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De l'espace touristique à l'espace risque : adaptation et changements climatiques, le cas de Tadoussac au Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

DE L'ESPACE TOURISTIQUE À L'ESPACE À RISQUE: ADAPTATION ET CHANGEMENTS CUMA TIQUES LE CAS DE TADOUSSAC AU QUÉBEC

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN DÉVELOPPEMENT DU TOURISME

PAR

MARIE CORALIE LAURIANE LEBON

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Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.0?-2011 ). Cette autorisation stipule que «conformément

à

l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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REM ER ClEMENTS

L'écriture de ce mémoire fut une belle aventure que Je tiens dédiée à toutes les personnes qui ont croisé ma route, forgé mes réflexions et mon courage.

Je tiens premièrement à remercter mon directeur de recherche, Dominic Lapointe, pour sa patience sans faille, son irréductible soutien dans ce projet, et son intemporelle implication dans la valorisation des réflexions présentées dans ce mémoire.

Je remercie tout particulièrement, en tant qu'étudiante étrangère, les enseignants du programme de la maitrise en tourisme pour avoir facilité notre intégration dans l'univers académique québécois et plus largement nord-américain. Je les remercie pour 1 'excellence de leur savoir et leur persévérance malgré les différences culturelles et académiques.

Je remercte chaleureusement la communauté de Tadoussac pour m'avoir st bien accueillie, si bien informée et laissé mener mon étude en toute liberté.

Mes pensées se tournent finalement vers ma famille, mon conjoint et mes amis, qui ont été d'un soutien sans égal dans cette étape de ma vie.

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ... , ... ii

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES FIGURES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... vii

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGNES ET ACRONYMES ... vii

RÉSUMÉ ... viii

CHAPITRE 1 INTRODUCTION ... 1

1.1 L'adaptation aux changements climatiques comme produit de la production du risque ... 2

1.2 Objectifs de recherche ... 4

CHAPITRE 2 LA PRODUCTION ET (RE)PRODUCTION DE L'ESPACE TOURISTIQUE DANS LES SOCIÉTÉS ... 7

2.1 Le processus de production de 1 'espace ... 7

2.1.1 Histoire d'une fabrication socioculturelle du territoire : espace vs territoire 7 2.1.2 La production de l'espace ... 9

2.2 La production de l'espace touristique ... 13

2.2.1 L'espace d'imaginaire géographique ... 13

2.2.2 L'appropriation et socialisation de la ressource ... 14

2.3 La production et la (re)production de l'espace touristique ... 16

2.3 .1 La production d'espace touristique dans les sociétés modernes capitalistes ... 20

CHAPITRE 3 LA NOTION DE RISQUE ET L'ÉMERGENCE DU RJSQUE CLIMATIQUE ... 24

3.1. La construction sociale du risque ... 24

3.1 .1 Qu'est qu'un risque ? ... 24

3.1.2 Risque et société ... 25

3.1 .3. La mise en risque ... 28

(7)

3.2.1 Le risque et le tenitoire ... 31

3.2.2 La mise en risque détermine 1 'adaptation ... 34

3.3. Le risque climatique au Québec ... 36

3.3.1 Le risque climatique en tant que tel ... 36

3.3.2 Les impacts sur les littoraux québécois ... 39

3.3.3 Déplacement de l'imaginaire littoral: vers un territoire à risque ... 45

3.3.4 L'appropriation du risque et de l'espace dans un contexte de changements climatiques ... 48

CHAPITRE 4 MÉTHODOLOGIE ... 49

4.1 La méthode qualitative et expérimentale ... 49

4.1 .2 Panorama des objectifs de recherche ... 49

4.1 .2 Panorama des objectifs de recherche ... 51

4.2 Le design de l'étude ... 52

4.2.1 L'étude de cas ... 53

4.2.2 Choix de l'étude de cas ... 55

4.2.3 Le diagnostic du territoire ... 56

4.2.4 La collecte de données ... 57

4.2.5 Analyse et traitement des données ... 60

4.3 Les limites de la recherche ... 61

CHAPITRE 5 :MISE EN CONTEXTE DE L'ÉTUDE DE CAS ... 63

5.1 Tadoussac en bref ... 63

5.3 Environnement: les risques en bref ... 65

5.2 Tourisme ... 73

CHAPITRE 6 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS : TRANSFORMATION D'UN ESPACE TOURISTIQUE EN ESPACE À RISQUE ... 75

6.1 Construction sociohistorique de 1 'espace touristique de Tadoussac ... 75

6.1.1 L'appropriation de l'espace par la villégiature ... 75

6.1.2 La construction d'un espace de loisirs maritime et terrestre ... 79

6.2 Les perceptions sociales et touristiques du risque climatique sur le territoire ... 94

6.2.1 Les changements climatiques observés sur le territoire par la société ... 94

6.2.2 La construction de la perception de la collectivité sur le risque climatique ... 100

6.3 Transformation de 1 'espace touristique en espace à risque ... 108

6.3.1 Les stratégies d'adaptation au risque ... 108

(8)

CHAPITRE 7 DISCUSSION ···oo··· 135

7.1 Le discours du développement dominant dans la construction et la mise en risque ... 135

7.2 L'industrialisation du risque en faveur de l'institutionnalisation des espaces ... 138

7.3 L'expérience et le théorique : ce que le cas nous indique sur l'adaptation et l'industrialisation du risque ... 140

CHAPITRE 8 :CONCLUSION ... 144

9. ANNEXES ... l47 Annexe A Portraü socio-environnemental de la région ... 147

Annexe B Recensement des organjsations touristiques de Tadoussac (2015) ... 162

Annexe C Formulaire de consentement ... 172

Annexe D Questionnaire ... 176

(9)

Figure 2.1 3.2 3.3 3.4 5.6 5.7 6.8 6.9 6.10 6.11 9.12 9.13 9.14 9.15 9.16

LISTE DES FIGURES

Page

La production de l'espace touristique (Saarinen, 2004 : 167) ... 19

Le risque climatique et ses composantes (Plan Climat-Énergie Territoriaux, consulté le 14 octobre 20 16) ... 37

Les risques liés aux changements climatiques au Canada (Ouranos, 2016 : 4) ... 38

Chaîne d'impacts et conséquences des effets des changements climatiques sur les régions côtières (Ouranos, 2016 : 86) ... .43

Hydrographie du Saint-Laurent, Environnement du Canada cité dans Gouvernement du Québec ... 64

Cartographie des espaces à risque d'érosion de Tadoussac (Service de la géotechnique et de la géologie, Direction du laboratoire des chaussées et le Ministère des Transports du Québec, 2007) ... 67

Les grandes phases de développement du tourisme au Québec (Beaudet et Gagnon, 1999) ... 76

Origine et résidence des participants sur le territoire ... 102

Synthèse de la production de l'espace à risque à Tadoussac ... 127

Cartographie des secteurs protégés sur le territoire de Tadoussac ... 129

Recul des terres des régions côtières du Québec (Chaire de recherche en géoscience côtière citée dans Radio Canada, 2017) ... 149

Les pôles touristiques de la Côte-Nord (Tourisme Côte Nord) ... 150

Logo de Tourisme Côte-Nord (Tourisme Express, 2017) ... 151

La route des baleines (Québec Maritime) ... 152

(10)

Tableau 3.1 4.3 4.4 6.5 6.6 9.7 9.8 9.9 9.10 9.11 9.12 9.13 9.14 9.15 9.16

LISTE DES TABLEAUX

Page Sélection des réactions en chaîne pour chaque impact

(Momeau, 2014: 4) ... 44

Les conditions d'utilisation de la méthode de l'étude de cas (Yin, 2014) ... 53

Présentation des participants volontaires selon les critères de sélection ... 58

Résumé des impacts et perceptions du risque climatique sur l'espace environnemental 1 touristique 1 social de Tadoussac ... 107

Résumé des stratégies d'adaptation ou de protection de l'environnement sur le territoire ... 125

Informations générales sur la région de la Côte-Nord ... 147

Informations générales sur la MRC de la Haute-Côte-Nord ... 153

Informations générales sur la murticipalité de Tadoussac ... 155

Indications démographiques de la municipalité de Tadoussac (MRC Haute-Côte-Nord, 2015) ... 156

Taux d'activité, d'emploi et de chômage pour la municipalité de Tadoussac entre 2006 et 2011 (MRC Haute-Côte-Nord, 2015) ... 157

Gestion du tourisme dans la municipalité de Tadoussac ... 157

Dates notables concernant le village de Tadoussac ... 158

Type d'hébergements existants à Tadoussac selon un recensement de 2015 à partir de l'annexe C ... 159

Types d'organismes touristiques existants à Tadoussac ... 160

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LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGNES ET ACRONYMES

A TR Association touristique régionale

CIMM Centre d'interprétation des mammifères marins FEM Fond économique mondial

GIEC Groupe d'Experts intergouvernemental sur l'évolution du climat GREMM Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins

MDDELCC Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

MRC Municipalité régionale de comté

PUA Plan d'implantation et d'intégration architecturale PMSSL Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent

RCI Règlement de contrôle intérimaire

SEPAQ Société des établissements de plein air du Québec WTTC World Travet and Tourism Council

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RÉSUMÉ

Situé à la confluence du fleuve du Saint-Laurent et du fjord du Saguenay, le village de Tadoussac jouit d'une situation géographique d'exception au Québec. Le village est une destination balnéaire nationalement et internationalement réputée comme la destination baleine au Québec, image qu'il ne cesse de développer depuis les années 1960. Aujourd'hui mono industrielle touristique, la ville côtière de 800 habitants attire plus de 300 000 touristes chaque été (Cayer-Huard, 2011). Dans un contexte de changements climatiques, le développement des destinations côtières poun·ait être compromis. Compte tenu de leurs caractéristiques géomorphologiques particulières, ces territoires sont particulièrement vulnérables aux moindres variations et changements dans le climat et 1 'atmosphère. Ce faisant, des bouleversements seront à prévoir pour ces destinations qui devront à terme prévoir de nouvelles orientations touristiques. Afin de protéger leurs ressources naturelles mises en tourisme, les destinations touristiques côtières devront redéfinir leurs usages et leurs occupations du territoire. Cette recherche vise donc à comprendre comment l'influence de l'industrie touristique et la construction du risque climatique sur le territoire contribuent ensemble à créer un territoire à risque. À travers les notions théoriques du risque et de l'espace, nous nous attacherons à étudier le processus s ocio-environnemental de transformation d'un espace (pour cette étude espace touristique) en espace à risque par les stratégies de protection et d'adaptation mises en place sur le territoire. Les données recueillies ont permis de comprendre que les perceptions du risque climatique (pratiques et discours) de la communauté sont particulièrement influencées par l'industrie touristique. L'étude montre également que les acteurs du territoire instrumentalisent les discours environnementaux pour accentuer le développement de l'industrie tout en limitant le développement social sur le territoire. Ce faisant, le territoire se construit comme à risque.

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(Felli, 2016: 15)

Un produit touristique est soumis à un ensemble d'aléas susceptible d'affecter un voyage et l'image d'une destination (aléas économiques, politiques, sanitaires, environnementaux, etc.). L'ensemble de ces menaces peut aboutir à une perte d'attractivité, à une chute du secteur, à des pertes d'investissements, et à une renégociation de 1 'offre touristique de la destination (Albouy, 2002) et conséquemment à une réorganisation sociospatiale du territoire (Lapointe et al, 2015). Suite à la COP21 de Paris, le risque climatique et environnemental est, selon la plus récente publication du Forum Économique Mondial (FME), l'un des principaux risques planétaires de 2016 parmi 29 autres risques (FME, 2016: 15) et ce en raison des difficultés plus ou moins continues des sociétés à proposer et à construire des solutions durables et efficientes d'adaptation aux impacts du changement climatique. L'enjeu du risque climatique pour les prochaines décennies impliquera de nombreux changements sur les modes de vies, d'habitudes et de consommations pour l'humanité. L'augmentation continue des températures, et du niveau des mers, bouleversera à terme 1 'évolution de la faune, de la flore et du développement anthropique des sociétés. Dans un contexte de climat changeant, ces ressources naturelles menacées, elles-mêmes essentielles au produit touristique promu, accentuent la fébrilité de destinations côtières. Le manque à gagner induit par les pertes potentielles liées aux impacts du réchauffement climatique peut s'avérer être colossal pour certains territoires et notamment ceux dont les richesses et retombées économiques dépendent essentiellement de l'économie touristique (Ritchie, 2009; Jones et Philipps, 2011). C'est pourquoi les destinations touristiques ont intérêt à

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adopter des initiatives d'adaptation aux changements climatiques, car ces initiatives protègeront en partie leur économie et leur développement, dont le tourisme. De façon générale, cette étude vise donc à observer la façon dont s'orientent ces initiatives d'adaptation. Ces initiatives contribuent-elles à protéger, à la fois, le développement des richesses, la conservation de l'environnement et le développement social du territoire?

1.1 L'adaptation aux changements climatiques comme produit de la production du nsque

Communément, il est observé que les approches d'adaptation aux changements climatiques sont majoritairement orientées vers 1 'action-réaction (Saarinen et al, 2012; Ruhanen et Shakeela, 2013). La raison invoquée est un manque d'informations, d'éducation et d'accompagnement vers les opportunités d'adaptation (Ruhanen et Shakeela, 2013). Ce constat est valable sur deux niveaux, micro, l'industrie touristique et macro, la société, qui peine à trouver des solutions efficientes en matière de stratégie de résilience comme le dessine le rapport du FME (2016). Ces difficultés pourraient a priori s'expliquer par la pression du développement et de la course à la production de richesse des territoires (Felli, 2016) et surtout des espaces littoraux à domination touristique, le manque de simultanéité de l'enjeu climatique (Buckley et Shakeela, 2013 ; Trawoger, 2014), et le manque d'ancrage territorial et contextuel du risque pour les communautés (Li et al., 2011 ; Trawoger, 2014). Mais compte tenu des impacts potentiels et réels des changements climatiques, il est important pour 1 'industrie touristique et les sociétés à penser son adaptation pour assurer un développement durable soucieux de 1 'environnement et de sa fragilité. Cependant, l'empreinte des processus d'adaptation aux changements climatiques des territoires n'est pas neutre dans l'espace territorial concemé. Une adaptation est un processus social qui dépend d'une multitude de décisions, de

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rapport de forces et de pouvoirs au sein d'un territoire (Felli, 2016). Les choix de mesures d'adaptation diffèreront selon les territoires, notamment en fonction de l'urgence de la situation, de l'exposition au danger, des conditions géomorphologiques du territoire, mais aussi surtout de type de production d'espace social en action sur le territoire et conséquemment de 1 'orientation de la construction du risque de la collectivité. En effet, tissé par une multitude de facteurs sociohistoriques, économiques et politiques, l'espace social de tout teJTitoire est unique tout comme la perception et la production du risque sur le territoire (Coanus, 201 0). Selon les intérêts de la collectivité et des rapports de pouvoirs dominants, les choix de stratégies d'adaptation aux changements climatiques seront sensiblement vo1re diamétralement différents. Le risque climatique, de par les enjeux socioéconomiques qu'ils impliquent, et selon la perception et la construction du risque forgée par la collectivité, pousse cette dernière à reproduire un nouvel espace touristique (Lapointe et al., 2015), cette fois à risque et douée de nouveaux codes, de nouvelles façons d'utiliser l'espace, etc. Les processus d'adaptation aux changements climatiques incarnent la renégociation de l'espace touristique d'une destination, car il s'agit de repenser son territoire et son organisation et de trouver des solutions et opportunités afin d'augmenter son degré de résilience face aux impacts attendus (Lapointe et al, 2015). Inscrit dans l'espace social des territoires, la production du risque, dans cette recherche, reproduit 1 'espace touristique en espace à risque. Pour le simplifier, l'impact de la production du risque sur le territoire agit comme un catalyseur sur les processus de production de l'espace. Le risque implique une urgence dans la production de l'espace. Et la réorganisation du territoire face au risque ne concerne pas seulement les acteurs et investisseurs liés aux industries, mais aussi la collectivité. Il peut y avoir des tensions entre discours hégémoniques proéconomiques entièrement construits sur des rapports de forces et de pouvoirs influents sur le territoire et celui de la collectivité (Lefebvre, 1974). Le risque, entre autres climatique, pousse non seulement à une renégociation de l'espace touristique

(16)

en péril, mais aussi donc la renégociation de l'espace social, car l'espace touristique est un produit créé par l'espace social de la collectivité (Saarinen, 2014).

Pour expliquer les différentes stratégies d'adaptation aux changements climatiques des territoires et des destinations, on pourrait a priori considérer qu'elles s'expliquent par la forte influence des divers scénarii climatiques ainsi que la multiplicité des impacts potentiels compte tenu de la diversité des spécificités territoriales et contextuelles (Richard, 2014; Wyss et al., 2014). Ce faisant, les destinations touristiques développeraient à 1 'image de ces scénarios et besoin de la collectivité des approches différentes d'adaptation. Mais a contrario, cette recherche part surtout du pnnc1pe que les stratégies d'adaptation aux changements climatiques sont des mesures qm dépendent de la construction sociospatiale de 1 'espace social et touristique d'un ten·itoire. Nous mettrons donc un point d'honneur à décrire ces processus de construction de 1 'espace d'une destination et leurs rôles (social et touristique) dans la construction du risque et d'élaboration de stratégies d'adaptation aux changements climatiques.

1.2 Objectifs de recherche

À cet égard, l'objectif de cette recherche est de comprendre en quoi l'urgence et la pression du risque climatique, et inéluctablement des processus d'adaptation au risque, participent à la réorganisation et reconstruction sociospatiale d'un espace touristique désormais à risque. Pour le dire autrement, dans une perspective sociogéographique, ce mémoire tend à comprendre le mécanisme de transformation d'un espace touristique en espace à risque sous la contrainte du risque climatique et d'observer comment s'organisent et s'orientent les stratégies d'adaptation des communautés côtières face au risque produit par la collectivité.

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Pour répondre à cette question nous analyserons dans un premier temps comment la construction d'un espace touristique dépend des facteurs et processus sociaux historiques, culturels et spatiaux partie intégrante de 1 'espace social. Deuxièmement, nous verrons en quoi les changements climatiques et la mjse en risque du territoire sont des facteurs de transformation et de renégociation de l'espace touristique. Enfin, nous nous attacherons à montrer comment le risque climatique et 1 'urgence de l'adaptation qu'il implique reproduit et reconstruit l'espace touristique en espace à risque déterminant ainsi des stratégies d'adaptation propre au territoire.

L'intérêt de 1 'étude réside dans la prise en compte du processus de transformation d'un espace touristique en espace à risque. Une telle transformation est initiée par :

les discours et perceptions du risque

les enjeux de développement touristique

les risques présents et potentiels sur le territoire, sa vulnérabilité socioéconomique.

Partant d'une posture épistémologique constructiviste, cette étude s'appuie sur les principes fondamentaux à la fois de la géographie sociale dont le dessein est d'étudier les rapports et combinaisons existants entre rapports sociaux et rapports spatiaux (Di Meo et Buleon, 2005 : 3) et de la sociologie de l'espace (Lefebvre, 1974) et du risque (Beek, 1986; Coanus, 2010). L'imbrication de ces deux disciplines nous a permis d'élargir nos recherches vers une dimension plus dynamique. La recherche s'intéressera plus particulièrement aux risques climatiques, car il symbolise matériellement et physiquement 1 'évidence des transfonnations territoriales imposées par la relation risque-territoire (érosion côtière, perte de 1 'écosystème, inondations, etc.). Les impacts phénoménologiques et physiques du risque climatique forcent les

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et dans l'élaboration de nouvelles formes d'occupation de l'espace, de nouvelles formes de développement et de nouvelles identités territoriales propices au développement touristique. La production et perception du risque sur le territoire et donc l'adoption de mesures d'adaptation aux changements climatiques nous semblent être le moment crucial de la reproduction de l'espace. L'étude de l'influence du risque climatique sur les territoires littoraux est judicieuse dans la mesure où ce risque est un enjeu crucial pour de nombreuses régions touristiques côtières présentant des

prédispositions naturelles propices à 1 'apparition de phénomènes à risque dus aux variations climatiques. Ce mémoire a ainsi choisi pour étude de cas, la Côte-Nord,

destination touristique prisée, et particulièrement vulnérable aux problèmes d'érosion côtière (LaJTivée et al, 2015 : 42). Plus précisément, nous focaliserons cette recherche

sur la région de la Côte-Nord, et notamment la municipalité de Tadoussac. Compte tenu de ses prédispositions de destination mono-industrielle touristique et de 1 'importance de ses ressources situées sur le littoral et dans la réserve manne du Saguenay-Saint-Laurent, la communauté fut un cas d'étude fort approprié.

(19)

«Vivant en société, les hommes s'inscrivent dans 1 'espace [p]ar leurs itinéraires, en fonction de leurs positions sociales et du jeu de leurs rapports sociaux et spatiaux »

(Di Méo et Buléon, 2005 : 12).

Étudier les territoires touristiques sans considérer la production de 1 'espace des territoires étudiés serait contesté. L'espace touristique est un produit de la production de 1 'espace des hommes et donc des sociétés. Il est donc essentiel de s'y attarder. Dans ce premier chapitre, nous nous efforcerons de comprendre le processus de production de l'espace et de création de l'espace touristique qui s'en suit. En dernier lieu, nous verrons comment ces espaces en permanente transformation se côtoient et déterminent nos activités en fonction de rapports de pouvoirs et de forces orientant ces reproductions.

2.1 Le processus de production de 1 'espace

2.1.1 Histoire d'une fabrication socioculturelle du territoire : espace vs territoire

Pour le sens commun, territoire et espace n'ont a priori pas de grandes différences sémantiques et leur usage est identique. Autrement dit, pour le commun des mortels, territoire et espace sont synonymes. La définition la plus usitée de la notion de territoire est, à l'image de celle du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), un espace plus ou moins délimité par des frontière formant une unité où se sont établies une ou plusieurs collectivités humaines régies par une

(20)

autorité politique et juridique. Claude Raffestin distingue l'espace «en tant que matière première [ ... ] analysable en termes géographiques et topologiques » du territoire qui lui est « un produit du pouvoir » et ce pouvoir est la capacité des sociétés à organiser l'espace en un système social, le territoire (Raffestin, 1980: 167). Le territoire est un donc pour Raffestin un processus.

Suivant les traces du géographe, Valérie November considère le concept de territoire comme « 1 'ensemble des relations à la fois anthropologiques, sociales, économiques, politiques et physiques (organiques et chimiques) qu'une société entretient avec son environnement et qui s'ancrent- s'objectivent[ ... ] dans les lieux » (November et al., 2011 : 275). Ainsi, un territoire est un construit social dans la mesure où il est un espace approprié et revendiqué (Brunet et al., 2005 : 480). Cette appropriation, à la fois juridique, sociale, culturelle et affective, favorise chez les collectivités le développement d'un sentiment d'appartenance territoriale dans le temps.

Pour Brunet et al. ce qui différencie l'espace du territoire est que dans le deuxième il y a conscience de l'appropriation de l'espace et du sentiment d'appartenance de la collectivité pour son territoire. Le territoire est une simple conscience, une

« projection » de représentations, de sentiment d'appartenance, de valeurs et de

symboles collectifs sur un espace (Brunet et al., 2005). Ainsi, il n'existe pour lui pas de territoire en soi. C'est une projection consciente de l'humain.

Guy Di Méo, mène quant à lui plus loin la réflexion et conçoit le territoire comme «une construction, produit de l'histoire qui reconstitue et défonne, au fil de ses pratiques et de ses représentations, chaque acteur social » (Di Méo, 1996 : 23). Le territoire est un rapport social permanent entre un «je », un espace, et un « nous » spatial. Ce processus créateur d'une unité à la fois individuelle et collective se différencie d'autres unités ten·itoriales ou, en d'autres termes, d'autres «nous »

(21)

spatiaux (Di Méo, 1996 : 23). Le territoire est donc une socialisation collective de

1 'espace, socialisation créatrice d'identité individuelle et collective en permanente

reconstruction (Di Méo, 1998: 143). L'ancrage territorial favorisé par l'appropriation de l'espace et par la production du sentiment d'appartenance permet l'éclosion d'identité à la fois individuelle et collective. La géographie sociale considère ainsi le

territoire comme une entité multidimensionnelle faite d'une dimension matérielle (le support physique), une dimension sociale (le sentiment d'appartenance), et d'une

dimension symbolique (les représentations, valeurs socioculturelles, etc.).

À la lumière de ces quelques propos, on peut d'ores et déjà penser qu'en géographie

il est communément accepté que le teJTitoire est un concept social subjectif et 1 'espace, dans sa généralité, comme un concept matériel et objectif, support physique

des projections territoriales humaines puisqu'étant une construction de l'homme issue

de son rapport avec 1 'espace dans 1 'histoire. Dans le cadre de cette recherche, nous considérerons dès lors, le territoire comme une entité à la fois socialisée et

socialisante. Le territoire est le lieu où s'engagent nos activités et rapports sociaux, de

même que les caractéristiques physiques (espace naturel) associées à la façon dont nous occupons ce teiTitoire socialisent nos activités et nos rapports sociaux dans un contexte de changements climatiques.

2.1.2 La production de l'espace

C'est le propre de la géographie que d'étudier le rapport entre l'homme et l'espace, en tant que pure substance spatiale. Depuis les années 1970, 1 'étude de 1 'espace comme simple relation dichotomique entre une dimension kantienne (le sujet) et une

dimension cartésienne ou euclidienne (l'existence en soi du monde sensible) est

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conception ne répond plus aux nouvelles interrogations sociologiques et anthropologiques sur la notion de 1 'espace.

Puisque nous nous sommes précédemment attachés à la perspective sociogéographique, continuons avec la pensée de Di Méo qui préfère concevoir ce rapport entre l'homme et l'espace non pas sous un rapport dichotomique, mais selon une relation dialectique. L'espace est à la fois le support matériel et géographique nécessaire à toute action de 1 'homme (dimension cartésienne ou euclidienne), il est le produit des activités socioéconomiques de l'homme qui par ses représentations idéelles de la réalité territorialise l'espace, le produit et le reproduit en permanence dans le temps (dimension kantienne, les représentations et intuitions sensibles de l'espace), de même que l'espace en tant qu'agent actif façonne et gouverne les activités et actions de l'homme (Di Méo, 1991 : 33). La grande nouveauté portée par la création de la notion d'espace géographique est que nos représentations, nos intuitions sensibles du monde qui nous entoure et qui sont par ailleurs en permanente évolution et construction selon nos expériences, notre âge, notre milieu de vie, etc., font partie de la construction de nos sociétés, de nos cultures, et de nos idéologies. Pour mieux le formuler, l'espace géographique ou« le rapport de l'homme à l'espace concret relève [ ... ] d'un processus culturel, d'une qualification de la matérialité du monde par le sens que produisent les sociétés » (Di Méo et Buléon, 2005 : 26). La relation dialectique portée par la pensée sociogéographique considère l'espace géographique (ou social) comme produit de trois composantes d'espace complémentaires, l'espace de vie, l'espace vécu, et l'espace social, inspirées de la pensée et théorie sociologique de Lefebvre (1974).

L'espace de vie est l'espace des pratiques spatiales, des itinéraires, l'espace en somme quotidien de l'individu sur l'espace qu'il fréquente. L'espace de vie est une composante essentielle dans la construction du rapport entre sociétés et espace (Di Méo et Buléon, 2005 : 38-39).

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L'espace vécu est, quant à lui, l'espace des représentations, de l'imaginaire d'un individu, un «espace sans limites que reconstruisent mentalement les individus à partir de leur raison et imaginaire » (Di Méo, 1996 : 56 ; Di Méo et Buléon, 2005: 39). Ensemble, l'espace de vie et l'espace vécu forment la « métastructure spatiale individuelle » (Di Méo, 1 996 : 56). Ces deux espaces

(à la fois pratiques et idéologiques) sont déterminés par l'expérience, les

rapports spatiaux, les représentations, les conditions d'existence de l'individu.

Au-delà de la dimension purement individuelle, l'espace social, fait de

rapports sociaux spatialisés, est la troisième composante de 1 'espace géographique. L'espace social est une production à la fois matérielle et symbolique où chaque individu tisse ses rapports sociaux spatialisés de

manière totalement subjective (Di Méo et Buléon, 2005 : 25)

Bien que notre conception du territoire s'insère totalement dans les réflexions portées

par la géographie sociale, celle sur l'espace semble moins convenir, car incomplète. La triplicité de l'espace géographique de Di Méo semble mettre plus d'emphase sur

les métastructures spatiales individuelles et moins collectives, et semble plus être

orientée vers la socialisation de 1 'espace que sur la conception socialisante de

l'espace. Il est plus pettinent de dire que l'espace social, lui-même issu de l'histoire et d'une multiplicité de réseaux et de relations, est socialisant et non pas socialisé, car l'espace originel, non. social, est une représentation de l'espace, une idéologie.

Autrement dit, l'espace social n'existe socialement que par une autre activité sociale

(Lefebvre, 1974 : 220). Autrement dit, l'espace social résulte d'actions passées qui socialisent les actions futures. C'est pourquoi nous retiendrons davantage la conception sociologique de la production de l'espace (social) d'Henri Lefebvre, car

tout espace créé est social. Cela nous permettra ainsi d'éviter les confusions

sémantiques souvent faites dans la géographie sociale entre espace géographique et espace social.

(24)

Une société afin qu'elle puisse s'identifier, se différencier et se représenter crée son propre espace (Lefebvre, 1974: 40). Pour Henri Lefebvre, l'espace en tant que tel est un espace social et non l'espace géographique, qui considère l'espace social comme une composante de l'espace géographique. La triplicité de la production de l'espace social de Lefebvre s'articule comme suit:

L'espace conçu. L'espace dominant qui est celui des représentations de

1 'espace. Il est 1 'espace de 1 'ordre, des codes, signes et

«

agence urs », des

savants de la société (Lefebvre, 1974 : 48)

L'espace perçu qui dépend des usages et pratiques spatiales de la société qui

dans une interaction dialectique va produire, dominer, et s'approprier

l'espace. C'est donc l'espace de production et de reproduction entre la réalité

quotidienne et la réalité urbaine (Lefebvre, 1974 : 48)

L'espace vécu qui est celui des espaces de représentations, de symboles

propres à 1 'imagination de 1 'acteur social.

Pour résumé donc, la production de 1 'espace et donc finalement la socialisation de nos activités dans l'espace en même temps que cet espace créé socialise nos activités. Ce qu'il est important de retenir dans la théorie de la production de tout espace est que la dialectique permanente de ces relations et rapports triplicites n'est ni stable ni immuable et dépend des modes de production de 1 'espace des sociétés qui le créent (Lefebvre, 1974: 56). La production de l'espace est donc en permanente (re)production (Harvey, 1990 ; Lapointe et al, 2015). Par ailleurs, la création de cet espace social est, non seulement un moyen de production, mais aussi un moyen de «contrôle, de domination et de puissance » d'un discours hégémonique reflétant les

(25)

intérêts d'une poignée d'acteurs influents sur le territoire (Lefebvre, 1974 : 35). La production de l'espace ne peut donc être quelques soit le cas un processus neutre

(Lapointe et al, 20 15).

2.2 La production de 1 'espace touristique

2.2.1 L'espace d'imaginaire géographique

Qu'en est-il de la production de l'espace touristique? Communément, l'industrie

touristique est considérée en soi comme une machine à faire rêver. Par le biais de

stratégies de communication bien rodées, on y promet de l'exotisme, de l'atypique,

des climats, des éléments naturels, etc., favorables au dépaysement, au repos ou

encore à 1 'évei 1 de ses sens.

Le motif voyage est donc avant tout motivé par la présence d'un espace mental de désir chez les consommateurs (Cazelais et al., 1999 : 9) ou un vecteur d'imaginaire

géographique subjectif et expérientiel créé par les acteurs territoriaux (Mowforth et

Munt, 2009 : 7). Ce vecteur d'imaginaire géographique ou de désir résulte non

seulement de notre expérience, de nos vacances, mais aussi de récits, documentaires,

brochures, et de facteurs sociopolitiques. Autrement dit, il faut donc construire et produire dans l'espace perçu des représentations et des désirs du lieu objectivé

comme attrayant à des fins touristiques par les acteurs de 1 'industrie, et ce via de

multiples expériences culturelles, sociales, historiques, etc. (Urry, 1995).

C'est en ce sens qu'il est communément considéré que l'industrie touristique véhicule

des constructions sociopolitiques des représentations de la réalité du monde. Ces

(26)

subjectives. Ces représentations posent notamment des enjeux considérables dans la mesure où l'idée d'une destination détermine non seulement la façon dont est perçue la réalité, la destination en question, mais aussi notre environnement (Saarinen, 2004 :

162).

« [ ... ] Tourism is a way of representing the world to ourselves and to others. It cannat be understood as just a means of having some enjoyment and a break from the routine of every day, an entirely innocent affair with some unfortunate incidental impacts. » (Mowforth et Munt, 2009 : 1).

Qui plus est, l'identité et la représentation que l'on se fait d'une destination

dépendent de facteurs sociohistoriques, de relations de pouvoir et d'expériences

personnelles, foncièrement diachroniques (Baerenholdt, 2004). En somme, il dépend

de la façon dont l'espace social est produit et renouvelé à travers l'histoire. Les représentations du monde à travers l'industrie touristique sont des manipulations de la réalité orientées selon ce qui est plus ou moins avantageux pour l'industrie et le

développement de sa croissance et de son capital (Hall, 1961 : 69). Ces

représentations sont donc en permanente transformation, car actualisées et

renouvelées pour répondre aux demandes, aux besoins des consommateurs et à la compétitivité du marché de l'industrie. Le tourisme est par conséquent, une industrie foncièrement capitaliste.

2.2.2 L'appropriation et socialisation de la ressource

L'évolution continue des représentations symboliques inscrites dans l'imaginaire géographique montre clairement qu'il s'agit de constructions sociales non seulement engagées par des discours et pratiques favorisant la création de ces représentations,

(27)

mais aussi par des ressources et attractions touristiques grâce auxquelles ces représentations existent (François et al, 2006; Saarinen, 2004).

L'espace touristique est la production d'un nouvel espace analogique à l'espace social. Tout comme 1 'espace social, 1 'espace touristique est en permanente transformation. La production de 1 'espace telle que la conçoit Henri Lefebvre implique par le mode de production l'appropriation de l'espace et donc de la matière première nécessaire à cette production, la nature (Lefebvre, 1974: 146). Dans le contexte d'une production d'espace touristique, il faut qu'il y ait également appropriation de 1 'espace, autrement dit, de ressources naturelles, culturelles, historiques, etc., déjà socialisées par 1 'espace social et la société génératrice. Détermjnant la forte potentialité de la valeur marchande des aménités, les institutions en charge du développement touristique territorial (espace conçu) développent des codes, signes et valeurs symboliques favorisant la création de ressources touristiques.

TI faut comprendre que, «quelle que soit sa nature, une ressource est un artéfact, le résultat d'opérations constructives, il n'existe donc pas de ressource en soi» (François et al, 2006: 687). La valeur marchande d'une ressource naît lorsqu'il y a socialisation d'un élément naturel, culturel, historique approprié par les acteurs institutionnels et territoriaux. La manière dont est socialisé l'élément reflète la valeur d'usage de la ressource créée. Dans un contexte touristique, il y a une réinterprétation des représentations investies dans les ressources de l'espace social. Pour l'illustrer, la nature par exemple est en soi sociale, dans le sens où elle est une représentation idéologique des sociétés et donc déjà empreinte de valeurs, mais la créer en tant que ressource c'est la redéfinir, l'activer comme ressource territoriale favorisant et valorisant l'orientation entre autres touristique qu'on souhaite véhiculer du territoire (François et al, 2006 : 687).

(28)

Les ressources touristiques doivent être standardisées selon les besoins des

consomt'nateurs « and rendered amenable to capitalist production techniques »

(Britton, 1991 : 465). C'est en ce sens qu'il peut y avoir manipulation sociohistorique

des représentations investies dans les ressources ou attractions touristiques. Ces

manipulations relèvent de pratiques dominantes d'une certaine partie de la

communauté. Cette hégémonie devient dès lors problématique dans le cadre d'une

communion entre espace social et touristique. Le problème est que la création d'un

espace touristique s'appuie sur l'appropriation d'un support dont la socialisation est

réinterprétée pour les besoins du marché (Britton, 1991 : 465). C'est pourquoi dans le

cadre de cette étude nous nous baserons sur la théorisation de Jark:ko Saarinen sur la

production de 1 'espace touristique qui illustre parfaitement nos propos précédemment mentionnés. La pensée de Saarinen est une réflexion sur l'émergence d'une destination touristique, de ses représentations et d'analyse des processus de

transformations et de (re)production sous le prisme de la présence de formations

discursives spécifiques (Saarinen, 2004: 162).

2.3 La production et la (re)production de l'espace touristique

Pour Saarinen (2004), il y a production d'espace touristique ou émergence d'une destination touristique lorsqu'il y a institutionnalisation de la région. Pour ce faire, l'auteur défend la théorie de 1 'in titutionnalisation des territoires de Paasi ( 1986). Il y a institutionnalisation d'une région lorsque la destination représente une histoire socioculturelle spécifique et diachronique. Diachronique, car une destination (touristique) est par essence une construction sociale en permanente transformation régie par des « structures historiques [ ... ] économiques, a dm in istrati v es et culturelles » et influencée par une industrie touristique motivée par de intérêts de promotion et de développement (Saarinen, 1998 : 155 ). Autrement dit, une région ou

(29)

destination touristique e tune construction sociospatiale historique clans la mesure où les représentations de la destination (physiques ou mentale ) varient constamment

véhiculant une identité spécifique qui se modifie et disparaît selon les transformations

régionales (Saarinen, 1998 : 1 59).

L'institutionnalisation d'une région permet l'élaboration d'un rôle établi et d'une

identité distinctifs diachroniques (Paasi, 1986) pour la destination touristique grâce à

des constructions sociospatiales entre un « social spacialization » et «spatial

socialization » (Saarinen : 2004 : 166). Le premier est 1 'espace qui organise les structures sociales et le second 1 'espace des représentations. Chose pertinente dans la théorie de Paasi est l'exemple qu'il donne, dans un contexte touristique, de 1 'institutionnalisation d'une région suivant le processus de réinterprétation de la nature en ressource. Pour cela la ressource nature est socialisée pour créer la notion de paysage (Paasi, 1986 : 129). Ce faisant la nature prend de nouveau un sens symbolique et esthétique où les institutions y intègrent de nouvelles valeurs et de représentations favorables à la création d'une identité régionale ou territoriale touristique.

Plus la présence d'institutions à la fois locale, mais aussi globale est significative dans le territoire, plus la production de représentations symboliques sera significative et ainsi plus fortes seront la conscience et l'identité du territoire. Comme nous l'avons mentionné, pour Saarinen (2004), le danger de l'institutionnalisation d'une région est le risque d'une institutionnalisation hégémonique et mythique et donc présence de connits entre la réalité sociospatiale d'une destination véhiculée par l'industrie

touristique et la réalité locale. C'est une problématique qui n'est pas rare, car la

production de l'e pace d'une région touristique est dominée par le pratiques et discours institutionnels et donc dominants par rapport aux discours et pratique de

(30)

touristique de MacCannell ( 1976) serait donc le climax de la marginalisation des ressources locales puisque présence d'un écart entre les représentations et la réalité

(Saarinen, 1998 : 169). L'institutionnalisation d'une destination implique la

construction d'une identité sociotouristique développée autour de symboles et

d'icônes liées à Ja destination. Ces symboles sont la sacralisation des markers de

MacCannell ( 1976) et dont le rôle est de repré enter la destination auprès du marché

touristique et d'accentuer l'espace mental de désir autour de symboles clairement

identifiables pour le tourisme. Lor que ces symboles identifié par les institutions

gouvernantes et au pouvoir ur le territoire ne répondent plus à l'identité collective de

la destination, il peut y avoir un écart entre les discours et représentation portés par les institutions (discours du développement) et celle des communautés (discours de

la région) (Saarinen, 2004 : 167).

C'est en ce sens que Saarinen (2004) pousse la réflexion de la théorie de l'institutionnalisation d'une région de Paasi (1986) un peu plus loin en y ajoutant les formes discursives de « discour e of region »(savoirs ocioculturel matériels reliés à

la destination touristique produits et reproduits, l'espace de désir) et «di course of

development » (pratique visant à la construction et à la valori ation sociohistorique

et économique dans l'industrie touristique, discour liés à la consommation, à la

production de richesse et au déplacement de capital). Ensemble, de par leurs

interactions, ces deux perspectives du di cours de construction sociale créent

1 'identité de la destination touristique par une« formation discursive» comme nous le

(31)

Discourse of region

- knowledge, representations and meanings

- travel literature, guide books, advertisements,

internet etc.

t t t t t t t t

---~

Discourse of development - institutional practices and

po licy

- institutions and planning organizations, consumption, infrastructure etc.

The identity

of tou rist

destination

Figure 2.1 La production de l'espace touristique (Saarinen, 2004: 167)

En résumé, la création de l'espace touristique d'une destination est d'abord une

construction sociospatiale entre un « social spacialization » et « spatial socialization » (Saarinen, 2014). À partir de là, il y a production d'un espace touristique ou d'une destination touristique. Mais le concept puisqu'il est en permanente transformation par les discours et les relations de pouvoirs en jeu transforment perpétuellement

l'espace de la destination. Cette transformation est possible par l'existence d'une interrelation entre le discours de la région et le discours de développement qui

enrichit et transforme 1' identité de la destination en fonction des orientations qu'on

(32)

Ce qu'il y a de pertinent dans la réflexion de Saarinen, mais aussi de Lefebvre est qu'il montre à quel point la production et la (re)production d'espaces et de représentations sont tributaires de rapport de forces et de pouvoirs dominants sur la réalité sociale. Ces écarts entre discours et praüques dorrunants, et discours et pratiques individuelles mettent en valeur la tournure purement capitaliste que peut prendre la création d'espace touristique lorsque la mise en marché de la production d'une ressource socialisée répondant aux besoins et aux attentes des consommateurs ainsi qu'aux impératifs de développement et de croissance de la destination n'est plus en adéquation avec les valeurs partagées par les communautés de 1 'espace social. Les

réinterprétations et réappropriations de 1 'espace et des ressources en ce sens sont le résultat de l'avènement de l'ère capitaliste (Katz, 1998). C'est en ce sens que s'illustre et se manifeste le lien particulièrement probant entre tourisme et capitalisme.

2.3.1 La production d'espace touristique dans les sociétés modernes capitalistes

Le développement constant du souci de la production, d'accumulation de richesses et de mouvement de capitaux, bouleverse 1 'industrie touristique. Pour mieux définir cette interconnexion entre tourisme et capitalisme, Mowforth et Munt (2009) ont analysé les nouvelles formes et pratiques du tourisme dit durable dans le Tiers Monde sous le prisme du concept de globalisation.

« In the context of tourism, many point to the phenomenal growth of the industry in a global sense (it is now reputed to be the largest single industry) and the rapidity with which new places are continually drawn into the tourism process. Take for example an average travel agent and consider the range of destinations on offer. Not only has the number of holiday destinations increased but the distances between destinations and markets has increased markedly [ ... ] ». ( Mowforth et Munt, 2009 :14).

(33)

La rapidité à laquelle s'est développée l'industrie touristique témoigne de ce souci de production de richesse capitaliste par le biais du tourisme. Le développement de l'industrie touristique s'est non seulement amplifié en flux, mais aussi en investissements et en destinations (Mowforth et Munt, 2009). Il est désormais un phénomène global. Par globalisation, on entend l'ensemble des représentations, des rapports de pouvoirs, des stratégies de différenciation et de diffusion d'imaginaire géographique en concurrence et où chaque marché tente de protéger et renforcer son capital et ses investissements (Hall, 1961 : 65 ; Mowfort et Munt, 2009 : 8). Mais aussi l'augmentation de la diffusion de la communication par la compression espace-temps (Harvey, 1 990) et le développement exponentiel de la mise en marché de destinations touristiques. L'excès de capital et l'augmentation du temps de loisirs dans les sociétés sont entre autres les principaux facteurs de la croissance de la production et la mise en marché de ressource, de biens tangibles et intangibles (Britton, 1991 : 462).

Ces processus d'appropriation, de globalisation, et de capitalisation de ressources territoriales en bien marchands matériels et idéels (représentations inscrites dans la destination) touristiques s'illustrent parfaitement dans la pensée du droit de la nature d'Henri Lefebvre (1968): «la nature entre dans la valeur d'échange et dans la marchandise; elle s'achète et se vend. Les loisirs commercialisés, industrialisés, organisés institutionnellement, détruisent cette« naturalité » dont on s'occupe pour la trafiquer et pour en trafiquer » par le biais de pratiques urbaines envahissantes (Lefebvre, 1968: 390). Le développement de l'urbanité où fleurissent en son sein les valeurs capitalistes dépasse les frontières de la ville elle-même. La « nature »

considérée comme l'espace originel est mis en ressource et en loisirs. Elle devient 1 'espace de jeu de ces communautés urbaines avides de paysages dits «s

(34)

ous-développés» comme havre de paix d'un jour (Lefebvre, 1968 : 390; Lefebre, 1974 : 101).

Pour éviter que «la consommation dévorante achève de mastiquer les restes de la

nature et du passé » et limiter 1' impact du rayonnement de ces activités urbaines, la

création de parcs nationaux notamment tente de limiter la marchandisation de ses

espaces naturels encore préservés dus à leur éloignement des centres (Lefebvre,

1968). Ces institutionnalisations publiques d'espaces en parcs viennent contrôler et

réguler la privatisation exponentielle apparue sous le capitalisme « as if nature were

given, a free good or source of wealth, an ulimited bounty awaiting only the « hand of

man » to turn it into a bundle of resources » (Katz, 1998 : 45). Mais la èréation de ces parcs suit une volonté certes environnementale, mais surtout une volonté d'investir,

autrement, le capital (Katz, 1998). En effet, au tournant des années 70 avec les

mouvements environnementaux faisant suite choc pétrolier, les stratégies

d'appropriation, de privatisation de la nature, prennent à ce moment une logique

d'involution. La nouvelle stratégie des acteurs et institutions est celle d'une

accumulation du capital investi dans la nature (Katz, 1998 : 4 7 ; Lapointe et Gagnon,

2011). Sur fond d'une conscience environnementale, les notions de préservation, de

conservation et de restauration renaît comme axe d'action dans les discours politiques

où la dimension environnementale ne peut plus être mise de côté. La privatisation et

l'institutionnalisation des espaces publics dans le cadre de parcs nationaux par

exemple dans certains cas peuvent nier, au nom de la préservation, 1 'espace

sociogéographique dans lequel il s'insère (Katz, 1998 : 46). La création d'un parc national est d'une part motivée par la préservation dans l'espace et le temps d'une ressource naturelle et d'autre part par la valorisation de cette nature préservée en

attrait, en richesse consommable. Les sentiers interprétatifs ont cette vocation de

valorisation et de transmission de savoir. La construction d'un espace touristique d'un

(35)

inappropriés peut être en contradiction entre stratégie d'accumulation et de concentration de ressources naturelles à risque à valoriser d'une part et d'autre part, la dépossession et fermeture de l'espace aux usagés, visiteurs, à la communauté, etc.

(36)

CHAPITRE 3 LA NOTION DE RISQUE ET L'ÉMERGENCE DU RISQUE CLIMATIQUE

«Reduction of risk typically entails reduction of benefit, thus posing serious dilemmas for society » (Fishoff et al., 1978 : 128)

Le risque est une notion très commune dans notre société et qui pourtant peut encore parfois paraître obscure. Nous vivons dans une société du risque (Beek, 1986), il en existe plusieurs sortes et l'objectif de ce chapitre est d'éclairer cette notion dans un contexte de changements climatiques. Nous nous attacherons dans un premier à poser les bases du risque comme une construction sociale. Nous tâcherons d'expliquer dans un second temps pourquoi le risque est un produit de la société et en quoi socialise+ il nos activités. Enfin, nous montrerons les impacts et la matérialisation du risque sur les territoires et particulièrement les territoires littoraux.

3.1. La construction sociale du risque

3.1.1 Qu'est qu'un risque?

Le risque est communément lié à« un danger éventuel, plus ou moins prévisible[ ... ] ne dépendant pas exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la perte d'un objet ou tout autre dommage» (CNRTL, consulté le 26 septembre 2016). Le risque est donc, si l'on en suit cette définition, avant tout subi. Cette perception du risque telle que l'on la conçoit dans le langage courant, est le produit d'une construction sociohistorique à travers à « un réseau de relations sémantiques » entre les notions de péril, d'aventure, de danger, de fortune, d'hasard et de chance (Magne,

(37)

2010: 18). Selon Luhmann (2009, 2013) tout risque implique une décision humaine qui résulte de la mesure d'un danger. Le risque est donc une représentation du danger, et de ses conséquences possibles. Cette position est particulièrement complexe, car il confère au danger un statut «ontologique matériel » en interaction avec la subjectivation du risque par la société (Kermish, 2011 : 41). Ainsi, un même danger dépendamment du contexte socioculturel et de ses valeurs résultera en une multiplicité d'interprétations du risque.

C'est pourquoi nous considérerons dans ce travail le risque comme le considère le courant constructiviste anglo-saxon, à savoir comme une représentation, une construction socioculturelle, conséquence de 1 'industrialisation des sociétés humaines et donc intrinsèquement liées à l'action humaine, car «en soi [ ... ] il n'y a pas de risque dans la réalité. Inversement, tout peut être risque ; tout dépend de la façon dont les acteurs analysent le danger et considèrent 1 'évènement » (Ewald, 1986 : 173 ; Pivot, 2010 : 81). Le risque comme produit de la société a longuement été théorisé par Ulrich Beek. Le risque est 1 'élément fondateur de la société moderne et indissociable de son avènement. Le risque marque un tOUillant dans 1 'histoire des sociétés dans la mesure où il nous force à repenser notre organisation et nos actions.

11 marque 1 'émergence de la modernité réflexive de la société du risque (Beek, 1986).

3.1 .2 Risque et société

Selon Ulrich Beek (1986), le concept de risque est le produit de la modernisation et du développement des sociétés. La progression de la société moderne, son industrialisation et sa production de richesses constante augmentent proportionnellement l'existence et l'ampleur des risques (Beek, 2003: 40 ;

(38)

technologique, sanitaire, environnemental, etc., développe la notion de risque non plus uniquement sur une perspective individuelle et subjective «comme le courage et 1 'aventure», mais globale, car implique de nouveaux enjeux pour les individus quant à notre survie physique, identitaire ainsi que celle de la planète (Beek, 2003 : 39).

Dans la société du risque de Beek (1986: 60), les risques sont «un futur qu'il s'agit d'empêcher d'advenir». Les risques sont donc de l'ordre du futur et ne s'expriment que dans la prévision à savoir la potentielle menace d'une « prolongation dans 1 'avenir des dommages prévisibles dans le présent ». (Beek, 2003 : 60). Les risques sont donc itTéels de par l'inexistence de leur matérialité dans la société, mais leur

réalité dans notre modernité réflexive n'est pas remise en question. Les risques sont à la fois irréels et réels, car nous agissons dans le présent en fonction de ces projections

des risques à venir. Le passé ne constitue plus une composante déterminante pour les

actions du présent, c'est l'avenir et «quelque chose d'inexistant, de construit, de fictif, qui devient la « cause» de l'expérience et de l'action présente » (Beek, 2003:

61).

Comme nous l'avons mentionné dans le chapitre précédent, la production de l'espace est en quelque sorte le fruit résultant de la nature socialisée. Il en est tout à fait de même pour les risques. « Le risque est [entre autres] issu de 1 'environnement créé ou de la nature socialisée : 1 'injection du savoir humain dans 1 'environnement matériel » (Giddens, 1994: 131). Par nature socialisée, Giddens entend la transformation de

1 'environnement, en somme la création et la production de 1 'espace ou territoire, par le savoir humain qui à terme engendre les risques (Giddens, 1994: 134). De la même manière que nous produisons notre espace social, nous construisons indubitablement nos propres nsques.

(39)

La définition du concept de risque de Thierry Coanus (201 0) semble être une approche adéquate dans le cadre de cette recherche au regard de son acceptation d'une représentation du risque purement construit par la société qui le produit et le définit. Le risque est une représentation d'un danger puisqu'il est une série de calculs et de probabilités émanant d'un discours scientifique sur l'occun·ence potentielle d'un danger à venir. Il est aussi le produit de rapports de pouvoir entre individus, communautés, institutions, qui à travers la formation de stratégies d'adaptation au risque tentent de favoriser des points de vue, et des intérêts (Coanus, 2010). C'est pourquoi un risque construit ne se restreint pas obligatoirement à un territoire ou à une société spécifique. Le risque lui aussi suit l'engrenage de la mondialisation. La machine capitaliste productrice d'un mode de développement inégal qui s'étend sur les sociétés développées favorise la globalisation de risques comme le risque nucléaire, le risque climatique, les risques sanitaires, etc. Par les sociétés développées par nos modes de production et de consommation, par notre appropriation et domination de l'espace, par notre transformation de l'environnement, nous avons provoqué un espace de risque mondial et global dans lequel s'insèrent des espaces de risques plus restreints (Beek, 1986 ; Peretti-Watel, 2010) propre à chaque communauté. Tout comme notre mode de développement axé sur la mondialisation, notre course à la production de biens, à 1 'accumulation et déplacement de capital favorise 1 'émergence de risques.

« Indépendamment du caractère aléatoire des évènements, 1 'évolution des sociétés contemporaines et en particulier les modalités d'occupation et d'aménagement de l'espace ont profondément modifié le risque en accroissant les expositions. Le processus d'urbanisation, favorisant la concentration et l'étalement spatial des individus et des activités, augmente les conséquences d'un même aléa en accroissant les populations et la valeur des biens exposés »(Pivot, 2010 : 87).

(40)

C'est en ce sens que le sociologue Ulrich Beek propose le concept de société du risque. Nous produisons et construisons consciemment et inconsciemment nos futurs risques. Nous en sommes conscients, car certaines catastrophes nous obligent à faire face à notre responsabilité, mais aussi surtout par le biais d'une objectivation du risque qui nous rend conscients des dangers invisibles que nous produisons.

3.1.3. La mise en risque

Comme nous 1 'avons mentionné, le risque est une représentation, il est donc un construit social. Ulrich Beek dans son ouvrage La Société du Risque (1986), démontre pertinemment que le risque est à la fois irréel et réel. En effet, en soi, le risque n'a rien de matériel, il n'est pas visible. Pour qu'il y ait perception du risque, son existence est «médiatisée par l'argumentation» d'experts oeuvrant pour un discours objectif et savant (Beek, 1986 ; Ferreol et Marmontoff, 2009 : 58). Il faut rendre visible le risque. Pour cela, il est nécessaire d'objectiver le risque pour qu'il puisse être interprétable aux communs concernés (Beek, 2003 : 49). Ce processus est la « mise en risque» d'un ou des dangers qui facilite l'objectivation (Gilbert, 2003 : 57).

Cette objectivation se fait par le biais de théories, d'expériences de spécialistes. En ce sens, le risque est « une conscience théorique [ ... ] scientificisée » (Beek, 2003 : 51). Dans le cas du risque climatique en tant que telle, l'objectivation du risque est essentielle puisqu'il requiert assurément un savoir théorique et scientifique. Puisque le risque climatique est un risque en devenir sur le moyen et long terme, anticiper les impacts des changements climatiques sur les sociétés et les territoires suppose

l'élaboration de projection et scénarios climatiques. Ces discours objectifs du risque

(41)

populations non savantes d'avoir une représentation à moyen et long tenne des conséquences du risque.

La prévision est un volet très conséquent de ces discours et représentations, de même qu'ils permettent d'établir des relations entre le risque et l'organisation de la société (par exemple, sur le temps, 1 'organisation sociospatiale, etc.). Le futur est donc dans le cas des risques l'élément le plus déterminant dans la construction de formules d'adaptation (Coanus, 2010). Puisque c'est le futur et les conséquences potentielles établies par les discours savants qui déterminent les actions présentes. Le risque et ses actions-réponses émanent donc de prédictions encore inexistantes. Ceci prouve une nouvelle fois qu'il est le produit d'une construction sociale, puisque basé sur un discours produit par des représentations.

Mais ces relations dépendent elles-mêmes du contexte dans lequel elles s'insèrent. Ainsi, 1 'organisation d'un espace social particulier amènera des prévisions et discours particuliers. C'est en ce sens que Beek (1986) considère le risque comme des « poétisations mathématiques ». Ces discours relèvent de point de vue inscrit dans un espace social fait de rapports de pouvoirs, de représentations et de pratiques sociales sur un territoire propre à cet espace social en particulier. :

« Les différents acteurs de la modernisation et les différents groupes exposés au risque ont toujours des objectifs, des intérêts et des points de vue concurrents et conflictuels qui sont forcément associés lors de la définition des risques puisque appréhendés comme étant cause ou effet, comme étant à l'origine d'un risque ou soumis à ce risque » (Beek, 1986 : 52).

Le problème est donc la priorisation des risques. Puisque 1 'objectivation du risque dépend essentiellement des discours et argumentation d'une élite de la société, et des

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experts. Les risques considérés sont indubitablement priorisés en fonction des intérêts de cette communauté avantagée. Les rapports de pouvoirs et de contrôle à travers la mise en risque sont un enjeu à considérer. TI peut y avoir tension entre les objectifs institutionnels et individuels (Gilbert, 2003 : 57). C'est pourquoi l'étude de la transformation d'un espace en espace à risque est importante pour comprendre les processus de mise en risque du territoire, et puis des processus de priorisation de stratégies d'adaptation au risque.

Mais il est important de comprendre, dans une autre perspective, que le risque est certes une notion connue et rendue visible par un processus d'objectivation, mais il est aussi vécu de façon plus individuelle. Au-delà d'une dimension purement objective, le risque est un phénomène que les individus s'approprient. Et les réponses envers le risque diffèreront en fonction des ressentis individuels, de ce qu'il (le risque) implique pour les personnes exposées, et des expériences et histoires socioculturelles de chaque individu. Cette perspective qu'est l'étude des perceptions du risque implique que les réponses d'une société envers un risque identifié sont fortement liées au sentiment provoqué par 1 'éven tuai ité d'un incident provoqué par le risque (Fischoff et al. 1978 ; Slovic, 1987). Dans le cas des changements climatiques, la perception du risque est essentielle à qui veut comprendre les processus d'adaptation et de résilience en réponse aux impacts des changements climatiques. La crainte de pouvoir laisser aller une économie, des biens, un emploi, et même une ville peut être un motif de crainte pertinent aux collectivités littorales. C'est pourquoi la perception du risque climatique est donc autant corrélée à ce que tout un chacun pense des changements climatiques, mais aussi au sentiment éprouvé par l'existence du risque (Leiserowitz, 2006: 45). C'est ce qui rend l'étude de risque dans une collectivité extrêmement complexe. Nous nous attacherons à analyser la perception des risques d'une collectivité dans le chapitre 6 consacré à la présentation de résultats de la recherche ci-présente.

Figure

Figure  2.1  La production de l'espace touristique  (Saarinen , 2004:  167)
Figure 3.3  Les  risques  lié s  aux  changements climatiques au  Canada (Ouranos,  2016:  4)
Tableau  3. 1 Sélection  des  réactions  en  chaîne  pour  chaque  impact  (Morneau,  2014  4)
Tableau 4.3  Présentation des participants vo l ontaires  se l on  l es critères  de  sé l ection
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