• Aucun résultat trouvé

L'intégration de l'adaptation aux changements climatiques au droit québécois : le cas des inondations

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'intégration de l'adaptation aux changements climatiques au droit québécois : le cas des inondations"

Copied!
150
0
0

Texte intégral

(1)

L'intégration de l'adaptation aux changements

climatiques au droit québécois: le cas des inondations

Mémoire

Noémi Poissant

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

(2)
(3)

Résumé

Le présent mémoire s’inscrit dans le développement de la littérature juridique sur l’adaptation aux changements climatiques. Cette dimension de la lutte aux changements climatiques est longtemps restée dans l’ombre de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt grandissant. Cet intérêt a mis en exergue certaines barrières auxquelles le droit doit faire face afin d’intégrer l’adaptation aux changements climatiques. Le premier objectif de ce mémoire est par conséquent d’explorer les barrières identifiées dans la littérature, ainsi que les solutions dégagées pour permettre au droit de favoriser l’adaptation aux changements climatiques. Cette exploration permettant de constater le peu de littérature publiée au sujet du droit et de l’adaptation aux changements climatiques au Québec, le deuxième objectif est d’analyser le droit applicable aux inondations dans le sud du Québec afin de déterminer si lesdites solutions y sont intégrées. Cette analyse doit permettre de constater si l’adaptation aux changements climatiques fait l’objet d’une intégration planifiée dans le droit québécois.

(4)

Table des matières

Résumé ... iii

Abréviations... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

PARTIE I : L’adaptation aux changements climatiques et le droit : barrières et solutions dans le contexte canadien ... 9

CHAPITRE 1 : Introduction à l’adaptation aux changements climatiques ... 11

1.1 Définir l’adaptation aux changements climatiques ... 11

1.2 Distinguer l’adaptation et l’atténuation ... 14

1.3 Mettre en œuvre l’adaptation aux changements climatiques avec le droit ... 17

CHAPITRE 2 : Les barrières de l’adaptation aux changements climatiques ... 20

2.1 Incertitude et stabilité juridiques : des sujets naturellement opposés ? ... 21

2.1.1 La stabilité du droit et les incertitudes des changements climatiques ... 22

2.1.2 Le développement des connaissances pour contrer l’incertitude ... 24

2.2 Les problèmes posés à la gouvernance par l’adaptation aux changements climatiques ... 25

2.2.1 La fragmentation et la complexité de l’action en adaptation aux changements climatiques ... 25

2.2.2 Le choix de l’adaptation aux changements climatiques ... 27

2.2.3 L’échelle temporelle de l’adaptation aux changements climatiques ... 28

CHAPITRE 3 : Les solutions avancées pour une meilleure cohabitation de l’adaptation aux changements climatiques et du droit : résilience, flexibilité et gestion adaptative... 30

3.1. Rendre le droit plus résilient ou y intégrer la résilience, mais quelle résilience ? ... 30

3.2 Établir des principes juridiques flexibles ... 35

3.3 Favoriser la gestion adaptative... 38

CHAPITRE 4 : Le partage des compétences au Canada en matière d’adaptation aux changements climatiques : une illustration de la fragmentation du sujet ... 43

4.1 Les aspects généraux du partage des compétences ... 43

4.2 Les compétences législatives et les pouvoirs fédéraux en matière d’inondation et d’adaptation aux changements climatiques ... 44

4.2.1 Les compétences législatives fédérales ... 44

(5)

4.2.3 L’utilisation fédérale des compétences relatives aux inondations et à

l’adaptation aux changements climatiques ... 48

4.3 Les compétences législatives et les pouvoirs provinciaux en matière d’adaptation aux changements climatiques ... 51

4.4 Les pouvoirs des municipalités ... 54

PARTIE II : L’intégration de l’adaptation aux changements climatiques au droit québécois applicable aux inondations ... 58

CHAPITRE 5 : Les outils d’orientation et de planification en matière de changements climatiques : des énoncés de principes sans contraintes juridiques 60 5.1 La Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques, un outil dédié à l’adaptation ... 60

5.1.1 Objectif 1 – Intégrer la préoccupation de l’adaptation aux changements climatiques à l’administration publique ... 61

5.1.2 Objectif 7 – Prendre en compte l’adaptation aux changements climatiques dans les décisions relatives à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme ... 62

5.1.3 Objectif 8 – Réduire les risques et limiter les conséquences des sinistres découlant des changements climatiques ... 63

5.2 Le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques, un outil pour l’atténuation et l’adaptation ... 63

5.2.1 Les thèmes liés à l’adaptation aux changements climatiques dans le PACC 2013-2020 ... 63

5.2.2 La modification des lois et des règlements ... 65

5.3 La Stratégie et le PACC 2013-2020, deux exemples d’intégration planifiée ... 65

5.3.1 L’intégration planifiée dans la Stratégie et le PACC 2013-2020 ... 66

5.3.2 Les barrières reproduites dans la Stratégie et le PACC 2013-2020 ... 67

5.3.3 L’intégration de l’adaptation aux changements climatiques dans la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection ... 69

CHAPITRE 6 : La Loi sur la qualité de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques ... 73

6.1 La Loi sur la qualité de l’environnement : un exemple d’intégration récente de l’adaptation aux changements climatiques ... 73

6.1.1 La disposition préliminaire de la Loi sur la qualité de l’environnement, voie d’entrée de l’ACC ... 75

6.1.2 Le régime d’autorisation environnementale actuel et à compter du 23 mars 2018 ... 76

6.1.2.1 L’octroi du certificat d’autorisation ... 76

6.1.2.2 La durée, la réévaluation et la révocation des autorisations émises ... 80

6.1.3 Les autres dispositions introduites ou modifiées par la Loi modifiant la LQE (2017) qui prennent en considération l’ACC ... 82

(6)

6.1.4 Les dispositions modifiées par la Loi concernant la conservation des milieux

humides et hydriques ... 83

6.2 La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, un outil à cheval sur l’environnement, la sécurité civile et l’aménagement du territoire ... 86

6.2.1 Le statut juridique de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables ... 86

6.2.2 La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables et l’adaptation aux changements climatiques ... 88

CHAPITRE 7 : La Loi sur la sécurité civile et l’adaptation aux changements climatiques ... 91

7.1 La prévention par la Loi sur la sécurité civile... 92

7.1.1 Les outils de la Loi sur la sécurité civile en matière d’inondation ... 93

7.1.1.1 Les principes de base ... 93

7.1.1.2 Les schémas de risque ... 97

7.1.2. L’aide financière ou comment utiliser la reconstruction après un sinistre pour prévenir le prochain ... 101

7.2 La Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024 ... 106

7.2.1 La réduction des vulnérabilités et la connaissance des risques... 106

7.2.2 L’utilisation du cadre législatif et réglementaire ... 107

CHAPITRE 8 : La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et l’adaptation aux changements climatiques ... 110

8.1 Le plan d’aménagement et de développement, le schéma d’aménagement et de développement et le plan d’urbanisme ... 111

8.2 Les règlements d’urbanisme d’une municipalité, outils d’action en adaptation aux changements climatiques ... 116

8.3 Zone d’intervention spéciale : l’intervention du gouvernement provincial en matière d’aménagement ... 120

Conclusion ... 126

(7)

Abréviations

CA : Cour d’appel du Québec

CCNUCC : Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CAF : Cour d’appel fédérale (référence neutre)

CcQ : Code civil du Québec

CQ : Cour du Québec

CS : Cour supérieure du Québec

CSC : Cour suprême du Canada (référence neutre)

FC : Cour fédérale (référence neutre)

LAU : Loi sur l’aménagement et l’urbanisme LCM : Loi sur les compétences municipales

Loi modifiant la LQE (2017) :

Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert

LQE : Loi sur la qualité de l’environnement LSC : Loi sur la sécurité civile

MDDELCC : Ministère du Développement durable, de

l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

PACC 2013-2020 : Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques Politique de protection des

rives :

Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables

Politique de sécurité civile : Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024 QCCA : Cour d’appel du Québec (référence neutre)

QCCQ : Cour du Québec (référence neutre)

QCCS : Cour supérieure du Québec (référence neutre)

RCS : Recueil de la Cour suprême

Stratégie : Stratégie gouvernementale d’adaptation aux

changements climatiques 2013-2020

Les titres de revues sont abrégés conformément à la 8e édition du Manuel canadien de la

(8)

Remerciements

Je tiens premièrement à remercier ma directrice, la professeure Paule Halley, pour sa disponibilité, son support et ses conseils toujours pertinents tout au long de la préparation et de la rédaction de ce mémoire.

J’aimerais également remercier le Fonds de bourses Lorne-Giroux ainsi que l’honorable Lorne Giroux lui-même. Le support financier obtenu grâce à la bourse qui m’a été attribuée a facilité la poursuite de mes études, en plus d’être vu comme une marque de confiance en mon travail.

Merci également aux personnes que j’ai eu le privilège de côtoyer tout au long de mes études de maîtrise et dont la présence et les conseils furent inestimables : Nadia, Christine, Gabriel, Camille, Joe-Christ, Ivana, Stéphanie et Charles.

(9)

Introduction

Les changements climatiques sont aujourd’hui un sujet d’actualité récurrent, dont tous ont déjà entendu parler. Il ne fait plus de doute que ceux-ci auront de nombreux impacts, dont plusieurs représentent un danger pour les êtres humains. Cette éventualité est connue depuis plusieurs années : dès 1992, on cherche à éviter les dangers associés aux changements climatiques. Au moment de l’adoption de la Convention-cadre des Nations

Unies sur les Changements climatiques (ci-après : « CCNUCC »), la communauté

internationale retient l’objectif ultime de stabiliser « les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique »1. Afin d’éviter les perturbations anthropiques dangereuses, il a beaucoup été question de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (ci-après : « GES »). Les initiatives en ce sens, qu’elles soient internationales, comme le désormais célèbre Protocole de Kyoto, nationales ou provinciales ont été nombreuses. Malgré tout, rien ne permet de croire que les efforts actuels permettront de diminuer drastiquement les émissions de GES, ou qu’il sera possible d’éviter les impacts prévus des changements climatiques. Conséquemment, il est plus que temps de se préparer à vivre avec ces impacts. Ce faisant, l’adaptation aux changements climatiques (ci-après : « ACC ») prend depuis quelques années de plus en plus de place dans les discussions sur l’avenir mondial, mais aussi dans la littérature scientifique, y compris juridique.

Tout comme d’autres régions, le Québec verra son paysage climatique et météorologique changer et ces changements pourront nécessiter une démarche d’ACC. Ouranos, un consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, prévoit par exemple une hausse générale des températures, une baisse des précipitations sous forme de neige en hiver, mais une hausse des précipitations sous forme de pluie pour la même saison. Il est prévu que les épisodes de pluies abondantes seront plus fréquents au printemps et à l’automne. Plus généralement, Ouranos « s’attend à des hausses significatives pour tous les indices de précipitations abondantes et extrêmes, et ce, pour

1 Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques, [1992] GE.05-62221 (F) 180705

(10)

toutes les régions du Québec. […] Le Québec fait partie des endroits dans le monde où il existe un fort consensus parmi les modèles »2. Ces changements auront des impacts importants sur les risques d’inondation : en chiffres, il est estimé qu’un « maximum annuel dont la période de retour est de 20 ans sur l’horizon 1986-2005 pourrait survenir plus fréquemment vers 2046-2065 avec une période de retour autour de 7 à 10 ans, et ce, pour l’ensemble du Québec »3. La province devra donc composer avec un risque d’inondation croissant.

Un tel contexte commande de réfléchir à la façon dont la société désire protéger les personnes et les biens, et de quelle façon le droit peut participer à cet effort. Certaines dispositions législatives et réglementaires existent déjà pour tenter de diminuer les impacts des inondations. En effet, l’existence de ce risque au Canada et au Québec n’est pas nouvelle. D’ailleurs, au fur et à mesure que les connaissances sur le sujet augmentaient, il était raisonnable de s’attendre à une diminution de certains impacts. Or, c’est plutôt le contraire qui s’est produit. En effet, dans les 20 dernières années, une augmentation constante des coûts déboursés dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de

catastrophe causée par un événement météorologique, accords issus d’un programme

fédéral permettant le partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en cas de catastrophes naturelles, a pu être constatée4. Dans un document publié en 2016, le Directeur parlementaire du budget fait état de paiements de 465 millions de dollars pour la période 1975-1984, et de 4 096 millions de dollars pour la période 2005-20145. Pour les inondations, les montants se sont élevés à 399 et 3 803 millions de dollars pour les mêmes périodes, ce qui représente respectivement 86% et 93% des paiements totaux effectués6.

Dans la lutte contre les changements climatiques, l’ACC est longtemps demeurée dans l’ombre de l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre. Il faut dire qu’elle est

2 Ouranos, Vers l’adaptation - Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec -

Partie 1: Évolution climatique au Québec, Éditions 2015, Montréal, Ouranos, 2015 à la p 22.

3 Ibid.

4 Directeur parlementaire du budget, Estimation du coût annuel moyen des Accords d’aide financière en cas

de catastrophe causée par un événement météorologique, Bureau du directeur parlementaire du budget, 25

février 2016.

5 Ibid à la p 21. 6 Ibid.

(11)

reconnue comme étant un sujet large, imprécis et diffus, une difficulté de cadrage du problème que l’atténuation ne présentait pas. Cette difficulté de cadrage existe aussi en droit : alors que le rôle du droit dans l’atténuation des émissions de GES semblait aller de soi, un auteur allant jusqu’à qualifier l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre de « pollution control on steroids »7, son rôle dans l’ACC est pour l’instant beaucoup moins bien défini. Un survol de la littérature traitant du droit et de l’ACC permet de constater que plusieurs juristes sont inquiets en ce qui concerne la capacité du droit d’intégrer la préoccupation de l’ACC, notamment en raison de l’incertitude qui y est liée, mais aussi des défis de gouvernance que sa nature diffuse pose.

En raison de ces interrogations, nous assistons à un développement des connaissances sur l’ACC dans le domaine juridique. Le nombre de textes publiés à ce sujet est en constante évolution et ceux-ci abordent des aspects de plus en plus diversifiés. Alors que la question des réfugiés climatiques fut sans contredit la première question à retenir l’attention, la littérature s’est depuis beaucoup diversifiée.

Deux constats au cours de nos recherches préliminaires ont mené à la question de recherche. Le premier est la quasi-absence de littérature québécoise qui aborde spécifiquement l’influence de l’ACC sur le droit et vice-versa. En effet, malgré le développement d’un corpus de plus en plus important sur le sujet, ce sont surtout des auteurs anglos saxons et européens qui s’intéressent à la question. Dans ce contexte, il nous paraissait approprié de contribuer à la littérature francophone et canadienne sur le sujet. Le deuxième constat est le fait que le Québec a, depuis 2012, une Stratégie gouvernementale

d’adaptation aux changements climatiques. Elle annonce explicitement l’intention

d’« intégrer la préoccupation de l’adaptation aux changements climatiques à l’administration publique » et, pour ce faire, de « moduler le contenu des lois, des règlements, des politiques, des stratégies et des outils de planification »8. Cette stratégie couvre l’horizon 2013-2020 ce qui signifie qu’au moment d’écrire ces lignes, la

7 JB Ruhl, « Climate Change Adaptation and the Structural Transformation of Environmental Law » (2010)

40:2 Environmental Law 363 à la p 379.

8 Gouvernement du Québec, Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques

(12)

parcours est passée. L’analyse de l’intégration de l’ACC dans le droit québécois permet donc de voir quels changements ont été apportés depuis 2013.

Cela a mené à la question suivante : Comment le droit québécois applicable aux inondations intègre-t-il l’ACC ?

Nous nous intéressons donc plus particulièrement à l’intégration de la préoccupation de l’ACC au droit qui concerne les inondations.

Cette question commandait une recherche en deux temps, et c’est suivant cette même démarche que les résultats sont présentés dans ce mémoire. La première étape était d’établir les barrières et les solutions en matière de droit et d’ACC. La deuxième était d’effectuer, à l’aide des constats réalisés, une analyse du droit québécois. La Stratégie gouvernementale

d’adaptation aux changements climatiques ayant identifié trois domaines prioritaires pour

la modulation du droit, nous avons choisi de nous concentrer sur ceux-ci. Il s’agit de l’environnement, plus particulièrement des autorisations environnementales, de la sécurité civile et de l’aménagement du territoire.

La recherche s’est amorcée avec deux hypothèses. La première était que le droit québécois applicable aux inondations avait peu ou pas intégré l’ACC de façon planifiée. L’intégration planifiée fait référence à l’incorporation des enjeux d’ACC de façon délibérée dans le corpus législatif et réglementaire. Cette idée reposait principalement sur le fait que la littérature juridique sur l’ACC étant principalement récente, le législateur québécois n’aurait pas bénéficié d’assez de temps pour intégrer cette préoccupation.

La deuxième hypothèse était que malgré l’absence ou la faible intégration de l’ACC, le droit québécois relatif aux inondations disposait d’un potentiel d’incorporation de diverses solutions avancées par la littérature en matière d’ACC. En effet, comme déjà noté, les inondations ne sont pas un phénomène nouveau. Les défis contemporains additionnels sont plutôt liés à leur succession plus rapide ou à l’accroissement de leur ampleur. Toutefois, comme le Québec bénéficie déjà d’un cadre juridique applicable à ce risque, il était à notre avis possible qu’il constitue une base adéquate pour l’ajout de l’ACC.

(13)

Le cadre théorique retenu est celui de l’adaptation aux changements climatiques, définie comme « un changement dans les comportements et les caractéristiques d’un système de manière à pouvoir composer avec une situation dans un endroit spécifique »9. Spécifiquement, ce changement est motivé par l’évolution du climat et les impacts que cela entraînera au Québec10. Le choix de l’adaptation comme cadre théorique a trois implications concrètes. Cela signifie premièrement que notre recherche s’inscrit dans le consensus scientifique voulant que notre climat évolue rapidement. La deuxième conséquence est que notre analyse s'effectue avec le postulat que l’adaptation est nécessaire pour répondre à ces impacts. Finalement, les décisions prises en matière d’ACC doivent diminuer la vulnérabilité, accroître la résilience ou, à tout le moins, éviter la maladaptation. Le Chapitre 1 est consacré à la définition de l’ACC et de ses principes sous-jacents. Nous renvoyons le lecteur à celui-ci pour plus de détails.

En ce qui concerne la méthodologie, le présent projet adopte une approche herméneutique. Nous étudierons et interpréterons le droit actuel et son évolution, ainsi que la doctrine, dans un contexte d’ACC. Notre analyse sera aussi prospective, puisque plusieurs dispositions législatives dont nous discuterons n’ont pas été élaborées ou utilisées spécifiquement en matière d’adaptation. Ce mémoire se base premièrement sur une exploration et une analyse de la doctrine au sujet du droit et de l’ACC. La littérature à ce sujet est toutefois très peu abondante au Québec, ce qui signifie que la recherche devra s’étendre plus loin. La littérature canadienne sera évidemment explorée, mais ce travail sera surtout inspiré de la littérature américaine et australienne.

La recension de la littérature et son analyse permettront d’en extraire les défis du droit et les solutions. Ceux-ci seront identifiés et regroupés afin d’orienter la Partie II du mémoire, qui sera constituée d’une analyse du droit québécois. Celle-ci doit permettre d’identifier la présence ou l’absence de principes directeurs dans les outils québécois, ainsi que d’identifier les endroits où les intégrer lorsqu’ils sont absents. Nous pourrons donc mettre

9 Ouranos, Vers l’adaptation - Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec -

Partie 3: Vers la mise en oeuvre de l’adaptation, Édition 2015, Montréal, Ouranos, 2015 à la p 2.

(14)

en exergue le traitement que font ces lois des défis liés à l’ACC par rapport à ce qui est considéré comme devant être fait.

Les lois et politiques québécoises analysées ont été choisies en fonction de leur pertinence en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques et les inondations, ainsi que de leur appartenance à trois catégories que sont le corpus environnemental, la sécurité publique et l’aménagement du territoire. Dans les deux derniers cas, il s’agit de domaines identifiés dans la Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques (ci-après : « Stratégie »). En ce qui concerne la première catégorie, elle inclura les autorisations environnementales, aussi identifiées dans la Stratégie gouvernementale

d’adaptation aux changements climatiques, ainsi que la Loi sur la qualité de l’environnement de façon plus générale, la stratégie elle-même et le Plan d’action 2013-2010 sur les changements climatiques (ci-après : PACC 2013-2020).

Évidemment, la jurisprudence sera mise à profit afin de dégager l’interprétation des dispositions pertinentes. Toutefois, l’apport de cette source traditionnelle du droit risque d’être limité. Un survol des décisions judiciaires qui se sont intéressées aux dispositions législatives considérées comme intéressantes à notre analyse permet de constater qu’elles ne sont pas nombreuses11.

La recherche et la réflexion présentées ici comportent certaines limites. Premièrement, en raison des défis particuliers que représente l’ACC dans le Nord-du-Québec, nous ne discuterons ici que des effets attendus et du droit applicable dans le sud du Québec. Deuxièmement, dans la Partie II, la principale loi pour chaque sujet a été sélectionnée. Il existe toutefois un corpus législatif et réglementaire beaucoup plus important à examiner, mais il n’était pas possible de le faire dans le cadre de ce seul mémoire. Finalement, la

recherche est à jour au 1er janvier 2018, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la majeure partie des articles modifiés de la LQE et des règlements adoptés après ces modifications. La première raison qui a motivé cette décision est que ce mémoire a été rédigé conjointement à l’exercice d’un travail à temps plein. Une date a donc dû être choisie

11 Par exemple, les articles 6 et 7 de la Loi sur la sécurité civile ont mené à moins d’une dizaine de décisions

judiciaires et la « zone d’intervention spéciale » de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est mentionnée dans une seule décision repérée.

(15)

afin de permettre à la rédaction de se terminer en minimisant les risques de changements législatifs. La deuxième raison est qu’au moment de rédiger certains chapitres, notamment le Chapitre 7 qui porte sur la LQE, certaines dispositions législatives avaient été adoptées, mais sans être en vigueur. De plus, la réglementation afférente à la LQE n’avait pas été diffusée à la Gazette officielle. Il devenait dès lors difficile d’anticiper les changements réglementaires et les impacts des modifications législatives et, par le fait même, de les analyser.

La Partie I met en place les fondations qui permettront de répondre à notre question de recherche en Partie II. Le premier chapitre est une introduction à l’ACC. Sa définition sera premièrement abordée (1.1). Cela sera l’occasion de définir certains concepts qui y sont associés, dont la résilience et la vulnérabilité. Puis, l’adaptation sera distinguée de l’atténuation (1.2) et finalement, le rôle du droit dans sa mise en œuvre sera étudié (1.3). Le Chapitre 2 porte sur deux des barrières auxquelles est confronté le droit dans son intégration de l’ACC. La première est celle de l’opposition qui existerait entre l’incertitude liée aux changements climatiques et la stabilité requise par le droit (2.1). En deuxième lieu, nous discuterons des problèmes posés à la gouvernance (2.2). Évidemment, il existe plus de deux barrières. Nous avons toutefois retenu celles qui étaient les plus récurrentes dans la littérature consultée.

Trois solutions avancées dans la littérature pour favoriser une meilleure prise en compte de l’ACC par le droit seront exposées au Chapitre 3. En premier lieu, nous discuterons de la relation entre résilience et droit (3.1). Nous examinerons ensuite les principes juridiques flexibles suggérés par Robin K. Craig (3.2), puis terminerons en explorant l’apport positif que peut avoir la gestion adaptative en ACC (3.3).

Finalement, le Chapitre 4 est consacré au partage constitutionnel des compétences en matière d’ACC. Les aspects généraux de ce partage ouvrent le chapitre (4.1). Puis, les compétences et les pouvoirs fédéraux en matière d’ACC sont analysés (4.2). Par la suite, nous nous intéressons aux compétences et pouvoirs provinciaux (4.3). Ce chapitre est conclu par l’examen des pouvoirs et compétences municipales (4.4). Ces derniers ne sont pas inscrits à la Loi constitutionnelle de 1867, mais l’importance du rôle octroyé aux

(16)

municipalités dans l’ACC tant dans la littérature que dans le droit québécois justifie une telle analyse.

La Partie II est entièrement dédiée à l’intégration de façon planifiée de l’ACC au droit québécois applicable aux inondations. Le Chapitre 5 porte sur les outils de planification et d’orientation en matière d’ACC. La Stratégie, qui est entièrement dédiée au sujet, et le

PACC 2013-2020 sont examinés (5.1 et 5.2). Ils seront par la suite analysés conjointement

(5.3). Leur étude est nécessaire même s’il ne s’agit pas de lois puisqu’ils font état des orientations gouvernementales en matière de changements climatiques et peuvent annoncer l’agenda législatif à venir en la matière. De surcroît, la consultation de la Stratégie a permis en début de recherche de constater que les domaines de l’environnement, de la sécurité civile et de l’aménagement du territoire avaient déjà été ciblés pour l’intégration de la préoccupation de l’ACC.

Le Chapitre 6 est consacré à l’analyse de la LQE, la plus importante loi environnementale du Québec. Son analyse occupe la première partie du chapitre (6.1). Ensuite, la Politique

de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (ci-après : « Politique de protection des rives »), adoptée en vertu de l’article 2.1 de la LQE, sera examinée (6.2).

Au Chapitre 7, nous traiterons de la Loi sur la sécurité civile (ci-après : « LSC ») (7.1), ainsi que de la Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024 (ci-après : « Politique

québécoise de sécurité civile ») (7.2).

Le huitième et dernier chapitre porte sur la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (ci-après : « LAU »). Le plan d’aménagement et de développement, le schéma d’aménagement et de développement ainsi que le plan d’urbanisme ouvrent le chapitre (8.1). Nous aborderons ensuite les règlements d’urbanisme comme outils d’action en ACC (8.2). Finalement, nous discuterons de l’intervention gouvernementale provinciale en aménagement par le biais de la zone d’intervention spéciale (8.3).

(17)

PARTIE I : L’adaptation aux changements climatiques et le

droit : barrières et solutions dans le contexte canadien

Avant de pouvoir déterminer si le droit québécois intègre la préoccupation de l’ACC de façon planifiée, il importe d’établir ce qu’elle est et pourquoi son rapport avec le droit est largement considéré comme difficile dans la littérature. Dans les pages suivantes, nous chercherons donc à mettre en place les éléments qui permettront de répondre à notre question de recherche, en commençant par introduire l’ACC (1.1). Cela nous permettra notamment de discuter d'un concept omniprésent dans la littérature, la résilience, mais dont les contours sont parfois difficiles à saisir. Ensuite, nous distinguerons l’adaptation et l’atténuation (1.2). Cela permettra d’aborder les raisons qui ont fait en sorte que l’atténuation a reçu beaucoup plus d’attention que l’adaptation, alors que l’importance des deux est reconnue à la CCNUCC. Pour conclure le Chapitre 1, nous aborderons la mise en œuvre de l’ACC par le droit (1.3). Il sera question du processus d’adaptation et de l’apport que le droit peut y avoir par exemple par l’adoption de lois et règlements qui y sont spécifiquement dédiés.

Plusieurs barrières à l’ACC sont évoquées dans la littérature, notamment quant aux difficultés que son intégration au droit présente. Le Chapitre 2 sera l’occasion de discuter de deux de ces barrières : l’opposition entre l’incertitude des changements climatiques et de l’adaptation et la stabilité requise par le système juridique (2.1), ainsi que les problèmes de gouvernance qui en résultent (2.2). Ces deux barrières ont été retenues puisqu’elles étaient fréquemment mentionnées et font l’objet d’un corpus d’article suffisant à la rédaction d’un mémoire, ce qui n’est pas le cas de toutes les barrières.

Le Chapitre 3 présentera les solutions à ces barrières. Encore une fois, la littérature fait état de plus de pistes de solutions. Nous avons retenu celles qui étaient le plus récurrentes et qui pouvaient présenter des solutions pour la problématique spécifique des inondations puisque la littérature s’est beaucoup concentrée sur les autorisations environnementales et la gestion des ressources naturelles. Nous aborderons la résilience comme solution en premier (3.1). Cela nous permettra d’examiner les distinctions entre un droit considéré comme favorisant la résilience et un droit résilient. Ensuite, l’idée d’établir des principes juridiques flexibles afin que le droit intègre mieux l’incertitude liée aux changements

(18)

climatiques sera discutée (3.2). Finalement, la gestion adaptative, qui possède déjà ses propres postulats et processus sera discutée (3.3).

Cette partie se conclura sur le partage constitutionnel des compétences en matière d’inondation et d’ACC. Comme nous pourrons le constater, l’ACC et les inondations font appel tant aux pouvoirs fédéraux que provinciaux, en plus de ceux octroyés aux municipalités québécoises par la province. Les aspects généraux du partage des compétences ouvriront le chapitre (4.1), suivis des compétences et pouvoirs fédéraux (4.2). Nous discuterons notamment des différents programmes mis en place par le gouvernement fédéral, qui privilégie une telle approche en matière d’inondation au lieu de la voie législative. Nous effectuerons ensuite l’analyse des compétences et pouvoirs provinciaux (4.3). Bien que le Québec soit partenaire avec le fédéral dans divers programmes en matière d’inondation, la province a beaucoup utilisé ses pouvoirs afin de légiférer et de réglementer l’établissement des personnes et des biens dans les zones à risque et pour établir de telles zones. Nous terminerons par les pouvoirs octroyés aux municipalités (4.4) qui, bien que n’étant pas prévus à la Constitution, sont extrêmement importants en matière d’inondation puisque ce sont elles qui mettent en œuvre, entre autres par les règlements d’urbanisme, l’aménagement du territoire.

(19)

CHAPITRE 1 : Introduction à l’adaptation aux changements climatiques

L’intérêt de ce chapitre est d’introduire les différents concepts nécessaires à la compréhension de l’ACC. Cela permettra d’établir les bases sur lesquelles le reste du mémoire est fondé. Dans les paragraphes suivants, nous détaillerons premièrement sa définition. Nous aborderons ensuite la distinction entre l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation des émissions de GES. Nous aurons finalement l’occasion de discuter du rôle du droit dans la réponse à ses besoins. Il sera possible de constater que même si la nécessité de s’adapter est reconnue, plusieurs des concepts qui y sont centraux, ainsi que l’adaptation elle-même, ne font pas l’objet de définitions constantes ou universelles. Ce faisant, il est déjà possible d’entrevoir quelles difficultés d’opérationnalisation cela crée pour le droit, un domaine dans lequel la prévisibilité est nécessaire.

1.1 Définir l’adaptation aux changements climatiques

Plusieurs définitions de l’ACC ont été proposées, mais elles ont en commun de la qualifier comme un processus d’ajustement aux changements climatiques, observés ou attendus, afin d’en tirer profit, d’en atténuer ou même d’en éviter les effets. Selon Ouranos, lorsqu’il est question de l’adaptation au sens large, on réfère habituellement à « un changement dans les comportements et les caractéristiques d’un système de manière à pouvoir composer avec une situation dans un endroit spécifique »12. L’ACC plus spécifiquement « fait référence ici à ces ajustements qui sont faits spécialement pour composer avec un climat en évolution rapide »13. Ceux-ci peuvent viser à contrer les effets négatifs prévus, mais aussi à tirer profit des nouvelles occasions qui se profilent. Cette définition est semblable à celle utilisée par le GIEC14. Il s’agit donc d’un processus devant permettre la préparation, la réaction et même la transformation que les changements climatiques rendent nécessaires.

12 Ouranos, supra note 9 à la p 2. 13 Ibid.

14 Christopher B Field et al, Changements climatiques 2014: Incidences, adaptation et vulnérabilité – Résumé

à l’intention des décideurs - Contribution du Groupe de travail II au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Organisation météorologique mondiale,

Genève, 2014 à la p 5. La définition suggérée est une « [d]émarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Dans les systèmes humains, il s’agit d’atténuer ou d’éviter les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Dans certains systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences ».

(20)

Ce processus est habituellement décrit comme étant itératif et « fondé sur les concepts de la gestion adaptative et de l’apprentissage continu »15. Pour les besoins de notre analyse, nous retenons que la mise en œuvre de l’adaptation se fait en quatre (4) phases16. La première est la prise de conscience des changements climatiques et de l’adaptation. Après commence la phase de préparation, pendant laquelle les enjeux seront évalués et les ressources mobilisées. La troisième phase est celle de l’adaptation : la mesure choisie est mise en œuvre. La boucle se termine par une phase d’évaluation et d’apprentissage. Le processus recommence ensuite.

Deux concepts sont au cœur de l’ACC : la vulnérabilité et la résilience. Ces termes sont ainsi définis dans la plus récente Synthèse des connaissances sur les changements

climatiques au Québec d’Ouranos :

Résilience : Capacité des systèmes sociaux, économiques ou écologiques à

faire face aux événements dangereux, tendances ou perturbations, à y réagir et à se réorganiser de façon à conserver leurs fonctions essentielles, leur identité et leur structure, tout en maintenant leurs facultés d’adaptation, d’apprentissage et de transformation.

Vulnérabilité : Propension ou prédisposition à subir des dommages. La

vulnérabilité englobe divers concepts ou éléments, notamment les notions de sensibilité ou de fragilité et l’incapacité de faire face et de s’adapter17.

Une démarche d’adaptation qui vise la diminution des impacts négatifs des changements climatiques signifie souvent d’augmenter la résilience du système impacté (ex : la population soumise aux risques d’inondation) et à diminuer sa vulnérabilité auxdites conséquences envisagées18. Avoir un système plus résilient ne signifie toutefois pas qu’il sera aussi moins vulnérable. En effet, il est possible d’être à la fois vulnérable et résilient. Certains auteurs mettent toutefois en garde contre une vision étroite de la relation entre ces deux concepts, en vertu de laquelle une augmentation de la résilience diminuerait de facto

15 Ouranos, supra note 9 à la p 1. Voir la page 3 pour un schéma représentant le processus d’adaptation. 16 Ibid à la p 3.

17 Ouranos, Vers l’adaptation - Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec -

Glossaire, Éditions 2015, Montréal, Ouranos, 2015.

(21)

la vulnérabilité et vice versa19. La résilience et la vulnérabilité sont interreliées et au cœur du processus d’ACC, mais sans pour autant être des vases communicants.

L’adaptation répond aux impacts attendus des changements climatiques et concerne un éventail très varié d’actions, pour lequel plusieurs classifications ont été proposées. Celles-ci peuvent être planifiées ou spontanées, tout comme elles peuvent être réactives, simultanées ou préventives20. Nous avons annoncé en introduction nous intéresser particulièrement à l’intégration planifiée de l’ACC dans le droit québécois, une adaptation qui est donc le résultat de décisions stratégiques. Outre ces classifications, la distinction entre l’adaptation incrémentale et celle dite transformationnelle est faite dans la plupart des documents consultés21. La première option, qui consiste à trouver des moyens afin de maintenir l’intégrité d’un système, est la plus souvent privilégiée. Elle vise « à maintenir l’essence et l’intégrité des systèmes technologique, institutionnel, de gouvernance et de valeurs » [notre traduction]22. L’adaptation transformationnelle est plus draconienne que l’adaptation incrémentale. Elle « implique des changements radicaux dans notre façon d’agir […] et de penser […], souvent pour faire face aux limites de nos systèmes

19 Dominique Dron, « La résilience: un objectif et un outil de politique publique sont apparition en France,

et quelques perspectives » (2013) 72:4 Responsabilité et environnement 12 à la p 13; Voir aussi Magali Reghezza-Zitt et al, « What Resilience is Not: Uses and Abuses » (2012) 621 Cybergeo: European Journal of Geography 1, en ligne : Cybergeo: European Journal of Geography <http://journals.openedition.org/cybergeo/25554>.

20 Plusieurs catégorisations ont été effectuées, mais comme l’exploration en profondeur de celles-ci n’est pas

nécessaire à notre analyse, nous renvoyons le lecteur notamment aux documents suivants : Fiona J Warren et Paul Egginton, « Information de base: concepts, aperçus et approches » dans Donald S Lemmen et al, dir,

Vivre avec les changements climatiques au Canada: édition 2007, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2008,

27 à la p 31. Une mise à jour de ce rapport a été publiée en 2014, mais ne reprend pas le chapitre sur les principaux concepts de l’ACC : Fiona J Warren et Donald S Lemmen, dir, Vivre avec les changements

climatiques au Canada: perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l’adaptation, Ottawa,

Gouvernement du Canada, 2014. Voir aussi John Smithers et Barry Smit, « Human Adaptation to Climatic Variability and Change » dans Lisa Schipper et Ian Burton, dir, The Earthscan reader on adaptation to

climate change, New York, Earthscan, 2011, 15 à la p 25.

21 Voir par exemple IPCC, Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global

and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2014 à la p 839; Ouranos, supra note 9

aux pp 19‑20; Warren et Lemmen, supra note 20 à la p 279. Les outils européens consultés intègrent aussi cette distinction, voir European Environment Agency, Adaptation in Europe - Addressing Risks and

Opportunities from Climate Change in the Context of Socio-economic Developments, No 3/2013,

Luxembourg, Publications Office of the European Union, 2013 à la p 99.

22 IPCC, supra note 21 à la p 839. Le texte original est ainsi rédigé : « Incremental adaptation refers to actions

where the central aim is to maintain the essence and integrity of the existing technological, institutional, governance, and value systems, such as through adjustments to cropping systems via new varieties, changing planting times, or using more efficient irrigation. »

(22)

actuels »23. Il s’agit toutefois d’un concept relativement nouveau et sa définition exacte peut varier24. L’adaptation transformationnelle est généralement envisagée lorsque les options incrémentales s’avèrent insuffisantes25. Bien qu’une adaptation transformationnelle anticipative soit théoriquement possible, l’Agence européenne pour l’environnement souligne qu’elle sera sans doute difficile à mettre en œuvre en raison des coûts sociaux et économiques qui lui sont associés ainsi que l’incertitude tant en ce qui concerne les impacts des changements climatiques que des bénéfices des mesures d’adaptation26.

Finalement, une introduction sur l’ACC ne serait pas complète si la maladaptation ou mauvaise adaptation n’était pas abordée. Lorsqu’il est question d’adaptation, on cherche une option qui permet un bénéfice, que ce soit par l’évitement d’un problème ou en tirant profit des changements, mais il arrive que la solution retenue se solde plutôt par un « accroissement des risques et vulnérabilités »27 ou maladaptation. Malgré les nombreuses mises en garde à son égard, il s’agit encore d’un terme en quête de définition opérationnelle28. Son illustration la plus commune est celle d’une mesure qui conduit à l’augmentation des émissions de GES29.

1.2 Distinguer l’adaptation et l’atténuation

Il a déjà été mentionné en introduction que l’ACC et l’atténuation des émissions de GES sont deux aspects d’un même problème, les changements climatiques. Alors que l’atténuation s’attaque à la source du problème, l’ACC agit sur ses conséquences. Contrairement à une idée qui a longtemps circulé, l’adaptation et l’atténuation des

23 Ouranos, supra note 9 à la p 19. Référence et exemples omis. Voir aussi la définition proposée par l’Agence

européenne pour l’environnement, très similaire : European Environment Agency, supra note 21 à la p 99.

24 IPCC, supra note 21 à la p 21.

25 European Environment Agency, supra note 21 à la p 78 et 99.

26 Ibid aux pp 99‑100. Même dans le cas de l’adaptation transformationnelle non anticipative, les coûts qui y

sont associés sont vus comme étant un obstacle à sa mise en œuvre : Ouranos, supra note 9 à la p 20.

27 Ouranos, supra note 9 à la p 20. Pour plus de détails sur les types de maladaptation, voir par exemple Jon

Barnett et Saffron O’neill, « Maladaptation » (2010) 20:2 Global Environmental Change 211‑213.

28 IPCC, supra note 21 à la p 857.

29 Barnett et O’neill, supra note 27 à la p 212; Patrick Parenteau, « Cities on Stilts: The Myth of Large-Scale

Climate Adaptation and the Limits of Sustainability » dans Jessica Owley et Keith H Hirokawa, dir,

Rethinking Sustainability to Meet the Climate Change Challenge, Washington DC, Environmental Law

(23)

émissions de GES ne sont pas mutuellement exclusives30. Cette dernière consiste à tenter d’enrayer le problème des changements climatiques à sa base, en diminuant les émissions de GES. Ce faisant, on cherche à éviter les changements climatiques et leurs conséquences. De son côté, l’adaptation vise à faire face aux défis amenés par les changements climatiques. Les deux ne sont pas antinomiques et une atténuation efficace doit être encouragée puisqu’elle peut diminuer les besoins liés à l’adaptation. Il n’en reste pas moins que l’ACC a longtemps été dans l’ombre de l’atténuation entre autres, car elle était associée à une attitude défaitiste ou même à de la paresse31, comme si le fait de discuter d’adaptation signifiait un abandon de l’atténuation32.

Même s’ils représentent deux facettes d’un même problème, l’adaptation et l’atténuation n’en sont pas moins différentes. Deux principaux aspects distinguent l’ACC et l’atténuation. Le premier est l’échelle d’action, l’ACC étant beaucoup plus associée à des efforts locaux que mondiaux. La deuxième est la disponibilité d’expériences passées afin d’en favoriser la mise en œuvre actuelle : alors que le contrôle des émissions de GES a bénéficié d’expériences passées en matière de pollution, l’ACC ne peut pas s’appuyer sur un tel bagage de connaissances.

Premièrement, alors que l’atténuation a rapidement été vue comme un enjeu international, l’ACC a longtemps été perçue comme une préoccupation essentiellement locale33, et ce, malgré le fait que son importance soit reconnue à l’article 4 de la CCNUCC34. Cette vision régionale de l’ACC n’est pas mal avisée, puisque des solutions d’adaptation doivent être adaptées à cette échelle. En effet, les impacts des changements climatiques varient d’un

30 Il sont d’ailleurs considérés comme égaux sous la CCNUCC. Robin Kundis Craig, « “Stationarity is Dead”

- Long Live Transformation: Five Principles for Climate Change Adaptation Law » (2010) 34:1 Harv Env L Rev 9 à la p 20; Jonathan Verschuuren, Research Handbook on Climate Change Adaptation Law, Cheltenham, Edward Elgar Pub, Inc, 2013 à la p 2.

31 Jan McDonald, « Mapping the Legal Landscape of Climate Change Adaptation » dans Tim Bonyhady,

Andrew Macintosh et Jan McDonald, dir, Adaptation to Climate Change : Law and Policy, Annandale, NSW, The Federation Press, 2010 à la p 1; Ruhl, supra note 7 à la p 367; Lisa Schipper et Ian Burton, dir, The

Earthscan Reader on Adaptation to Climate Change, New York, Earthscan, 2011 à la p 1.

32 Brian J Preston, « The Role of Courts in Relation to Adaptation to Climate Change » dans Tim Bonyhady,

Andrew Macintosh et Jan McDonald, dir, Adaptation to Climate Change : Law and Policy, Annandale, NSW, The Federation Press, 2010, 157 à la p 159.

33 Alexander Zahar, Jacqueline Peel et Lee Godden, « Adaptation to Climate Change Through Legal

Frameworks » dans Australian Climate Law in Global Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 373 à la p 380.

(24)

endroit à l’autre et les options d’adaptation les plus à propos peuvent être celles faites spécifiquement pour le milieu auquel elles sont destinées35. Aussi, selon Zahar et al, « the benefits of adaptation tend to be quite localised, as in the case of construction of a levee to reduce coastal erosion resulting from sea-level rise »36. Cette préoccupation locale découle entre autres du principe de subsidiarité, qui « peut être défini comme étant celui en vertu duquel l’on considère que toutes les compétences nécessaires pour régler librement et efficacement leurs propres affaires. Les responsabilités des plus grandes entités doivent être limitées à ce que les plus petites ne peuvent accomplir adéquatement »37. Les impacts des changements climatiques se faisant plus particulièrement sentir localement, l’application de ce principe apparaît logique.

Malgré l’importance des institutions locales, les institutions nationales et provinciales dans le cas du Canada, sont aussi essentielles. Les autorités locales ont rarement les moyens leur permettant de réaliser la recherche, le développement et la mise en œuvre des mesures d’ACC de façon indépendante. L'appui des autorités provinciales ou fédérales est donc nécessaire. Outre le support technique et financier, les autorités étatiques peuvent aussi fournir des signaux forts permettant d’orienter l’action des autres paliers décisionnels. L’absence d’agenda national clair peut en mettre trop sur les épaules des gouvernements locaux et, en même temps, certains auteurs suggèrent qu’une emphase trop grande sur les autorités nationales peut limiter les initiatives locales38. Tous les paliers de gouvernement doivent donc mettre la main à la pâte afin d’assurer l’ACC.

Deuxièmement, comme déjà mentionné en introduction, l’atténuation a été rapidement perçue comme du contrôle de la pollution39. Elle bénéficiait donc d’expériences existantes dans le contrôle et le suivi des émissions polluantes. L’ACC ne bénéficie pas de tels

35 McDonald, supra note 31 à la p 24; GRA Richardson, S’adapter aux changements climatiques : Une

introduction à l’intention des municipalités canadiennes, Ottawa, Ontario, Ressources naturelles Canada,

2010 à la p 4; Zahar, Peel et Godden, supra note 33 à la p 382.

36 Zahar, Peel et Godden, supra note 33 à la p 381.

37 Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd, Cowansville, Yvon Blais,

2014 aux pp 457, VI-2.10. Voir aussi 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c Hudson (Ville), [2001] 2 RCS 241 à la p 249. Le principe de subsidiarité est un des principes qui doit guider l’administration en vertu de la Loi sur le développement durable, RLRQ D-8.1.1 , art 6(g), mais les municipalités n’y sont pour l’instant pas soumises.

38 IPCC, supra note 21 à la p 887. 39 Ruhl, supra note 7 à la p 379.

(25)

précédents. Des chercheurs québécois écrivent plutôt que les indicateurs de progrès en ACC sont difficilement identifiables et mesurables, ce qui complique le suivi et l’évaluation des progrès dans ce domaine40. De plus, malgré la recherche effectuée en adaptation aux changements climatiques, certains aspects et défis de celle-ci sont encore peu abordés. Ouranos soulignait dans sa Synthèse 2015 que, malgré la forte capacité d’adaptation de la province, « ni les défis que pose l’adaptation à très long terme, ni les options d’adaptation transformationnelle ne sont abordés dans les études sur l’adaptation aux changements climatiques au Québec »41.

L’atténuation des émissions de GES et l’ACC sont différents, mais restent deux facettes d’un même problème, les changements climatiques. Plus encore, ils sont tous deux nécessaires afin de lutter contre les changements climatiques dans leur globalité. Ils doivent donc cesser d’être vus comme mutuellement exclusifs. Au fil du temps, l’influence de cette vision antinomique s’est amenuisée ce qui permet aujourd’hui de s’intéresser aux changements climatiques de façon globale.

1.3 Mettre en œuvre l’adaptation aux changements climatiques avec le droit

Si l’ACC est maintenant vue presque comme une évidence, l’articulation de sa mise en œuvre ne fait pas consensus. Aux fins de notre analyse, nous retenons ici les éléments les plus consensuels. Ce choix s’explique puisqu’il permet une meilleure orientation de ce mémoire, et ce, sans en diminuer la valeur. En effet, ces éléments sont plus que suffisants pour en alimenter la réflexion.

Ouranos et le GIEC distinguent les types d’options d’adaptation en trois (3) catégories : l’ « adaptation physique et structurelle », le « savoir et l’information » et les « leviers institutionnels »42. L’utilisation du droit pour mettre en œuvre l’ACC est un levier institutionnel, une catégorie qui inclut la législation et la réglementation ainsi que les

40 Moktar Lamari, Johann Jacob et Arnaud Sawadogo, « Adaptation aux changements climatiques et

indicateurs de suivi dans le contexte des zones côtières-Cadrage conceptuel et clé de lecture des études de cas » dans Moktar Lamari et Johann Lucas Jacob, dir, Adaptation aux changements climatiques en zones

côtières : politiques publiques et indicateurs de suivi des progrès dans sept pays occidentaux, Québec,

Presses de l’université du Québec, 2015 à la p 27.

41 Ouranos, supra note 9 à la p 1.

(26)

leviers économiques, les politiques, les programmes gouvernementaux, etc.43 Nous aborderons ici les enseignements du GIEC et d’Ouranos sur le rôle du droit dans l’ACC, puisque la vision des auteurs du domaine juridique sera explorée en profondeur ultérieurement.

Ouranos, dans sa Synthèse 2015, indique deux façons dont l’intégration de l’ACC peut se faire. La première est l’adoption de nouveaux règlements et lois et la deuxième est leur modification44. Le potentiel structurant du droit est noté par le GIEC au motif que « [l]aw codifies the social values and objectives influenced by opportunities, constraints, and limits to adaptation, and sets norms and procedures for dealing with problems of risk and loss, including the intolerable losses experienced at adaptation limits »45. Certes, le recours à la réglementation n’est pas, en soi, suffisant pour assurer le changement46. Il est donc peu surprenant qu’Ouranos remarque que l’effet des lois et règlements en matière d’adaptation reste encore à être évalué, et que leur seule existence n’est pas suffisante pour assurer leur utilisation47.

Nous comprenons de cet énoncé général de la mise en œuvre de l’adaptation que lorsqu’une mesure juridique est choisie et implantée, elle devra par la suite être évaluée afin de s’assurer que l’objectif est atteint. L’analyse d’impact préalable seule s’avère insuffisante. Le suivi pourrait par exemple être assuré en prévoyant une disposition ordonnant au ministre de faire rapport à l’Assemblée nationale, à un moment déterminé, de l’état de la mise en œuvre et des résultats observés, à l’instar de ce qui se fait déjà pour la Loi sur le

développement durable48. Le dépôt à l’Assemblée nationale a l’avantage, même s’il ne rend

43 IPCC, supra note 21, ch 14; Ouranos, supra note 9.

44 Ouranos réfère à European Environment Agency, Adaptation in Europe-Addressing Risks and

Opportunities from Climate Change in the Context of Socio-Economic Developments, 3/2013, Copenhague,

Union européenne, 2013, en ligne : <https://www.eea.europa.eu/publications/adaptation-in-europe>. Voir aussi McDonald, supra note 31 à la p 12.

45 IPCC, supra note 21 à la p 927.

46 Richard Rigaud, « La réglementation comme un instrument d’intervention parmi tant d’autres - Des balises

pour un choix éclairé » dans Moktar Lamari, Jessica Bouchard et Éva Anstett, dir, Analyse d’impact

réglementaire - Balises méthodologiques pour mieux évaluer les règlementations, Québec, Presses de

l’Université du Québec, 2015, 103 à la p 105.

47 Ouranos, supra note 9 à la p 12.

48 Loi sur le développement durable, supra note 37, art 37. Le rapport prévu en 2013 a bel et bien été produit

en avril 2013 : Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs, Rapport sur

l’application de la Loi sur le développement durable, Québec, Gouvernement du Québec, 2013, en ligne :

(27)

pas le ministre ou le gouvernement imputable devant les tribunaux, de rendre publics ces documents. Le GIEC mentionne que le droit, la réglementation et la planification en la matière peuvent être utilisés pour favoriser la résilience49. L’aménagement du territoire, les codes du bâtiment et les régimes législatifs qui encouragent l’achat d’assurance sont tous mentionnés comme des options d’adaptation50.

En terminant, de façon générale, la littérature sur l’ACC affirme que les mesures dites « sans regret » doivent être privilégiées51. Celles-ci sont des mesures qui « s’avèrent être bénéfiques, peu importe la direction que prend l’évolution du climat »52. La diminution des émissions de GES ou la conservation des milieux naturels comme les milieux humides sont deux exemples de solutions dites sans regret53.

Ce bref survol de l’ACC permet de constater que plusieurs de ses concepts-clés n’ont pas de définition universellement reconnue, mais que cela n’empêche pas certains de leurs aspects d’être récurrents. Aussi, il ne fait aucun doute que les besoins en matière d’adaptation sont grands et divers et qu’il n’existe pas de démarche unique à suivre pour la mettre en œuvre. En raison de l’étendue desdits impacts, il s’agit d’un sujet plus large et diffus que ne l’est l’atténuation des émissions des GES, mais qui est tout aussi important dans la lutte contre les changements climatiques. Nous avons vu que le droit peut contribuer au processus, entre autres en intégrant l’ACC comme préoccupation législative. Toutefois, il n’existe pas de façon unique de procéder pour intégrer l’ACC dans le droit. Heureusement, plusieurs auteurs s’y intéressent et c’est à cela que nous nous attarderons le prochain chapitre.

49 IPCC, supra note 21 à la p 848.

50 L’extrait comprenant l’énumération de ces domaines est ainsi rédigé : « Land zoning laws (22.4.4.2 and

23.7.4); building standards (8.3.2.2, 10.7.5, and 22.4.5.7); easements (27.3.3.2); water regulations and agreements (26.3.4 and 27.3.1.2); laws to support disaster risk reduction (8.3.2.2); laws to encourage insurance purchasing (10.7.6.2); defining property rights and land tenure security (22.4.6 and 24.4.6.5); protected areas (4.4.2.2); marine protected areas (Box CC-CR Chapter 6; 23.6.5 and 27.3.3.2); fishing quotas (23.9.2); patent pools and technology transfer », Ibid à la p 845.

51 Livre Blanc - Adaptation au changement climatique: vers un cadre d’action européen, COM(2009),

Bruxelles, Commission des communautés européennes, 2009 à la p 10.

52 Fiona J Warren et Donald S Lemmen, « Synthèse » dans Fiona J Warren et Donald S Lemmen, dir, Vivre

avec les changements climatiques au Canada: perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l’adaptation, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2014, 1 à la p 13.

(28)

CHAPITRE 2 : Les barrières de l’adaptation aux changements

climatiques

Le chapitre précédent a permis de comprendre les principes de base du processus d’adaptation. Celui-ci explorera quelles barrières ou limites dévient ou retardent l’adaptation54, plus particulièrement dans un contexte juridique. Les barrières rendent plus difficiles la planification et la mise en œuvre de l’adaptation55, alors que les limites « sont des barrières absolues, c’est-à-dire, des seuils au-delà desquels l’état d’un système ne peut pas être soutenu, ce qui mène à une perte irréversible ou à un changement radical pour s’adapter aux nouvelles conditions »56. Les barrières à l’adaptation varient selon les contextes. À titre d’exemple, selon le GIEC, la gouvernance est souvent identifiée comme présentant un obstacle dans les pays les plus pauvres, alors qu’ailleurs, la mobilisation de la capacité d’adaptation est fréquemment mentionnée57. Les connaissances insuffisantes sont toutefois considérées comme une barrière partout58, y compris au Québec59.

Le GIEC, dans sa plus récente synthèse sur l’adaptation, a divisé en dix (10) catégories les barrières observées dans la littérature, dont celles mentionnées par Ouranos pour le Québec, soit les barrières liées aux connaissances ainsi que celles liées à la gouvernance et aux institutions60. Les barrières liées à l’information et aux connaissances inhibent l’action soit parce que les décideurs considèrent avoir trop peu d’informations pour agir, ou, au contraire, parce que le manque de connaissances leur donne un faux sentiment de sécurité quant à leur capacité de s’adapter, qui est alors surestimée. Les barrières liées aux institutions et à la gouvernance sont celles associées à la capacité de mobiliser les ressources et à intégrer l’adaptation comme préoccupation. Parmi les outils dont disposent les institutions publiques se trouve le droit, auquel on reconnaît un rôle important61.

54 Ouranos, supra note 9 à la p 19. 55 IPCC, supra note 21 à la p 906. 56 Ouranos, supra note 9 à la p 19.

57 IPCC, supra note 21 aux pp 886‑887. Traduction libre de « mobilization of adaptive capacity ». 58 Ibid à la p 911.

59 Ouranos, supra note 9 à la p 19.

60 IPCC, supra note 21 aux pp 911‑919. Le GIEC identifie les 10 catégories suivantes : knowledge, awareness

and Technology Constraints, physical constraints, biological constraints, economic constraints, financial constraints, human resources constraints, governance and institutional constraints, constraints and competing values, consideration of cross-scale dynamics.

(29)

Toutefois, le droit actuel est habituellement basé sur des précédents et changer cette habitude pour plutôt intégrer une vision plus avant-gardiste, qui intègre l’ACC, risque d’être difficile62.

En ce qui concerne les limites, malgré leur définition de « barrières absolues », elles sont parfois susceptibles d’être repoussées. Il s’agit alors de « soft adaptation limits ». Une telle limite peut exister soit parce que, pour le moment, aucune mesure d’adaptation n’existe ou que la mesure existe, mais est jugée comme inacceptable (par exemple à cause des coûts qui y sont associés ou de l’absence d’acceptabilité sociale). Dans les cas des « hard

adaptation limits », cela signifie qu’il n’y a pas d’option envisageable63.

Dans les prochaines sections, nous nous attarderons aux principales barrières identifiées dans la littérature juridique. Le premier élément qui sera abordé est la difficile cohabitation des incertitudes sur les effets régionaux des changements climatiques avec la stabilité que l’ordre juridique se targue d’offrir. Le deuxième élément sera celui de la gouvernance de l’ACC, gouvernance rendue difficile en raison de la nature diffuse de ce qu’est l’ACC.

2.1 Incertitude et stabilité juridiques : des sujets naturellement opposés ?

Le défi lié à l’incertitude qui caractérise les changements climatiques est sans aucun doute celui qui est le plus noté dans la littérature au sujet du droit et de l’ACC64. Lorsque ce thème est abordé, les auteurs font généralement référence à l’incertitude liée aux prévisions climatiques. Bien que les connaissances à ce sujet se soient développées, plusieurs modèles de prévisions existent afin de rendre compte de diverses variables, dont les actions des États. Ils sont toutefois limités parce que les actions futures des États sont inconnues. De plus, la régionalisation des prévisions augmente l’incertitude scientifique des modèles65. Beaucoup d’auteurs réfèrent à l’incertitude, que l’on comprend surtout scientifique, mais peu d’entre eux en ont offert une définition. Une exception est la professeure Jan McDonald, qui y propose quatre (4) aspects. Les deux premiers sont ceux déjà abordés,

62 Craig, supra note 30; IPCC, supra note 21 à la p 916. 63 IPCC, supra note 21 à la p 907.

64 Voir par exemple Jonas Ebbesson, « The Rule of Law in Governance of Complex Socio-Ecological

Changes » (2010) 20:3 Global Environmental Change 414 à la p 415.

Références

Documents relatifs