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La nature des fonctions du compliance officer

Section II Le contenu recommandé des programmes de compliance

B- Le compliance officer : une fonction de coordination pour gérer ces risques

1) La nature des fonctions du compliance officer

Il est évident que cette personne ne sera pas la seule concernée par la conformité au sein de l'entreprise. Cette personne représente le « chef d'orchestre » pour reprendre les propos de compliance officer248. En effet, pour avoir un véritable impact positif sur la prévention des pratiques

anticoncurrentielles, le programme de compliance doit être mis en œuvre par tous les employés. Ces derniers doivent tous être concernés par la problématique, et non plus seulement « un petit « club » de gestionnaires des « affaires sensibles » »249 ce qui ce passait auparavant, comme le notent

certains auteurs. Toutefois, il est reconnu que la compliance, quel que soit le domaine, requiert une expertise en la matière250. Par conséquent, en fonction de la taille de l'opérateur économique, une ou

plusieurs personnes seront en charge de superviser la démarche de compliance de l'entreprise.

Le compliance officer est la personne en charge de piloter le programme de compliance au quotidien dans l'entreprise. Toutefois, ce n'est pas forcément lui qui le met en place. Pour ce qui est du droit de la concurrence, les lignes directrices en la matière, notamment celles établies par le Mouvement des entreprises françaises (MEDEF), recommandent de recourir à un avocat expert dans ce droit. Cet avocat peut être externe, comme interne à l'entreprise. L'avantage de recourir à un avocat interne est qu'il connait les spécificités dans lesquelles l'entreprise intervient. Cependant, le service juridique de l’entreprise ne bénéficiera pas de la confidentialité de ces avis (legal privilege) et il se pourrait qu'il soit lui même impliqué dans une pratique anticoncurrentielle.

Ce « garant de l'ADN de l'entreprise »251, pour reprendre les mots de Blandine Cordier-

Palasse dispose donc nécessairement de certains pouvoirs pour la mise en œuvre du programme252.

Ce compliance officer n'a pas pour fonction unique de vérifier que l'entreprise respecte la réglementation. Il a pour tâche principale de mettre en œuvre le programme, de mesurer son efficacité et de mettre à jour les démarches en fonction de l'évolution des pratiques de l'entreprise tout en les contrôlant. Les différents spécialistes en matière de compliance mettent en avant qu'il est nécessaire que, lors de l'élaboration des décisions stratégiques, le service compliance soit consulté. Pour ce faire, il doit également analyser les différentes normes juridiques et comprendre les enjeux

248 BREEN (E.), GUTIERREZ-CRESPIN (A.), op. cit., p. 115. 249 BREEN (E.), GUTIERREZ-CRESPIN (A.), op. cit., p. 112.

250 SEHESTED (T.), « Creating A Culture Of Compliance: Why All Successful Businesses Must Do This And Where To Begin », Forbes,https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2018/09/17/creating-a-culture-of-compliance- why-all-successful-businesses-must-do-this-and-where-to-begin/#3e0111b55050

251 CORDIER-PALASSE (B.), « Une profession en devenir : le Compliance officer », loc. cit.

252 CARBONNEL (M.), « Les programmes de conformité au droit de la concurrence (première partie – l'essor des programmes de mise en conformité au droit français de la concurrence) », op. cit.

à la fois du côté de l'entreprise et du côté de la législation. Il doit pouvoir conseiller les cadres et les employés dans leur prise de décision. Luc-Marie Augagneur explique ainsi en quoi consiste leur fonction : « Au-delà de leur contribution à dire le droit ou à le faire parler, leur contribution suppose une compréhension plus fine des modèles économiques pour contextualiser le risque dans une culture d’entreprise »253. Pour ce faire, il doit avoir de bonnes bases, si ce n'est maitriser le droit

de la concurrence. En tout état de cause, les autorités de concurrence n'ont pas donné de définition précise de la nature des missions du compliance officer puisque, pour reprendre les mots de l'avocat Frédéric Puel, « les tâches confiées au compliance officer seront proportionnées à l’importance accordée au programme »254. Si bien que le statut de ce responsable reste questionné255.

Ce deuxième critère pour la mise en place d'un programme de compliance était obligatoire dans le document-cadre de 2012 de l'Autorité de la concurrence. Cette obligation était même plus contraignante à l'origine. En effet, Emmanuel Claudel met en avant que « la mouture initiale du texte […] obligeait à ce que la personne désignée soit exclusivement consacrée à cette tâche »256.

Le texte a été modifié suite à la consultation publique, notamment pour prendre en compte la position des PME qui n'ont pas nécessairement les moyens d'avoir une personne uniquement dédiée à cette fonction. Ce document-cadre prévoyait donc que la personne désignée devait « se consacrer de façon effective à la mise en œuvre du programme »257. Ainsi, l'Autorité de la concurrence a

confirmé que, dans le cas des PME, un employé peut être en charge d'une autre fonction à condition de pouvoir se consacrer à la thématique de la compliance en ayant recours, le cas échéant, à des avocats spécialisés en droit de la concurrence258. Un autre exemple d'organisation de la prise en

charge du programme est celui d'Orange. Jean-Philippe Roulet, directeur de la conformité du groupe, explique qu'en tant que Group Chief Compliance Officer il s'occupe pleinement de ces problématiques en collaboration avec des Chief Compliance Officers qui ont d'autres fonctions à côté259. Dans tous les cas de figure, la désignation de ce responsable permet de montrer que

l'entreprise a consacré des moyens à la compliance. À défaut, certains font remarquer qu'« on peut, à bon droit, douter de l'authenticité de [l']engagement en faveur de la conformité »260.

253 AUGAGNEUR (L-M.), « La compliance a t-elle une valeur ? », op. cit., p. 35.

254 PUEL (F.), « Efficience des programmes de conformité », Lamy de la concurrence, 2012, n° 33.

255 ROSKIS (D.), JAFFAR (S.), « Réflexions sur la portée du document-cadre de l'Autorité de la concurrence », JCP

E, 2012, n° 21.

256 CLAUDEL (E.), « Document cadre du 10 février 2012 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence », op. cit.

257 ADLC, Document-cadre du 10 février 2012, op. cit., p. 6.

258 ADLC, décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques.

259 « La compliance chez Orange – entretien avec Jean-Philippe Roulet », RICEA, 2014, n° 51-52, p. 7. 260 COLLARD (C.), DELHAYE (C.), LOOSDREGT (H-B.), ROQUILLY (C.) (dir.), op. cit., p. 157.