• Aucun résultat trouvé

L’utilité résiduelle des facteurs de rattachement §2.

191. Conséquences de l’abandon de la pluralité de règles de conflit. – Dans

l’état actuel du droit positif, abandonner le morcellement implique de renoncer à l’une des deux règles déduites du Code civil colombien ; l’autre deviendrait dès lors

la solution de principe du règlement des conflits de lois en matière de contrats.

Pourtant, aucune de ces règles n’offre un règlement satisfaisant du conflit de lois (A). Leurs facteurs de rattachement ne seraient toutefois pas totalement

485 Pour une présentation du fonctionnement de ces dispositions, v. S. FRANCQ, v° « Règlement Rome I (Obligations

contractuelles) », Rép. dr. int., n° 154-189.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

125

abandonnés, car les lois des lieux de conclusion et d’exécution seraient appelées à intervenir dans certains cas (B).

A. La mise à l’écart des règles de conflit retenues par le droit colombien

192. Non prééminence des règles. – L’ordre juridique colombien ne semble pas

avoir une préférence pour l’une des deux règles. Toutes deux ont été déduites du Code civil, et le traité avec l’Équateur retient l’une tandis que le traité de Montevideo préfère l’autre. Pourtant, ni la règle lex loci contractus (1) ni la règle lex

loci solutionis (2) ne semblent pouvoir atteindre de manière satisfaisante l’objectif de

localisation du contrat qu’elles poursuivent. Sans renoncer à la méthode abstraite, le droit colombien pourrait surmonter les difficultés que ces règles soulèvent par le recours à un rattachement plus moderne : la prestation caractéristique (3).

1. Le caractère fortuit de la lex loci contractus

193. Modes de conclusion du contrat. – En application de la règle lex loci

contractus, la loi applicable dépend du lieu de conclusion du contrat. Or, les contrats

ne peuvent être conclus que de deux manières : soit entre personnes présentes, soit entre absents. Chacune de ces hypothèses révèle des défauts différents de la règle et illustre tant son inaptitude à localiser le contrat que le haut degré d’imprévisibilité qu’elle comporte.

194. Rattachement non déterminant. - Il s’agit d’un rattachement qui n’est pas

déterminant. Batiffol remarquait en ce sens que le contrat se manifeste également par ses effets et que, bien que le lieu de conclusion ait « la priorité logique car il constitue la manifestation première chronologiquement et une causalement du contrat », il constitue la localisation la moins effective car il peut se situer n’importe où et à un moment souvent indiscernable487.

195. Rattachement incertain. – Dans l’hypothèse du contrat conclu entre

absents, le rattachement au lieu de conclusion rencontre un obstacle dirimant : la détermination du lieu de conclusion est impossible. Ainsi, Schnitzer remarque que le lieu de conclusion est une construction juridique aux seules fins de localiser le

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

126

contrat, mais que ce lieu n’existe pas488. L’impossibilité peut seulement être

contournée par une fiction489. Or, chaque législation façonne la fiction à sa guise et

peut choisir entre « la loi du lieu d’où part l’offre, ou celle du lieu où l’offre est acceptée ou enfin celle du lieu où l’acceptation de l’offre arrive »490. Dès lors que la

loi applicable pouvait être différente selon le for saisi491, le lieu de conclusion

constituant un point de rattachement « hautement incertain »492 pour les parties,

contrairement à ce que soutiennent ses partisans, et ne satisferait pas le besoin de coordination de l’ordre international.

196. Rattachement accidentel. – La présence des parties lors de la conclusion du

contrat ne supprime pas toutes les difficultés. Le lieu de conclusion peut dans cette hypothèse s’avérer accidentel493. En effet, les contrats internationaux peuvent être

conclus lors d’un voyage en train ou en avion, ou lors d’une rencontre dans un lieu équidistant des résidences des deux parties ou à des foires, salons ou meetings. Dans les années trente, alors que le commerce international n’était pas favorisé comme aujourd’hui, le doyen Batiffol attirait déjà l’attention sur le fait que les commerçants recherchent « les affaires partout où celles-ci peuvent se conclure »494.

De ce fait, l’avantage que certains attribuent à ce rattachement s’effondre. Les partisans du rattachement au lieu de conclusion affirment que les parties pourraient se renseigner plus facilement sur la loi qui y est en vigueur ; ce rattachement serait ainsi plus pratique. À cet égard, Batiffol affirmait qu’au contraire les parties ne songeront pas à se renseigner sur la loi de ce lieu car « l’immense majorité des contrats se concluent sans que les parties songent le moins du monde à s’éclairer sur leur légalité ou leur portée »495.

488 A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 554. 489 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 202. 490 A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 549. 491 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 202, p. 149.

492 Nussbaum cité par H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats, op. cit., n° 84.

493 J.-P. NIBOYET, « La théorie de l’autonomie de la volonté », op. cit., p. 88 ; H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de

contrats, op. cit., n° 82. En droit suisse, A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 548-550, qui rapporte

les positions d’autres auteurs suisses tels que Wyss, Munheim, et Meili.

494 H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats, op. cit., n° 82. 495 Ibid., n° 85.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

127

197. Rattachement faible. – Dans les cas, qui ne sont d’ailleurs pas

exceptionnels496, où le contrat est conclu entre personnes présentes, le lieu de

passation du contrat offre également un lien trop faible entre les intérêts des parties et de l’ordre juridique où le contrat a été conclu, pour justifier l’application de la loi de ce dernier497.

Mme Ancel remarque en ce sens que le formalisme et le réalisme qui caractérisaient le droit des contrats au Moyen Âge expliquent la préférence des juristes de cette époque pour la règle lex loci contractus, mais que le lieu de conclusion du contrat ne se rattache plus à la nouvelle conception du contrat et ne rend pas compte de la substance du contrat498. La règle lex loci contractus doit donc être écartée parce

qu’elle localise le contrat – à supposer qu’elle puisse le faire de manière certaine – dans un ordre juridique avec lequel il n’a, le plus souvent, qu’un lien précaire.

Le lieu de conclusion semble également peu significatif du point de vue du commerce électronique499. Ce rattachement, en effet, en plus d’être impossible à déterminer

dans ce contexte, n’est nullement évoqué dans les textes qui règlementent la matière500. L’attention s’est tournée vers les lieux d’établissement des parties,

spécialement lorsqu’il s’agit des contrats électroniques conclus par les consommateurs. Aucune référence n’est faite non plus à la loi du lieu d’exécution.

2. Le caractère imprécis de la lex loci solutionis

198. Le lieu d’exécution : un facteur adéquat ? – Le rattachement au lieu

d’exécution semble mieux adapté à la matière contractuelle. Ce fut Savigny, même si certains s’étaient prononcés en faveur de la lex loci solutionis avant lui501, qui en a fait

la solution de principe en matière de contrats502. À choisir entre « les deux

496 Ibid., n° 82.

497 Ibid.

498 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 198, p. 146 et 149.

499 Sur ce point, v. v C. CASTETS-RENARD, v° « Commerce électronique », Rép. dr. eur. ; M. VIVANT, « Internet », Rép. dr.

int. ; M.-É. ANCEL, « Juridiction compétente et loi applicable dans le commerce électronique », RLDI 2010, n° 63

supplement.

500 La loi applicable aux contrats électroniques est également déterminée par le règlement Rome I qui ne prévoit aucune

règle de conflit spéciale. En France, la réforme du code civil ne mentionne pas le lieu de conclusion dans les articles 1174 à 1177 sur la conclusion de contrats par voie électronique, pas plus que la directive sur le commerce électronique.

501 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 198, tels que Dumoulin et Huber.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

128

apparences visibles »503 de toute obligation, le lieu d’exécution est, pour cet auteur,

de « l’essence de l’obligation ». En effet, il remarque que l’attente des parties se concentre sur l’exécution de l’obligation et c’est donc dans le lieu où celle-ci survient que se trouve le siège du contrat. Le doyen Batiffol relève de son côté qu’il existe un lien substantiel entre le lieu d’exécution et l’ensemble du contrat504. À l’argument

reposant sur l’attente des parties505 avancé par Savigny, Batiffol ajoute

l’impossibilité « d’échapper à l’application, au moins partielle, de la loi du lieu

d’exécution »506. Selon ce dernier auteur, les actes d’exécution ne pouvant être

ignorés par l’État sur le territoire duquel ils ont lieu507, sa loi s’applique à tout ce qui

concerne les modes de réalisation de l’exécution.508

199. Difficultés du lieu d’exécution. – Néanmoins, la règle lex loci solutionis

n’offre pas de meilleurs résultats que la règle lex loci contractus. Bien que le rattachement au lieu d’exécution semble mieux adapté à la matière contractuelle, il n’y a qu’une hypothèse où il ne présente pas de difficultés : le contrat unilatéral dans lequel le lieu d’exécution est déterminé. De fait, comme seule la prestation d’un débiteur doit être exécutée dans un lieu qui est connu, la détermination de la loi applicable en fonction du lieu d’exécution ne présente aucun problème.

200. Indétermination du lieu d’exécution. – En dehors de ce cas, la règle lex loci

solutionis est extrêmement vague509. Premièrement, il est possible que le lieu

d’exécution ne soit pas fixé dans le contrat ; c’est même la règle dans certains contrats510. La règle lex loci solutionis ne pouvant pas désigner la loi applicable, son

facteur de rattachement serait tout aussi incertain que le lieu de conclusion. Il est

503 Ibid., p. 205 : « En effet, toute obligation résulte de faits visibles, toute obligation s’accomplit par des faits visibles ». 504 H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats, op. cit., n° 86.

505 Ibid., n° 88. 506 Ibid., n° 87.

507 Ibid., « autant un État peut facilement se désintéresser d’un accord de volontés intervenu sur son territoire, parce que cet

événement, par lui-même, ne se manifeste par extérieurement, autant il lui est impossible d’ignorer des livraisons, des paiements, des prestations des services qui, intervenant sur son territoire, pourront provoquer le recours à l’exécution forcée et qui seront normalement connus des tiers ». Batiffol remarque d’ailleurs que même Beale, « partisan si décidé du lieu de conclusion, ne nie pas la compétence inévitable de la loi du lieu d’exécution ».

508 Ibid., n° 87.

509 J.-P. NIBOYET, « La théorie de l’autonomie de la volonté », op. cit., p. 78.

510 H. BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats, op. cit., n° 95, qui mentionne les cas des « transports maritimes

dans lesquels le lieu de destination est indiqué au capitaine pendant la traversée, emprunts payables dans tel ou tel pays au choix du porteur ».

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

129

donc légitime de se demander, avec Niboyet511, comment on pourrait obliger les

parties à respecter une loi qu’elles ne connaissent pas et qu’il leur est impossible de connaître.

201. Pluralité de lieux d’exécution. – Deuxièmement, la détermination du lieu

d’exécution ne fait pas disparaître toutes les difficultés. Dans l’hypothèse où les parties auront fixé différents lieux d’exécution des obligations, la règle lex loci

solutionis désignera plusieurs lois applicables. Ainsi, dans tout contrat

synallagmatique, il faut d’abord choisir entre l’obligation de l’une ou de l’autre partie ; les contrats multi-parties sont en mesure de compliquer davantage encore cette première étape. Ensuite, si le contrat prévoit plusieurs lieux d’exécution, par exemple la livraison des marchandises dans plusieurs pays, il sera nécessaire d’opter pour l’un des ordres juridiques où l’exécution a été prévue. Dans tous ces cas, la règle conduit à une impasse : plusieurs lois seront applicables512. Or, pour éviter les

risques du morcellement, il est nécessaire de privilégier un seul de ces lieux. Mais comment choisir ? Il faut impérativement recourir à un critère supplémentaire pour déterminer la loi qui sera applicable.

202. Incomplétude de la règle lex loci solutionis. – Troisièmement, cette règle

de conflit est incomplète dans la mesure où le rattachement au lieu d’exécution ne suffira pas à désigner une loi applicable dans toutes les hypothèses ; il faut encore un élément additionnel pour départager les différents ordres juridiques liés au contrat. Il faudrait, au moins, déterminer quelle est l’obligation dont le lieu d’exécution déterminera la loi applicable au contrat.

203. Dépassement du rattachement du contrat aux étapes contractuelles en droit international privé comparé. – En droit international privé européen, les

difficultés soulevées par les facteurs de rattachements traditionnels, lieu de conclusion et lieu d’exécution, ont été oubliées depuis l’adoption de la convention de Rome, par la consécration de la liberté de choix d’une part, et par le recours à un nouveau critère de rattachement, la prestation caractéristique, d’autre part. Ce

511 J.-P. NIBOYET, « La théorie de l’autonomie de la volonté », op. cit., p. 78. 512 Dans ce sens, J. SUESCÚN MELO, Derecho privado…, op. cit., p. 152.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

130

dernier offre une alternative au droit international privé colombien pour continuer à déterminer in abstracto la loi applicable au contrat international.

3. L’adéquation de la prestation caractéristique

204. Le nouveau critère de rattachement : la prestation caractéristique. – La

réglementation du conflit de lois en matière de contrats a reçu un nouveau souffle à l’occasion de l’abandon de la grande et de la petite coupure en droit suisse. Sous la pression de la doctrine, le Tribunal fédéral suisse a peu à peu remplacé les rattachements traditionnels et a finalement soumis le contrat à la loi du lieu du domicile du débiteur de la prestation caractéristique (ci-après la prestation caractéristique)513.

205. Avènement du rattachement. - Ce facteur de rattachement est le résultat de

l’affinement doctrinal d’un critère introduit par la jurisprudence. En effet, le Tribunal fédéral suisse avait considéré dans un arrêt de 1952 que pour déterminer « une loi unique » applicable au contrat international – la motivation du Tribunal était sans doute celle de préserver « l’unité du rapport contractuel » –, il fallait identifier le pays avec lequel « les contractants sont dans le rapport le plus étroit »514 ; mais, pour identifier ce pays, la jurisprudence « ne donne aucun moyen

d’établir quel lien est le plus étroit »515.

La contribution de deux auteurs a été à cet égard fondamentale. D’abord, en 1925, Homberger, dans sa critique relative aux coupures du contrat de la jurisprudence suisse, a affirmé la nécessité d’appliquer une loi unique et de prendre en compte les spécificités de chaque contrat et particulièrement le fait que chaque contrat a une prestation typique qui le caractérise516. Adolf Schnitzer a ensuite appliqué cette

dernière idée au critère jurisprudentiel du lien territorial le plus étroit, et a suggéré

513 Pour une analyse approfondie de la prestation caractéristique, v. M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, préf. L.

Aynès, Economica, 2002. Sur l’évolution en droit suisse, v. A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit.,

p. 558 s. ; M.-É. ANCEL, op. cit., n° 29 s. Il est important de remarquer qu’il s’agit d’une règle subsidiaire à la liberté de choix.

514 Schnitzer rapporte des extraits de l’arrêt, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 566-570. V. aussi, Rev. crit. DIP

1953. 390, note G. Flattet.

515 A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 572. 516 Le propos de cet auteur sont rapportés par SCHNITZER, ibid., p. 555.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

131

la soumission du contrat à la loi du lieu de l’établissement auquel le client s’est adressé517.

206. Justification du rattachement. – Pour Schnitzer, la recherche de la loi

applicable devait « partir de la nature du commerce même, de l’activité qui se répète

toujours »518. Il fallait donc « déterminer le contenu caractéristique de chaque

obligation et […] fixer ainsi la loi applicable selon la particularité du rapport en cause »519. Il s’agit d’une méthode individualisante qui correspond à une idée plus

générale selon laquelle la prestation caractéristique « vise la fonction que le rapport juridique en cause déploie dans la vie économique et sociale d’un ordre juridique déterminé », d’où la nécessité « de soumettre le contrat à la loi du lieu où cette prestation est due »520. Compte tenu du caractère accidentel du contrat pour le

client, le « centre de gravité » du contrat se localise auprès de celui qui se charge de l’activité qui se répète, ce serait donc à la loi du lieu de son établissement qu’il faudrait soumettre le contrat ; ce qui vaut également pour les personnes qui exercent une profession en dehors du commerce521.

Sans tomber dans le « corporatisme » de Schnitzer, il est possible de justifier le choix du facteur de rattachement autrement. En effet, les rédacteurs de la convention de Rome ont préféré le siège du débiteur de la prestation caractéristique au lieu d’exécution de celle-ci dans le but « de donner une solution prévisible ab

initio au conflit de lois », car le second lieu peut être indéterminé ou pluriel522.

207. Avantages de la prestation caractéristique. – Dans les deux cas, le

rattachement offre au moins trois avantages. Premièrement, la prestation caractéristique est, comme l’affirme Mme Ancel, un « instrument adéquat pour faire respecter la cohérence et l’unité du contrat » car elle « est apte à donner leur mesure et leur sens aux autres prestations impliquées par le type de contrat considéré »523.

Deuxièmement, c’est un rattachement régulier et prévisible car il distingue un 517 Ibid., p. 560. 518 Ibid. 519 Ibid., p. 562. 520 Ibid., p. 578-579. 521 Ibid., p. 580, 560.

522 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 216. 523 Ibid., n° 9, 271.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

132

rapport contractuel d’autres figures, l’associant à un facteur géographique variable mais facile à identifier524. La prestation caractéristique offre ainsi une solution sûre

car « le juge peut être sûr, objectivement, […] de la nature du contrat que les parties ont conclu »525 et elle permet d’assurer un haut degré d’harmonie des

solutions car elle fait appel à des catégories contractuelles qui correspondent au contexte de l’économie marchande prédominante dans le monde526.

Troisièmement, la prestation caractéristique favorise le commerce international car elle protège « la partie au contrat qui, économiquement, est la plus dynamique et la plus mobile »527. Dans ce sens, Schnitzer soulignait que tous les actes seraient

soumis à la même loi, les conditions générales seraient interprétées d’après la loi sur la base de laquelle elles ont été rédigées et l’activité serait réglée uniformément à l’égard de tous les clients528. La prestation caractéristique constitue dès lors un

remède satisfaisant aux difficultés issues des rattachements traditionnels.

208. Identification de la prestation caractéristique. – Le recours à ce facteur de

rattachement suppose toutefois d’identifier la prestation caractéristique du contrat. Selon Mme Ancel, celle-ci peut être définie comme « "l’essence", ou la "fonction"

socio-économique du contrat »529, c’est-à-dire celle qui, pour une typologie

contractuelle, porte « le dynamisme du contrat, la transformation attendue et réalisée grâce au contrat »530. Dans le cas de la vente, par exemple, « la prestation

caractéristique est l’acquisition de la propriété »531. Il serait donc possible d’établir

des catégories de contrats à partir de la prestation caractéristique. Ainsi, dans les contrats à titre gratuit (comme la donation) et les actes neutres (sûreté conventionnelles), elle est la seule prestation principale ; dans les contrats de fourniture rémunérées (vente, louage d’ouvrage, dépôt), elle est celle pour laquelle le

524 Ibid., n° 431.

525 Ibid., n° 210.

526 Ibid., n° 195, 271. En effet, le recours à des catégories ne présente aucun inconvénient pour les ordres juridiques de

tradition civiliste et ne serait guère gênant pour les pays de la common law, sur ce point v. Ibid., n° 251.

527 Ibid., n° 432.

528 A. SCHNITZER, « Les contrats internationaux… », op. cit., p. 560-561. 529 M.-É. ANCEL, La prestation caractéristique, op. cit., n° 271.

530 Ibid., n° 151, 195. 531 Ibid., n° 159.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

133

paiement est dû532 et pour les contrats dits d’intérêt commun (mandat d’intérêt