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Quelle Stratégie d'échantillonnage pour le choix des événements et des personnes qui ont fait l’objet respectivement d’observation participative et d’entrevues ?

Comme il est mentionné ci-dessus, nous avons choisi une méthodologie qualitative sous la forme d’une approche ethnographique basée sur une étude anthropologique de terrain, concentrée essentiellement, sans qu’il y soit limité, sur la région du Grand Montréal. La source première du corpus étudié est venue de la collecte de données sur le terrain grâce à la participation accompagnée d’observations dans des événements représentant la dynamique d’échange entre les trois groupes définis précédemment et l’observation tout court. Ces événements représentaient le fruit de l’implication d’un groupe ou de plusieurs dans des événements sur la sphère publique en relation avec des sujets sur la participation citoyenne et l’éthique publique. En plus, ce corpus a été soutenu par un échantillon composé d’un nombre limité de personnalités influentes de la province du Québec se revendiquant être catholiques, musulmanes ou sécularisées, que nous avons pu rencontrer en entrevues et en discussions semi-directes afin d’éclaircir davantage les résultats obtenus par l’observation. Le paragraphe III.4 sur le terrain ethnographique expose la liste des personnes et des organisations participantes ainsi que les événements couverts durant le travail de terrain de cette étude.

L’influence de ces personnes a été mesurée grâce à deux critères : le niveau d’implication et la largeur de l’auditoire. Le premier critère concerne le haut niveau d’implication d’une personne dans la société, mais pas forcément dans la sphère publique. Ceci nous a permis d’entrer en contact avec ces membres et de prendre en considération non pas seulement ceux qui sont en faveur d’une démarche de citoyenneté participative dans sa version politique publique, mais également ceux qui préfèrent garder le recul par rapport aux affaires d’intérêt politique et par conséquent restreindre leurs activités à des cercles particuliers, comme le culte, les œuvres charitables ou l’excellence professionnelle. Quant au deuxième critère, il se manifeste par l’espace médiatique occupé par

cette personne, sinon par la largeur de son auditoire au sein de son réseau de contact et d’action. L’évaluation de ces critères s’est effectuée grâce à un suivi assidu des médias, aussi bien les chaînes de télévision que leurs sites internet. Ajouté à cela les sites des journaux principaux, à savoir « La Presse », « le Journal de Montréal », « le Devoir » et « The Montreal Gazette ». Les réseaux sociaux, Twitter et Facebook offraient également des moyens de visibilité et d’influence et ont permis d’entrer en contact avec des personnes actives et de suivre les interactions virtuelles tout en restant informé des activités sociales de ces personnes.

L'échantillon se compose donc de personnes issues des trois appartenances faisant objet du projet, à savoir les catholiques, les musulmans et les sécularisés, selon les critères ci-dessous mentionnés.

En premier lieu, on a choisi d'abord de filtrer ceux et celles que l'on ne peut inclure, parce qu’elles n’apportent pas de valeur ajoutée à notre étude. (Fetterman 2010 : 35) explique cette étape en disant :

"This process of elimination is like the admissions process at topflight universities and colleges. The decision is not who shall we admit but rather who must we reject—given all the people who qualify. An unwieldy number of informative people and useful events present themselves for study. The researcher must filter out those sources of information that will add little to the study."

À ce niveau le filtre était l'influence tel qu’expliqué ci-dessus par ses deux critères. Être influent était un élément décisif pour inclure ou pas une personne. On ne pouvait se permettre de choisir n'importe quelle personne à la seule condition qu'elle répond aux critères d'appartenance à l'un des trois groupes tels qu'ils ont été décrits au paragraphe sur la taxonomie des groupes dans le chapitre sur le cadre conceptuel et théorique. Ensuite, et après cette première étape, il faut choisir parmi les restants les candidats idéaux. La démarche à suivre à ce niveau pour les trouver est aléatoire et se base comme point d'entrée sur des personnes qui sont présentes dans des activités touchant à la citoyenneté. Être des points d'entrée signifie que chaque personne peut amener à une ou plusieurs autres personnes et ce en cascade. Toujours selon Fetterman (2010), la technique la plus courante à ce niveau est d'utiliser un échantillonnage à base du jugement de la valeur ajoutée qu'un tel membre amènera avec lui pour enrichir notre étude Ceci nous pousse à dénicher des « acteurs clés » qui peuvent décrire plus en profondeur la culture en place et rendre compte de ce qui est

banal ou possédant un « sens commun » avec des descriptions de grande valeur qui aident à comprendre les dynamiques autour de la citoyenneté. Pour les trouver, en plus des « opportunités naturelles, la bonne chance et le hasard » (p. 35), il est important d'avoir l'opportunité d'être introduit par des membres de ces groupes à d'autres personnes. (Fetterman 2010 : 36) explique cette importance en disant :

"An introduction by a member is the ethnographer’s best ticket into the com- munity. Walking into a community cold can have a chilling effect on ethno- graphic research. Community members may not be interested in the individual ethnographer or in the work. An intermediary, or go-between, can open doors otherwise locked to outsiders."

C'est à ce niveau que ma connaissance préalable d'une partie du terrain lors de mon projet de maîtrise a joué un rôle décisif pour arriver á ces intermédiaires qui m’ont permis d’accéder plus ou moins aisément aux organismes et aux personnes adéquates.

Ces personnes référées peuvent être impliquées dans la sphère de la citoyenneté ou non, elles peuvent croire à l’engagement citoyen ou préférer rester loin de la sphère publique. Dans ce sens, les débats, les manifestations, les conférences et les autres activités liées au projet de « charte des valeurs québécoise » proposé par le gouvernement minoritaire du Parti Québécois concordaient convenablement avec le cadre de notre étude. En effet, ils forment ce que l’on dénomme un « point de tension », et figure être donc une occasion propice pour étudier ce dynamisme, rencontrer des intervenants et participer en observateur à ces différents événements. Mais tout en gardant un œil sur les débats, je suis également allé chercher loin de la sphère publique des personnes qui ont préféré rester à l’écart dans leur sphère habituelle d’influence cultuelle notamment. Sont inclues donc les personnes impliquées ou non dans des activités qui prônent le vivre ensemble et la citoyenneté pourvu qu’elles exercent d’une certaine façon une sorte d’influence dans leur entourage. C’est pour cela que l’échantillon couvre également des personnes réticentes à s’impliquer publiquement et qui préféraient rester concentrées sur leur cercle d’influence habituel : culte, œuvres charitables, profession. L’investigation des causes derrière la non implication publique grâce aux discussions et aux entrevues nous a aidé à cerner au mieux les dynamiques sociales qui justifient aussi bien l’implication citoyenne que la non implication et le désintérêt à l’égard de la sphère publique.

Tout en reconnaissant la difficulté d’élargir notre échantillon à l’intérieur des limites de temps et du terrain, nous espérions tout de même arriver, à un nombre suffisant d’événements qui impliquent des personnes catholiques, musulmanes ou sécularisées actives et à couvrir une diversité des domaines d’action de la société ainsi que des tendances auxquelles se réfèrent nos personnes interviewées. Un nombre suffisant d’événements pourrait permettre ainsi de faire ressortir une multitude de tendances et de formes sociales qui reflètent la complexité des réalités sociales à analyser. Le paragraphe « III.4.3 » sur les « Événements et lieux » expose la liste des trente-quatre événements couverts lors du travail de terrain et explique en détail la pertinence de chaque événement, sa nature et le type de participation du chercheur.

Nous voulions que cette variabilité apparaisse dans nos choix, sans pour autant prétendre à une représentativité proportionnelle à chacun de ces groupes au Québec, objectif que nous estimons très difficile à atteindre. Cette représentativité est effectivement imprécise, entre autres, à cause des statistiques peu précises disponibles sur les proportions des catholiques, des musulmans et des sécularisés dans la province ou au Grand Montréal.

Le plus important donc est que l’ensemble des événements observés et les groupes des personnes interviewées doit refléter diverses idéologies, écoles de dogme ou jurisprudentielles, impliquant des femmes et des hommes, des religieux comme des académiciens, des pratiquants et des sécularisés, des citoyens issus d’un processus migratoire ou des québécois canadiens-français ou anglophones. Au niveau de la langue, les trois langues maitrisées par le chercheur lui ont permis de pouvoir s’adresser et prendre des notes en français, anglais et arabe. Les notes qui ne sont pas en français ont été traduites pour la rédaction finale, mais leur analyse s’est effectuée en prenant en considération sa forme originelle lorsque cela s’avérait nécessaire.

En plus des notes ethnographiques et des entrevues, un échantillon de mémoires déposées à l’Assemblée Nationale du Québec lors des débats sur le projet de « charte des valeurs québécoise » fait partie du corpus étudié31. Rappelons, dans la même ligne, qu’un mémoire reflétant le point de

vue d’une personne ou d’une association, impliquée dans l’un des événements étudiés sur le terrain, devait aider ainsi à élucider au mieux la nature de sa vision et sa pratique citoyenne.

III.2.2 Limites et obstacles du terrain

Lors de l’application de cette méthodologie, plusieurs obstacles ont pu limiter sa portée : la réticence à signer un document de consentement, la réticence à parler officiellement ou à être enregistrés ou la méfiance de la présence du chercheur durant des événements. Afin d’y remédier, des stratégies ont été adoptées et qui consistent principalement à se contenter des consentements oraux d’un côté et à donner une priorité à l’observation participative d’un autre côté, tout en utilisant des entrevues formelles ou informelles pour compléter le paysage de construction de la description des événements. Pour garder des liens de confiance avec les interlocuteurs et la transparence nécessaire, le chercheur a taché à bien informer les personnes impliquées dans les différents événements qu’il est en train de mener une recherche ethnographique pour son doctorat sur ces événements et les discours qui y sont tenus.

Un autre obstacle consistait à la multitude d’événements organisés simultanément ou à des intervalles emboités ou très approchés. Il fallait alors ou bien faire un choix difficile ou courir d’un bout à l’autre du Grand Montréal afin d’assister aux deux événements. Le résultat dans ces cas est qu’une partie de la fin du premier événement ou du début du second soit non couverte afin d’assister à l’autre. Un exemple dans ce sens est quand le FMC a organisé une large rencontre avec des associations musulmanes alors que des dizaines de milliers de gens marchaient dans une manifestation contre la charte des valeurs québécoise le 14 septembre 2013. Les deux événements étaient de valeur pour l’étude ce qui a obligé le chercheur à adopter la solution de la course en voiture du centre-ville de Montréal jusqu’à l’hôtel Quality Hotel Dorval près de l’aéroport de Montréal.

Mais, loin de tout cela, la possibilité qui menaçait réellement cette étude c’était de ne pas trouver d’événements de tension. En effet, si la scène politique et sociale du Québec en général, et surtout du Grand Montréal, n’a pas vécu l’événement majeur du projet de charte des valeurs québécoises et d’autres courtes tensions par la suite, cette recherche aurait changé de thématique. C’est ainsi que les premiers mois du choix du sujet, le chercheur a vécu l’angoisse de voir sa recherche se transformer en étude sur l’interreligieux. Ce sont ces grands événements que le Québec a vus se

succéder qui ont produit la matière première de la démarche ethnographique dans sa portée la plus complète.

III.3 Établissement d’un schéma d’entrevue