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L'importance du droit de la concurrence au sein de l'Union européenne

Section I – La culture de la concurrence par la compliance au droit de la concurrence : une

C- Les possibles dérives de cette évolution

1) L'importance du droit de la concurrence au sein de l'Union européenne

Suite aux cartels amenant le nazisme728, ce droit a été un pilier de la reconstruction de

l'Allemagne et de l'instauration des Communautés européennes. Puisque les entreprises internalisent les règles avec les programmes de compliance, cela a encore moins de chance de se reproduire. La démocratie s'en est trouvée davantage protégée contre les abus de puissance économique. Ainsi, pour de nombreux auteurs, les programmes de compliance pourraient permettre cet « idéal de culture démocratique commune »729. De plus, le droit de la concurrence a participé à la construction

européenne dont l'élément central consiste en la création du marché intérieur. Ce droit a donc une place importante dans l'intégration européenne afin de prévenir la réapparition de barrière nationale sur les marchés. Plus encore, la régulation concurrentielle puis la compliance font prendre conscience aux entreprises que la libre concurrence représente leur « destin commun »730. John

724 GORANSON (L.), VOLKAI (J.), « Le droit et la politique de la concurrence en Europe du Sud-Est », Revue sur le

droit et la politique de la concurrence, 2003, n° 2, vol. 5, p. 88.

725 OCDE, « Renforcement des capacités pour une politique efficace de la concurrence dans les économies en développement et en transition », op. cit., p. 9.

726 FOUCAUD (P.), « Comment fédérer les collaborateurs à la Compliance ? », op. cit.

727 ADLC, Communiqué de presse, Programmes de conformité et non-contestation des griefs, 2011. 728 PRIETO (C.), « La culture européenne de concurrence », op. cit., p. 9.

729 PRIETO (C.), « La culture européenne de concurrence », op. cit., p. 8. 730 PRIETO (C.), « La culture européenne de concurrence », op. cit., p. 6.

Clark affirme que la culture de concurrence est « la pierre angulaire d’une économie de marché »731.

L'instauration d'une culture de la concurrence est d'autant plus importante que, au vu de ce qui précède et pour de nombreux auteurs, la concurrence est un droit constitutionnel de l'Union européenne en ce qu'il a été constitutif. Dans le traité instituant les Communautés européennes de 1957, le principe de loyauté dans la concurrence figure parmi les principes généraux au sein du préambule732. De plus, ces règles sous-tendent les différentes politiques de l'Union européenne.

Catherine Prieto évoque que « la concurrence est [...] un cadre de "constitutionnalisation" de l'économie »733. C'est « l'équivalent économique de la démocratie politique »734 selon le professeur

Ingo Schmidt. Par ailleurs, il était prévu d'introduire la libre concurrence comme une valeur de l'Union européenne au sein du traité établissant une constitution pour l'Europe en 2004. Cependant, on connait le sort qu'a connu ce projet. La révision de Lisbonne a introduit le terme « d’économie sociale de marché hautement compétitive » et le protocole n°27 annexe relatif au marché intérieur et la concurrence a été ajouté au Traité sur l'UE. La libre concurrence constitue, pour reprendre les explications de Catherine Prieto à ce sujet, le « coeur de la démocratie économique et d'une identification politique »735. Les programmes de compliance en droit de la concurrence sont donc

nécessaires afin que les entreprises internalisent toutes ces valeurs.

Joaquin Almunia le rappelle : « la politique de concurrence est depuis l'origine au cœur des efforts visant à construire une Europe plus unie »736. Le programme de compliance constitue donc un outil

de plus entre les mains des autorités de concurrence pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'entrave au bon fonctionnement du marché intégré. Ainsi, les programmes de compliance permettent de remplir les objectifs de l'Union européenne inscrits à l'article 3 paragraphe 3 du traité sur l'Union européenne qui dispose que : « L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de

731 CLARKE (J.), « Plaidoyer pour la concurrence : défis pour les pays en développement », Revue sur le droit et la

politique de la concurrence, 2004, n° 4, vol. 6, p. 90.

732 Traité instituant la Communauté économique européenne, préambule, p. 11. 733 PRIETO (C.), « La culture européenne de concurrence », op. cit., p. 10.

734 SCHMIDT (I.), « Préface » , in SOUTY (F.), La politique de la concurrence en Allemagne fédérale, PUF, Que sais-je ?, 1996, 127 pages.

735 PRIETO (C.), « La culture européenne de concurrence », op. cit., p. 11.

736 ALMUNIA (J.), « Concurrence, innovation et croissance : Perspective européenne » , i n BEHAR-TOUCHAIS (M.), CHARBIT (N.), AMARO (R.) (dir.), « A quoi sert la concurrence ? Compétitivité, innovation, emploi, relance... 100 personnalités répondent », Concurrences, 2014, p. 145.

l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. »737. Certes, la concurrence n'y

est pas mentionnée mais le traité énonce qu'elle est au service du bon fonctionnement du marché intérieur. Il serait donc logique d'en faire une obligation légale, comme ce qui s'est passé dans les autres domaines. Ainsi, en créant une culture de la concurrence, les programmes de compliance au droit de la concurrence pourraient également remédier au constat de Catherine Prieto qui est que « la concurrence peine encore à entrer dans la catégorie des valeurs de civilisation à tel point qu’elle constitue un véritable défi culturel »738.

Toutefois, il faut garder à l'esprit que cela peut présenter certains risques qui seront exposés dans la partie suivante.

Au sein de l'Union européenne, la diffusion de la culture de concurrence s'est faite en plusieurs étapes dont on peut considérer que les programmes de compliance en droit de la concurrence constitue la dernière étape, tout du moins l'étape actuelle. Ainsi, elle a d'abord été faite par la Commission européenne, en tant qu'organe centralisé et exclusivement compétent pour mettre en œuvre les principes du droit communautaire, à l'époque, de la concurrence. Ensuite, ce sont les autorités nationales de la concurrence qui ont également été chargées de cette diffusion. Le docteur en droit Mor Bakhoum explique que cette décentralisation a pu avoir lieu une fois que « la culture de la concurrence [est] devenue une réalité dans les États membres »739. On peut dire qu'à cette

étape, ce sont surtout les consommateurs et citoyens qui ont été sensibilisés à cette culture, à l'importance des règles de concurrence. Michaël Cousin explique également que la soft law a participé au développement d'une culture de respect des normes740. C'est pourquoi, la dernière étape

consiste à ce que les entreprises elles-mêmes -qui se sont pendant longtemps contentées de calculer le coût que représente une infraction- s'auto-régulent, se responsabilisent avec cette culture de concurrence via les programmes de compliance.

L'établissement d'une culture de concurrence est donc passé par les actions de promotion du droit de la concurrence par les autorités de concurrence. Mais cela ne suffit pas, cette culture est encore faible. Plus largement, la culture de compliance est encore faible. Blandine Cordier-Palasse explique qu'une évolution serait que l'état d'esprit des dirigeants d'entreprises évoluent étant donné que ce sont eux qui sont censés donner l'impulsion à la compliance. Or, pour le moment, ces derniers considèrent que « c'est un sujet de la direction juridique, […] que c'est contraignant,

737 Traité sur l'Union européenne, op. cit., art. 3 § 3.

738 PRIETO (C.), « La culture de la concurrence : Une quête de sens et d'action », op. cit.

739 BAKHOUM (M.), « Cohérence institutionnelle et effectivité d'une politique régionale de la concurrence : le cas de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) », RIDE, 2011, n° 3, p. 326.

technique, règlementaire et donc limitatif »741.

Plus encore qu'une culture de concurrence, ces programmes vont amener une culture de la compliance.