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131. L’influence du contexte. – L’approche publiciste prédominante en Colombie

rattache les situations qui surviennent sur un territoire donné à la loi de ce territoire ; le lien semble à la fois inévitable et intangible. Il s’agit donc de localiser un rapport de droit dans un ordre juridique à l’aide de ce lien. Or ce procédé en apparence simple peut conduire à localiser un rapport donné dans plusieurs ordres juridiques, spécialement dans l’hypothèse de rapports hétérogènes365. Le droit

colombien montre les difficultés et les hésitations auxquelles conduit cette méthode, ce qui pourrait expliquer en partie que, pour déterminer la loi applicable au contrat international, la jurisprudence ait utilisé tant des règles de conflit classiques que des méthodes plus modernes.

132. Des solutions anciennes. – L’ordre juridique colombien demeure attaché aux

anciennes règles de conflit déduites du Code civil, qui sont dépassées depuis des décennies en Europe et depuis un siècle en France. En effet, l’arrêt Tía est la dernière décision de la Cour suprême de justice relative à la détermination de la loi applicable au contrat international366. Bien que cet arrêt soit vieux de presque 70

ans, il serait faux d’affirmer que le droit colombien renie aujourd’hui la solution retenue à cette occasion ; d’une part parce que cet arrêt constitue encore le référence en droit international privé colombien - toutes les décisions de la Cour suprême de justice et de la Cour constitutionnelle s’y réfèrent -, et d’autre part parce que l’approche publiciste à laquelle cet arrêt a grandement contribué n’a pas été délaissée et semble au contraire renforcée par les décisions récentes. Les règles de conflit dégagées par la jurisprudence au début du XXe siècle constituent donc toujours le

droit positif, ce qui impose de les présenter.

365 La distinction des situations hétérogènes, dont les points de contact se répartissent dans plusieurs États, et situations

homogènes, ne présentant des liens qu’avec un seul État, a été proposée par W. WENGLER, v. « The general principles of

private international law » RCADI 1961, t. 104, p. 273, spéc. 291, et en français, « Immunité législative des contrats internationaux », Rev. crit. DIP 1971. 637, spéc. 650.

ROJAS TAMAYO Daniel Miguel | Thèse de doctorat | février 2017

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133. De nouvelles tendances. – La permanence de ces règles de conflit ne signifie

cependant pas que le droit international privé colombien des contrats se soit figé. Ainsi, il est d’abord devenu courant que les instruments internationaux en matière civile et commerciale contiennent des règles sur la liberté de choix. L’approche colombienne précédemment décrite n’a en effet nullement empêché que certains de ces instruments soient ratifiés par la Colombie. Ensuite, la Cour constitutionnelle, plus libre dans la manière de construire son raisonnement, a exploré d’autres méthodes de détermination de la loi applicable sans toutefois vraiment s’affranchir complétement des règles déduites du Code civil colombien. Le nouvel élan insufflé au droit colombien par la création de la Cour constitutionnelle a certes compliqué la matière, mais cette Cour a eu le mérite de remettre en cause indirectement le système et a rappelé à ses interprètes l’existence d’autres méthodes.

134. Exclusion de la liberté de choix. – Néanmoins, l’étude de la possibilité de

choisir la loi applicable doit être, à ce stade, exclue pour trois raisons. Tout d’abord, cette possibilité a été reconnue seulement pour certains contrats. Ensuite, les tribunaux n’ont pas encore eu l’occasion d’appliquer les règles autorisant le choix. Enfin, ces dernières ne correspondent pas à proprement parler à la logique localisatrice du droit positif qu’il est question d’analyser dans ce titre, où seront seules étudiées les solutions déterminant la loi du contrat indépendamment de la volonté des parties. Elle sera longuement étudiée dans la seconde partie.

135. Particularités de l’analyse. – Du point de vue du droit comparé, cette

exclusion conduit à un certain décalage avec la tendance mondiale et rapproche davantage l’analyse proposée ici de l’histoire du droit. En effet, le droit colombien actuel est similaire au droit français de la fin du XIXe siècle ou au droit suisse du

début du XXe, ce qui justifie d’ailleurs les références aux auteurs de ces périodes et de

ces pays. Les autres méthodes explorées sont quant à elles proches du droit des États-Unis d’Amérique ; le droit international privé colombien ne pouvait logiquement échapper à l’influence que ce pays a eue sur le continent américain. En outre, il est important de souligner que les différentes méthodes qui seront abordées constituent également, en cas d’admission de la liberté de choix, des réponses possibles au défaut de choix.

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136. Pluralité de méthodes. Plan du titre. – L’analyse du recours aux points de

contact du contrat avec un ou des ordres juridiques n’est donc pas dépourvue d’intérêt dans le cas du droit colombien. Partant, pour déterminer la loi applicable, il serait possible d’utiliser un seul point de contact ou plusieurs, ce qui imposerait des approches distinctes de résolution du conflit de lois et conduirait à utiliser des méthodes différentes.

Effectivement, la méthode conflictuelle traditionnelle n’utilise qu’un seul point de contact comme critère de rattachement de la règle de conflit. Ce serait donc une méthode abstraite, conformément à l’un des caractères attachés à ces règles, car la désignation de la loi applicable ne dépend nullement des faits de l’espèce ; le rattachement est prédéterminé et exclut en principe le recours aux autres points de contact. Puisque le droit international privé colombien a dans un premier temps utilisé cette méthode, elle fera l’objet du premier chapitre.

Lorsque l’ensemble des points de contact du contrat doivent être appréciés pour désigner la loi applicable, la méthode serait concrète. L’opérateur juridique doit alors prendre en considération les particularités de chaque espèce pour déterminer la loi applicable au contrat. Étant donné que la jurisprudence colombienne a récemment utilisé cette méthode, le second chapitre lui sera dédié.

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C

HAPITRE

I

D

ETERMINATION

IN ABSTRACTO

DE

LA LOI APPLICABLE AU CONTRAT

137. Choix d’un point de contact et méthode conflictuelle. – Lorsque l’ordre

juridique détermine la loi qui doit régir le contrat en fonction d’un point de contact donné, il fait un choix méthodologique en faveur de la méthode conflictuelle et le point de contact élu sera donc le critère de rattachement de la règle de conflit.

138. Prédilection pour les étapes du processus contractuel. – Depuis le Moyen

Âge, les auteurs et les tribunaux confrontés aux conflits de lois en matière de contrats ont procédé de cette manière, souvent inconsciemment, puisque la méthode conflictuelle n’a été systématisée qu’au XIXe siècle par Savigny. Les études dédiées à

l’histoire du droit international privé enseignent que le contrat était régi tantôt par la loi du lieu de sa conclusion, tantôt par celle du lieu de son exécution367. Bien qu’ils

ne soient pas les seuls points de contact qu’un contrat puisse avoir avec des ordres juridiques, ils constituent des points de contact propres aux actes juridiques.

Les autres points de contact ne semblent avoir été pris en compte que tardivement, aux XIXe et XXe siècles. L’influence de la nationalité et du domicile, par exemple,

était inégale en Allemagne, en Italie et en France368. Cependant, les étapes du

processus contractuel ont gardé une place privilégiée dans la résolution du conflit de lois, même en cas de nationalités ou de domiciles communs, jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention de Rome.

367 La locution locus contractus pouvait effectivement désigner l’un ou l’autre lieu. Selon Lainé, les glossateurs aurait déduit

le premier rattachement de la loi Si fundus ; la solution était connue sous l’expression lex loci contractus. Meijers cite à l’appui du second une décision du Parlement de Paris de 1314 dans laquelle le contrat a été soumis à la loi du lieu d’exécution, connue comme la lex loci solutionis. En outre, pour certains auteurs du Moyen Âge, ces règles pouvaient même faire partie d’un seul et même système. Dans ces cas, chacune avait un domaine différent : la forme du contrat pour la première et le fond pour la deuxième ou, par exemple, les effets pour l’une et les suites pour l’autre. V. sur ce point, A. LAINE, Introduction au droit international privé, I, Lib. Cotillon, F. Pinchon, successeur, 1888, p. 109 ; E.-M. MEIJERS, Études

d’histoire du droit international privé, Pierre-Clément Timbal, Josette Metman (trads.), CNRS, 1967, p. 53 ss ; B. ANCEL,

Histoire du Droit international privé, Cours dactyl., Panthéon-Assas (Paris II), 2008, p. 78.

368 L’application de la loi de la nationalité commune ou du domicile commun y a été affirmée à une époque. Cependant, leur

aptitude à désigner la loi applicable au contrat était relative car, en pratique, d’autres points de contact renforçaient les liens du rapport contractuel avec l’ordre juridique désigné, spécialement les lieux de conclusion et d’exécution du contrat. Par ailleurs, la nationalité et le domicile semblent souvent avoir servi à justifier l’application de la loi du for. En Angleterre et aux États-Unis, ces points de contact n’ont eu aucune influence. V. sur ce point, BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de

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139. Les règles de conflit en droit colombien. – En Colombie, le règlement du

conflit de lois en matière de contrats s’est principalement construit autour des étapes du processus contractuel, qui demeurent encore la référence. Les autres points de contact n’ont jamais servi de critères de rattachement dans ce domaine. Ainsi, en principe, le droit colombien détermine in abstracto la loi applicable au contrat à l’aide de deux règles différentes et indépendantes (section I). L’exposé de cette méthode abstraite sera suivi de son analyse (section II).