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La légitimité politique des intérêts agricoles en question

II - L’épreuve du vote rural

2) La légitimité politique des intérêts agricoles en question

Malgré l’enthousiasme qu’ils suscitent chez les radicaux et socialistes exilés ou restés en France, les projets de gouvernement direct pèsent peu sur le débat politique, qui a pris dès 1848 une tout autre orientation : pour la plupart des publicistes et hommes politiques en effet, ce n’est pas la représentation qui pose problème, mais le monde rural, dont le comportement politique inquiète. Conservateur en avril 1848, bonapartiste en décembre 1848, parfois socialiste en mai 1849, le vote des campagnes déjoue en effet les attentes d’une grande partie du monde politique, qui, on l’a vu au chapitre précédent, avait cru pouvoir identifier les intérêts du petit paysan propriétaire à ceux de la nation. La perception de la France rurale en est changée, et avec elle, la place accordée jusqu’ici aux intérêts matériels dans la sphère politique.

La condamnation de l’intérêt matériel

Généralité de la loi et diversité des intérêts

On le sait, la Seconde République s’ouvre sur la conviction, chez les républicains mais pas seulement, que l’avènement du suffrage universel conduit immanquablement à la transformation de la politique, désormais tournée vers la satisfaction des intérêts du plus grand nombre, notamment ceux de la majorité rurale. Quelques mois plus tard, l’impuissance du nouveau régime à répondre aux aspirations sociales est pourtant manifeste. Car il s’agit bien d’abord d’impuissance et non d’un refus de principe : dans un premier temps, les républicains au pouvoir restent persuadés de la nécessité de remédier aux souffrances populaires. Mais quand les radicaux s’éloignent peu à peu d’une « République bourgeoise » qu’ils estiment trop indifférente à la misère des masses, les modérés invoquent les difficultés à la fois pratiques et théoriques auxquelles se heurte l’action sociale du gouvernement. Le problème est avant tout financier : dans le cas des 45 centimes imposés par décret le 16 mars 1848 comme dans celui de la fermeture des ateliers nationaux, décidée par l’Assemblée le 21 juin 1848, l’argument budgétaire domine les discussions. A un moment où les bouleversements politiques aggravent la crise économique, les républicains découvrent qu’ils n’ont pas les moyens de leur politique. Mais ils sont également confrontés à une difficulté de

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 110 principe : comment maintenir la généralité de la loi, supposée garantir l’égalité et l’unité nationale, quand les événements semblent indiquer la diversité irréductible des aspirations sociales ? Alors que les radicaux et la plupart des socialistes, on l’a vu, affirment l’unité profonde du peuple au-delà des divisions apparentes, les modérés sont en effet plus sensibles à l’antagonisme des intérêts que semble révéler le contraste entre le vote des campagnes et celui des villes.

La discussion suscitée en août 1848 par la proposition relative aux indigents invalides de la campagne illustre bien leurs hésitations. Déposée par Henri Ceyras, un proche de Leroux que les journées de juin ont rallié à Cavaignac, cette dernière prévoit l’affectation d’un million de francs aux départements, à répartir en fonction des besoins, pour faire admettre à l’hôpital ou secourir à domicile les indigents invalides de la campagne, ainsi que la création d’une commission cantonale chargée de recueillir et de redistribuer les dons privés. Elle divise les modérés. Les uns, comme Yves Tassel, Glais-Bizoin, Babaud-Laribière ou Dezeimeris, soutiennent la proposition : elle leur paraît à la fois conforme à la nature de la Révolution de février, « toute sociale » selon le mot de Tassel, et justifiée par l’égalité, qui voudrait que les soins déjà apportés aux ouvriers trouvent leur pendant dans les campagnes.

Elle présente en outre selon Babaud-Laribière un « intérêt moral et politique immense », celui de « populariser les institutions » en montrant aux ruraux que la République « embrasse dans le même amour toutes les douleurs et toutes les infortunes »1. Les autres, suivant en cela les conclusions du Comité du travail soutenu par le gouvernement, rejettent au contraire la proposition, quoiqu’ils admettent avec le rapporteur, Paul Vergnes, qu’« il faut sans doute accorder de l’argent tant qu’il y aura des misères à soulager »2. Les mesures sociales ont en effet leur accord de principe, mais à condition qu’elles fassent l’objet de lois générales, destinées à tous les nécessiteux quel que soit leur lieu de résidence : « s’il y a des secours à donner, affirme Vergnes, il faut les accorder purement et simplement aux indigents, en laissant aux administrations à distinguer ces fonds et à les appliquer là où il sera nécessaire »3. Contre les promoteurs de la loi, qui, au nom de l’égalité, souhaitent étendre les bienfaits de la

1 Séance du 11 août 1848. Moniteur universel, 12 août 1848, p.1982.

2 Ibid.

3 Ibid.

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 111 République « sur tous les points du territoire »1, la même objection est inlassablement avancée : il ne faut pas « spécialiser », il ne faut pas « faire de catégories »2. Ce qui semble poser problème en effet, ce n’est pas d’élaborer une loi spécifiquement destinée aux indigents – n’a-t-on pas, comme le rappelle Ceyras, voté des « milliers ou des millions de francs pour les victimes de la guerre civile, pour les victimes de la crise industrielle, pour les artistes et pour les théâtres ? »3 –, mais de proposer des catégories qui, sans doute parce qu’elles présentent une grande cohérence, au plan géographique, social mais aussi électoral, sont susceptibles de « diviser » la nation entre le peuple des villes et le peuple des campagnes4. L’argument est à la fois de principe et d’efficacité : la loi doit être nationale ; le gouvernement, rappelle le ministre des finances, poursuit des « résultats généraux que des demandes partielles éloignent plutôt qu’elles ne les rapprochent »5.

La discussion n’est pas tranchée par le vote de l’Assemblée, qui refuse à 405 voix contre 304 l’ajournement demandé par le Comité du travail et renvoie la proposition au Comité pour un nouveau rapport, ce qui revient pratiquement au même. Il est vrai que le débat a tout du dialogue de sourds. Nul ne nie explicitement le caractère général de la loi. Ceyras lui-même hésite à demander une loi spéciale : il se peut aussi, dit-il en présentant sa proposition, que l’indifférence à laquelle sont confrontés les indigents invalides des campagnes provienne du défaut d’exécution des lois générales relatives à la bienfaisance.

D’où sa conclusion en forme d’alternative : « ou, à défaut de loi, faites en une avec ma proposition ; ou, à défaut d’exécution, décrétez ma proposition comme mesure de réparation, d’exécution et d’urgence à la fois »6. Nul ne conteste non plus le principe d’égalité. C’est en son nom que les uns soutiennent la proposition et que les autres la rejettent : dans le premier cas, il s’agit d’établir « une espèce d’égalité »7 pour faire disparaître, par une loi ou un décret,

1 Babaud-Laribière, ibid. p.1983.

2 Voir, dans la discussion, le discours de Vergnes et les interventions d’Edmond de Tillancourt, également membre du Comité du travail, et du ministre des finances, Michel Goudchaux. Ibid.

p.1981-1984.

3 Ibid. p.1982.

4 Tillancourt, ibid.

5 Ibid. p.1983.

6 Ibid. p.1981.

7 Babaud-Laribière, ibid. p.1983.

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 112 la « catégorie des exclus de la bienfaisance »1, née de la géographie ou de l’imperfection des institutions existantes ; dans le second cas, l’égalité politique des citoyens interdit à la loi toute catégorisation du peuple, mais les inégalités réelles semblent bien pouvoir être prises en compte par l’administration. Aucun accord clair n’émerge pourtant, et le hiatus ici révélé entre l’exigence d’égalité des citoyens et le constat de la diversité du corps social reste donc sans solution.

La question constitue d’ailleurs pour les républicains modérés une difficulté durable.

Au printemps 1851, Dezeimeris confesse ainsi aux lecteurs du Journal d’agriculture pratique sa perplexité devant le contraste qu’il observe entre l’égalité de la loi et l’inégalité de son exécution, entre l’unité politique et la division sociale, et qu’il ne parvient toujours pas à expliquer ni à résoudre :

« La France est fière de son unité. Après avoir été durant une longue série de siècles, une agglomération assez mal liée de provinces non moins distinctes par leurs institutions que par le caractère de leurs habitants, elle est devenue une seule et grande nation. Au sein de cette nation, il y eut des classes organisées en hiérarchie : des nobles, des roturiers, des bourgeois, des artisans ; il n’y a plus qu’un grand peuple, il n’y a plus que des citoyens, et tous ces mots, qui désignaient des rangs, n’ont plus désormais de sens que pour les lexicographes et les historiens.

Mais cette unité n’existe que sous des rapports qui ne sont pas ceux sous lesquels nous considérons nos populations, dans un journal non politique et purement agricole.

Elle n’existe que pour celui qui, accoutumé à voir les choses de haut, cherche à saisir les traits saillants et caractéristiques d’une société et néglige tous les détails.

Pour nous, dont les modestes études ne comportent que des vues terre à terre ; qui multiplions nos observations, mais qui, les renfermant toujours dans des horizons très bornés, ne voyons que des faits de détail, les petits faits de la vie réelle, nous sommes frappé de trouver partout, au contraire, comme deux sociétés distinctes, juxtaposées, ou plutôt, malheureusement, posées l’une au-dessus de l’autre : celle des paysans et celle des citadins. En principe, c’est la même loi qui les gouverne ; en fait, rien ne diffère comme la façon dont elles sont administrées l’une et l’autre. »2

Quand il adopte une vision « de haut », Dezeimeris ne voit qu’ « un grand peuple » ; mais lorsqu’il est « terre à terre » ; il ne peut que constater l’inégalité qui règne entre les campagnes et les villes dans « la façon dont elles sont administrées » – il cite ensuite les avantages sociaux (services d’hygiène, hôpitaux, écoles). Les deux assertions sont rapportées

1 Dezeimeris, ibid.

2 Jean-Eugène DEZEIMERIS. Chronique agricole d’avril – deuxième quinzaine. Journal d’agriculture pratique, janvier-juin 1851, tome II, p.379-385.

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 113 à deux points de vue différents, deux « rapports » distincts, qu’il n’indique pas comment relier : est-ce au nom du principe que l’on doit exiger l’égalité « en fait » ? l’inégalité dans la

« vie réelle » vient-elle disqualifier le discours républicain de l’égalité ? doit-on opposer la loi et l’administration, la seconde manquant à ses devoirs en ne réalisant pas les promesses de la première ? L’auteur reste muet, comme s’il ne pouvait faire tenir ensemble les principes politiques et les observations socio-économiques.

Les intérêts contre la politique

L’embarras que les républicains modérés éprouvent devant l’incapacité de la loi générale à répondre aux aspirations sociales de la majorité rurale se double en outre d’une méfiance grandissante à l’égard des intérêts matériels, qui les conduit à redéfinir les contours de la sphère politique. Là encore, l’analyse du vote rural est essentielle. Tandis que la plupart des radicaux et socialistes expliquent le soutien des ruraux aux adversaires de la République par les intrigues et les faux-semblants qui corrompent les élections, les républicains modérés accusent bien plus souvent en effet la psychologie paysanne : courbés sur la glèbe, obnubilés par leur lopin de terre, les paysans restent selon eux indifférents au sort de la nation et font par conséquent de piètres électeurs. L’intérêt matériel des ruraux, si difficile à satisfaire par la loi, est donc également suspecté de fausser le jeu des nouvelles institutions.

L’interprétation transparaît dans les argumentations en faveur du vote au chef-lieu de canton analysées plus haut, qui témoignent des nouveaux rapports qu’elle implique entre intérêts matériels des populations et intérêt général. La comparaison des interventions d’un modéré comme Alexandre Freslon et d’un radical comme Henri Savoye dans les débats parlementaires relatifs au lieu de vote est à ce titre éclairante. Tous deux défendent bien sûr le vote au chef-lieu de canton contre les tentatives des conservateurs pour imposer le vote à la commune. Mais pour Freslon, qui prend la parole sur l’article 28 de la Constitution, il ne s’agit plus seulement de soustraire les paysans à l’influence des notables traditionnels ou, comme le rappellent certains orateurs, d’établir des assemblées électorales les plus grandes possibles faute de pouvoir réunir la nation tout entière : il faut encore sortir les ruraux de

« leurs préoccupations journalières » pour les « retremper dans les sentiments généraux » ; il faut « que l’électeur soit placé dans une situation telle qu’au moment de l’élection, il puisse comprendre, sentir du moins la situation générale du pays, quelles sont ses préoccupations les plus considérables, qu’il puisse être arraché à sa routine, à ce qui, tous les jours, l’absorbe

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 114 habituellement »1. En opposant les « préoccupations journalières » des ruraux aux

« préoccupations les plus considérables » du pays, Freslon appelle ainsi à construire l’intérêt général contre les intérêts nécessairement particuliers qui régissent la vie à la campagne.

Pour Savoye au contraire, il n’y a pas antagonisme entre les intérêts particuliers et l’intérêt général, mais continuité. S’il défend lui aussi au nom de l’intérêt général le vote au chef-lieu de canton, cette fois contre la proposition Fouquier d’Hérouel visant à autoriser le découpage en sections des circonscriptions électorales, c’est parce qu’il constitue selon lui un lieu de rencontre et de fusion des intérêts particuliers : les communes en effet y

« apportent chacune leurs souvenirs, leurs impressions, les intérêts de leur localité, pour les confondre dans l’intérêt général »2. L’intérêt général n’est donc pas pour lui étranger aux préoccupations les plus quotidiennes des citoyens, il est le résultat de leur confrontation. La même vision sous-tend un peu plus tard les projets radicaux et socialistes de gouvernement direct évoqués plus haut. Pour Rittinghausen par exemple,

« La législation directe […] ne détrône pas l’intérêt particulier ; elle s’en sert d’une manière rationnelle. Ecoutant tous les intérêts privés sans exception par le vote de tout le peuple, formant une majorité décisive de tous ces intérêts, elle parvient à faire ressortir et prédominer par cette majorité l’intérêt général »3.

C’est d’ailleurs justement parce que l’intérêt général prolonge les intérêts particuliers qu’il semble alors possible d’abandonner le vote au chef-lieu de canton en même temps que la représentation. La confiance placée dans l’expression des intérêts particuliers est telle qu’il n’est même plus besoin de prévoir leur confrontation au moment de la délibération : il suffira en effet au pouvoir central, réduit à la portion congrue, de les rassembler pour voir apparaître l’intérêt général, dans toute son évidence.

A cet égard, le discours des modérés, s’il renoue avec l’hostilité traditionnelle du républicanisme à l’égard des intérêts particuliers, rompt plus nettement que celui des radicaux et socialistes avec le modèle quarante-huitard évoqué au chapitre précédent : les conditions d’existence des paysans, au moins des petits propriétaires, loin de nuire à la perception de l’intérêt général, y étaient au contraire considérées comme la garantie d’un vote libre et

1 Séance du 29 septembre 1848. Moniteur universel, 30 septembre 1848, p.2646.

2 Séance du 29 novembre 1849. Moniteur universel, 30 novembre 1849, p.3843.

3 Carl RITTINGHAUSEN. Op. cit. p.33.

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 115 conscient des enjeux nationaux ; les intérêts les plus directs du peuple des campagnes, loin d’être exclus de la sphère politique, devaient y être représentés pour être enfin satisfaits. A la rupture de fait que les modérés constatent entre la loi générale et les aspirations sociales des ruraux, se superpose ainsi une rupture de droit qui légitime l’exclusion politique des intérêts matériels, en particulier ceux des ruraux : non seulement la loi, quoique générale, ne permet pas de remédier également aux souffrances des populations, mais « l’esprit politique »1 qu’exige l’élection des représentants impose à l’électeur de s’abstraire de ses préoccupations journalières.

La condamnation politique de l’intérêt matériel n’est d’ailleurs pas le seul fait des républicains modérés : elle devient bientôt un lieu commun à l’Assemblée nationale ou dans les principaux journaux parisiens, se conjuguant à droite avec la critique morale des appétits matérialistes, qu’on suppose alors encouragés par le socialisme. Les conservateurs, que le vote du 23 avril 1848, on l’a vu, avait pourtant ralliés, au moins par opportunisme, à la démocratie paysanne, sont en effet déstabilisés par l’accueil favorable que les socialistes rencontrent dès 1849 dans certaines régions rurales. Jusqu’ici, les élections d’avril et de décembre 1848 les avaient convaincus que la majorité rurale, parce que propriétaire ou avide de le devenir, était habitée par une même pensée, l’ordre, et assurerait par conséquent le

« règne de l’ordre et de la conservation »2 contre la déstabilisation sociale orchestrée par l’extrême-gauche. C’est ainsi que L’Union explique le vote du 10 décembre 1848 :

« Nulle part le sentiment de la personnalité n’est plus profond que dans les champs. Nulle part l’homme ne tient plus à son labeur et à la portion de terre que ses sueurs lui ont produite. Aussi le socialisme a paru aux paysans comme un spectre, et comme il s’était levé, il faut bien le dire, à la suite de la République, les paysans n’ont pas fait de distinction entre la République et son cortège, et ils sont accourus pour faire la guerre à la République à cause du socialisme »3.

L’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence traduit donc selon l’auteur de l’article une « pensée de défense sociale », dont on pouvait bien s’attendre qu’elle « sortirait des champs »4 : isolés dans leur travail, respectueux de la propriété à laquelle ils aspirent, les

1 Dufaure, dans la séance du 29 septembre 1848. Moniteur universel, 30 septembre 1848, p.2648.

2 L’Assemblée nationale, 29 avril 1848, p.1.

3 Les paysans. L’Union, 20 décembre 1848, p.1.

4 Ibid.

Chloé Gaboriaux – Le paysan français, un enjeu idéologique au XIXe siècle – Thèse IEP de Paris – 2008 116 paysans devaient nécessairement constituer un rempart contre le socialisme. Or l’effort de propagande dont « les démocs-socs » font preuve dans les campagnes et surtout les quelques succès qu’ils y remportent aux élections du 13 mai 1849 remettent en question l’image d’un électorat rural acquis à la cause de l’ordre. Dès janvier 1849, un lecteur de L’Assemblée nationale dénonce ainsi la « fausse sécurité » dont se berce selon lui la majorité conservatrice :

« C’est une très grande erreur de trop compter sur les petits propriétaires, et de supposer que, parce qu’ils possèdent, ils ont nécessairement des idées d’ordre et de conservation. La propriété donne aux petits propriétaires surtout le désir de s’agrandir, et leur suggère bien plus encore le goût du bien d’autrui qu’elle ne leur inspire des pensées de stabilité. Le langage révolutionnaire sera ainsi plus lentement, mais non moins fructueusement écoulé dans les campagnes que dans les villes, parce que, en adressant aux intérêts et aux passions un langage violent, on finit toujours par se faire entendre »1.

Les résultats des élections lui paraissent confirmer ses thèses : les succès des

« démocs-socs » sont à mettre sur le compte de la « disposition générale des esprits » chez les habitants de nos campagnes », qui, exclusivement sensibles à leurs intérêts matériels, offrent aux idées socialistes « un terrain parfaitement disposé »2.

Là encore, le comportement politique des paysans infléchit les analyses électorales et invite à repenser le rôle politique des intérêts matériels, en particulier des petits propriétaires

Là encore, le comportement politique des paysans infléchit les analyses électorales et invite à repenser le rôle politique des intérêts matériels, en particulier des petits propriétaires