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1.7 Lien entre la réparation de l'ADN (BER et RR) et certaines pathologies

1.7.1.2 La BER comme cible thérapeutique anticancéreuse

L'ecacité des traitements de radiothérapie ainsi que certains traitements de chimiothé- rapie repose sur les conséquences cytotoxiques des dommages de l'ADN qu'ils induisent. De plus, comme nous venons de le voir, une surexpression de certains acteurs de la BER a été re- liée à des résistances aux traitements anticancéreux. Ainsi une stratégie consiste à combiner le

traitement classique avec un médicament inhibiteur des protéines participant à la réparation de l'ADN. Nous ne parlerons ici que des protéines intervenant dans la voie de réparation de la BER, mais ces traitements ont également pour cible d'autres voies de la réparation de l'ADN ainsi que d'autres protéines intervenant dans la réponse aux dommages de l'ADN (pour revue voir [Ljungman, 2009]).

Une cible très étudiée est la protéine PARP1, impliquée aussi bien dans la voie du short patch repair, du long patch repair, que dans la reconnaissance des cassures simple brin. De nombreuses tumeurs montrent une augmentation de son expression après certains traitements chimiothérapeutiques ciblant l'ADN. Il est ainsi envisagé d'inhiber cette protéine an d'aug- menter l'eet des traitements anticancéreux [Kinsella, 2009]. De nombreuses molécules ont été développées pour inhiber cette protéine, et certaines sont actuellement en cours d'essais cliniques [Helleday et al., 2008]. Notamment des essais sont en cours, pour des inhibiteurs de PARP, en combinaison avec le témozolomide ou encore les dérivés du platine [Jagtap et Szabó, 2005]. Cer- tains cancers présentent des déciences dans leur mécanisme de réparation de l'ADN, c'est pour- quoi certains ont voulu utiliser les inhibiteurs de la réparation comme unique traitement. C'est notamment le cas d'essais, qui ont été menés avec des inhibiteurs de PARP pour soigner des pa- tients atteints de cancers héréditaires du sein et des ovaires. Pour ces cancers, les gènes BRCA1 ou BRCA2 sont souvent mutés, ce qui conduit à une décience de la voie de la réparation par recombinaison homologue (ces deux protéines semblent interagir avec la protéine Rad51 qui inter- vient dans cette voie de la réparation, [Cromie et al., 2001]) [Helleday et al., 2008]. Ces cellules sont beaucoup plus sensibles aux inhibiteurs de PARP que les autres. Des cellules décientes pour d'autres protéines de cette voie de réparation présentent également une meilleure sensibilité aux inhibiteurs de PARP, ce qui suggère que ceux-ci pourraient être utilisés pour traiter les tumeurs décientes de cette voie de réparation [Helleday et al., 2008].

D'autres molécules ont également été développées pour inhiber les polymérases. Celles-ci interviennent lors de la réplication de l'ADN et également lors de l'étape de resynthèse après excision du dommage. L'inhibition de celles-ci cible ainsi les cellules proliférantes ainsi que celles dont l'ADN est en train d'être réparé. Par exemple, des inhibiteurs de la polymérase b, qui intervient dans la BER, ont été développés et ont permis de sensibiliser des cellules tumorales à l'agent méthylant témozolomide [Ljungman, 2009].

Une des cibles prometteuses à inhiber est Ape1. En eet, comme nous avons pu le consta- ter, cette enzyme intervient dans plusieurs processus cellulaires importants et, est vitale pour la survie et la croissance cellulaire. De part ses nombreuses fonctions dans la réparation des dommages de l'ADN (sites abasiques, bases oxydées, lésions induites par des radiations), une forte expression en Ape1 peut conduire à la diminution des eets des traitements antitumoraux [Dyrkheeva et al., 2007]. Une inhibition spécique de son activité AP-endonucléase pourrait ainsi améliorer les traitements anticancéreux. De nombreux inhibiteurs de cette protéine sont actuel- lement à l'étude [Ljungman, 2009, Abbotts et Madhusudan, 2010]. On peut diérencier les inhi- biteurs directs, qui ciblent la protéine et les inhibiteurs indirects. Dans le cas de la réparation de l'ADN, les inhibiteurs indirects de cette enzyme réagissent avec les substrats de cette enzyme, de telle sorte qu'ils ne sont plus reconnus par celle-ci.

La méthoxyamine est un exemple connu d'inhibiteur indirect de l'activité AP-endonucléase d'Ape1. Cette molécule, présentant une amine primaire, réagit avec l'aldéhyde de la forme ouverte

1.7  Lien entre la réparation de l'ADN (BER et RR) et certaines pathologies du site abasique obtenu après coupure de la base endommagée par la glycosylase adaptée (gure (1.22)). Ceci génère un produit qui n'est plus substrat pour l'enzyme Ape1 [Liu et Gerson, 2004]. Il y a ainsi accumulation de pseudo-sites abasiques toxiques pour les cellules.

Figure 1.22  Mécanisme de réaction de la méthoxyamine sur le site abasique.

Liu et al. ont montré que l'ajout de méthoxyamine augmentait l'ecacité du traitement au TMZ dans des xénogrees de cancer humain du colon [Liu et al., 2002]. Le produit de la réaction de la méthoxyamine avec le site abasique semble augmenter la cytotoxicité des agents alkylants, notamment le TMZ, en bloquant la réplication et en augmentant le nombre de cassures simple et double brin [Liu et Gerson, 2004]. De plus, ce produit semble stabiliser l'interaction de la topoisomérase TopoII avec l'ADN et conduire par ce biais à une mort cellulaire [Yan et al., 2007]. Cette voie est intéressante car il apparaît que les tissus non tumoraux disposent de niveaux de TopoI et II plus faibles que les tissus cancéreux [Liu et Gerson, 2004]. La méthoxyamine est actuellement en phase I d'essai préclinique [Anthony et al., 2009].

D'autres molécules inhibitrices d'Ape1 sont également à l'étude [Fishel et Kelley, 2007, Abbotts et Madhusudan, 2010]. Citons par exemple la lucanthone qui est également un inhi- biteur de topoisomérases. Cette molécule permet notamment d'améliorer l'ecacité des agents alkylants MMS et TMZ. Son action bénéque semble néanmoins être davantage reliée à son action d'inhibition de topoisomérase qu'à celle d'Ape1 [Abbotts et Madhusudan, 2010].

Comme de nombreux agents chimiothérapeutiques sont des agents alkylants, une des stra- tégies pour augmenter leur ecacité est d'inhiber la réparation de lésions qu'ils induisent. Des essais ont été tout d'abord réalisés sur l'inhibition de la MGMT (voir paragraphe 1.7.2.2 page suivante). D'autres essais ont également ciblé la glycosylase Aag. Certaines études ont notam- ment montré que l'inhibition de l'expression de la glycosylase Aag par des ARN interférents permettait de sensibiliser les cellules tumorales, dans ce cas de cellules HeLa et une lignée de carcinome ovariens, à l'agent alkylant TMZ [Sedgwick et al., 2007].