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L'envisageable culture de compliance globale

Section I – La culture de la concurrence par la compliance au droit de la concurrence : une

C- Les possibles dérives de cette évolution

2) L'envisageable culture de compliance globale

Comme nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises, dans certains domaines, comme la lutte contre la corruption ou la protection des données personnelles, la compliance est une obligation légale. En droit de la concurrence, ces programmes sont fortement préconisés. Dès lors, la solution, quelque peu imposée, pour l'entreprise est d'établir un programme de compliance unique pour tous ces sujets. En effet, les instruments d'identification et de prévention des risques sont les mêmes, avec quelques spécificités à chaque domaine. Ainsi, l'avocate Julie Catala-Marty explique que « La formation sera différente, mais le plan de formation peut être unique dans sa mise en oeuvre avec plusieurs modules. Même chose pour la charte de bonnes conduites avec des chapitres différents »742. Aussi, le document-cadre de 2012 de l'ADLC ne prévoyait pas textuellement de

cartographie des risques mais une « analyse concrète des risques propres à l'entreprise »743.

Toutefois, dans le cadre de cet écrit, il a été choisi de présenter la cartographie des risques dès le départ car l'ADLC a retiré son document-cadre pour notamment prendre en compte la loi Sapin II qui prévoit expressément cette cartographie des risques744. De la sorte, le fait d'utiliser les mêmes

outils au sein de l'entreprise est un facteur important pour la création d'une culture de la compliance. Il s'agit d'avoir une vision globalisée de la compliance en coordonnant les différentes mesures afin de mutualiser les coûts. En effet, rappelons que la compliance est encore perçue de manière sectorielle. Marie-Anne Frison-Roche évoque, à ce titre, que la compliance doit être « transdisciplinaire »745. De même, l'OCDE explique que « pour être efficaces, ces programmes ou

mesures doivent être liés au cadre général de conformité de l'entreprise »746, sous entendu ne pas

être cloisonnés au droit de la concurrence. D'ailleurs, les indications données pour la mise en place d'un programme de compliance anticorruption peuvent servir pour couvrir la problématique du respect de la libre concurrence. L'approche des entreprises devraient être d'adopter une démarche de compliance globale. En France, cela permet également pour les entreprises de conserver un 741 CORDIER-PALASSE (B.), Compliance au cœur de la modernisation et de la performance de l'entreprise 3/5, op.

cit., 56 min 50.

742 IWEINS (D.), « Infuser la culture compliance en entreprise », op. cit. 743 ADLC, Document-cadre du 10 février 2012, op. cit., pt. 19.

744 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, op. cit., art. 17 II 3° et 4°.

745 FRISON-ROCHE (M-A.), « Compliance : avant, maintenant, après », op. cit., p. 23. 746 OCDE, Promoting compliance with competition law, op. cit., p. 297.

référentiel officiel malgré le retrait de son document-cadre de 2012 par l'ADLC. D'autant plus qu'en droit de la concurrence, il n'y a aucune obligation légale mais que la compliance est désormais vivement conseillée. De plus, il faut noter que les programmes de compliance en droit de la concurrence et ceux anticorruption sont envisagés selon les mêmes étapes. De la sorte, les avocates Marie Hindré et Caroline Diot affirment que « les entreprises qui mettent en place ou adaptent leur programme de conformité aux exigences de la loi Sapin II et aux plus hauts standards internationaux devront intégrer les risques liés aux infractions économiques au sens large, et à ce titre les risques liés aux pratiques anticoncurrentielles »747.

Il est intéressant de relever que le retrait de cette décision-cadre, le fait que l'ADLC considère que les programmes de compliance ont vocation à s'insérer dans la gestion courante des entreprises et l'introduction de la loi dite Sapin II avec son obligation d'établir des programmes de compliance sont intervenus dans le même temps. Cela laisse penser que désormais les entreprises devraient se baser sur les indications de la loi Sapin II. Rajoutons que cela ne complique pas en réalité les choses puisque les programmes de compliance sont adoptés pour un ensemble de risques que peut rencontrer l'entreprise, non limité à la corruption, ou à la concurrence. De plus, les problématiques de corruption et de concurrence sont étroitement liées. En effet, une contribution de la France au forum mondial sur la concurrence de l'OCDE en 2014 a rappelé que « La corruption et les comportements anticoncurrentiels se rejoignent en ce qu’ils ont pour effet de réduire la performance économique tant des entreprises que des États […] et trouvent à s'articuler en France dans le cadre de la passation de marchés publics »748. Ainsi, on peut considérer que la loi Sapin II

renforce indirectement la compliance en droit de la concurrence. Il est également énoncé que « La pleine appropriation par les acteurs économiques des moyens de façonner leur comportement en vue du respect de la norme, et de l’intégration ab initio de celle-ci à leurs processus internes, tout en préservant leur libre détermination de sa stratégie, est un objectif de la régulation concurrentielle comme de la lutte anticorruption. »749. Par ailleurs, la compliance globale présente

l'avantage que si un problème dans un domaine est détecté, celui-ci peut amener à la détection d'autres problèmes et, dans ces cas là, mieux vaut agir en amont en évitant jusqu'à l'apparition même de ces problèmes de conformité.

La culture de compliance peut être définie comme une culture d'entreprise favorisant l'intégrité, l'éthique, le respect des normes légales, règlementaires et volontaristes, la 747 DUMOURIER (A.), « Intégrer les risques liés au droit de la concurrence dans les programmes de conformité et

s’assurer de leur effectivité : entre nécessité et opportunité ! », op. cit.

748 O C D E , Lutte contre la corruption et promotion de la concurrence – Contribution de la France, DAF/COMP/GF/WD(2014)52, p. 2.

responsabilisation et la confiance. À cet effet, l'ensemble de l'organisation de l'entreprise doit être tournée autour de la compliance au droit de la concurrence autant que dans les autres domaines. La compliance doit être intégrée à la politique de l'entreprise et devenir une façon de faire des affaires sur le marché. De la sorte, Madame Riley affirme remarquer qu'il ne doit pas s'agir d'une simple politique de l'entreprise, la compliance aux règles de concurrence « doit être la façon d’opérer de l’entreprise dans la pratique »750. En effet, les commentateurs estiment que la compliance ne sera

pleinement assurée que si les process internes et les formations font partie intégrantes d'une culture qui fait de la concurrence libre et loyale une valeur fondamentale751. À défaut, les règles restent

anodines. C'est ce qui prévient les programmes de façade, ou du moins les fait ressortir car n'étant pas accompagnés de cette culture. L'engagement de la direction est donc encore une fois important car il va donner l'impulsion de cette culture.

Toujours sur le plan culturel, mais dans un autre sens, il convient d'évoquer une différence culturelle entre les États-Unis et l'Europe sur ces politiques de compliance au droit de la concurrence.