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La convergence régionale dans les pays développés

Dans le document Changement technique et espaces (Page 52-56)

A l’échelle régionale, une analyse empirique conséquente a été effectuée par R. Barro & X. Sala i Martin [1996] sur les régions des Etats-Unis, du Japon et d’Europe.

S'agissant de la β-convergence absolue des PIB par habitant, R. Barro & X. Sala i Mar- tin [1996], qui distinguent 9 sous-périodes entre 1880 et 1990 pour les états des Etats- Unis, observent un processus de convergence pour 8 des 9 sous-périodes et un proces- sus de divergence de 1920 à 1930. Le coefficient de convergence n'est cependant pas significatif pour la sous-période la plus récente de 1980 à 1990. Pour le Japon, la pé- riode 1955-1990 est subdivisée en 7 sous-périodes de 5 ans. Pour 3 d'entre elles, l'hypo- thèse de convergence est rejetée (1955-1960, 1965-1970, 1980-1985). Pour les régions européennes, l'hypothèse testée est celle d’une β-convergence conditionnelle des ré- gions par rapport à la moyenne nationale (en raison des données dont ils disposent). On observe une convergence stable et constante dans le temps des régions pour les quatre sous-périodes allant de 1950 à 1990.

J. Fagerberg et B. Verspagen [1995], qui s'en tiennent à l'hypothèse de β-convergence absolue, montrent que les PIB par habitant des régions européennes34 ont convergé ra- pidement de 1950 à 1970 et plus faiblement de 1970 à 1990. L'hypothèse de conver- gence sur la dernière décennie (1980-1990) est par contre rejetée.

Tableau 6 : L’hypothèse de ββββ-convergence absolue des régions européennes

α β R² 1950-1970 0,066 -0,029 0,39 (t) (18,2) (5,84) 1970-1990 0,060 -0,018 0,31 (t) (13,3) (5,94) 1980-1990 0,028 -0,006 0,02 (t) (4,12) (1,51)

Source : J. Fagerberg & B. Verspagen [1995]

D. Neven & C. Gouyette [1994] étudient la σ et la β-convergence absolue et condi- tionnelle des régions européennes de 1975 à 1990, au sein desquelles ils distinguent le club des régions du sud et le club des régions du nord de l’Europe. Ils montrent que si la β-convergence absolue est validée, la vitesse de convergence est très faible, et semble plus marquée pour les régions du sud (plus hétérogènes) que pour les régions du nord. Soulignons de plus que les tests sont sensiblement plus robustes lorsque sont introduites des variables muettes pour les pays : en d’autres termes, les régions semblent converger

34 Les pays sont l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui ras-

vers la moyenne de leur pays respectif plutôt que vers la moyenne européenne 35. Une autre étude portant sur les régions européennes effectuée par H. Capron [1997] pour 138 des 178 régions NUTS2 sur la période 1970-1990 confirme ce résultat : Capron propose en effet un modèle qui permet de décomposer la convergence des régions vers la moyenne européenne en une convergence infra-nationale (les régions convergent vers la moyenne de leur pays d’appartenance) et une convergence inter-nationale (les pays convergent vers la moyenne européenne), et montre que la convergence infra-nationale est sensiblement plus forte. D. Neven & C. Gouyette [1994] distinguent ensuite deux sous-périodes (1980-1985 et 1985-1990) et montrent que les schémas de convergence sont inversés pour le nord et le sud, les régions du nord convergent seulement sur la deuxième sous-période, les régions du sud seulement sur la deuxième.

P. Jean-Pierre [1997] propose une analyse intéressante de la convergence locale des régions européennes. Il procède à la sélection et au test de seuils de convergence pour déterminer différents clubs de régions. Il détermine ainsi trois clubs de régions, le pre- mier constitué de 47 régions dont le PIB par habitant est inférieur à 6000 EURO en 1980, le second comprend 76 régions dont le PIB est compris entre 6000 et 9400 EURO et le troisième de 20 régions dont le PIB par habitant est supérieur à 9400 EURO36. Le club des régions ‘pauvres’ est constitué majoritairement de régions du sud de l’Europe37, et le club des régions ‘riches’ est constitué exclusivement de régions du nord de l’Europe38. P. Jean-Pierre [1997] aboutit alors au résultat d’une β-convergence abso- lue du club de régions ‘riches’ et du club de régions ‘intermédiaires’, mais de l’absence d’une telle convergence pour le club des régions ‘pauvres’ ; et montre de plus que la vitesse de convergence est sensiblement plus élevée pour le club de régions intermé- diaires. Le processus global de convergence résulterait donc de la coexistence de diffé- rents régimes de croissance aux évolutions spécifiques.

35 Les auteurs concluent à une β-convergence car les coefficients estimés sont significativement diffé-

rents de 0. Les R² oscillent cependant entre 0,00 et 0,09 pour les tests de β-convergence absolus sans variables muettes... Il est donc plus qu’hasardeux d’affirmer que cette β-convergence induit une σ- convergence.

36 Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente, une telle méthodologie ne permet pas

d’analyser l’éventuelle mobilité des régions entre les clubs, qui sont définis une fois pour toute.

37 La liste des régions du premier club est également proche de la liste des régions visées par l’objectif 1

de la Communauté Européenne.

38 Ce résultat valide dans une certaine mesure la distinction opérée par D. Neven & C. Gouyette [1994].

Les conclusions sont encore plus ambiguës s’agissant de l’analyse de la σ- convergence : R. Barro & X. Sala i Martin [1996] montrent que l'évolution des dispari- tés est non linéaire pour les Etats-Unis, puisque si elles ont globalement diminué de 1880 à 1990, elles ont connu des phases d'accroissement de 1920 à 1930 et de 1975 à la fin des années 80 ; pour le Japon, les disparités interrégionales ont augmenté de 1930 à 1940, puis fortement diminué jusqu'à 1978 pour augmenter de nouveau depuis cette période ; en Europe enfin, on assiste à un déclin global mais de faible ampleur des dis- persions régionales au sein de chaque pays depuis 1950, avec une relative stabilité des dispersions depuis le début des années 70. Le classement des pays de l'étude par ordre décroissant de dispersion place l'Italie en première position (dispersion la plus forte), suivie par l'Espagne, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni. H. Capron [1997] con- clue également à la réduction des disparités régionales entre 1970 et 1990, le coefficient de variation du PIB par habitant passant de 29,2 à 27,9, mais avec une phase d'augmen- tation du coefficient en milieu de période.

Bien que n’ayant pas fait l’objet d’études empiriques aussi approfondies, la mobilité des économies se retrouve également, de manière plus fréquente, à l’échelle infra- nationale. P. Aydalot [1985] cite comme exemples de mobilité descendante le Pays de Galle, Liverpool, Manchester et Glasgow qui sont en déclin après avoir été les pre- mières régions touchées par la révolution industrielle et parmi les régions les plus riches du monde. Dans le même sens, la Wallonie, région riche de Belgique, est maintenant dépassée par la Flandre. En France, le déclin des vieilles régions industrielles et l’essor des régions du sud témoignent d’un processus similaire (p. 159-160). R. Uhrich [1987] analyse quant à lui, à partir de différents indicateurs, la localisation des hommes et des activités dans les régions françaises, allemandes et américaines, et montre clairement le mouvement de bascule au profit des ‘Suds’ des pays. Les anciennes régions dominantes semblent repousser les activités, alors que des régions ‘neuves’ les attirent.

D. Quah [1997] propose des matrices des probabilités de transition à l’échelle régio- nale, pour un ensemble de 140 régions européennes (NUTS2), sur la période 1980-1990 qui peuvent servir de base à l’analyse de la mobilité des économies39.

nuancer cette distinction.

Tableau 7 : l’évolution des performances des régions européennes de 1980 à 1989 0,64 0,87 0,95 1,05 1,17 ∞ (247) 0,91 0,02 0,02 0,05 (232) 0,03 0,91 0,07 (231) 0,07 0,81 0,12 (227) 0,11 0,84 0,04 (233) 0,08 0,86 0,06 (228) 0,08 0,92 limite ergodique 0,05 0,18 0,23 0,27 0,15 0,12

Les performances sont mesurées par le PIB par habitant par rapport à la moyenne européenne. Ce ta- bleau est extrait de D. Quah [1997].

Les limites des classes de l’indicateur (PIB par habitant par rapport à la moyenne eu- ropéenne) ont été calculées automatiquement, de telle sorte que la distribution initiale entre les différentes classes soit équilibrée (dans la première colonne figure le nombre d’observations pour chaque classe en t) 40. La dispersion est bien sûr sensiblement plus faible qu’à l’échelle internationale, même si les disparités sont loin d’être négligeables. On observe, comme à l’échelle internationale, une inertie plus forte des classes ex- trêmes, tempérées par une certaine mobilité vers les classes adjacentes (et même au delà pour la première classe). La limite ergodique de la matrice est unimodale, ce qui atteste d’un processus de convergence des valeurs de l’indicateur, mais la dispersion reste con- séquente puisque 5 des 6 classes ont des valeurs limites supérieures à 12%, ce qui at- teste d’une certaine faiblesse du processus.

Les différents travaux recensés montrent que la conclusion d’une convergence régio- nale au sein des principaux pays développés semble à nuancer, notamment en ce qui concerne les régions européennes. Une certaine diversité apparaît, que C. Neven & D. Gouyette [1994] résument par une opposition Europe du Nord – Europe du Sud. De manière plus probante, P. Jean-Pierre [1997] démontre l’existence de différents régimes de croissance européen, qui ne correspond pas parfaitement à cette opposition. Les quelques éléments avancés sur la mobilité des régions à l’échelle de l’Europe renforce l’idée d’une diversité assez importante des évolutions relatives.

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