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4) Dwight D Eisenhower et le renversement de Batista en 1959

4.4 La phase de la perte de contrôle

4.4.1 L’expansion de la guérilla à partir de la Sierra Maestra de 1956 à 1958

La perte de contrôle qu’accusa Batista sur son régime s’est produite graduellement à partir du retour de Castro sur l’île en 1956. Étant au courant de l’arrivée des révolutionnaires du Mouvement du 26 juillet, Batista leur avait préparé un comité d’accueil militaire pour le moins inhospitalier. Par conséquent, à l’instar de l’attaque de la caserne de Moncada, le débarquement des Barbudos ne se solda pas une débâcle où la grande majorité d’entre eux furent tués par le feu nourri des troupes batistiennes qui comptaient sur place 2 000 soldats123. Pour sauver leur peau, les révolutionnaires durent

121 Guy Taillefer, «Fidel 50 ans plus tard», Le Devoir, 31 janvier 2008,

[En ligne] :http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/225391/fidel-50-ans-plus-tard (Page consultée le 11 décembre 2015).

122 CASTRO INTERNET ARCHIVE, History Will Absolve Me (Integral Speech), [En ligne]:

https://www.marxists.org/history/cuba/archive/castro/1953/10/16.htm (Page consultée le 24 octobre 2015).

fuir dans la montagne de la Sierra Maestra. Bien qu’affaiblis et blessés pour la plupart, ce retranchement forcé dans la jungle permit à Castro et aux 11 survivants qui l’accompagnaient de se soigner et de réorganiser le combat dans les zones rurales. 1957 fut l’année de l’embrasement puisque les opérations de guérilla comme celles du 16 janvier à La Plata et du 28 mai à El Uvero furent couronnées de succès, ce qui permit à Castro d’embrigader plus de soldats. Parallèlement à ces avancées, même lorsque l’action des rebelles était déroutée par l’armée comme lors de l’attaque du palais présidentiel du 13 mars ou lors du soulèvement de la base navale de Cienfuegos du 5 septembre, Batista s’enlisait davantage en perdant le soutien de l’opinion publique de la majorité modérée puisque les révolutionnaires tombés au combat, comme José Antonio Echevarría ou assassinés, comme Frank País ou encore emprisonnés et torturés, tel qu’Alférez Dionisio San Román, étaient tous élevés en martyrs.

4.4.2 La fin d’un régime agonisant en 1958

Pour certains historiens, comme pour John Foran, Batista commença à perdre le soutien de Washington le 29 mars 1958 lorsque la Maison-Blanche imposa un embargo sur l’envoi d’armes à Cuba124. À cet effet, le mémorandum d’une discussion téléphonique entre John Foster Dulles et le Président expliquait cette décision :

much more successful than the Moncada attack. An uprising planned in the city of Santiago to coincide with the boat’s arrival was quickly crushed, and government forces greeted the Granma as it landed and succeeded in killing most of the 82 would-be rebels. Fidel and his brother Raúl Castro, along with Che Guevara, escaped into the Sierra Maestra mountains of eastern Cuba.» Voir, Aviva Chomsky, op. cit., p. 38.

124 John Foran, Taking Power: On the Origins of Third World Revolutions, Cambridge University Press,

[W]e suspended the shipment of combat arms to the Cuban Government, in accordance with our policy not to ship arms to countries beset by such political tension as that existing in Cuba. In our best judgment, we could not continue to supply weapons to a government which was resorting to such repressive measures of internal security as to have alienated some 80 percent of the Cuban people, by all reports, as well as public and official opinion in most of the other American Republics, not to mention important elements of press and congressional opinion in the U.S. However, we have retained our Army, Navy, and Air Force Missions in the country, and have shipped some non-combat equipment, such as communications items125.

De plus, avec l’arrivée quotidienne de nouveaux rebelles dans ses rangs, Castro fut en mesure au début de 1958 de créer trois nouvelles colonnes de commandement qui devaient intensifier la guérilla hasta la victoria siempre. De son côté, Batista prit des mesures extrêmes en riposte à la menace révolutionnaire. Tel que le rappellent Ramon Bonachea et Marta San Martin : « The declaration of state of national emergency was

followed on April 16, 1958, by a new presidential decree which suspended constitutional guarantees126. ». Puis, Batista lança le 6 mai une offensive comptant 12 000 soldats dans

la Sierra Maestra pour éradiquer le mouvement révolutionnaire. L'armée qu'il dirigeait depuis un quart de siècle commençait à lui faire défection127. Ce faisant, malgré l'ampleur des moyens déployés, cet ultime sursaut militaire se solda par un échec. Trois mois et demi plus tard, la pugnacité rédhibitoire des Barbudos força Batista à ordonner le retrait de ses troupes. Bien qu'il n'accusât pas ouvertement le coup, la débâcle d'août 1958 illustrait l’essoufflement de même que l'incapacité de son régime à endiguer la

125 U.S. DEPARTMENT OF STATE, «Foreign Relations of the United States 1958-1960, Volume VI,

Cuba, Document 189, [En ligne] : https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d189 (Page consulté le 6 janvier 2016).

126 Ramon Bonachea et Marta San Martin, The Cuban Insurrection: 1952-1959, Transaction Publishers,

New Jersey, 1995, p. 223.

127 Tel que l'indique Jorge I. Dominguez à propos de l'implosion de l'armée cubaine pendant la révolution :

«By early 1958 other aspects of the crisis within the army became clear: government offensives collapsed

through defections and desertions and through the simple unwillingness of many field officers and troops to fight on the behalf of Batista.». Voir, Jorge I. Dominguez, op. cit., p.130.

révolution.128 

Si bien qu’à la fin de 1958, il était clair que le mouvement révolutionnaire était devenu incontrôlable. À cet égard, le mémorandum de la 389e réunion du 6 décembre 1958 du National Security Council rapportait ceci :

Mr. Dulles believed that the revolutionary situation in Cuba was rapidly becoming more critical. The Batista Government was consistently losing ground in its struggle with Castro’s rebels. Business firms were now seriously impeded and many operations were closing down altogether. In sum, it was increasingly unlikely that Batista would be able to regain control of this situation129.

Par conséquent, la tumeur bénigne qu’avait été le Mouvement du 26 juillet au départ s’était disséminée graduellement pour atteindre un point de non-retour métastasique six ans plus tard pour le régime de Batista130. Force est de constater que pour l’épineux dossier cubain,

les révoltes incessantes des étudiants et des syndicats, une grève agricole qui s’éternisait de même que la défection progressive quoiqu’ininterrompue de l’armée et de la police ont finalement fait perdre à Batista le contrôle sur son régime. Les États-Unis étaient désormais à la croisée des chemins quant au soutien ou à l’abandon de Batista.

128 Enfin, car tel que l’indique Samuel Farber à propos de la débâcle batistienne : «In the end, the struggle

against Batista had a denouement that neither the United-States nor the rebels had anticipated: the complete collaspe of the dictatorship, the Cuban armed force, and consequently the key structures of the Cuban state.». Voir, Samuel Farber, The Origins of the Cuban Revolution Reconsidered, The University of

North Carolina Press, Chapel Hill, 2006, p. 75.

129 OFFICE OF THE HISTORIAN, «Foreign Relations Of The United States, 1958–1960, Cuba, Volume

VI», [En ligne] : https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d171 (Page consultée le 7 janvier 2016).

130 Une dépêche du consulat américain de Santiago de Cuba au département d’État du 21 février 1958

mentionnait ceci : «Fidel Castro and his 26 of July Movement appear to have grown from an annoying

thorn in the side of the Batista Government to a slowly spreading cancerous tumor.». Voir, U.S.

DEPARTMENT OF STATE, «Foreign Relations of the United States 1958-1960, Volume VI, Cuba,

Document 18, [En ligne] : https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d18 (Page consulté le 11 janvier 2016).