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Homogénéisation et rattrapage

Dans le document Changement technique et espaces (Page 33-36)

L’homogénéisation, qui est sans doute la définition la plus naturelle de la convergence, correspond à une réduction de la dispersion d’un indicateur de performance au sein d’un ensemble d’espaces, la dispersion étant mesurée le plus souvent par la variance ou l’écart type d’un indicateur. Par exemple, si l’on note yi,t le logarithme du PIB réel par

tête du pays i en t, on parlera de processus d’homogénéisation entre 0 et T si σ(yi,0)>σ(yi,T). Cette première notion peut être qualifiée de σ-convergence.

Le rattrapage correspond à la tendance des pays ‘pauvres’ à croître plus rapidement que les pays ‘riches’. Pour tester l’hypothèse d’un rattrapage, on procède traditionnel- lement à la régression en coupe transversale des taux de croissance de l’indicateur rete- nu sur le niveau initial de l’indicateur, pour un ensemble donné de pays ou régions, en s’appuyant sur une équation de la forme :

yi T, −yi,0 =α β+ yi,0i, ,0T [I.3]

Une valeur significativement négative de β témoigne d’un processus de rattrapage (ou plus précisément de régression vers la moyenne) que l’on qualifie logiquement de β- convergence.

Dans une deuxième acception quelque peu différente, retenue par des auteurs comme M. Abramovitz [1994] et A. Maddison [1995], le rattrapage suppose l’identification préalable d’un pays leader et d’un ensemble de pays suiveurs et correspond à la réduc- tion de l’écart relatif entre les performances du leader et celle des suiveurs. La relation [I.3] est alors modifiée, l’indicateur des pays suiveurs étant rapporté à l’indicateur du pays leader.

Ces deux premières notions renvoient à des formes faibles de convergence (W. Bau- mol & al. [1994]) car, d’une part, le constat d’une réduction de la dispersion (σ- convergence) ne nous renseigne pas sur le degré de dispersion en fin de période, les écarts pouvant demeurer substantiels et, d’autre part, l’existence d’un processus de rat- trapage (β-convergence) laisse ouverte la question de la vitesse de rattrapage22. Toute-

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fois, si l’on s’inscrit dans le schéma néoclassique de croissance, il est possible de définir une mesure simple de la vitesse de convergence. Plus généralement, la relation [I.3] offre un triple intérêt : i) elle peut être dérivée du modèle de croissance de Solow, ii) elle permet le calcul de la vitesse de convergence (notée b) qui est telle que β=-(1-e-bt), iii) elle permet le calcul de la contribution du capital au produit, calcul qui peut être comparé à la contribution effectivement observée, offrant ainsi un test de validité du modèle de croissance (Cf. le deuxième chapitre).

Si, dans certains des premiers travaux, ces deux notions étaient supposées équiva- lentes, d’autres auteurs ont montré depuis que la β-convergence est une condition né- cessaire mais non suffisante de la σ-convergence. De manière intuitive, il est possible d’illustrer graphiquement cette non équivalence :

Figure 1 : relations entre σσσσ et ββββ-convergence (d’après X. Sala i Martin [1996], p. 1021)

Valeurs de l’indicateur temps t t+n A B Valeurs de l’indicateur temps t t+n A B Valeurs de l’indicateur temps t t+n A B

Dans le premier graphique de la figure, on assiste à une σ-divergence et une β- divergence des économies A et B ; dans le deuxième graphique, on assiste au contraire à une σ et une β-convergence. Dans le troisième graphique, enfin, s’il y a effectivement β-convergence, il n’y a pas de σ-convergence (en fait, dans cet exemple, l’écart type est inchangé entre le début et la fin de la période) : le calcul du σ ne dit rien sur les trajec- toires individuelles des économies A et B.

Plus formellement, la relation entre σ et β-convergence se déduit de la relation [I.3], que l’on peut réécrire (en omettant les indices de pays pour simplifier l’écriture) 23 :

initialement égale à 45% de celle de A n’atteint en fin de période que 52% de celle-ci. Il en va de même si la vitesse de convergence correspond à un délai de rattrapage du pays A d’un demi siècle.

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yT =α+(1+β)y +ε T 0 0

Relation que l’on utilise pour décomposer la variance de l’indicateur :

[

]

var( )yT =var (1+β)y0 +var(ε0T)=(1+β) var( ) var(2 y0 + ε0T)

En retranchant de chaque membre la variance résiduelle, puis en divisant chaque membre par la variance de l’indicateur à la date terminale, on obtient :

var( ) var( ) var( ) ( ) var( ) var( ) y y y y T T T T − = + ε β 0 2 0 1

Le membre de gauche de cette équation est, par définition, le coefficient de détermina- tion multiple de la régression en coupe (R²), rapport de la variance expliquée sur la va- riance totale. Le rapport des variances aux deux dates s’écrit donc :

var( ) var( ) ( ) ² y y R T 0 2 1 = + β [I.4]

La relation [I.4] montre que la β-convergence est une condition nécessaire mais non suffisante de la σ-convergence et, symétriquement, la σ-convergence est une condition suffisante mais non nécessaire de la β-convergence24. Une interprétation possible de cette relation est donnée par P.Y. Hénin & Y. Le Pen [1995] : la β-convergence serait un indicateur « d’une force de rappel qui rapproche tendantiellement les PIB natio- naux », la σ-convergence incluant, en plus de cette force de rappel, une mesure des « chocs spécifiques qui tendent à renouveler en permanence la dispersion des niveaux de revenu par tête » (p. 669). Plus généralement, X. Sala i Martin [1996] considère qu’il s’agit de deux mesures complémentaires de la convergence, la σ-convergence étant un indicateur de l’évolution de la forme de la distribution et la β-convergence un indicateur des mouvements des économies –en fait, d’une économie représentative (Cf. infra)– au

24 Par ailleurs, F. Lichtenberg [1994] souligne que les auteurs se contentent généralement d’observer

l’évolution de la variance à travers le temps (ou, compte tenu des statistiques disponibles, à différentes dates t), et concluent à une σ-convergence si la variance décroît avec le temps, sans mesurer la significa- tivité de cette décroissance. L’économétrie classique offre pourtant des outils essentiels pour en juger : le test statistique afférent à la relation [I.4] est un test de Fisher-Snedecor (F-test) à n-2, n-2 degrés de liber- té, qui permet de juger si les deux variances sont significativement différentes.

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sein de la distribution.

Les analyses empiriques qui ont été menées sur de larges échantillons de pays ont montré l’absence de σ et de β-convergence. Les auteurs se sont alors employés à définir des notions différentes de convergence, susceptibles de mieux rendre compte des évolu- tions constatées.

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