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II.1 Concept de citoyenneté

II.1.6 Laïcité, Courants sécularisés et citoyenneté

La laïcité reste l’un des sujets les plus passionnants dans les débats au Québec. Que ce soit des débats publics ou des dialogues entre des organismes ou argumentation entre des intellectuels, l’intérêt est toujours manifeste.

« Mariage entre conjoints de même sexe, financement public des écoles privées confessionnelles, reconduction éventuelle des clauses dérogatoires qui permettent

l'enseignement religieux dans les écoles publiques et implantation de tribunaux islamiques au pays. Voilà autant de débats qui font rage à l'heure actuelle… »

C’est ainsi que Daphné, dans Angiolini (2005), introduise à son article qui parlait de la position de l’Église Unis sur des questions qui opposaient État et Religion au Québec. Ceci démontre à quel point ces questions sont sensibles au Québec au point de provoquer des « débats qui font rage ».

Plusieurs recherches se sont intéressées aux relations entre religieux et laïcs surtout dans un contexte de dialogue ou ce que Kurtz et Dondeyne (1972) dès 1972 appelaient « une société ouverte ». En fait, les questions d’interactions entre le religieux et la laïcité relèvent des sujets classiques débattus dans plusieurs recherches. La littérature sur ce sujet est abondante. Nous en donnons quelques exemples seulement puisque nous voulons se concentrer surtout sur le contexte québécois. Un exemple est la large œuvre de Charles Taylor intitulée « L'Âge séculier » où il explore le processus de sécularisation depuis sa naissance jusqu’à nos jours. Un autre exemple est cette étude dirigée par (Eggert, Marion et Lucian Holscher 2013) sur les processus de sécularisation en Europe et en Asie avec les transformations que cela crée dans le discours religieux.

Dans Baillargeon (2011), nous trouvons les différents points de vue de différents courants autour de la laïcité au Québec. Ce sont des chercheurs académiques, dans la plupart des cas, mais on présume qu’ils s’expriment dans ce livre en tant que personnalités engagées dans la société sur des questions de liberté, de justice et d’égalité. Quant à leurs points de vue sur la laïcité, le livre expose des « lignes de fracture et des points de désaccord autour desquels se nouent certains des principaux et des plus profonds enjeux qu’engage la question de la laïcité » (Ibid. p. 12,13.). Au sein du livre les visions de la laïcité stricte (ou la laïcité tout court ou la laïcité sans adjectif) de Guy Rocher et d’autres se confrontent aux visions de la laïcité ouverte de Daniel Weinstock ou Jean-Marc Larouche et d’autres. Sur les frontières de cette confrontation de visions, Jean-Marc Piotte reconnait, selon Baillargeon, les limites des deux modèles de laïcité (Ibid. p.16). Il est pertinent pour cette revue de littérature d’inclure un tel écrit parce qu’il expose la profondeur du débat autour de la citoyenneté de point de vue des différents courants qui traverse le groupe que nous pouvons appelé des laïcs. Reconnaissons également que ce sujet laisse rarement les chercheurs académiques au Québec neutres, ils prennent souvent position et ce livre n’est qu’un exemple qui reflète cette réalité. Les perceptions qui ne sont pas forcément fondées sur des recherches empiriques peuvent

s’infiltrer également chez des académiciens de grande expérience et c’est ce que ce livre révèle en troisième lieu. Ainsi nous trouvons des expressions comme « l’empire des décisions judiciaires successives » (Ibid. p.31) sur des accommodements ou des généralisations sur les croyances (Ibid. p.75).

Le livre de Micheline Milot (2008) sur la laïcité est un autre témoignage sur l’importance du sujet de la présence de manifestation religieuse dans l’espace public et les inquiétudes qu’il suscite au sein de l’opinion publique. En vingt-cinq points, Milot aborde le sujet de la laïcité dans son contexte québécois et son environnement canadien et nord-américain. Elle définit la laïcité en insistant sur l’importance de la libérer des liens l’attachant à la France. Elle expose également les différents modèles de la laïcité en expliquant qu’aucun de ces modèles n’est parfait et final. Les cinq conceptions de la laïcité qu’elle expose n’entrainent pas que l’une est plus pure que les autres, mais ce sont différentes façons de la concevoir. Elle insiste par contre sur l’importance que la laïcité ne doit pas aller dans le sens restrictif des libertés individuelles (Milot 2008 : 43). Ensuite elle traite le sujet des appartenances religieuses et comment les gérer dans la sphère publique. Elle mentionne que contrairement aux analyses hatives qui relie le processus de laïcisation à la révolution tranquille, le pouvoir politique et l’Église n’ont jamais été officiellement reliés malgré la force que possédait le lobby de l’Église auprès des gouvernants. Elle évoquait l’affaire de Guibord (1869) et le jugement de la cour contre la décision de l’archevêque de Montréal de refuser d’enterrer un imprimeur libéral en cimetière catholique (Ibid. p. 74). Le livre dans sa totalité est une référence importance pour approcher la notion de citoyenneté dans sa relation avec la religiosité ou pas des individus et des groupes. Il est facile de constater que sa lecture s’inscrit dans une conception ouverte de la laïcité avec une primauté des libertés et de l’inclusion dans la citoyenneté du pluralisme culturel et religieux. Ses phrases s’opposent parfois mot par mots à la conception de la laïcité tenue par Guy Rocher par exemple.

Des études récentes comme celle de Jocelyn Maclure et Charles Taylor (2013) intitulée « Laïcité et liberté de conscience » peuvent également refléter ces éléments nouveaux et leurs effets sur le pluralisme et la citoyenneté. Cette recherche explique comment une éthique religieuse, chez les catholiques comme chez les musulmans, continue à façonner leur éthique, de celle sexuelle à celle politique relative « à la place de la religion dans la sphère publique » (Ibid. p : 12).