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Chapitre 5. Méthodologie de l'enquête

5.3 Le recueil des données

5.3.3 La méthode utilisée

L’idée de prendre en compte des personnes en situation de handicap afin d’améliorer l’interface de leur site universitaire est intéressante. Par contre, la question qui se pose est de savoir si cette manière de procéder à savoir, prendre en compte uniquement l’avis des personnes déficientes visuelles, ne sera pas pénalisante pour les personnes valides ?

149 Critères Déficience Visuelle OMS : http://www.thebaudieres.org/index.php/la-population-accueillie/38-pathologies consulté le 01/01/2018

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 Demander l’agrandissement des caractères par exemple ou changer la couleur d’écriture ou la couleur du fond pourra faciliter la lecture pour un déficient visuel alors que pour un valide le site peut être inexploitable.

 Demander le changement de la couleur d’un logo peut être en désaccord avec la charte graphique d’un site ; par exemple, changer la couleur du logo de Bouygues Telecom (bleu claire) ou de Orange (orange claire) car la couleur du fond n’est pas contrastée avec la couleur blanche.150

 Demander d’enlever les animations pourrait priver le site de sa vivacité et le rendra peut-être moins attractif. Tous ces exemples montrent pourquoi, il ne faut pas exploiter directement l’avis des personnes en situation de handicap visuel. Alors, serait-il plus pertinent de prendre uniquement en compte les améliorations qui conviennent aux personnes valides sans avoir les recommandations qui émanent des personnes déficientes visuelles ? Cela suffira-t-il ?

Par conséquent, si nous supposons que chaque demande provenant d’une personne qui souffre d’un handicap visuel va provoquer un conflit par rapport aux habitudes des personnes valides alors nous allons rien améliorer et le travail va partir à la corbeille. De même, les normes WCAG et RGAA ont souffert de ce conflit ; nous citons l’exemple de la justification d’un texte qui est interdit par le niveau AAA du RGAA. Face à ce conflit quelle est la bonne méthode à adopter afin de réaliser une

150 Règle 1.4.3, pour obtenir le niveau AA.

Le texte (ou les images de texte informatif) d'au moins 18 points ou d'au moins 14 points gras (ou une taille de caractère équivalente pour les polices chinoises, japonaises ou coréennes) devrait posséder un contraste de luminosité d’au moins 3 pour 1 avec son arrière-plan.

Sinon le texte (ou les images de texte informatif) devrait posséder un contraste de luminosité d’au moins 4.5 pour 1 avec son arrière-plan.

Aucune exigence de contraste pour le texte faisant partie d'un logo ou d'un nom de marque. Règle 1.4.6, pour obtenir le niveau AAA.

Le texte (ou les images de texte informatif) d'au moins 18 points ou d'au moins 14 points en gras (ou une taille de caractère équivalente pour les polices chinoises, japonaises ou coréennes) devrait posséder un contraste de luminosité d’au moins 4.5 pour 1 avec son arrière-plan.

Sinon le texte (ou les images de texte informatif) devrait posséder un contraste de luminosité d’au moins 7 pour 1 avec son arrière-plan.

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interface qui plait et qui répond aux attentes de tout le monde, tout en essayant d’avoir un pourcentage élevé en conformité par rapport aux normes RGAA niveau AA exigé par la loi. Notre objectif est d’améliorer l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap au-delà des normes nationales et internationales. En effet, les normes actuelles mises en œuvre ne répondent pas forcément aux attentes de ces déficients visuels qui sont dans la plupart des cas pas satisfaits, en grande partie à cause de l’inaccessibilité des sites. Notre réflexion est de leur améliorer l’interface sans pénaliser les personnes NT.

Cette réflexion pourra être basée sur un constat de l’utilisation d’un déficient visuel de cette interface, un test utilisateur, choisir ce qui est convenable des recommandations de ces personnes handicapées et aligner l’interface aux normes d’accessibilité nationales. Ce type d’analyse est très proche de l’analyse UX (expérience utilisateur) que nous pouvons adapter au contexte handicap et parler de l’expérience utilisateur pour handicap. Cette analyse est inspirée du « Template » du rapport d’utilisation publié par le département américain de la santé et services humaines «U.S.

Department of Health & Human Services» sur leur site Usability.gov151. C’est donc très important de savoir comment nous devons entreprendre un entretien avec une personne handicapée, que son handicap soit visuel ou autre.

Pour effectuer un entretien avec une personne valide, il faut respecter plusieurs critères comme par exemple, fixer un rendez-vous, préparer un lieu qui convient à cette entrevue, préparer le guide de cet entretien, lui communiquer la durée et l’itinéraire si le lieu est nouveau pour l’interviewé… Mais lorsque l’interviewé est une personne en situation d’handicap, d’autres critères s’ajoutent à ceux cités au-dessus. En effet, chaque type de handicap requiert des recommandations différentes, il est donc important de bien les connaitre. Afin de préparer nos entretiens semi-directifs avec des étudiants malvoyants et non-voyants, nous nous sommes basés sur le guide de la conduite des entretiens avec un handicapé publié et utilisé par l’association américaine pour les déficiences intellectuelles et développementales. Des parties de ce guide ont été

151 Usability report template created by U.S. Department of Health & Human Services - 200 Independence Avenue, S.W. - Washington, D.C. 20201 : https://www.usability.gov/how-to-and-tools/resources/templates/report-template-usability-test.html consulté le 01/10/2017

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adaptées à partir de «Disability Etiquette Handbook» rédigé par la ville de San Antonio, le département de planification du Texas et le comité consultatif sur le handicap. Ce type d’entretien s’appelle SIS (Supports Intensity Scale) 152

: c’est l’appellation pour les entretiens qui nous apprennent comment gérer les tensions qui peuvent avoir lieu lors d’un entretien avec une personne en situation de handicap. Ainsi, nous avons pris uniquement ce qui nous intéresse vis-à-vis de notre interviewé pour ensuite, l’interpréter selon le contexte de cette étude.

L’intervieweur

Selon ce guide, l'intervieweur doit être un professionnel qui est titulaire d’au moins un baccalauréat et qui a de l'expérience dans le domaine de handicap. Il est obligatoire d’évoquer les aptitudes et éventuellement les restrictions d’aptitudes (toujours en terme positif). Lors de l’entretien l’intervieweur ne doit pas faire de handicap l’objet ou le sujet principal de l’entrevue. En outre, il n’est pas nécessaire de demander des détails relatifs à la situation personnelle du participant.

Ainsi, l’intervieweur doit être conscient que la durée estimée de l’entretien peut être largement dépassée. Parmi les informations à communiquer préalablement par l'intervieweur à l’interviewé et l’intermédiaire, c’est de leur préciser une estimation de la durée de l'entretien afin qu'ils puissent s’organiser et planifier à l’avance (par exemple : le transport nécessaire pour leur voyage de retour à la fin du rendez-vous de l'entretien SIS).

Pour le bon déroulement de l’entrevue, l’intervieweur doit répondre à un certain nombre de points ; il s’agit de faire preuve de patience et savoir s’adapter aux situations imprévisibles, s’identifier clairement auprès de la personne interviewée, expliquer au participant son rôle et le rôle de l’interviewé dans cet entretien, communiquer avec sa voix et volume habituel, faire attention aux mots employés et essayer de s’exprimer avec des mots simples et clairs, se comporter avec chaque participant en tenant compte de son âge, vérifier régulièrement si l’interviewé comprend bien ce qu’on dit et apporter une aide et un soutien de manière sensible et respectueuse en cas de besoin.

152 SIS Reassessment Procedure:

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En ce qui concerne la méthode que nous avons appliqué dans la direction de nos entretiens, nous avons choisi de commencer par un entretien ouvert, où nous essayons de comprendre la personnalité et puis poser des questions en tenant en compte le caractère de l’interviewée, s’il accepte de parler de son handicap sans problème, sans que cela soit un sujet blessant pour lui. Parfois, nous posons des questions générales ce qui nous permet d’avoir des réponses où le participant exprime son avis et donne des arguments, nous lui posant également des questions directes comme les «Yes or No

Questions» pour confirmer un résultat, en l’interrogeant via des questions ouvertes qui

nous facilitent la transition vers un autre sujet qui nous intéresse, évidemment il nous arrive parfois d’aborder un thème qui nous nous intéresse pas forcément cela est important car ça permet de faciliter l’échange et garantir un bon déroulement de l’entretien.

L’intermédiaire

Il est préférable de passer par un intermédiaire que l’intervieweur connait et qui de préférence est valide afin de faciliter l’acceptation du cadre de l’entretien. Toutefois, un intermédiaire invalide peut aussi garantir ce lien de confiance avec l’interviewé si nous n’avons pas la possibilité d’avoir un intermédiaire valide.

Ainsi, dans le cadre de nos entretiens, toutes les personnes intermédiaires étaient des déficients visuels. L’intermédiaire et l’interviewé doivent avoir un lien de minimum trois mois, cette période est requise afin de pourvoir garantir qu’il existe un lien de confiance entre ces deux parties. L’individu qui joue ce rôle d’intermédiaire, il est possible que ce soit un parent, un frère, une sœur, un préposé aux soins directs.

L’interviewé

Les personnes handicapées ont des réflexions uniques, qui aux yeux des autres pourraient ne pas être comprises. Aucune personne ne souhaiterait être victime des opinions et de jugements des autres et les personnes handicapées sont souvent exposées à cette situation. De ce fait, la plupart de ces individus considèrent que toutes les décisions ayant un impact sur leur vie, doit être prises par elles-mêmes. Lorsqu'une personne handicapée ne peut pas s'exprimer verbalement, il existe d’autres moyens pour

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connaitre ce qu’elle a du mal à dire et avoir donc des informations pour le processus SIS, il s’agit : des mouvements corporels, des sourires, des regards, des grimaces, etc.

Dans le cas où la personne éprouve des difficultés pour parler ou si elle dépend d’un moyen d’assistance donné pour communiquer, il serait primordial de prendre en compte ces éléments et par conséquent, prévoir suffisamment de temps pour mener à bien cette entrevue. Quand le participant ne prononce pas clairement un mot ou une phrase ou encore lorsqu’il y’a un souci de compréhension, il ne faut pas hésiter de lui demander de répéter sa réponse ou de l’expliquer.

Lors d’un entretien face à face avec une personne ayant une déficience visuelle, il est obligatoire de prendre le temps de se présenter et il serait judicieux d’éviter de changer de poste une fois l'entrevue commencée. Il est aussi requis de fournir une vue complète de la bouche et parler à son rythme et à son volume habituel à moins qu'on demande de ralentir ou de parler. Le regard est important c’est pourquoi, il faut regarder directement la personne et parler clairement, naturellement et lentement. En effet notre façon de s’exprimer pourrait aussi être interprétée. Cependant, ceux qui le peuvent, comptent sur les expressions faciales et d'autres langages corporels pour aider à la compréhension. Il est nécessaire de montrer de la considération en se plaçant face à la source lumineuse et en gardant les mains éloignées de la bouche lorsque nous parlons. Nos questions doivent être adressées directement au participant sans passer par l'intermédiaire (parent accompagnant ou du personnel de soutien). De plus, lorsque nous interrogeons des personnes qui ont un blocage communicatif, il faut éviter de les corriger ou de compléter leurs phrases et réponses. Il faut leurs laisser le temps de finir leur raisonnement sans les interrompre.

Le guide rappelle également l’importance d'être prudent. Il peut arriver que nous ne comprenions pas ce qui a été dit mais que la personne handicapée ne se sente pas à l'aise d’être corrigé par l’intervieweur. Ce sont les réactions de l’interviewé qui guide l‘intervieweur pour comprendre le type de questions à poser et les questions qu’il faut éviter. L’intervieweur encadre l’entretien en fonction de la personne interviewée. En effet, lorsque nous avons face à nous une personne qui ne parle pas il faut essayer de choisir une manière pour avoir les informations tandis que lorsque la personne est bavarde il faut essayer d’encadrer l’entretien pour ne pas sortir du sujet.

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Nous allons exposer maintenant, sur quelles études nous nous sommes basés afin de recueillir le maximum de renseignements. Tout d’abord, nous avons pris en compte l’étude intitulée « L'accessibilité des E-services aux personnes non-voyantes : difficultés d’usage et recommandations », de Françoise Sandoz-Guermond et Marc-Eric Bobillier-Chaumon, dans la définition de nos scénarios. Les tests d’utilisabilité selon cette étude ont été effectués sur base de trois scénarios et en couvrant le panel des E-services proposés : Recherche d'information (Scénario 1), participation à un forum citoyens (Scénario 2) et remplissage d’un formulaire en ligne (Scénario 3). Afin de récolter le plus d’informations possibles, nous avons employé différentes techniques de recueil : La verbalisation simultanée : « penser à haute voix » durant la réalisation du scénario, les observations directes (par grille d'observations) et « indirectes » (par logiciel de capture d’écran « ViewLetCam »153 et caméra) et les questionnaires «Post-Test» de satisfaction.

À partir des différents résultats que nous avons obtenus, nous cherchons à interpréter les écarts de « performances » entre les personnes valides et les personnes malvoyantes afin de comprendre l’origine des difficultés éprouvées et rencontrées par ces dernières.