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Longtemps pointée du doigt comme responsable de l’échec de la codification sous l’Ancien Régime, la bourgeoisie de Neuchâtel exerce une fonction qui est plus complexe qu’il n’y paraît. Si en France, le roi est le gardien des cou- tumes414, à Neuchâtel ce privilège revient au Petit Conseil. La réunion de ce

409 AEN 1CE-23 (MCE), fol. 256v-257r (25 avril 1671).

410 Châtellenie de Boudry, Thielle, Le Landeron et Val-de-Travers. 411 FAVARGER 1972,Lois, p. 190.

412 FAVARGER 1972,Lois, p. 188-190. 413 FAVARGER 1972,Lois, p. 192. 414 CARBASSE 2013, Manuel, p. 184-187.

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135 corps et du Grand Conseil forme le Conseil général représentant la bourgeoisie de la ville. Soucieux de conserver ses prérogatives en matière de coutume. Ce- lui-ci s’oppose vivement à l’introduction du coutumier Hory. Cette résistance est ensuite supposée pour l’ensemble de l’Ancien Régime. La position du Con- seil de ville face à la codification n’a pourtant pas été étudiée au-delà du règne d’Henri II d’Orléans-Longueville. Cette opposition du début du XVIIe siècle face à la codification a sans doute poussé les historiens à généraliser la résistance de la bourgeoisie de Neuchâtel à tout l’Ancien Régime. Il convient pourtant de s’affranchir de cette réalité antérieure d’un siècle, pour analyser la véritable conduite de ce corps, sous le régime prussien.

L’extrapolation d’une opposition ponctuelle

Au début du XVIe siècle, les Orléans-Longueville échouent de peu dans l’intro- duction d’un coutumier officiel à Neuchâtel. Ce projet, le plus abouti en matière de droit civil sous l’Ancien Régime, ne se contente pas de reproduire des points de coutume. À l’inverse des codes compilations qui constituent l’ensemble des autres projets de coutumiers, l’œuvre du chancelier Hory peut être qualifiée de véritable code innovation. Cet ouvrage règle l’ensemble du droit civil neuchâ- telois. Malgré sa qualité et les multiples examens destinés à le parfaire, le cou- tumier Hory est abandonné en 1623, après plus de dix ans de travaux. Contrai- rement aux échecs du XVIIIe siècle, la raison de cet insuccès est claire. Si les bourgeois de Neuchâtel en sont incontestablement la cause directe, cet ouvrage juridique s’inscrit dans un contexte politique tendu. La résistance des bourgeois se porte plus contre le souverain et sa gestion de la principauté qu’à l’encontre de son projet de code dont le contenu n’est par ailleurs nullement contesté.

Les historiens ont généralisé cette résistance, désignant la bourgeoisie neu- châteloise comme seule responsable des échecs de codification pour l’ensemble de l’Ancien Régime. Henry écrit ainsi :

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« Le pays échappa au grand mouvement de rédaction officielle des coutumes, et, malgré de multiples tentatives, les réclamations répétées des audiences générales puis des Trois- Etats, ainsi que les promesses formelles du roi de Prusse en 1707415 et en 1768416, ce n’est

qu’au XIXe siècle que le droit privé neuchâtelois fut officiellement rédigé. Les essais an-

térieurs, notamment ceux d’Henri II d’Orléans-Longueville, s’étaient heurtés à la com- plexité institutionnelle, aux résistances populaires et surtout à l’opposition de la ville et bourgeoisie de Neuchâtel. »417

Bien avant cela, en 1854, Jacottet affirme avec moins de réserve :

« En revanche, Neuchâtel n’a pas de droit écrit. A ce point de vue, le besoin d’un code devait y être plus vivement ressenti qu’à Zurich. Ce n’est pas d’hisser que des voix se font entendre à Neuchâtel pour réclamer la rédaction des coutumes ; les audiences géné- rales, de 1532 à 1618, ne cessèrent pas d’en exprimer le vœu : les articles généraux de 1707, les articles de pacification de 1768, firent de ce vœu un texte de constitution : à plus d’une reprise des projets furent rédigés, votés même, et abandonnés. Toutes les ten- tatives échouèrent, non contre le mauvais vouloir du gouvernement, qui en général les favorisait plutôt, mais contre les résistances populaires, contre celle en particulier de la ville de Neuchâtel. »418

Quant à Bachmann, il soutient, à propos des articles généraux de 1707 : « L’autre exception se trouve dans l’invitation faite au nouveau souverain, contenue dans le deuxième alinéa de l’article 4, à veiller à ce que les coutumes locales soient enfin re- maniées et fixées par écrit. Il est sûr que cette disposition ne résulte pas d’un vœu de la Ville : le Petit Conseil s’était en effet opposé avec succès depuis 1532 à toutes les tenta- tives de restreindre son droit à interpréter le droit coutumier en vigueur dans l’Etat, et avait en particulier boycotté l’introduction, dans la pratique des tribunaux, du coutumier Hory, élaboré en 1618 sur ordre du comte Henri II d’Orléans-Longueville. La compila- tion du droit coutumier en vigueur était une vieille revendication des communes rurales, qui espéraient par là davantage de sécurité juridique, ressentant souvent comme arbi- traires les usages juridiques du magistrat de la Ville. »419

Enfin, dans le troisième tome de l’Histoire du pays de Neuchâtel, il est simple- ment écrit :

« Jusqu’à la Révolution de 1848, le droit privé neuchâtelois est un droit coutumier qui n’a jamais fait l’objet d’une rédaction officielle. En cas de litige, le contenu de la coutume est précisé par les déclarations de coutume ou points de coutume rendus par le conseil des Vingt-Quatre ou Petit Conseil de la ville et bourgeoisie de Neuchâtel. Conçus comme de simples déclarations de la coutume qui ne peuvent en modifier les règles, ils exercent en fait une influence plus grande, car ils ont souvent adapté et transformé le droit tout en prétendant exposer des usages immémoriaux. Ceci explique en partie pourquoi le Petit

415 Dans les articles généraux. 416 Dans les articles de pacification. 417 HENRY 1984, Crime, p. 141. 418 JACOTTET 1854, p. 268.

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137 Conseil de la ville de Neuchâtel, fort jaloux de ses prérogatives, a toujours empêché la rédaction officielle du droit privé. »420

Dans sa thèse de doctorat, l’auteure de cette remarque livre pourtant une version plus prudente et surtout plus précise concernant ces résistances. Elle reste vague à propos du XVIIIe siècle, se limitant à évoquer l’opposition des bourgeois au début du XVIIe siècle et celle du Conseil d’État au XIXe siècle :

« L’énumération de ces nombreuses demandes de codification prouve qu’un coutumier puis un code de lois étaient désirés de longue date par certains. Mais elles n’ont jamais abouti à la promulgation officielle d’un code. La résistance à la codification a été le fait de différents groupements de personnes. Les bourgeois de Neuchâtel se sont opposé les premiers à une rédaction officielle du droit, car ils craignaient de perdre leurs privilèges. Au XIXe siècle, c’est le Conseil d’Etat, très conservateur, qui a freiné le mouvement de

codification. Enfin, le Corps législatif, dernière assemblée législative de l’Ancien Ré- gime, a voulu prendre le temps d’élaborer un “bon” code de lois, mais la Révolution l’a empêché de mener à bien ce travail. »421

La situation semble ainsi évidente ; tous les corps de l’État acceptent et favori- sent même la codification, à l’exception de la puissante bourgeoisie de Neuchâ- tel qui, à elle seule, parvient à en empêcher la réalisation grâce au soutien po- pulaire. Pourtant cette hypothèse comporte plusieurs incohérences. Tout d’abord, la bourgeoisie de Neuchâtel, malgré des pouvoirs encore étendus au début du XVIIIe siècle, n’est pas en mesure de s’opposer seule au prince, au Con- seil d’État et aux Trois-États. Ensuite, les auteurs se ralliant à cette théorie évo- quent également une contestation populaire. Lors de nos recherches, aucune trace de prise de position populaire n’a été découverte ni en faveur ni en défa- veur de la codification du droit. Enfin, à plusieurs reprises la bourgeoisie de Neuchâtel soutient différents projets de codification du droit civil. En raison de ces trois observations, la théorie d’une bourgeoisie résistant avec succès aux volontés du prince, du Conseil d’État et des Trois-États semble donc peu plau- sible. En s’intéressant aux sources des historiens cités, la culpabilité de la ville devient également nettement moins évidente. Parmi les sources d’Henry, Matile

420 AUGSBURGER–BÜCHELI 1993, Évolutions, p. 57.

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ne fait que reproduire des pièces officielles dans les travaux législatifs422 ; dans l’autorité du droit romain, il évoque le coutumier Hory, mais ne généralise pas l’attitude de la ville pour les époques postérieures423 ; quant à Ostervald, il ne fait que justifier la nécessité d’un code et donne quelques précisions sur le cou- tumier Hory, sans jamais accuser la ville424. Seul Piaget accuse la bourgeoisie de Neuchâtel d’être responsable de l’échec de la codification à Neuchâtel au- delà du coutumier Hory. Il n’a pas peur d’affirmer :

« […] les vœux, les remontrances, les ordres même pour la création d’un livre coutumier, d’un code civil, se succèdent sans résultat jusqu’en 1848. […] On serait cependant par- venu, après beaucoup de peine, des discussions interminables, des remontrances à perte de vue, et finalement des ordres catégoriques de Sa Majesté, à rédiger enfin ce code si nécessaire, si le Petit Conseil de la Ville et Bourgeoisie de Neuchâtel n’avait joui depuis des siècles d’un privilège spécial, auquel il tenait comme à un trésor inestimable. Il était le conservateur officiel de la coutume. »425

Henry cite une dernière source, les articles de pacification de 1768426, sur les- quels il conviendra de revenir.

Avant Piaget, Jacottet étend déjà l’attitude de la ville à « […] toutes les ten-

tatives […] »427 de codification. S’appuyant probablement sur les éditions de sources de Matile et le recueil de pièces officielles428, il ne précise pas ce qui l’amène à généraliser ainsi la résistance de la bourgeoisie de Neuchâtel à tout l’Ancien Régime.

Bachmann, sans pousser la généralisation à tout le XVIIIe siècle, évoque la demande du remaniement et de la mise par écrit des coutumes à l’art. 4 des articles généraux de 1707 en s’appuyant sur une réalité du XVIe et du début du XVIIe siècle. Il conclut ainsi : « Il est sûr que cette disposition ne résulte pas d’un

422 MATILE 1837,Plaits de Mai, p. 331. 423 MATILE 1838, De l’autorité, p. 74-85. 424 OSTERVALD 1785, Loix, p. XXIII-XXVI. 425 PIAGET 1913, Révolution, p. 181-183.

426 AEN 1CE-113 (MCE), p. 114-115 (20 février 1769). 427 JACOTTET 1854, p. 268.

428 MATILE 1837,Plaits de Mai ; RPO Neuchâtel 1827, en particulier : Articles généraux de 1707

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vœu de la Ville […] »429. Aucune information concernant la construction des articles généraux et les exigences des différents corps ne permet de confirmer son propos.

Quant à Augsburger-Bücheli qui se base principalement sur les sources édi- tées par Matile, elle expose objectivement, dans sa thèse de doctorat, la situation aux XVIIe et XIXe siècles. Elle ne se prononce alors pas sur le XVIIIe siècle. En revanche, dans le chapitre qu’elle rédige pour l’Histoire du pays de Neuchâtel, elle généralise soudain l’attitude de la ville au début du XVIIe siècle pour l’en- semble de l’Ancien Régime en affirmant : « Ceci explique en partie pourquoi

le Petit Conseil de la ville de Neuchâtel, fort jaloux de ses prérogatives, a tou- jours empêché la rédaction officielle du droit privé. »430

La responsabilité de l’échec de la codification au XVIIIe siècle, attribué par les historiens au Conseil de ville, dépend donc plus de l’analogie que de l’ana- lyse des sources. Un document inédit tendrait pourtant à confirmer leurs suppo- sitions. Dans le rapport que le gouverneur de Lentulus fait des articles de paci- fication, il écrit :

« L’Article 8. qui concerne la formation d’un Corps des Loix Civils et que les quatres Ministraux de la Ville de Neufchatel n’ont jamais voulue accepter, ont a la fin consentis, ainsy que le Sieur de Brendle Sujet du Canton de Berne, domicilié a Lausanne, travaille actuellement audit Code, et de ce qui sera achevé il ne manquera pas de l’envoyer a Votre Majesté, pour l’examiner & ratifier. »431.

Lentulus laisse ainsi entendre que les Quatre-Ministraux ont toujours été oppo- sés à la mise par écrit du droit, jusqu’à sa négociation concernant une codifica- tion par Clavel de Brenles.

Il convient pourtant de reconsidérer l’attitude de la Ville, puisque finale- ment seul Lentulus la désigne comme la principale résistance à la codification et sa remarque, plus qu’une réelle accusation, n’est probablement qu’un effet

429 BACHMANN 2002,Contrats, p. 129.

430 AUGSBURGER–BÜCHELI 1993, Évolutions, p. 57.

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rhétorique. Par ailleurs, la bourgeoisie de Neuchâtel ne s’est plus prononcée contre l’établissement d’un coutumier depuis l’affaire Hory. Enfin, ses actes ne semblent pas témoigner d’une résistance active aux différents projets de codifi- cation au XVIIIe siècle.

La résistance de la bourgeoisie à la codification, mythe ou réalité

En raison de leur résistance au coutumier Hory, les bourgeois de Neuchâtel sont généralement considérés comme responsables de l’échec de la codification du- rant tout l’Ancien Régime. Les ordres qu’ils donnent aux Quatre-Ministraux le 12 mai 1708 témoignent pourtant d’une attitude diamétralement opposée dès le début du XVIIIe siècle. Loin de rejeter la codification, ils l’exigent même auprès des Trois-États. « On a donné ordre à Mrs les Quatres Ministraux qui doivent

aujourd’hui prendre place aux Etats comme Juges d’office du Tier Etat à la cloture d’iceux, d’insister à ce que l’on redige en bonne forme par écrit la Cou- tume du Paÿs, sans cependant y interesser en rien nos franchises. »432

Lorsqu’en 1744 Boyve, membre du Conseil de ville, demande l’autorisation de réaliser son coutumier, la bourgeoisie ne s’y oppose pas, lui accordant même l’exclusivité d’une telle entreprise en 1747. Il n’existe pas plus d’opposition du Conseil de ville au coutumier d’Ostervald. Au contraire, en 1764, alors que l’examen de ce projet tarde, il charge même les Quatre-Ministraux :

« […] de faire connoitre audit souverain Tribunal que pour répondre aux vœux du Public, on desireroit que le Recueil ou Corps de Loix de nôtre Pays, auquel Monsieur Ostervald, Président du Conseil d’Etat a pris la peine de travailler et qui doit avoir eté examiné par des Comissaires nommés par le Conseil d’Etat, fût aussy communiqué au Conseil pour être par les personnes qu’il ordonnera de même examiné, afin que l’on puisse tirer avan- tage de ce cet excellent ouvrage, qui doit être d’une si grande utilité pour tout cet état. »433

432 AVN B 101.10.01.012 (MCV), p. 185 (12 mai 1708).

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141 Dans le manuel du Conseil d’État, il est précisé que le Conseil de ville fait cette démarche afin que les membres du Conseil d’État puissent « […] prendre des

mesures efficaces pour consomer cette affaire et ne pas perdre le fruit d’un travail aussy precieux […] »434. Il n’existe pas plus de résistances de la bour- geoisie de Neuchâtel à propos de l’article de pacification confiant la rédaction d’un coutumier à Clavel de Brenles. Lentulus affirme pourtant l’avoir obtenu de haute lutte435. Dans une liste de remontrances de la bourgeoisie adressées au prince à propos des articles de pacification, divers sujets sont abordés, mais la codification du droit en est totalement absente436. La remarque de Lentulus semble bien infondée.

La bourgeoisie de Neuchâtel, considérée jusqu’ici comme la principale, voire la seule résistance à la codification du droit civil, se montre favorable à tous les projets de code au XVIIIe siècle. À aucun moment elle ne tente d’entraver leur aboutissement. À plusieurs reprises, elle s’engage même activement pour voir les projets en cours aboutir. Lors de la construction du péristyle de l’Hôtel de Ville en 1786, la commission de construction de l’Hôtel de Ville va jusqu’à représenter le « Code des loix de Neuchâtel » sur l’un des huit panneaux de la salle du Conseil Général. Il sert de pendant à l’une des quatre vertus cardinales représentées ; la justice. Si ces décors de Jean-Baptiste Boutry ont bien été ac- ceptés par la commission de construction, Courvoisier précise bien : « Fait cu-

rieux, les documents conservés ne mentionnent pas les sujets des huit pan- neaux. »437 Toujours est-il que faire ou laisser représenter un code de loi qui n’existe pas comme pendant à la justice est lourd de sens. Tout laisse donc à penser que loin de résister à la codification, la bourgeoisie l’a au contraire en- couragée durant le XVIIIe siècle. La raison pour laquelle le Conseil de ville est

434 AEN 1CE-108 (MCE), p. 206 (21 mai 1764).

435 GStA PK, I. HA Rep. 64 Nr. 842, fol. 15r (12 janvier 1769). 436 GStA PK, I. HA Rep. 64 Nr. 842, fol. 122r-124r (27 mars 1769). 437 COURVOISIER 1953, Aménagement, p. 148.

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presque unanimement considéré comme le principal opposant à la mise par écrit du droit provient d’une analogie fautive, de sa réaction face au coutumier Hory au début du XVIIe siècle. Cette erreur, qui apparaît chez les historiens à la fin du XIXe siècle, a été relayée jusqu’à aujourd’hui.

Loin de résister à la codification, la bourgeoisie de Neuchâtel encourage cette entreprise et va jusqu’à la réclamer auprès du roi. Un document inédit ex- clut définitivement les prétendues résistances de la Ville à la codification et prouve, qu’au contraire, elle la souhaite ardemment. Dans une lettre adressée au roi en date du 29 mai 1766, les maîtres-bourgeois insistent pour que l’ordon- nance concernant les témoins soit passée en loi ; ils se prononcent également sur la question de la codification :

« Nous observons Sire, que si l’ordre susdit êtoit passe en Loy, bien loin qu’il s’en en- suivis de dangereuses conséquences (ainsy qu’on pourroit peut être l’insinuer) au con- traire, cêt acte tendroit infailliblement à l’affermissement des constitutions de l’Etat, et a prévenir la variation et la vissicitude de nos Pratiques & de nos usages desquels nous souhaiterions même que le tout fut passé à un Code de Loix fixes & stables.

Ouy Sire, nous déclarons sincérement & respectueusement à vôtre Majesté, que si la Loy que nous demandons influoit sur l’authorité du Conseil d’Etat ou annéantissoit le susd. Ordre, nous nous ferions un devoir de rester dans un respectueux Silences à cêt Égard ; Mais comment pouvons nous mieux le respecter, le confirmer et ratifier qu’en requerrant comme nous continuons de le faire qu’il soit passé en Loy. »438

Dans cette lettre, les maîtres-bourgeois saluent non seulement « […] l’affermis-

sement des constitution de l’Etat […] », mais dénoncent également « […] la variation et la vissicitude de nos Pratiques & de nos usages […] ». Enfin, et

dans cette remarque réside tout l’intérêt et le caractère inédit de cette missive, ils se prononcent ouvertement et clairement en faveur de la codification en af- firmant sans détour : « […] nous souhaiterions même que le tout fut passé à un

Code de loix fixes et stables. » Il ne demeure plus aucun doute quant à la position

de la bourgeoisie de Neuchâtel. Contrairement à ce que l’on a longtemps sup- posé, elle ne constitue pas une résistance à la codification, bien au contraire.

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143 Le Conseil de ville réhabilité, une question se pose à nouveau : où se trouve la résistance qui a empêché un code d’émerger avant la fin de l’Ancien Ré- gime ? Pour y répondre, il faut se pencher sur le dernier acteur central dans la question de la codification, le Conseil d’État.