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Avant de nous attarder sur l’orientation méthodologique de cette recherche, il est primordial de cerner la définition des trois groupes choisis à partir desquels les personnes interviewées sont choisies et dont les activités ont fait objet d’observation. Ceci nous aide à dégager les ambiguïtés qui découlent des taxonomies complexes reliées aux définitions de ce que sont des catholiques, des musulmans ou des sécularisés.

Tel que mentionné dans le chapitre précédent et à titre de statistique, selon (Statistique Canada, 2011), les catholiques au Québec représentent environ 74,7% alors que les protestants, toute tradition inclue, représentent environ 7%. Quant aux musulmans, qui sont majoritairement issus des flux migratoires, ils ne représentent pas plus de 3,2%. Dans la grande région métropolitaine de Montréal, où environ la moitié de la population de la province vit, les proportions sont légèrement différentes : le nombre de personnes d’obédience catholique représente 63,4% alors que les musulmans totalisent environ 5,9%.

II.2.1 Catholiques

Le Québec, depuis qu’il faisait partie de la Nouvelle-France, appelé le Canada par la suite puis le bas-Canada après la conquête anglaise en passant par l’acte de l’Union en 1841 puis jusqu’à nos jours, était majoritairement catholique et continue à se considérer encore comme tel selon Rousseau (2005 :1), qui constate :

« Si l’on considère certains indices sociodémographiques, le Québec du début du XXIe siècle se définit encore très majoritairement par son appartenance catholique. ».

Ceci reste valide malgré le déclin en pratique qui se poursuit en « baisse numérique extrême » (p. 12) toujours selon Rousseau.

Quant à l’Église catholique au Québec, elle fait la distinction entre la population, majoritairement catholique, et les pratiquants reliés à l’Église. En effet elle reconnait qu’au milieu de ce grand cercle de millions de catholiques québécois par appartenance, il y a un noyau formé par :

« les quelque 3300 prêtres, 400 diacres et 11 000 religieuses et religieux que compte aujourd’hui le Québec, ainsi que les milliers de catholiques laïques engagés dans leur milieu à cause de leur foi » (Assemblée des évêques catholiques du Québec, 2012)

Les membres de ce noyau « cherchent plutôt à vivre et à agir comme le proverbial levain dans la pâte » (p. 6).

Sommairement, nous incluons dans la définition de catholique la hiérarchie ecclésiale officielle de l’Église avec ses ordres les plus influents comme les Jésuites et les Dominicains, mais également les fidèles se déclarant catholiques, y compris ceux issus de l’immigration récente, qu’ils soient pratiquants ou pas, et surtout quand ils sont actifs socialement avec une certaine vision spirituelle chrétienne qui les anime.

II.2.2 Musulmans

D’un autre côté et dans le cadre du processus d’immigration à l’échelle du Québec ou du Canada, plusieurs personnes, parmi eux des musulmans, ont rejoint cette région et s’y sont établis. Quelques années après, ces personnes sont devenues des citoyens canadiens, au sens conventionnel et légal

du terme, en obtenant la nationalité canadienne. Parmi eux il y a des musulmans, issus majoritairement du grand Maghreb ou venant, entre autres, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud, de l’Europe et des pays africains subsahariens (Castel 2010 : 415-420). Mais pour étudier localement cette relation entre la religion et la citoyenneté dans les trois groupes ciblés, il ne suffit pas de se limiter à ces nouveaux citoyens issus de l’immigration. D’où l’importance d’ajouter à ces citoyens musulmans les québécois Canadiens-français qui choisissent l’islam à une étape de leur vie, pour plusieurs raisons : comme résultat d’une quête personnelle, d’un épanouissement spirituel ou comme résultat du mariage ou encore du contact culturel (p. 529). À eux se joignent aussi un nombre restreint de québécois anglophones convertis à l’islam.

II.2.3 Sécularisés

Enfin en parlant des sécularisés, cette recherche se base sur la catégorisation effectuée par Roof (2003) dans une étude sur la relation entre religion et spiritualité aux États-Unis. Il définit les sécularisés comme étant des gens qui « ne veulent pas être identifiés en tant que religieux ou spirituels ». En outre, ils n’utilisent pas le langage partagé issu d’une certaine religion ou spiritualité, mais ils s’identifient autrement en faisant référence à leurs caractéristiques innées ou leur contrôle de leur propre destinée. D’ailleurs, ils ne rejettent pas forcement toute relation à Dieu ou à la religion, mais quand les uns parmi eux en parlent, ils utilisent une conception généralisée et individualisée du sacré (p. 147). Donc un membre de cette catégorie peut être un croyant dont le langage fait référence à autre chose que la religion, un antireligieux, un athée ou un athéiste militant. Par ailleurs le soutien d’une personne à la laïcité et son adhésion à ses principes ne peuvent suffire pour qu’elle appartienne à ce groupe. En effet d’un côté, le croyant qui soutient la laïcité existe au sein des deux groupes distingués précédemment : catholiques et musulmans (Milot 2008 : 82). On peut même avancer, avec prudence puisqu’on n’a pas de statistiques précises à notre disposition, que la majorité des catholiques et des musulmans au Québec considère que la laïcité, quand elle est bien appliquée, est adéquate pour encadrer la neutralité de l’État vis-à-vis des institutions religieuses. D’un autre côté, un courant hostile à la religion ne peut être à lui seul représentatif du groupe des sécularisés. D’abord selon Castel (2010 : 170),

« en 2001, 4335 personnes se déclarent athées. C'est dire qu'au-delà de l'érosion des affiliations aux grandes institutions religieuses et de la chute de la pratique, l'évolution du sentiment religieux ne va pas dans le sens de l'athéisme. ».

Ensuite, plusieurs acteurs influents tout en se déclarant athées, s’identifient à une vision de « laïcité ouverte » respectueuse de la liberté de conscience et des traditions religieuses (Baillargeon 2011). Ce qui signifie que ce courant hostile à la religion est très restreint en nombre et ne rencontre pas à lui seul les critères de Roof dans sa définition des sécularisés.

Ainsi la définition des « sécularisés » prise en compte ici assure une distinction plus facile à mettre en place des deux groupes confessionnels précédents, en déclarant alors ne pas se référer au catholicisme ou à l’islam dans leur discours public. Et aucune exigence supplémentaire sur leur niveau d’hostilité ou de sympathie qu’ils ressentent vis-à-vis des croyances religieuses n’est nécessaire pour les considérer comme sécularisés.

Le critère de dissociation « dogmatique » (Roof 2003 : 147) du discours de toute référence à une tradition religieuse est donc suffisant pour l’identifier à ce niveau selon Roof. C’est pour cela que la définition de Roof de « sécularisés » a été choisie en raison de sa précision par rapport au concept « laïcs » qui a plusieurs significations influencées par l’hybridité du contexte québécois. Il est trivial de constater que les sécularisés, tels que définis par Roof (2003), ne représentent pas une communauté, dans le sens commun utilisé dans le discours public, ou même un groupe délimité d’une façon nette et définitive. L’utilisation du concept est alors basée sur l’hypothèse qu’un grand nombre de personnes qui agissent dans la société autour du concept de la citoyenneté se définissent selon les critères que Roof utilise dans sa catégorisation, ce qui est suffisant pour étudier leurs actions et analyser leurs discours.