Chapitre 3: La construction d’un leitmotiv métropolitain pour une
2. La métropole, enjeu politique et institutionnel
3.2. La métropolisation, un objectif contesté
Graphique 3: Quels sont les freins les plus importants à la coopération transfrontalière?14
Précision méthodologique
Tout au long de ce travail, nous reviendrons sur les résultats de ce graphique qui aborde de nombreux aspects de la coopération. Il est remarquable de noter ici que chacune des propositions (issues des entretiens) est considérée comme un frein à la coopération. Aucune d’entre elle n’est neutre ou n’affecte pas du tout la coopération. Ce graphique présente donc une gradation entre les différents freins à la coopération.
3.2. La métropolisation, un objectif contesté
Si le projet Metroborder suscite d’importantes attentes et s’il est très favorablement accueilli par les experts, certains d’entre eux notent leur scepticisme à l’égard de son accent métropolitain.
« Le mot ‘métropolitain’ reste étrange pour un tel territoire dont un atout est d'être vert et peu dense » (entretien).
14 Pour faciliter la compréhension des résultats de l’étude Delphi, nous faisons mention du titre de la question, telle qu’elle a été posée aux experts dans le questionnaire. Par ailleurs, sauf précision contraire, les chiffres exprimés sont exprimés en valeur absolue.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Etude Delphi, n=156 Très important Important Peu important Sans importance Sans opinion
Tout en étant contrastés, les résultats de l’étude Delphi confirment cette interrogation face au caractère métropolitain de cet espace. Il est difficile de dégager du questionnaire la priorité devant incarner cette future stratégie (Graphique 4). L’unanimité des experts voit dans cette stratégie politique une chance d’intensifier la coopération transfrontalière. Mais les résultats sont moins probants quand on tente de voir laquelle des options est prioritaire entre : dimensions métropolitaine, polycentrique, positionnement extérieur ou encore structure de gouvernance. Pour quasiment le même nombre d’experts, le renforcement des fonctions métropolitaines figure soit comme la première, soit comme la dernière priorité. Le développement des structures de décision est pour 30 experts la première priorité, tandis que c’est la dernière pour 20 autres. De même, la visibilité extérieure qui est un élément constitutif d’une ambition métropolitaine, constitue la dernière priorité pour environ 28 experts.
Graphique 4: La stratégie Metroborder peut se concrétiser de différentes manières. Laquelle des propositions suivantes vous semble être la plus importante ?
Précision méthodologique
Les résultats ont été ventilés en fonction de l’origine des experts, de leur profession ou encore de leur niveau de compétence, sans qu’il ait été possible de dégager des tendances plus fines. On peut alors s’interroger sur les alternatives proposées aux experts : peut-‐être n’étaient-‐elles pas assez concrètes ? Cette question nous semblait pourtant importante et claire dans la mesure où les propositions reprennent les éléments énoncés dans la déclaration commune en tant qu’éléments constitutifs de cette stratégie (Sommet, 2009 :
0 10 20 30 40 50 60 70 Etude Delphi, n=154 1er priorité 6ème priorité
7). Ces priorités sont tellement différentes, qu’il serait important de dégager lesquelles d’entre elles sont vraiment prioritaires. Les propositions semblent au contraire sources de clivages. Seule la priorité « définir une nouvelle relation ville / campagne » semble être nettement mise de côté.
Nous pouvons en conclure que si les experts soutiennent largement cette stratégie, il était au moment de ce sondage encore difficile pour eux de la concrétiser en définissant des priorités politiques claires. Les caractéristiques associées à un processus de métropolisation ne remportent pas l’adhésion, la fonction métropolitaine, de même que la visibilité extérieure se trouvent soumises à discussion. A tout le moins, la dimension métropolitaine de la GR n’est pas évidente aux yeux des experts. Les commentaires de certains des experts viennent valider la thèse d’un soutien à cette stratégie sous réserve de scepticisme concernant sa mise en œuvre :
« Le terme n'est-‐il pas trop compliqué pour le simple des mortels ? » (Delphi 1, commentaire à la question).
« Das Ziel unterschätzt die Wirkungen des Strukturwandels und der regionalen Arbeitsteilung (bspw. durch Lohndifferenzen), die genauso wichtig ist, wie eine polyzentrisch-‐gleich (anzustrebende) Entwicklung » (Delphi 1, commentaire à la question).
« Richtig gedacht, sehr schwierig umzusetzen » (Delphi 1, commentaire à la question).
Une autre question avait pour but de clarifier comment les experts définissent la notion de polycentrisme (graphique ci-‐dessous).
Graphique 5: Qu’est-‐ce qui définit le polycentrisme selon vous?
0 10 20 30 40 50 60 Système urbain avec communes, pe•tes et grandes villes Système urbain avec plusieurs grandes villes Système urbain fonc•onnant au-‐delà des fron•ères na•onales Système urbain exigeant une coopéra•on accrue Absence d'un pôle économique dominant Etude Delphi, n=150 Luxembourg Lorraine Wallonie Rheinland-‐Pfalz Sarre
Précision méthodologique
Les définitions proposées avaient pour but de révéler l’objectif politique du terme « polycentrique » dans le projet RMPT. Elles devaient donc confronter différentes concrétisations de cet objectif dans ce cas d’étude. Pouvant révéler les attentes politiques à l’égard de ce terme, nous ventilons les résultats en fonction de l’origine des experts afin de déceler un éventuel clivage sur base de la nationalité.
Les experts ont davantage privilégié des réponses morphologiques que celles impliquant une réponse politique (système urbain exigeant une coopération accrue ou absence de pôle économique dominant). Contrairement à la question précédente où la RMPT se définit avant tout par une coopération transfrontalière accrue, le polycentrisme apparaît comme un élément qui n’est pas nécessairement lié à la frontière. Cela ne veut pas dire que le polycentrisme ne peut pas être appliqué au contexte transfrontalier, mais plutôt que la dimension polycentrique est considérée indépendamment du contexte transfrontalier. Les deux propositions retenues se différencient quant à l’échelle à laquelle le polycentrisme est considéré (local pour la première proposition, plus régionale ou nationale avec la deuxième). Pourtant, il n’est pas possible de déceler une approche sensiblement différente entre les experts travaillant à l’échelle locale et ceux travaillant à l’échelle régionale ou nationale ; leur approche se révèle être sensiblement la même. L’intérêt pour l’une ou l’autre proposition ne peut pas non plus être lu à la lumière de la différence entre la nationalité des experts. En fait, ces résultats illustrent une question essentielle du projet RMPT : quel est son ancrage et quels sont donc les acteurs devant être impliqués dans le processus ? Il révèle aussi un enjeu en termes de gouvernance. S’il s’agit d’un système urbain, transfrontalier, comment l’organiser ? Les « déséquilibres » inhérents au caractère transfrontalier doivent-‐ils être contrebalancés ?
Définir une stratégie politique, c’est finalement décider de renoncer à certains domaines pour se focaliser sur certaines priorités. Cet exercice n’a pas été mené de front par le Sommet, dont les groupes de travail sont composites (voir Annexe II, p.242). Dans le même temps, un accord tacite semble se dessiner autour de thématiques prioritaires (Graphique 6 ci-‐dessous). Celles-‐ci ne sont pas surprenantes pour un espace transfrontalier : transport, multilinguisme et aménagement du territoire font partie des « incontournables ». Dans le même temps, on peut constater que plusieurs des priorités ne sont pas incompatibles avec une ambition métropolitaine (recherche, transport). Elles sont en même temps fortement liées aux problématiques engendrées par les flux de travailleurs frontaliers (transport de nouveau, plurilinguisme et mobilité professionnelle de façon assez évidente).
Graphique 6: Par rapport à aujourd’hui, dans quels domaines, la coopération devrait-‐elle s’intensifier ?
Précision méthodologique
La question posée aux experts introduisait un élément de comparaison puisqu’il leur était demandé dans quels domaines la coopération devait être renforcée par rapport au moment où ils répondaient à la question. Cet élément permettait d’introduire une projection dans le futur. En analysant les résultats, il est difficile de déterminer si les experts ont effectivement pris en compte cette nuance. En effet, les domaines plébiscités (ex. : transports, plurilinguisme) sont déjà les sujets retenant le plus l’attention des décideurs. Par contre, la culture par exemple est de manière surprenante une des dernières priorités – c’est aussi un des sujets sur lesquels la coopération est la plus importante actuellement. Il semble dans ce cas que la nuance de la question puisse avoir joué un rôle. Il s’agit de continuer, voire de renforcer la coopération actuelle dans le domaine culturel. Si cette nuance était interprétée littéralement, il faudrait considérer que dans les domaines du commerce de détail et dans une moindre mesure dans le domaine de la fiscalité et des aéroports, la coopération devrait être légèrement renforcée, sachant qu’actuellement, les entretiens ont montré que ces trois domaines étaient considérés comme les tabous de cette région. Il s’agirait donc de les faire passer d’état de tabou à un sujet pouvant être abordé. Sur un tel nombre d’experts, il est difficile de déterminer quelle est la proportion d’entre eux ayant répondu en prenant en compte cette comparaison. Cette remarque méthodologique permet de lire les réponses à cette question de façon plus nuancée. Certains sujets s’imposent d’eux mêmes étant donné l’importance des interdépendancess fonctionnelles tandis que d’autres sont volontairement exclus ; les acteurs préfèrent dans certains cas maintenir les différentiels frontaliers. L’effet frontière est donc tantôt accepté, tantôt diminué.
0 20 40 60 80 100 120 Etude Delphi, n=156 Beaucoup plus Un peu plus La même Un peu moins Beaucoup moins Sans opnion
Après ces différents résultats, nous constatons que l’ambition métropolitaine n’est soit pas clairement assumée par l’ensemble des experts, soit elle est contestée ou questionnée par nombre d’entre eux. En même temps, les priorités thématiques qu’ils dessinent ne sont pas incompatibles avec une telle ambition. Par ailleurs, la dimension polycentrique semble essentielle dans cet espace réunissant de nombreux partenaires ; elle pose toutefois des questions quant à l’échelle de son opérationnalisation. Les priorités du projet Metroborder ont été affinées dans le cadre du second questionnaire (graphique ci-‐dessous).
Graphique 7: Sélectionner les deux thèses qui devraient être au cœur de la stratégie Metroborder
Précision méthodologique
Les propositions formulées dans cette question reposent sur les éléments de commentaires laissés par les experts à la question : « Quelle serait votre vision de la GR dans les 20 prochaines années ? » dans le premier questionnaire. Deux tiers des experts avaient répondu à cette question ouverte ce qui a permis d’approfondir leurs réponses dans le second questionnaire. Ils ont été analysés et regroupés par mot clé. Sur base de la fréquence des mots clés utilisés et de l’intensité de la coopération que chaque mot véhiculait, cette question a été élaborée.
Trois éléments ressortent nettement de cette analyse. Ils ont d’ailleurs servis à opérationnaliser la « strategy building » dans le cadre du projet ESPON/Metroborder. Ces trois éléments ne sont pas surprenants pour un espace frontalier, mais il reste intéressant de les voir se manifester de la sorte. La dimension économique est à l’origine de l’importance des flux frontaliers. La mobilité transfrontalière constitue un moyen déterminant à la réalisation de cet espace frontalier. En résulte ainsi l’idée conjuguée d’une région modèle en Europe, en ce qu’elle incarne l’intégration européenne et d’un espace de
0 10 20 30 40 50 60 70 80 Mobiliser son poten•el économique Plan de mobilité Grande Région « Région modèle » en Europe
Espace de vie
commun Ins•tu•ons de coopéra•on avec pouvoir de décision et budget autonomes des régions
Autre Sans opinion
vie commun. Ce graphique reflète bien plus les spécificités d’un espace frontalier que celles d’un espace accentuant sa dimension métropolitaine. Toutefois, nous constatons, que ces caractéristiques ne sont pas incompatibles avec les définitions normatives que les états peuvent donner d’un espace métropolitain. Finalement, l’objectif des experts, par le biais de cette stratégie peut être résumée ainsi :
« Un espace de coopération politique, économique, social et culturel phare dans l'Union européenne » (étude Delphi 1, commentaire à la question : quelle serait votre vision pour la GR à l’horizon 2030 ?)
Nous avons donc montré que l’ambition métropolitaine développée dans la stratégie Metroborder est à relativiser et à interpréter avant tout au regard des défis fonctionnels identifiés dans cet espace. L’opérationnalisation de cette stratégie fait face à certains défis. Il s’agit dans un premier temps de mettre sur pied une stratégie de coopération qui réponde aux exigences européennes. Il s’agit ensuite de faire face aux nombreux défis politiques et territoriaux de cet espace.