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La métaphore, un trope par ressemblance selon Fontanier

1 1.1 La métaphore entre poétique et rhétorique selon Aristote

1.2. La métaphore, un trope par ressemblance selon Fontanier

Pierre Fontanier (1765-1844) est reconnu comme précurseur du structuralisme linguistique. Aussi, il est considéré comme grammairien, fondateur de la rhétorique moderne : son traité sur les figures de style, qui a été et demeure une référence dans l'enseignement des lettres,

Comme le faisait Aristote, Fantanier met l‟accent au XIX siècle sur l‟intérêt stylistique de la métaphore. Selon lui la relation qui existe entre le sens propre du mot et son sens figuré, on distingue plusieurs tropes nommés majeurs qui sont d‟abord ceux qui correspondent à des images citant la métaphore comme Trope par ressemblance. Dans son ouvrage fondateur : Les Figures du discours, elle consiste à employer « un mot dans un sens ressemblant à, et cependant différent de son sens habituel »37 comme dans: « Le remords dévorant s'éleva dans mon cœur ». Fontanier insiste sur son universalité et sa grande productivité au sein du discours : « La métaphore s‟étend bien plus loin sans doute que la métonymie et que la synecdoque, car non seulement le nom, mais encore l‟adjectif, le participe et le verbe, et enfin toutes les espèces de mots sont de son domaine. »38.

Mais d‟Aristote à Fontanier, ce qui est en jeu, c‟est l‟unité de sens qu‟est le mot ou le nom, et ce qui semble ici primer, dans la définition classique de la métaphore, c‟est le rapport analogique qu‟elle instaure et qui affecte le mot. La question pourtant sous-jacente à cette mise en avant des fonctions de « ressemblance » et de « substitution » inhérentes à tout processus métaphorique est celle du sens, celui de la dianoïa mise à l‟écart ou du moins existante dans son seul dévoilement à travers des modalités d‟expression.

Les figures consistent donc en la substitution au mot (ou plusieurs mots) «simple et commune» d‟un autre mot (ou plusieurs mots).39

La métaphore, un trope entre autres

La plupart des tropes sont aussi des figures. Pour qu'il y ait figure, il faut que l'on ait le choix entre deux ou plusieurs mots et qu'il y ait la possibilité de substitution. Les

37 Todorov et Ducrot, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, page 354 38

Fontanier, supra , page 34

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catachrèses constituent une troisième catégorie. Elles sont des tropes, mais elles ne sont pas des figures, car il n'existe pas de mot « simple » pour désigner la même notion. On n'a pas de choix, et par conséquent, elles ne peuvent pas être classées comme des figures.

Prenons comme exemple le mot dent, dans le sens de dents d'une scie. Ce terme n'est pas perçu comme une métaphore, car il est la dénomination normale pour cet objet. Si l'on en est conscient, il n'est pas difficile de voir la métaphore ou l'analogie entre les dents d'un animal ou d'un être humain et les dents d'une scie. Comme il n'existe pas d'autre mot pour désigner ces derniers, le locuteur ne fait pas un choix délibéré entre un terme littéral et un terme figuré. Et selon Fontanier, c'est ce choix qui caractérise les figures. L'expression dents d'une scie est donc une catachrèse.

La métaphore et les autres tropes appartiennent, selon Fontanier, à un niveau de langage plus élevé que celui de tous les jours, même si d‟après lui «les enfants, les sauvages, les ignorants »40 les utilisent beaucoup. Ces groupes emploient des tropes parce que leur vocabulaire ne suffit pas pour dire ce qu'ils veulent dire, et ils substituent un mot qu'ils connaissent au mot qui leur manque. Mais comme ils ne font pas de choix délibéré, il ne s‟agit que de catachrèses. Les vrais tropes, nous les utilisons pour donner plus d'«agrément »41 au langage.

Nous avons déjà vu que pour Fontanier la métonymie et la synecdoque ne sont pas des métaphores. La métaphore est un trope par ressemblance, la métonymie un trope par correspondance, les deux objets mis en relation dans cette figure font chacun « un tout absolument à part »42. Elle désigne souvent le contenu par le contenant, l‟effet par la cause (exemple : Montrer les dents; on prend un verre ?...), et la synecdoque un trope par connexion. les deux objets en relation forment un ensemble tel que « l‟existence ou l‟idée de l‟un se trouve comprise dans l‟existence ou l‟idée de l‟autre » 43

via un rapport de dépendance externe qui consiste à désigner un tout par l'une de ses parties, ou vice-versa (exemple : Jeter un œil, Mettre le nez dehors, Des millions de dents l'ont choisi) Quant à la comparaison, elle est, pour Fontanier, une figure, et non pas un trope, car il n'y a pas de transformation de sens.

40

Ibid. p. 34

41 Ibid. p. 31

42in Introduction à l‟ouvrage de P. Fontanier, Les figures du discours, Paris, publication Flammarion, Champs,

1830, pages 5-17

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Pour conclure, L‟étude de Fontanier reste malgré tout encore très dépendante de la définition première d‟Aristote ; la conception des « tropes », eux-mêmes désignant « certains sens plus ou moins différents du sens primitif, qu‟offrent, dans l‟expression de la pensée, les mots appliqués à de nouvelles idées»44, reste encore en deçà d‟une compréhension élargie de la métaphore. Cette définition des tropes implique cependant la connaissance de ce rapport à la pensée qu‟il suppose et nécessite une taxinomie précise des figures dans lesquelles la pensée peut se dévoiler; c‟est ce que tentera d‟établir le traité de Fontanier qui fut pris comme un modèle du genre et adopté comme manuel à l‟Université.