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Un cas exemplaire : l’interprétation ricœurienne du péché originel

Chapitre 3 : Rouvrir le passé sur l’avenir La tradition vivante

5. Un cas exemplaire : l’interprétation ricœurienne du péché originel

À défaut de proposer une méthode de compréhension qui viendrait valider les opérations de « fusion » productive, nous pouvons à la rigueur illustrer comment celles-ci s’actualisent dans l’œuvre de Ricœur. Car celui-ci n’a pas fait que théoriser les réouvertures de la tradition, mais il a développé sa propre pensée à l’occasion de multiples reprises créatrices337. Depuis le tournant herméneutique de sa

pensée dans La Symbolique du mal, il s’agit en effet d’une pratique courante du philosophe français338.

Or, parmi toutes les réactivations de la tradition que l’on rencontre dans l’œuvre de Ricœur, il est un cas de figure particulier sur lequel nous souhaiterions nous pencher plus longuement. Il s’agit de son interprétation de la notion de péché originel, dont les sources remontent à Augustin339. Cette interprétation est

335 P. Ricœur, « Rhétorique, poétique, herméneutique », L 2, p. 492. Voir ci-dessus, chapitre 2, section 3.2. 336 J.-L. Marion, L’Idole et la distance, Paris, Bernard Grasset, 1977, p. 14.

337 Par exemple, dans Soi-même comme un autre Ricœur formule sa petite éthique au confluent de deux héritages en apparence

opposés : l’éthique téléologique d’Aristote, dont le principe d’action repose sur la sagesse pratique, et le déontologisme de Kant (SA, p. 199-344). Et à la fin de l’ouvrage, c’est à l’ontologie aristotélicienne de l’acte de la puissance que s’en remet l’auteur en vue d’affranchir une métaphysique de l'homme capable de la notion de substance (SA, p. 352 sq.).

338 En réalité, on peut lire toute l’entreprise de La Symbolique du mal comme le projet d’une répétition des héritages mythiques

transmis du fond de l’Antiquité grecque et juive. Car Ricœur, en y sondant toute une tradition symbolique et mythologique, ne vise pas à faire un étayage historique du problème de la faute, mais à faire ressortir une intelligence du mal vouée à compléter l’ensemble de ses réflexions sur la volonté humaine et la faille qui lui est inhérente. C’est ainsi, comme on l’a mentionné, à travers une perspective synoptique qui embrasse les différents symboles ressortant de la confession de la faute (souillure, errance, fardeau, etc.) et des différents mythes de l’origine (mythe du Chaos, mythe tragique, mythe adamique, mythe orphique) que Ricœur dégage l’idée paradoxale de « serf-arbitre », qui appelle à méditer le mal comme une liberté se liant elle-même.

339 Voir les deux textes « Le péché originel : étude de signification » et « Herméneutique des symboles et réflexion

philosophique (1) », dans CI, p. 265-310. Voir aussi le texte « Logique, éthique et tragique du mal chez Augustin », dans I. Bochet (dir.), Paul Ricœur : mal et pardon, Paris, Éditions Facultés jésuites de Paris, 2013, p. 59-127.

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particulièrement éloquente pour notre propos, car elle permet d’accentuer la différence capitale qui sépare une reprise productive de la tradition et un traditionalisme conservateur qui ne renvoie à ses propres héritages que sur le mode de l’appel à l’autorité. C’est que dans son interprétation du péché originel, Ricœur s’aventure au cœur de son héritage chrétien, mais afin de l’affranchir de la tradition « pénale » qui en obstrue selon lui la dimension d’espérance. Sur cette voie, notre auteur met en lumière la tendance parfois dissimulatrice du travail de l’histoire, qui s’oppose précisément à son caractère proprement prolifique. Car si Ricœur peut parler de possibilités avortées, refoulées ou empêchées de la tradition, c’est bien parce que nos héritages se déploient souvent conformément à une logique datée, laquelle vient justement en masquer la pertinence dans l’horizon du présent. Devant une tradition en déclin, deux choix s’offrent à l’interprète : le rejet critique ou la redécouverte d’une possibilité enfouie. Or, si l’on penche pour la seconde option, la réouverture des héritages n’a pas d’autre choix que de passer par le chemin d’une « destruction » herméneutique, entendue au sens heideggérien340 d’une « dé-

construction critique des concepts en usage afin de remonter aux sources où ils ont été puisés », comme le résume habilement F. Dastur341. C’est ce qu’accomplit en effet Ricœur avec la notion de péché

originel, même s’il ne se revendique pas expressément de la destruction heideggérienne342. Aussi, son

objet n’est pas seulement de remonter aux sources enfouies de nos précompréhensions du mal, mais d’y parvenir pour s’y ressourcer, en réactivant la vérité qui a été historiquement obscurcie sous une interprétation surannée343. Autrement dit, son interprétation du péché originel vise à retrouver derrière

un héritage en apparence périmé, même pour de nombreux croyants aujourd’hui, les linéaments d’une expérience fondamentale du mal, de la culpabilité et de l’espérance susceptible de les vaincre.

Un paradoxe se trouve en amont des investigations de Ricœur : la notion de péché originel « renferme » une compréhension éclairante de la nature du mal, au sens double où elle la détient et la cache. Que cette sagesse soit cachée, cela ne fait point de doute selon Ricœur. Non seulement l’idée d’un péché originel est pour le non-croyant complètement archaïque (même si elle peut inspirer des

340 Sur la notion de Destruktion, on se reportera notamment à Heidegger, Sein und Zeit, § 6. Parmi les interprétations

destructrices de la tradition qu’a entreprises Heidegger à travers son œuvre, la plus éloquente est probablement dédiée à la métaphysique platonicienne dans son opuscule « Platons Lehre von der Wahrheit », dans Gesamtausgabe, Band 9, Frankfurt am Main, V. Klostermann, 1976, p. 203-238 ; trad. fr. A. Préau, « La doctrine de Platon sur la vérité », dans Questions 1 et 2, Paris, Gallimard, 1968, p. 423-469.

341 F. Dastur, Heidegger et la question du temps, Paris, Puf, 1990, p. 82.

342 Ricœur semble plutôt s’inspirer de la dé-struction « démythtologisante » qui caractérise en propre l’herméneutique

testamentaire de R. Bultmann, elle-même grandement inspirée par l’herméneutique heideggérienne. Au sujet de la démythologisation chez Bultmann, voir P. Ricœur, « Préface à Bultmann », CI, p. 380 sq.

343 L’on peut citer à cet égard O. Abel, qui écrit en référence à l’interprétation ricœurienne du péché originel : « Brisant le

faux savoir et proposant une déconstruction des rationalisations théologiques secondaires, la démarche [de Ricœur] consiste ici à dégager “la ténébreuse richesse” de l’idée de péché originel » (O. Abel, « Du mal au pardon, et retour », dans I. Bochet (dir.), Paul Ricœur : mal et pardon, Paris, Éditions Facultés jésuites de Paris, 2013, p. 7.

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anthropologies séculières qui font essentiellement de l’homme une menace pour l’homme), elle demeure pour plusieurs chrétiens, parce qu’elle implique une culpabilité transgénérationnelle que l’on se passerait de manière héréditaire, difficile à concilier avec leur foi en un Dieu d’amour et de miséricorde. Ricoeur va même jusqu’à dire, lui-même protestant pratiquant, que l’idée de péché originel revêt de nos jours une allure à la fois « inconsistante », « scandaleuse » et « dérisoire »344. Inconsistante,

parce qu’elle mêle sans cohérence une dimension juridique – le mal, nous en sommes les responsables et pour cette raison Dieu est en droit de nous punir – et une dimension biologique – le mal est héréditaire et contracté du premier homme, Adam. Scandaleuse, car elle ramène « en deçà d’Ézéchiel et de Jérémie, à la vieille idée de la rétribution et de l’inculpation en masse de l’Homme345 », l’idée de

l’enfant déjà coupable dans le ventre de sa mère étant le comble, selon Ricoeur, de cette régression scandaleuse346. Dérisoire, enfin, car elle n’apporte une contribution explicative qu’au point de vue d’une

« théodicée », dont le « projet de justifier Dieu » fait penser aux paroles arrogantes « des amis de Job expliquant au juste souffrant la justice de ses souffrances »347.

Toutes ces carences découlent en fait, selon Ricœur, de l’incohérence sémantique inhérente au concept de péché originel : une culpabilité sans responsabilité comporte une contradiction dans les termes, et c’est pourtant ce qu’avance cette notion qui mêle l’imputation juridique à l’héritage biologique. Il n’est pas difficile d’ailleurs de reconstruire le cheminement conceptuel à la source de cette incohérence. Selon Ricœur, celle-ci est originaire de la pensée d’Augustin et du combat sur deux fronts qu’il a mené contre les manichéens d’un côté, contre les pélagiens de l’autre. À l’encontre du réalisme de Mani et de ses disciples, pour qui le mal était une entité substantielle qui affecte l’homme du dehors, Augustin et les Pères de l’Église ont martelé l’assertion selon laquelle le mal n’est pas du monde, mais introduit dans le monde par la liberté humaine. Nullement une partie de l’être créé, le mal est ici considéré comme une simple négation au sein de la création. En revanche, Augustin ne pouvait, de l’autre côté, accepter l’interprétation volontariste que Pélage proposait de l’Épitre aux Romains, quand il affirmait que l’idée de pécher « en Adam » revêtait une signification analogique, au sens où chaque homme, en péchant, ne ferait que pécher comme Adam348. Comment comprendre alors la sentence de

saint Paul selon laquelle Dieu fait « miséricorde de qui il veut » et « endurcit qui il veut » (Rom. 9 10- 29) ? Cette libre décision semble de fait supposer une culpabilité originaire que Dieu renforce chez

344 P. Ricœur, « Herméneutique des symboles et réflexion philosophique (1) », dans CI, p. 302. 345 P. Ricœur, « Herméneutique des symboles et réflexion philosophique (1) », dans CI, p. 302. 346 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 265.

347 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 276. 348 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 274.

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certains, lève chez d’autres. Et comment également rendre compte de l’habitude mauvaise, du penchant au mal, que toute réflexion sur la volonté rencontre d’une manière ou d’une autre ? La réponse d’Augustin – lequel, à en croire Ricœur, ne possédait pas encore une intelligence suffisante de la « contingence » – est qu’il faut concevoir dans le péché originel une dimension biologique du mal. Du même coup, le fantôme de la théodicée refait surface : « l’élection est par grâce, la perdition est par droit, et c’est pour justifier cette perdition de droit qu’Augustin a construit l’idée d’une culpabilité de nature, héritée du premier homme, effective comme un acte, et punissable comme un crime349 ». Selon

Ricœur, ce qui ressort alors de l’explication augustinienne est qu’en raison même de son élan anti- gnostique « le concept de péché originel est devenu quasi gnostique à mesure qu’il s’est rationalisé ». Autrement dit, il en est venu à former « une mythologie dogmatique comparable, au point de vue épistémologique, à celle de la gnose350 ».

Quelle attente de sens, dans cette optique, peut-on encore espérer d’un concept qui semble à vrai dire relever d’une mythologie dépassée et incohérente ? C’est là que l’interprétation ricœurienne est d’un intérêt majeur : derrière la prétention explicative et justificative de la notion de péché originel se cacherait un « symbole rationnel », un symbole qui, détaché de toutes ses prétentions conceptuelles, est encore capable d’interpeller les consciences actuelles en quête d’une meilleure compréhension de la faute humaine. Car si la conciliation augustinienne entre le juridique et le biologique est intenable sur le plan spéculatif, elle ne l’est pas forcément au niveau symbolique, c’est-à-dire dès qu’elle se trouve comprise comme une expression à double-sens qui donne à penser. Or, ce qui est donné à penser dans le concept de péché originel, c’est la dimension tragique du mal, celle que les pélagiens, même s’ils ont raison selon Ricœur de reporter la culpabilité sur la volonté et la volonté seule, ont ratée en vertu de cette même réduction. Il y a une dimension tragique au mal, croit Ricœur, parce que le mal on le trouve en même temps qu’on le fait. Cette sagesse ancienne, la notion de péché originel l’immortalise à sa façon, puisqu’elle pose la volonté comme coupable du mal qu’elle commet, mais seulement dans la mesure où elle en est la servante et non l’origine. Mais le jumelage paradoxal de la culpabilité du vouloir et de la préséance chronologique du mal ne peut être rendu accessible que si, selon Ricœur, on « démythologise » le mythe qui s’y cache. Il faut alors, estime l’auteur du Conflit des interprétations, « libérer le fond symbolique » que le mythe contient, en déconstruisant « la rationalisation seconde qui le tient captif351 ».

349 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 276. 350 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 276. 351 P. Ricœur, « Démythiser l’accusation », dans CI, p. 330.

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Il faut autrement dit reconduire le pseudo-concept de péché originel au mythe dont il prétend être l’explication : le mythe adamique, dont la richesse symbolique, pense Ricœur, est inépuisable.

La symbolique inhérente au mythe adamique est essentiellement liée au symbole de la captivité, omniprésente dans « l’expérience pénitentielle d’Israël » : l’histoire du premier homme est selon Ricœur le récit de ce qui nous tient captifs du mal, à la manière dont le peuple d’Israël fut captif de l’Égypte et ensuite de Babylone. Mais cette captivité n’aurait pas un sens héréditaire comme le défend Augustin, mais un sens strictement symbolique, parent de ce que l’analyse ricœurienne de la métaphore nous a appris à concevoir comme « être-comme ». Le mythe adamique exprimerait donc ceci que le mal, une fois commis, apparaît comme une quasi nature de la volonté, en ce sens analogique qu’il aurait précédé nos choix, qu’il aurait « un passé » et une quasi-consistance. Le mal que l’on commet apparaît ainsi être le mal que l’on continue. Déjà le récit de l’Éden perdu illustre cette précédence du mal au moyen de la figure du serpent. Quoique ce soit assurément Adam qui choisit de gouter le fruit défendu, le serpent était déjà là pour tenter Ève. Voilà ce que la notion de péché originel a su saisir du mythe adamique : même si « le péché n’est pas nature, mais volonté », il est indispensable d’« incorporer à cette volonté une quasi-nature du mal », ce qui revient à dire, en un sens qui défie « toute représentation conceptuelle », que « le mal est une sorte d’involontaire au sein même du volontaire, non plus en face de lui, mais en lui, et c’est cela le serf-arbitre352 ».

Or l’interprétation ricœurienne du péché originel ne se termine pas sur ce constat tragique. Car une volonté qui se lie peut aussi se délier, le passé coupable de la liberté n’épuisant pas ses possibilités d’avenir. Cette possibilité, le mythe adamique la contient aussi. En rapprochant le concept de péché originel de l’expérience pénitentielle d’Israël, Ricœur veut montrer que l’expérience primitive du mal doit être solidement accrochée à « l’histoire » du salut qui lui donne la réplique, histoire qui n’est évidemment pas celle des historiens, mais cette histoire mythique du judéo-christianisme dont le mythe adamique est à la fois l’anti-type et le commencement symbolique. À titre d’« anti-type », signale Ricœur, le mythe adamique se voit d’ailleurs dépourvu de son autonomie sémantique, dans la mesure où l’expérience de la chute s’avère inséparable du salut d’Israël, s’identifiant à partir de l’Évangile à l’émission divine de la grâce, source de toute conversion353. C’est dans cette optique que Ricœur écrit :

« si le mal est au niveau radical de la “génération”, la conversion elle-même est “régénération”354 ».

352 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 281. 353 P. Ricœur, « Le péché originel : étude de signification », dans CI, p. 282.

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Ce que fait en définitive l’interprétation ricœurienne du péché originel c’est de réactiver et reprendre une possibilité de sens – celle d’un mal que l’on continue et auquel on se lie, mais dont on est en droit d’espérer la délivrance – dont l’essor a été empêché par la prétention conceptuelle qu’on lui a prêtée à l’origine. Une fois replacée au sein de ses racines symboliques, cette notion redevient pertinente en raison de la sagesse sur le mal qu’elle communique. Non seulement est-elle alors réactualisée en ce sens qu’elle redevient potentiellement sensée pour celui qui n’adhère plus à l’idée d’un Dieu de justice (qui punit les méchants et récompense les bons), mais encore elle peut renforcer l’espérance du croyant d’aujourd’hui et revigorer ses attentes à partir de l’expérience historique que renferme sa tradition d’appartenance : à titre de « symbole rationnel », le péché originel se montre inséparable de l’expérience de la grâce qui lui donne la réplique, de sorte qu’aucune faute ne paraît annuler complètement l’espoir de la régénérescence de soi.

Enfin, la réinterprétation que Ricœur propose de la notion de péché originel s’avère pour nous d’un vif intérêt parce qu’elle exemplifie de façon éloquente le cercle temporel qui jusqu’ici a constitué le fil de rouge de nos analyses. En s’appropriant autrement la notion du péché originel, Ricœur tend à libérer au creux de l’héritage chrétien une possibilité de sens à même de redéfinir l’appartenance au passé que fortifie ce même héritage. C’est que non seulement le péché originel possède une origine symbolique lointaine – la Genèse –, elle est reçue aujourd’hui à travers un façonnement historique (principalement déterminé par la lecture augustinienne) qui précède et aiguille les convictions du croyant actuel. Éclairer autrement cette tradition, en en rouvrant une possibilité recouverte, c’est donc transformer virtuellement l’être-affecté-par-le-passé du croyant, dans la mesure où un nouveau modèle de sens lui est adressé en vue de se rapporter différemment à l’histoire du christianisme dans laquelle il puise ses convictions. Or il se pourrait même que l’idée de péché originel interpelle également l’incroyant qui se questionne sur la nature des fautes dont il se sait responsable. Car, au fond, ce que l’analyse de Ricœur aide à penser est toujours l’expérience du « serf-arbitre ». Or celle-ci n’est pas réservée au seul croyant ; elle peut, il nous semble, trouver résonance chez n’importe quel être éprouvant le paradoxe de la liberté, celui qui consiste à se lier au mal à travers ses propres actes. La frontière de la foi est d’autant plus franchissable que ce que l’interprétation ricœurienne du péché originel aiguille, c’est aussi un espace pour réfléchir une « culpabilité adulte355 » ajustée au désir d’une « réconciliation non narcissique356 », synonyme de la

« régénération ». Et si l’histoire du salut à laquelle adhère le croyant est ce qui porte de prime abord cette espérance, il n’y aucune raison pour qu’elle ne puisse se transposer dans l’horizon de l’incroyant

355 P. Ricœur, « Démythiser l’accusation », dans CI, p. 342. 356 P. Ricœur, « Démythiser l’accusation », dans CI, p. 346.

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par l’attente d’une humanité réconciliée, à la manière dont se nourrissent d’espoirs à peu près tous les idéaux politiques, du marxisme à la théorie communicationnelle de Habermas en passant par la théorie de la justice de J. Rawls. Mais dans ce cas, il faudra reconnaître la pertinence de rouvrir les espoirs non réalisés de la tradition judéo-chrétienne et l’importance de réinterpréter l’héritage qu’elle transmet. C’est à notre avis ce que fait Ricœur avec le concept de péché originel, exemplifiant du même coup l’idée d’une potentialité refoulée de la tradition que les acteurs du présent peuvent encore actualiser du fond de leur appartenance historique.