Chapitre 3: La construction d’un leitmotiv métropolitain pour une
1. L’émergence d’un double processus de « bordering »
1.3. Asymétrie du Vertrags-‐ et du Mandatsraum : les enjeux de leur coexistence
1.3. Asymétrie du Vertrags-‐ et du Mandatsraum : les enjeux de
leur coexistence
Bien que l’espace institutionnel et l’espace du mandat ne soient pas de même nature et qu’ils incarnent deux réalités complémentaires et interdépendantes, on peut se demander comment ils coexistent d’un point de vue opérationnel.
1.3.1. Le Mandatsraum et son espace « périphérique »
Comment l’espace défini par le Mandatsraum s’articule-‐t-‐il avec sa périphérie, située à l’extérieur, mais incluse dans la GR ? Cette question peut sembler très descriptive, voire banale, mais elle est immédiatement posée par tout expert dont les intérêts se situent précisément dans cette périphérie. En fait, cette question interroge la nature exacte du Mandatsraum. Deux pistes de réflexion peuvent être envisagées:
− La Mandatsraum, espace bornant les priorités dans l’espace
Comme nous l’avons relevé plus haut, le Mandatsraum se structure en complément du Vertragsraum afin d’opérationnaliser la stratégie de positionnement qu’est le projet politique Metroborder. L’essence de cet espace réside dans son opérationnalité à territorialiser une vision politique. Une possible institutionnalisation de cet espace consisterait à considérer le Mandatsraum comme une borne permettant de déterminer les projets essentiels participant à la RMPT et les projets de moindre importance. Cette interprétation pose, à terme, la question de la pertinence du périmètre institutionnel. Elle est assez traditionnelle puisqu’elle consiste à définir un nouvel espace et pour se faire de le borner. Les enjeux institutionnels posés par cette définition ont d’ailleurs été parfaitement saisis par la plupart des acteurs pour qui figurer sur la carte de la RMPT était essentiel. Cette
interprétation du Mandatsraum explique aussi la difficulté à déterminer les priorités effectives de la RMPT.
− Le Mandatsraum, espace « souple » (Allmendinger & Haughton, 2009)
Si au contraire, on retient que le Mandatsraum est la mise en œuvre spatiale d’un projet politique, alors ce périmètre peut être évolutif et souple en fonction justement des besoins d’adaptation du projet, des fonctions métropolitaines considérées, de l’évolution des interdépendances. Dans ce cas, la notion de « fonction » prend une importance plus grande et exige une définition plus circonscrite du projet politique. S’agit-‐il vraiment d’une ambition métropolitaine et quelle est la priorité de son positionnement, est-‐elle interne ou externe ? Ainsi, si les transports étaient considérés comme prioritaires en tant qu’élément essentiel de structuration interne et de connectivité européenne, l’espace périphérique est essentiel. Le Mandatsraum permettrait de représenter les interconnexions entre les principales villes de la GR (essentiellement Quattropole et Tonicités) tout en renforçant leur connexion aux principales métropoles européennes à la marge de la GR (Bruxelles, francfort, Bâle Zurich) (ESPON/Metroborder, 2010a : 132). Cette interprétation conforterait alors le cadre institutionnel. Ce dernier reste un repère spatial fixe dans lequel plusieurs types de coopération sont envisageables. Le Mandatsraum, s’il est institutionnalisé, caractérise une stratégie dans l’espace sans pour autant la figer. Se pose dans cette hypothèse la question de l’opérationnalisation de cet espace en termes de gouvernance. Comment opérationnaliser une stratégie si cet espace est mouvant dans le temps et dans l’espace ? Nous reviendrons sur les enjeux de cette question plus loin.
1.3.2. Vertrags-‐ et Mandatsraum : quid des structures de décision ?
L’institutionnalisation d’un espace de coopération resserré montre qu’une priorité spatiale est définie et même institutionnalisée. Le focus territorial ainsi déterminé déplace aussi le centre de préoccupation des acteurs politiques qui sont amenés à concentrer leurs activités de coopération. En resserrant le focus territorial, la coopération change aussi d’échelle spatiale. Elle reste interrégionale dans le sens où elle s’organise entre plusieurs entités régionales, mais elle se localise aussi. C’est précisément le second enseignement que nous pouvons tirer de la Carte 10 (p.130) sur l’implication des villes. Ce cadre spatial se rapproche des enjeux posés par les interdépendances transfrontalières. Cela implique que certains acteurs institutionnels soient davantage concernés que d’autres ; certains étant impliqués dans le Vertragsraum, d’autres ne l’étant pas. Ces questions interrogent la gouvernance en Grande Région que le Mandatsraum soit défini comme étant souple ou en tant que borne. La définition du Mandatsraum est donc un processus qui n’interroge pas uniquement les acteurs initiateurs et parti prenant au processus, il interroge plus largement tout acteur qui de près ou de loin sent ses intérêts représentés dans le processus RMPT. En ce sens, ce processus interroge aussi les acteurs et les modes de décision en GR. Il participe d’une volonté de renforcer et d’opérationnaliser la coopération institutionnelle. Ainsi, même si dans un premier temps le Vertragsraum est confirmé, il n’exclut pas la structuration d’un
réseau d’acteurs complémentaires dont les attributions pourraient être par exemple la mise en place de la RMPT au niveau local, entre les réseaux de villes et les acteurs locaux en général (p. ex. : agences d’urbanisme, chambres de commerce). Les implications institutionnelles de la RMPT seront envisagées dans le chapitre suivant dans le détail. L’essentiel ici est de remarquer que la structuration d’un nouvel espace de coopération peut avoir d’importantes conséquences sur la coopération institutionnelle en GR.
Conclusion de la première partie
L’espace de coopération de la Grande Région s’est progressivement institutionnalisé depuis 1971, sans toutefois faire l’unanimité auprès des acteurs. La volonté d’opérationnaliser cet espace de coopération en en faisant le support recentré d’une stratégie politique est une raison essentielle ayant présidé au développement de la stratégie politique Metroborder. La tentative de développer un espace du mandat (Mandatsraum) venant préciser l’espace institutionnel n’est autre que la concrétisation spatiale de cette ambition politique. Cet espace du mandat résulte d’un complexe processus de délimitation spatiale. Ce dernier allie à la fois des arguments fonctionnels, des ambitions de positionnement stratégique, mais aussi des représentations idéelles. Il est par nature difficilement saisissable, car constamment évolutif. Il nous faut maintenant éclaircir comment l’espace du mandat et l’espace institutionnel s’articulent et quel rôle ils jouent dans l’éventuelle construction d’une territorialité transfrontalière. Pour ce fait, nous nous interrogeons sur la notion d’appropriation. Comment les acteurs d’un espace transfrontalier s’approprient-‐ils l’espace qu’ils ont délimité ? A fortiori, comment les acteurs transfrontaliers établissent-‐ils une relation avec l’espace qu’ils ont délimité et quelle est la nature de cette relation ?