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Les autres dispositions introduites ou modifiées par la Loi modifiant la LQE

PARTIE II : L’intégration de l’adaptation aux changements climatiques au droit

CHAPITRE 6 : La Loi sur la qualité de l’environnement et l’adaptation au

6.1 La Loi sur la qualité de l’environnement : un exemple d’intégration récente de

6.1.3 Les autres dispositions introduites ou modifiées par la Loi modifiant la LQE

LQE (2017) qui prennent en considération l’ACC

Outre les dispositions traitées ci-haut, d’autres articles introduits ou modifiés par la Loi

modifiant la LQE (2017) comportent une référence explicite à l’ACC. Comme expliqué au

début de ce chapitre, la plupart de ses dispositions ne sont pas en entrées vigueur à la date de mise à jour de ce mémoire, le 1er janvier 2018. Toutefois, comme les modifications à la

LQE sont une des rares applications des objectifs prévus à la Stratégie, il est pertinent

d’examiner rapidement comment le législateur prévoit introduire la préoccupation de l’ACC dans la plus importante loi environnementale du Québec. Nous aborderons en premier lieu le nouvel article 95.1, puis les articles 28 et 115.10.1 à 115.10.3. Nous terminerons en discutant brièvement des articles 124.7 et 124.8.

Le nouvel article 95.1 prévoit que « [l]e gouvernement peut adopter des règlements pour : […] 29° prescrire toute mesure visant à favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’exiger la mise en place de mesures d’atténuation des impacts des changements climatiques et des mesures d’adaptation à ces impacts »331. Au moment

330 Ruhl, supra note 7 aux pp 417‑420.

d’écrire ces lignes, nous n’avons pas trouvé de disposition réglementaire publiée à cet effet, mais la reconnaissance de l’ACC comme préoccupation réglementaire reste une première étape d’accomplie pour une meilleure considération par le droit de cet enjeu.

Les articles 124.7 et 124.8 obligent le ministre à rendre des comptes à l’Assemblée nationale et au gouvernement. Le premier exige qu’il fasse rapport aux dix (10) ans au minimum, à l’Assemblée nationale, de l’application de la LQE332. L’article 124.8 oblige le ministre à « [proposer] au gouvernement, tous les cinq ans, une révision des dispositions réglementaires prises en vertu des articles 31.0.6 et 31.0.12. »333. Un processus périodique de révision de la loi et de certains de ses règlements est donc instauré. À notre avis, cela démontre l’influence de la gestion adaptative dans la façon de voir le droit en matière d’environnement. Ces dispositions n’étant pas en vigueur, la façon dont elles seront utilisées reste à voir.

En terminant, une modification à l’article 15.1 de la Loi sur le ministère du Développement

durable, de l’Environnement et des Parcs334 fait en sorte que la disposition spécifie maintenant que les montants disponibles dans le Fonds vert peuvent être utilisés afin de « favoriser l’adaptation aux impacts du réchauffement planétaire et des changements climatiques », ce qui n’était pas le cas auparavant.

6.1.4 Les dispositions modifiées par la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques

La Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques introduit également de nouvelles dispositions à la LQE, plus précisément en ce qui concerne l’autorisation des projets à être réalisés dans les milieux humides et hydriques. Les nouveaux articles 46.0.1 à 46.0.12 introduisent la séquence éviter-minimiser-compenser dans la loi. De ces articles, seuls 46.0.1 et 46.0.12 sont actuellement en vigueur. Les autres le seront à compter du 23 mars 2018335. Ces dispositions ne comportent aucune référence à l’ACC ou aux

332 Le rapport doit inclure ses recommandations sur l’opportunité de modifier la loi. 333 Loi modifiant la LQE (2017), supra note 290, art 202.

334 Loi sur le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, supra note 323, art 15.1. 335 Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques, supra note 292, art 67(1). Le deuxième

alinéa de l’article 46.0.5 constitue une exception et entrera en vigueur en même temps que le premier règlement pris en vertu de cet alinéa : art 67(2).

inondations, mais reconnaissent la valeur et les services écologiques fournis par les milieux humides336. Il a déjà été mentionné que la reconnaissance des services écologiques peut favoriser l’ACC en évitant d’aggraver les vulnérabilités déjà présentes. Dans le cas des milieux humides, ils fournissent une protection contre les inondations337.

Pendant plusieurs années, la séquence éviter-minimiser-compenser était appliquée de façon administrative, à l’aide d’une directive ministérielle non contraignante338. Cette application a été en partie invalidée lorsque la Cour supérieure, dans Atocas de l’érable inc. c Québec

(Procureur général) (Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs), a conclu que l’application du volet « compenser » de la séquence d’atténuation était

illégale et ne pouvait être appliqué, car il portait atteinte au droit de propriété339. Les volets « éviter » et « minimiser » ont de leur côté été jugés par la Cour d’appel comme faisant partie intégrante du pouvoir discrétionnaire du ministre dans l’évaluation des demandes de certificats d’autorisation340. Afin d’éviter d’avoir à renoncer à la compensation, la Loi

concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique341 a été adoptée. Cette loi conférait premièrement au ministre le pouvoir d’exiger des mesures de compensation et ce, sans indemnité, lors de l’examen d’une demande de certificat d’autorisation en vertu du deuxième alinéa de l’article 22 de la LQE342. Deuxièmement, elle validait l’exigence de compensation pour les certificats d’autorisations délivrés avant le 12 mars 2012343. Cette loi de nature transitoire avait au départ été adoptée pour une durée de trois ans344, mais fut renouvelée par la suite345.

336 Cette reconnaissance est aussi présente dans les Notes explicatives du projet de loi. 337 Poulin et al, supra note 261 à la p 652.

338 Ibid à la p 653.

339 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 6; CcQ, art 947; Atocas de l’érable inc c

Québec (Procureur général) (Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs), 2012

QCCS 912.

340 Québec (Procureur général) c Atocas de l’érable inc, 2013 QCCA 1794 au para 83.

341 Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou

hydrique, RLRQ c M-11.4.

342 Ibid, art 2.

343 Ibid, art 3. La loi est entrée en vigueur le 23 mai 2012, mais son article 3 a pour effet de valider les

certificats d’autorisations délivrés avant le jugement de la Cour supérieure.

344 Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou

hydrique, LQ 2012, c 14, art 5.

345 Loi modifiant la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un

milieu humide ou hydrique afin d’en prolonger l’application, LQ 2015, c 9, art 1 ; Loi modifiant la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique, LQ 2017, c 6, art 1.

L’entrée en vigueur des articles 46.0.1 à 46.0.12 intègrera finalement à la LQE la séquence d’atténuation. Il reste à voir si son officialisation permettra d’atteindre l’objectif d’aucune perte nette346 et renversera la tendance observée par Poulin et al. qui, dans un article paru en 2016, concluaient que l’utilisation de cette séquence entre 2006 et 2010 n’avait pas freiné la perturbation des milieux humides dans la province347. De plus, quoique la Cour suprême ait déjà reconnu que le préjudice écologique peut être indemnisé, mais après le fait, si la preuve est suffisante348, l’affaire Atocas de l’érable est une illustration de la difficulté pour le ministre de reconnaître ces services, en l’absence de législation l’habilitant à le faire, et ce même s’ils s’inscrivent dans sa mission.

Alors que la version de la LQE en vigueur avant le 23 mars 2018 comporte très peu de références à l’ACC, les modifications qui devraient être en vigueur en mars 2018 permettent de constater qu’à compter de cette date, l’ACC sera intégrée dans plusieurs dispositions législatives. L’intention annoncée dans la Stratégie d’intégrer l’ACC lors de la modification ou de l’adoption de lois s’est transformée en changements concrets. La volonté exprimée de permettre plus de flexibilité dans le processus d’autorisation environnementale s’est traduite par la réévaluation périodique des autorisations octroyées et en permettant d’agir lorsque de nouvelles informations ou connaissances révèlent un risque de préjudice irréparable ou une atteinte sérieuse à l’environnement ou à la santé humaine. L’octroi d’un pouvoir discrétionnaire accru au ministre dans l’évaluation des demandes d’autorisation peut sans doute permettre plus de flexibilité, mais, comme déjà exprimé, nous ne croyons pas qu’il était nécessaire. Le terme « résilience » reste absent de la LQE, ce qui ne signifie pas que son essence en est aussi absente. La reconnaissance de la capacité du milieu récepteur et des services écologiques fournis par certains écosystèmes étant tous ancrés dans ce concept.

346 Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l’eau

et des milieux associés, RLRQ c C-6.2, au préambule.

347 Poulin et al, supra note 261 à la p 653.

6.2 La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, un outil