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Chapitre 2 : Raconter le temps L’imagination, le récit et l’interprétation créatrice

3. La dimension poétique de l’herméneutique

3.2. L’interprétation créatrice de sens

Si nous avons voulu exposer l’unité du projet herméneutique de Ricœur en le répartissant sur quatre axes thématiques, c’était en vue de faciliter notre démonstration quant au fait que la notion d’interprétation créatrice de sens survit au passage qui entraîne la philosophie ricœurienne depuis une herméneutique du symbole jusqu’à une herméneutique du texte. Cela étant, il faut encore affronter directement le paradoxe que recèle l’idée d’interprétation créatrice. Nous rappelons les deux objectifs que nous nous sommes proposé d’atteindre : d’une part, il s’agit de montrer que l’idée d’interprétation

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créatrice de sens continue d’être pertinente dans l’herméneutique du texte à laquelle appartient la conception ricœurienne du temps humain ; d’autre part, il s’agit d’apaiser la tension que génère pareille idée, dans la mesure où une interprétation qui se veut fidèle à son objet semble difficilement pouvoir être en même temps créatrice, productive. En réalité, ces deux objectifs convergent. Car c’est précisément, selon nous, la manière dont Ricœur résout le paradoxe d’une interprétation créatrice dans La Symbolique du mal, qui permet de relier celle-ci à certains aspects de son herméneutique du texte, et a fortiori son herméneutique du temps.

Nous rappelons l’hypothèse qui guidera nos prochaines réflexions : l’introduction d’un élément créateur (voire poétique) dans l’interprétation vise à répondre à une nécessité de la chose même qui est à interpréter. Ce qu’il nous faut en ce sens démontrer, c’est que le caractère producteur d’une interprétation ne contredit pas son vœu de fidélité, mais tend au contraire à l’accomplir234. À ce titre, trois fonctions de l’élément

poétique de l’herméneutique ricœurienne doivent être soulignées : (1) le franchissement d’une distance entre registres sémantiques hétérogènes (2) le déploiement des possibilités de signifier (3) la refiguration du discours interprété. Ce sont ces trois fonctions – dont les deux premières concernent le sens de l’objet interprété et la troisième son référent – qui selon nous permettent d’appliquer légitimement l’idée ricœurienne d’une interprétation créatrice à d’autres champs de son herméneutique, notamment les reprises du passé.

Mettons d’abord les choses en contexte. Chez Ricœur, l’idée d’une « interprétation créatrice de sens » survient en conclusion de La Symbolique du mal, dernier volet publié de la Philosophie de la volonté. Cet ouvrage projette de reprendre sur un mode philosophique « l’aveu » symbolique de la faute que fait la « conscience religieuse »235. La méthode employée est alors celle d’une herméneutique du

symbole, par laquelle sont explorés les différents signes (souillure, déviation, poids) et mythes (théogonique, prométhéen, orphique, adamique) inscrits au cœur de notre mémoire culturelle et à travers lesquels le mal est formulé sur un mode figuré. Au fondement de cette herméneutique se trouve la conviction – analogue à la position sur le temps que défend Ricœur dans Temps et récit – que le mal

234 En ce sens, l’interprétation créatrice de sens, telle que la conçoit Ricœur, marie dans une certaine mesure les « deux

interprétations de l’interprétation » qu’identifie Derrida dans L’Écriture et la différence : « L’une, écrit-il, cherche à déchiffrer, rêve de déchiffrer une vérité ou une origine échappant au jeu et à l’ordre du signe et vit comme un exil la nécessité de l’interprétation. L’autre [que Derrida attribue à Nietzsche], qui n’est plus tournée vers l’origine, affirme le jeu et tente de passer au-delà de l’homme et de l’humanisme, le nom de l’homme étant le nom de cet être qui, à travers l’histoire de la métaphysique et de l’onto-théologie, c’est-à-dire du tout de son histoire, a rêvé la présence pleine, le fondement rassurant, l’origine et la fin du jeu » (J. Derrida, L’Écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 427). Tout comme Derrida, mais pour des raisons bien différentes, Ricœur refuse de choisir entre ces deux formes d’interprétation. Car le jeu même du signe renferme selon lui sa part de vérité et d’origine, de sorte qu’il n’y ait pas à choisir entre jeu et vérité, puisque, pour le dire en termes derridiens, la vérité se trouve au sein même du jeu indéfini des signes.

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ne se dit qu’indirectement, puisqu’il est, comme le croyait Kant, « insondable »236. Toute approche

spéculative, phénoménologie comprise, est donc par avance mise en échec par l’expérience du mal, dès lors que celle-ci survient nécessairement en dehors de toute rationalisation possible. Mais que la réflexion soit incapable de décrire de manière cohérente cette énigme qui jaillit dans le monde à travers la faille constitutive des actions humaines n’implique pas pour autant que le langage soit entièrement dépourvu de ressources pour signifier les profondeurs du mal. Tout comme le récit offre en contrepoint des apories spéculatives une dicibilité poétique à la temporalité humaine, le discours symbolique a la capacité, croit Ricœur, de faire parvenir à l’expression, quoique sur un mode indirect, l’expérience du mal qui par nature échappe à toute mainmise sur le sens. D’où la nécessité d’une herméneutique qui puisse déchiffrer, en les traduisant dans le langage de la raison, les ébauches de sens dissimulés en creux au cœur des symboles religieux.

Ce recours à l’herméneutique ne va pas néanmoins sans soulever un problème de méthode : comment une reprise au sein du discours philosophique – dans la « grisaille du concept », comme le disait Gadamer237 – peut-elle prétendre demeurer fidèle aux symboles qu’elle redouble, étant entendu

que la richesse de toute symbolique se caractérise justement par les limites qu’elle pose aux tentatives « de dominer intellectuellement la similitude238 » entre le sens littéral du symbole et son sens latent ? La

réponse de Ricœur à cette question est des plus importantes pour notre propos : la reprise philosophique du langage symbolique, avance-t-il, doit être accomplie au moyen d’une « interprétation créatrice de sens [nous soulignons], à la fois fidèle à l’impulsion, à la donation de sens du symbole, et fidèle au serment du philosophe qui est de comprendre239 ». Par cette affirmation, Ricœur s’oppose à deux

tendances interprétatives : l’une qui viserait à reproduire la richesse du symbole dans un langage quasi poétique ; l’autre, plus près des « interprétations allégorisantes », qui tendrait à réduire la symbolique inhérente aux mythes du mal aux structures rationnelles que ceux-ci reflèteraient sur un mode figuré240.

En vue de faire ainsi honneur au « surplus de signification » que renferme le symbole, sans non plus renoncer à toute réflexion qui puisse augmenter notre compréhension du mal, Ricœur choisit la voie d’une interprétation créatrice, c’est-à-dire d’une interprétation non allégorisante, qui soit tout de même rationnelle et rivée à une compréhension articulée du mal humain.

236 E. Kant, La Religion dans les limites de la simple raison, trad. J. Gibelin, Paris, Vrin, 1983, p. 85.

237 H.-G. Gadamer, « Le Savoir pratique », dans L’Idée du bien comme enjeu platonico-aristotélicien, trad. P. David et D. Saatdjian,

Paris, Vrin, 1994, p. 173.

238 SM, p. 22. 239 SM, p. 324.

240 J.-L Amalric donne l’exemple du structuralisme de C. Lévi-Strauss ou du « transcendantalisme » de E. Cassirer (Amalric,

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Il est vrai que l’entreprise d’une interprétation créatrice ne dépasse pas vraiment le stade de programme dans La Symbolique du mal. Ricœur voit là un tremplin vers une réflexion philosophique qui puisse s’accomplir à partir du symbole, mais qui s’en détache en fin de compte au profit d’une « pensée autonome » dirigée vers l’appartenance de la condition humaine à l’être et au sacré241. Mais comme ce

programme n’a jamais réellement été mené à terme par notre auteur – c’était là l’objectif de La Poétique de la volonté, qui n’a finalement jamais vu le jour – l’on pourrait soupçonner que l’interprétation créatrice qu’il a alors promue se réduise somme toute à un simple fantasme sans aboutissement potentiel. À moins que l’on creuse plus profondément dans La Symbolique du mal dans l’espoir de découvrir un signe avant-coureur de cette interprétation créatrice. À notre avis, ce signe avant-coureur existe, et il peut être aperçu dans le concept de serf-arbitre (repris de Luther), qui est en vérité la figure de proue de tout l’ouvrage.

La parenté que présentent l’idée de serf-arbitre et la notion d’interprétation créatrice tient à vrai dire à l’identité de leur fonction : refléter dans l’espace du concept la symbolique de la faute, sans néanmoins réduire la « surdétermination » sémantique que celle-ci contient. D’un côté, ce sont les symboles de la faute qui inspirent à Ricœur l’idée de serf-arbitre, sans quoi il ne s’agirait point d’une interprétation. Dans ses analyses, Ricœur montre en effet que c’est la confession de la faute qui au premier chef fait retentir le paradoxe d’une liberté serve. Le symbole de la souillure par exemple exprime une épreuve du mal, qui nous le fait apparaître à la fois comme le fait du pécheur qui l’avoue, et comme une source corruptrice qui vient justement l’entacher. Quant aux symboles de l’errance (péché) et du poids (culpabilité), que Ricœur examine avec égale attention, ils suscitent pareillement cette idée d’une volonté qui se lie elle-même, au sens où elle porterait la charge d’un mal dont elle s’est initialement lestée librement. D’un autre côté, il serait erroné de penser que l’idée de serf-arbitre serait en soi contenue dans les symboles qu’analyse Ricœur. Si la symbolique pointe vers cette compréhension de la faute comme une liberté qui se lie elle-même, il faut faire encore un saut pour l’atteindre, et ainsi enjamber l’abîme creusé entre les langages symbolique et philosophique. La fonction de l’idée de serf- arbitre est justement de faciliter ce passage entre ces deux registres sémantiques. Car si elle veut rendre son dû à la sagesse du mal qu’embrasse le discours symbolique de l’aveu, elle constitue tout de même selon Ricœur un concept proprement philosophique. Qu’il s’agisse cependant d’un concept « indirect » comme le qualifie Ricœur, en ceci que la fusion du libre arbitre et de la servitude échappe à toute cohérence, cela n’est pas difficile à saisir. L’idée d’une liberté serve reste inintelligible tant qu’elle n’est

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point renvoyée aux symboles de la souillure, de la déviance et de la charge, d’où elle tient sa provenance. Il n’en demeure pas moins que si elle « tire toute sa signification de la symbolique [interprétée] », la notion de serf-arbitre « tente d’élever cette symbolique au niveau de la spéculation »242. En ce sens,

cette notion se montre assez semblable à ce que Ricœur appelle dans un autre contexte une innovation sémantique. En plus de faire émerger une signification inusitée, parce que distendue entre deux registres incompatibles, elle oblige de procéder à un va-et-vient incessant entre le symbole et le concept. D’où le caractère productif de l’interprétation qu’elle conduit.

Dans cette perspective, il devient évident que plusieurs indices d’une interprétation créatrice se retrouvent dans l’œuvre ultérieure de Ricœur, à commencer par La Métaphore vive. Dans la dernière étude de cet ouvrage, justement consacrée au rapport de la pensée spéculative au discours poétique, Ricœur invite à penser une herméneutique de la métaphore qui, attachée à « la clarté du concept », cherche, contre une tendance « aux interprétations rationalisantes », « à préserver le dynamisme de la signification que le concept fixe et arrête243 ». L’idée d’un discours « à l’intersection de deux

mouvances244 » semble ainsi reporter sur l’herméneutique de la métaphore la tâche d’une interprétation

productive, analogue à l’interprétation créatrice du symbole. Cela est d’autant plus crédible que dans La Métaphore vive, Ricœur ne manque pas d’accentuer le caractère innovant de cette interprétation distendue entre deux exigences, en insistant précisément sur le rôle décisif qu’y joue l’imagination créatrice. Nous avons vu précédemment de quelle manière la métaphore, selon Ricœur, sollicite l’imagination productive. Dans la huitième étude de La Métaphore vive, c’est cependant à une autre conception kantienne de l’imagination que Ricœur s’en remet pour caractériser la relation entre l’herméneutique et le phénomène de la métaphore. Il s’agit de l’imagination créatrice que Kant définit dans la troisième Critique à l’occasion de la section 49 vouée aux « pouvoirs de l’esprit qui constituent le génie245 ». Dans cette

section, est soulignée la force heuristique de « l’Idée esthétique », laquelle désigne chez Kant la présentation d’une Idée qui transcende l’expérience et à laquelle aucun concept ne peut être adéquat. Afin d’illustrer son propos, Kant écrit : « Le poète ose donner une dimension sensible à des Idées de la raison qui renvoient à des êtres invisibles, le royaume des bienheureux, l’enfer, l’éternité, la création, etc. » ; et il ajoute : « Quand on subsume sous un concept une représentation de l’imagination qui appartient à sa présentation, mais qui, par elle-même, fournit l’occasion de penser bien davantage que

242 SM, p. 145. 243 MV, p. 383. 244 MV, p. 383.

245 E. Kant, Kritik der Urteilskraft, Leipzig, Felix Meiner, 1922, § 49, 192 sq. ; trad. A. Renault, Critique de la faculté de juger,

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ce qui se peut jamais comprendre dans un concept déterminé, et par conséquent élargit esthétiquement le concept lui-même de manière illimitée, l’imagination est alors créatrice [schöpferisch] [nous soulignons], et elle met en mouvement le pouvoir des Idées intellectuelles (la raison), et cela d’une manière qui lui permet, à propos d’une représentation, de penser bien plus (ce qui, certes, appartient au concept de l’objet) que ce qui en elle peut être appréhendé et rendu clair246 ». Ricœur applique ainsi cette description

de l’imagination créatrice à la métaphore et à l’herméneutique qui tente d’en déchiffrer le sens. Si le poème suscite une image des choses qui donne à penser, voire à penser toujours plus, l’effort de compréhension qui se l’approprie serait vain s’il était aiguillé par le désir de traduire le verbe poétique dans une suite rigide de concepts. Une interprétation fidèle au langage poétique doit plutôt selon Ricœur essayer de ménager un espace ouvert entre le concept qui fixe le sens et le langage figuré qui l’ouvre sur les possibilités. Ricœur écrit en écho à Kant : « La métaphore est vive en ce qu’elle inscrit l’élan de l’imagination dans un “penser plus” au niveau du concept. C’est cette lutte pour le “penser plus” […] qui est “l’âme” de l’interprétation »247. D’une distance à réduire, on aperçoit alors une tension

à résoudre : en raison du dynamisme qu’inocule l’imagination poétique dans l’organe de la pensée, l’interprétation se voit tiraillée entre l’exigence d’un foisonnement infini et la nécessité d’une articulation définie. Au carrefour de ces deux requêtes antinomiques, l’herméneutique se voit conviée au labeur difficile de créer un discours qui définit sans enfermer, explicite sans réduire.

Dans l’œuvre de Ricœur, l’exigence d’une interprétation créatrice n’est pas entièrement recluse dans l’orbe du symbole et de la métaphore. Il semble même qu’elle puisse être envisagée comme un élément déterminant de toute interprétation soucieuse de maintenir vivant le discours auquel elle se rapporte. C’est ce dont témoigne un article de Ricœur intitulé « Rhétorique, poétique, herméneutique ». Dans le sillage de Gadamer, il défendra dans cet opuscule l’idée selon laquelle la finalité intrinsèque de l’interprétation des textes est moins de déterminer la signification définitive du discours interprété, que de laisser se déployer librement les multiples possibilités de sens qu’il recèle. C’est ainsi que Ricœur écrit :

Son but [à l’herméneutique] est bien plutôt de maintenir dans l’ouvert un espace de variation. L’exemple des quatre sens de l’Écriture est à cet égard très instructif ; et, avant celui-ci, la sage décision de l’Église chrétienne primitive de laisser subsister côte à côte quatre évangiles dont la différence d’intention et d’organisation est évidente. Confronté à cette liberté herméneutique, on pourrait dire que la tâche d’un art de l’interprétation, comparée à celle de l’argumentation, est moins de faire prévaloir une opinion sur

246 Ibid. p. 195 ; trad. p. 301. 247 MV, p. 384.

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une autre que de permettre à un texte de signifier autant qu’il peut, non de signifier une chose plutôt qu’une autre, mais de « signifier plus », et, ainsi, de faire « penser plus » selon une expression de Kant dans la

Critique de la faculté de juger (mehr zu denken). À cet égard, l’herméneutique me paraît moins proche de la rhétorique que de la poétique [nous soulignons], dont je disais que le projet est moins de persuader que d’ouvrir

l’imagination. Elle aussi appelle l’imagination productrice dans sa demande d’un surplus de sens248.

En résumé, il reviendrait moins à l’herméneutique d’émettre un jugement sans appel sur la signification des textes, de trancher entre la bonne ou la mauvaise interprétation, que d’ouvrir davantage ce que les textes peuvent comporter en matière de sens. Dès lors, un enjeu additionnel paraît animer la tâche d’une interprétation créatrice : déployer toujours davantage les possibilités de sens que contiennent les textes. Sur ce point, Ricœur se rapproche considérablement de son contemporain Gadamer, lorsque ce dernier soutient que l’herméneutique est avant tout sollicitée par la dimension spéculative du langage. Par là, l’auteur de Vérité et Méthode entend que toute parole finie laisse se refléter une infinité de non-dits – c’est- à-dire une constellation de propos sous-entendus, de questions latentes, d’idées implicites, d’intentions couvertes, d’histoires non racontées, etc. –, que l’interprète a justement pour tâche d’expliciter en les transposant, conformément à ses capacités d’être fini, dans le langage de son horizon historique249.

Quoique Ricœur ait plutôt tendance à souligner les restrictions sémantiques qu’imposent les œuvres en vertu de leurs structurations internes – préférant parler d’un espace plus ou moins défini de sens possibles, qui autorise maintes lectures, mais en conjure tout de même certaines (au fond, Gadamer ne pense pas autre chose)250 –, il reste que ses réflexions herméneutiques seraient incohérentes si elles ne

reposaient pas sur une conception ouverte du sens, parente de celle que promeut la vision gadamérienne du langage.

Il est enfin un troisième et dernier office de l’interprétation créatrice qu’il nous importe de souligner. Il correspond à la tâche d’acheminer l’intention référentielle du langage poétique. Or il s’agit là de quelque chose que Ricœur prévoit déjà d’accomplir dans La Symbolique du mal. Même si les mots « référence » ou « refiguration » ne s’y rencontrent pas tels quels, on a déjà évoqué que la finalité dernière de l’herméneutique du symbole, est-il indiqué en conclusion de l’ouvrage, consiste

248 P. Ricœur, « Rhétorique, poétique, herméneutique », dans L 2, p. 492-493. Il est à noter que Ricœur semble ici confondre

l’imagination productrice, qui s’occupe de donner une image à un concept, et l’imagination créatrice dont parle Kant dans la troisième Critique en référence au discours poétique.

249 H.-G. Gadamer, Wahrheit und Methode. p. 460 sq. ; trad. p. 481 sq.

250 « Le texte, écrit Ricœur, est un champ limité de constructions possibles » (P. Ricœur, « Le modèle du texte : l’action

sensée considérée comme un texte », dans TA, p. 226). Dans un autre contexte, Ricœur, à la suite de M. C. Beardsley, confiera deux tâches à l’interprétation du poétique : la première, négative, doit s’occuper de délimiter le champ de possibilités acceptables d’un texte ; l’autre, positive, doit veiller à rendre parlantes les possibilités ainsi délimitées (MV, p. 124. ; « La métaphore et le problème central de l’herméneutique », EC 2, p. 111-112). De cette manière, on voit s’articuler la juste délimitation du texte avec le franc déploiement de ses possibilités.

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précisément à puiser dans la tradition symbolique un fond de sens à même de redonner souffle au langage de la modernité, dans la mesure où celui-ci aurait perdu, selon Ricœur, sa capacité de dire l’appartenance de l’humanité au sacré. Pour ce faire, il faut ranimer, selon notre auteur, le langage symbolique et mythique sur lequel les temps modernes auront jeté le discrédit :

C’est à l’époque où notre langage se fait plus précis, plus univoque, plus technique en un mot, plus apte à ces formalisations intégrales qui s’appellent précisément logique symbolique, c’est à cette même époque du discours que nous voulons recharger notre langage, que nous voulons repartir du plein du