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La Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024

PARTIE II : L’intégration de l’adaptation aux changements climatiques au droit

CHAPITRE 7 : La Loi sur la sécurité civile et l’adaptation aux changements

7.2 La Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024

La Politique de sécurité civile a été élaborée plusieurs années après l’entrée en vigueur de la LSC. Elle découle directement des objectifs de la LSC, notamment de l’article 62 qui prévoit que « [le Ministre de la Sécurité publique] est chargé de proposer au gouvernement les grandes orientations en la matière »452. Ce document ne constitue pas les orientations qui, en vertu de l’article 64 LSC, auraient servi de fondement aux schémas de sécurité civile discutés plus haut453. L’objectif de la Politique de sécurité civile est de rendre la société québécoise plus résiliente aux catastrophes et ses deux principes de base sont la responsabilité partagée et une « approche globale et intégrée »454. Elle contient cinq orientations qui se déclinent chacune en cinq objectifs.

7.2.1 La réduction des vulnérabilités et la connaissance des risques

La Politique de sécurité civile accorde beaucoup d’attention à la connaissance des risques et à la réduction des vulnérabilités. Le sujet est abordé dans quatre des cinq orientations. La deuxième orientation est intitulée Améliorer la connaissance des risques. Il est mentionné que « [l]a connaissance des risques est l’élément clé autour duquel s’articulent la plupart des actions en sécurité civile. Elle représente en quelque sorte la « matière première » sur laquelle vont s’appuyer la détermination et la réalisation des mesures destinées à réduire les risques et à assurer une réponse adéquate aux sinistres »455. La troisième orientation en est le corolaire; Accroître le partage d’information et le

développement des compétences.

De plus, la quatrième orientation, Recourir en priorité à la prévention, regroupe les objectifs qui, selon nous, visent le plus explicitement l’adaptation aux changements climatiques. De façon générale, cette orientation cherche à éviter les catastrophes notamment par « une meilleure prise en compte des risques dans l’aménagement et le développement du territoire »456, par exemple par un aménagement qui prend en

452 Loi sur la sécurité civile, supra note 378, art 62; Ministère de la sécurité publique, supra note 376 à la p 6. 453 Loi sur la sécurité civile, supra note 378, art 64-65.

454 Ministère de la Sécurité publique, supra note 376 aux pp 10‑11. 455 Ibid à la p 29.

considération les « risques présents ou potentiels »457. Une telle catégorie de risques englobe à notre avis les risques liés aux changements climatiques, tant ceux qui existent déjà que ceux à venir. Cet objectif mentionne la nécessité de la sauvegarde des écosystèmes et d’assurer un développement en fonction des risques, mais aussi sans accroître ceux qui existent déjà458. L’objectif 4.5 est entièrement dédié à l’ACC. Il reconnaît l’accroissement des risques liés aux changements climatiques et l’importance de les considérer dans la planification de la sécurité civile459.

Finalement, la cinquième orientation est nommée Renforcer la capacité de réponse aux

catastrophes. Elle aborde la réponse et la reconstruction après une catastrophe, notamment

en exprimant l’objectif que la reconstruction se fasse de façon à réduire les risques. Elle énonce que l’atteinte des objectifs qu’elle contient commande de prendre en considération les impacts des changements climatiques sur les risques460, indiquant de façon claire cette préoccupation dans la reconstruction après un sinistre. De surcroît, cette orientation mentionne l’importance de considérer les nouveaux risques dans la préparation aux sinistres461.

7.2.2 L’utilisation du cadre législatif et réglementaire

La Politique de sécurité civile mentionne dès sa première orientation que la LSC contient les « assises légales du système québécois de sécurité civile »462 et qu’elle a comme but de « faire progresser le cadre institutionnel et conceptuel québécois »463, notamment par l’intégration, dans divers outils comme les outils de planification, les politiques, etc., de la sécurité civile464. Cette entrée en matière de la politique permet de constater que les modifications législatives et réglementaires ne sont pas les outils actuellement envisagés. Il n’est certes pas possible pour une politique de faire de telles modifications, mais une telle intention aurait pu s’y trouver, ce qui n’est pas le cas.

457 Ibid à la p 54. 458 Ibid aux pp 54‑55. 459 Ibid à la p 63. 460 Ibid à la p 75. 461 Ibid à la p 78. 462 Ibid à la p 17. 463 Ibid à la p 18. 464 Ibid.

Globalement, la politique aborde très peu l’enchâssement législatif et réglementaire de l’ACC. C’est plutôt l’intégration aux outils de décision et de planification qui est privilégiée. Pour plusieurs auteurs, cela peut permettre d’accroître la flexibilité d’un décideur465. Il y a tout de même une mention de l’utilisation de cadres réglementaires pour régir l’aménagement du territoire dans certaines zones466. Cette option, mentionnée à la quatrième orientation, est l’une des rares références à l’utilisation d’outils juridiques dans cette politique.

L’analyse de la Politique nous permet de constater qu’elle répond néanmoins à plusieurs préoccupations et voies d’action soulevées par les auteurs. Au Chapitre 2 et au Chapitre 3, nous avons discuté de l’importance du développement des connaissances et de leur diffusion. Une telle préoccupation se dégage nettement de la Politique puisque ces thèmes occupent deux des cinq orientations de la politique. Deuxièmement, le thème de l’adaptation aux changements climatiques est mentionné à plusieurs reprises. L’intention d’intégrer à cette politique des dispositions sur les changements climatiques, annoncée dans la Stratégie467, s’est donc concrétisée.

À notre avis, l’élaboration des schémas de sécurité civile a été abandonnée au profit d’une approche collaborative entre le gouvernement du Québec et les acteurs locaux. Même si cela peut présenter l’avantage d’une flexibilité accrue, nous croyons qu’il faut se demander si l’histoire ne nous enseigne pas plutôt l’importance que la voie législative doit avoir si l’on veut s’assurer de la mise en œuvre de telles mesures. À cet égard, il est intéressant de rappeler que le déluge du Saguenay et la crise du verglas ont joué le rôle de catalyseurs pour une réforme de la sécurité civile. À la suite de ce deuxième événement, une commission scientifique et technique a été formée notamment pour « [évaluer le] modèle d’organisation […] en matière de gestion de sinistre ». Le rapport produit recommande notamment l’élaboration d’un programme de sécurité civile et d’un plan de gestion des risques afin de connaître les risques auxquels le programme doit répondre468. Aussi, il est noté que le Règlement sur le plan municipal de prévention des sinistres et de mesures

465 Craig, supra note 30; McDonald, supra note 71; Zahar, Peel et Godden, supra note 33. 466 Ministère de la Sécurité publique, supra note 376 à la p 54.

467 Gouvernement du Québec, supra note 8 à la p 19. 468 Nicolet, supra note 381 aux pp 186‑187.

d’urgence, alors en vigueur, « impose des obligations relatives à l’identification des

risques, qui ne sont pas assez développées »469.

La renonciation à la mise en œuvre du schéma de sécurité civile, alors qu’il répond aux préoccupations de la Commission Nicolet, est, juridiquement parlant, étonnante. Toutefois, nous examinons les outils législatifs et réglementaires uniquement et il n’est pas dit que les objectifs qui devaient être atteints par le développement des schémas ne l’ont pas été autrement que par les dispositions de la LSC. Comme nous le verrons dans le prochain chapitre, les schémas d’aménagement des MRC et les règlements d’urbanisme des municipalités locales permettent d’intégrer les risques et de contrôler l’établissement dans ces zones. Il n’en reste pas moins que la Commission a écrit que le cadre juridique en vigueur lors de la crise du verglas a été sous-utilisé et que plusieurs dispositions qui auraient été utiles n’étaient pas en vigueur. Elle a, pour reprendre l’expression utilisée par d’autres auteurs, souligné la « faiblesse du cadre juridique en vigueur »470. Dans ces circonstances, cela porte à réflexion.

En conclusion, quoique la Loi sur la sécurité civile ne mentionne pas explicitement l’ACC, plusieurs de ses dispositions répondent aux préoccupations amenées par ce sujet. Cela s’explique par les liens étroits entre l’ACC et la sécurité civile, mais aussi puisque les changements climatiques accroissent les risques déjà existants, auxquels la loi devait justement répondre. Aussi, la Politique, plus récente, intègre de façon claire l’ACC. La loi et ses outils, comme le Programme d’indemnisation, s’inscrivent dans un cadre préventif en permettant notamment aux autorités compétentes de refuser l’installation dans des secteurs à risque, mais aussi en utilisant la reconstruction après un sinistre pour rendre plus sécuritaires les installations soit en les immunisant, soit en les déplaçant. L’absence de mise en vigueur des articles sur les schémas de risque et la quasi-absence des aspects juridiques de l’ACC dans la Politique envoient le message qu’une approche collaborative est favorisée aux dépens d’une approche juridiquement contraignante.

469 Ibid à la p 187.

CHAPITRE 8 : La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et l’adaptation