le temps fini des personnes à l’intérieur du temps infini qui l’enveloppe, en soulignant le rythme biologique auquel sont soumis les êtres vivants au sein d’une communauté historique en perpétuelle transformation. Parce qu’il institue l’existence de chacun, aussi absolue soit-elle pour l’individu, au rang de simple moment de passage à travers les changements qui affectent les communautés, ce connecteur fait le pont entre « le temps privé de la destinée individuelle et le temps public de l’histoire189 ». Ce n’est pas que le concept de suite

des générations dédramatise la mort humaine. Seulement, il la relativise : étant historique, je me sais vivant parmi mes contemporains, je me reconnais le survivant de mes prédécesseurs, je m’anticipe être le mort de mes successeurs. Quant au concept de trace, sur lequel l’histoire fonde l’entièreté de sa pratique – puisqu’elle est, comme l’écrit Ricœur, une enquête sur « la signifiance d’un passé révolu qui néanmoins demeure préservé dans ses vestiges190 » –, il marie lui aussi deux régimes de temporalité. En tant que

vestige laissé et préservé, la trace se caractérise comme « effet-signe »191 : d’une part, elle procède d’une

cause dont elle est la marque, ce qui la place du côté de la succession naturelle ; d’autre part, elle signifie la chose passée qui l’a engendrée, de sorte qu’elle participe également à la profondeur temporelle qui définit le temps vécu comme distension entre la mémoire et l’attente192. En bref, même si ces trois

connecteurs entre les deux principaux régimes de temporalisation n’éliminent pas l’aporie qui émerge de leur rencontre, il reste qu’en diminuant ainsi l’intensité de leur opposition, ils tendent presque, écrit Ricœur, à la « faire disparaître dans la non-pertinence et l’insignifiance193 ».

189 TR 3, p. 206. 190 TR 3, p. 219. 191 TR 3, p. 282.

192 Voir P. Marinescu, « Hermeuneutical Crisis as Rethinking the Humanities: the Question of the Trace - Traces of the

past, Cortical Traces », International Journal of Philosophy and Theology, 75, 2014, p. 143 sq.

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C’est une tout autre nécessité qui oriente l’apport des récits de fiction au problème de l’aporétique du temps. Ricœur remarque, dans les trois romans sur le temps qu’il examine dans Temps et récit – Mrs Dalloway (V. Woolf), La Montagne magique (T. Mann) et À la recherche du temps perdu (M. Proust) –, que les deux perspectives temporelles y sont moins conciliées, que leur affrontement ne s’y trouve intensifié. Évidemment, l’analyse littéraire, à l’inverse de la philosophie de l’histoire, ne peut exposer la raison unique qui explique cette tendance à exacerber l’aporétique du temps. C’est que chaque œuvre littéraire se bâtit sur les fondations de ses propres nécessités internes, lesquelles diffèrent complètement d’un roman à l’autre. De cette dispersion, on peut cependant donner la raison : les mondes de fictions sont incommensurables194. Chaque fiction littéraire, en neutralisant le monde réel,

introduit sa propre configuration de l’expérience temporelle, sans qu’il ne soit possible (ni même pertinent) de la replacer sous le règne d’un temps générique, comme tous les événements historiques sous la gouverne du temps calendaire. Malgré cette pluralité irréductible, Ricœur avance néanmoins la thèse voulant que la fiction, même si elle « n’illustre pas un thème phénoménologique préexistant », mais qu’elle en communique plutôt « le sens universel dans une figure singulière195 », opère ses

variations imaginatives sur le temps à partir d’une base commune à toutes ses expressions, celle que l’historiographie, justement, explicite : l’inscription du temps vécu sur le temps du monde. Mais ce que l’histoire tend à plonger dans l’impertinence, la fiction lui fait prendre une tournure conflictuelle et le plus souvent dramatique. C’est ainsi, écrit Ricœur, au travers « d’expériences-limites» que, dans Mrs. Dalloway, les cloches de Big Ben font retentir le drame de Septimus et Clarissa, tous deux tiraillés entre leur quête d’intégrité et les caprices du « temps monumental196 » (le temps des horloges en tant que

dicté par l’ordre social). Alors que ce tiraillement conduit Septimus au suicide, le personnage de Clarissa, réplique symbolique de ce dernier, aboutit à une résolution décevante : « celle d’un compromis fragile et peut-être inauthentique (mais ce n’est pas à la fiction de prêcher l’authenticité) entre le temps mortel et le temps monumental197 ». Dans une tout autre direction, La Montagne magique met en scène

un conflit similaire, mais dont la résolution, par le protagoniste, Hans Castorp, se voit complètement renversée. En choisissant de fondre son existence dans « une population asilaire qui se meurt lentement d’avoir perdu les mesures du temps », Castorp, au contraire, « tente de résoudre l’antinomie par

194 Cette incommensurabilité, le cinéaste Andreï Tarkovski l’exprime dans une image saisissante : « La connaissance

scientifique, positiviste et froide de la réalité, ressemble à l’ascension des marches d’un escalier sans fin. La connaissance artistique plutôt à un système illimité de sphères, où chacune est achevée et close, pouvant se compléter ou s’opposer, mais jamais s’annuler l’une autre » (A. Tarkovski, Le Temps scellé, trad. A. Kichilov et C. H. de Brantes, Paris, Petite Bibliothèque des cahiers du cinéma, 1989, p. 49).

195 TR 3, p. 240. 123 TR 2, p. 200 sq. 197 TR 3, p. 235.

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l’abolition d’un de ces termes »198, à savoir le temps physique. Le roman se termine cependant sur un

échec désolant, lorsqu’au moment où est déclenchée la Première Guerre, le héros du roman se retrouve dans l’obligation de rejoindre « ceux d’en bas » sur les champs de bataille. Ce n’est pas alors la mort qui rattrape Castorp, mais la vie, et ironiquement la vie au milieu des cadavres. Quant à l’opposition entre « temps retrouvé » et « temps perdu » que thématise la Recherche, outre qu’elle exalte à sa manière le pouvoir de la fiction à explorer les « traits non linéaires du temps phénoménologique que le temps historique [calendaire] occulte en vertu même de son enchâssement dans la grande chronologie de l’univers199 », elle jalonne cette exploration des barrières d’un temps ultime qui nous enveloppe et

« nous contient ». Car si le temps retrouvé se construit progressivement à travers la mise en forme littéraire du temps perdu, celle-ci demande du temps, beaucoup de temps, écrit le narrateur de la Recherche, qui dans un moment d’angoisse s’effraie de ce que la mort ne vienne l’interrompre200.

Ce sont donc, soutient Ricœur, deux stratégies complètement opposées que l’histoire et la fiction offrent à leurs lecteurs pour comprendre, sur un mode figuratif, les épreuves de leur expérience temporelle. Mais cette antinomie ne rend-elle pas plutôt difficile d’envisager un temps qui serait refiguré conjointement par les deux sortes de récits ? Pas tout à fait. Car, pour Ricœur, il se cache sous les différences de visées (le passé réel pour l’histoire, un monde irréel pour la fiction), qui distinguent catégoriquement historiographie et fiction, une complicité plus profonde entre les deux véhicules narratifs ; une complicité qui, du reste, concerne directement leur capacité respective à refigurer le temps. Cette complicité se fonde en réalité sur l’emprunt mutuel que se font l’histoire et la fiction au niveau même de leurs intentions référentielles. La refiguration conjointe signifie avant tout ceci : ce n’est qu’en vertu de sa « fictionalisation » interne que l’histoire ouvre une expérience plus cohérente du temps ; en retour, ce n’est qu’en raison de son « historicisation » que la fiction offre de nouvelles perspectives sur la temporalité humaine.

Dans un premier temps, il s’agit pour Ricœur de démontrer que les procédés de mise en intrigue que l’histoire emprunte à la fiction ont une incidence sur sa capacité de refigurer le passé. À l’avis de certains, ces emprunts passent sans doute pour de simples outils rhétoriques qui facilitent l’accès aux choses passées, sans néanmoins en changer la signification. D’autres y voient peut-être une subversion

198 TR 3, p. 235. 199 TR 3, p. 237.

200 Ricœur écrit à ce propos : « Cette dernière figure du temps retrouvé dit deux choses : que le temps perdu est contenu

dans le temps retrouvé, mais aussi que c’est finalement le Temps qui nous contient. Ce n’est pas en effet sur un cri de triomphe que se clôt la Recherche, mais sur un “sentiment de fatigue et d’effroi” […] Car le temps retrouvé, c’est aussi la mort retrouvée. La Recherche n’a engendré, selon le mot de H. R. Jauss, qu’un temps intérim, celui d’une œuvre encore à faire et que la mort peut ruiner » (TR 2, p. 285).

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subtile de l’intention historienne, puisque ces emprunts tendent parfois à encourager l’illusion que les événements passés étaient en eux-mêmes porteurs de qualités littéraires (« tragique », « romanesque », « comique », etc.). Ricœur adhère quant à lui à un autre point de vue. Par son appropriation des ressources puisées à la tradition littéraire, l’histoire, défend-il, récupère un mode de dénotation parent de la référence métaphorique, dont dépend justement la capacité du récit historique à représenter adéquatement la réalité passée.

Ricœur fait reposer son argument sur la prémisse suivante : si la visée prime de l’historiographie est de comprendre le passé en présentant les motivations, les interactions et les anticipations des acteurs historiques, à l’intérieur de conjonctures politiques ou économiques déterminées, comme si elles avaient pu être les nôtres dans pareilles situations, alors sa tâche consiste principalement à faire voir le passé à la manière dont l’aurait perçu et vécu un témoin oculaire. Que l’histoire reprenne à son compte des techniques littéraires apparaît dès lors comme un moyen de mettre en relief certains traits du passé historique (affectifs, éthiques, symboliques, etc.), qui pour un lecteur à distance temporelle ne se manifesteraient pas autrement. C’est ainsi grâce à l’appropriation historienne de genres littéraires que « nous apprenons à voir comme tragiques, comme comiques, etc., tels enchaînements d’événements201 », qui sans cela seraient dépouillés de la charge affective qu’ils revêtaient pourtant dans

l’âme des acteurs d’autrefois. À travers le caractère littéraire des récits historiques est ainsi dévoilée une dimension ontologique des événements représentés, laquelle coïncide avec les différents modes d’être- comme que le récit présente. C’est d’ailleurs pour cette raison que Ricœur préfère parler de « représentance » plutôt que de « représentation » pour signifier le type de vérités auxquelles prétend accéder la description historique. Ce terme, qui traduit le mot allemand Vertretung, lequel signifie une représentation au sens d’un tenir-lieu – comme un député représente son comté –, veut justement indiquer que le récit historique est construit comme le « lieutenant » du passé, qu’il n’est donc pas un discours en relation de convenance avec la réalité passée, mais plutôt un discours, qui sans être identique à son objet, vise à le faire parvenir au langage, à lui donner voix202.

Quant à l’historicisation de la fiction, elle s’opère de manière symétrique. Ici Ricœur s’appuie à nouveau sur la Poétique d’Aristote, qui tenait la vraisemblance et la persuasion comme des traits distinctifs du bon récit. Son argument est alors de dire que ces qualités narratives tirent précisément leur efficace du fait que le récit de fiction peut être raconté « comme s’il s’était passé203 ». C’est parce que

201 TR 3, p. 337.

202 Nous reviendrons sur la notion de représentance à l’occasion de nos investigations sur la réalité du passé historique (voir

ci-dessous chapitre 4, section 3.1.).

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l’on accepte le lien de confiance qui noue notre temps de lecture avec le destin de la « voix narrative » que l’on est pleinement entraîné dans l’action que la fiction configure. Bien que cette confiance demeure relative à la mise en suspens du réel, il s’agit tout de même pour nous, lecteurs, de tenir pour « vrai », du moins à l’intérieur du monde déployé par l’œuvre, ce que le narrateur nous raconte, et ainsi faire comme si ce dernier avait été effectivement témoin ou lui-même (co-)acteur de l’histoire qu’il étale devant nos yeux. Sans cette confiance relative – au sens où elle peut intégrer également un degré variable de « suspicion » ou de « rejet »204 – on ne pourrait s’expliquer les effets (cathartiques ou autres)

que le récit exerce sur son lectorat ni le fait que la fiction soit porteuse d’un monde possible et habitable. En outre, pense Ricœur, c’est l’intelligibilité même du récit qui dépend du degré de vraisemblance avec lequel il est exposé. Si raconter une histoire ne consistait pas à raconter ce qui aurait pu arriver, aucun récit ne pourrait jamais être suivi, la trame narrative se devant en effet de solliciter minimalement l’intelligence de l’action dont dispose déjà le lecteur.

Par refiguration conjointe, il faut somme toute entendre l’idée selon laquelle ce n’est qu’en vertu de leurs échanges réciproques que les visées ontologiques de l’histoire et de la fiction s’accomplissent, et ce, malgré le fait que leurs styles de configuration diffèrent passablement. La refiguration du passé par l’histoire repose sur une configuration narrative, elle-même fondée sur un usage réglé de tropes littéraires, tandis que le déploiement d’un monde par la fiction se réalise à travers des renvois à un passé probable, vraisemblable, voire possible. De la sorte, on constate que la représentance du passé et la signifiance des possibles constituent deux intentions interreliées. Le temps humain, estime Ricœur, est le fruit de leurs échanges.