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Sous-titre 2 : LES MUTUELLES DE SANTE

1- L’utilisation accrue des services de santé

La mutualisation du risque maladie en Afrique sub-saharienne a considérablement amélioré la fréquentation des services de santé par les communautés qui l’ont adoptée. En effet, de l’avis de la plupart des auteurs, non seulement les membres utilisent plus souvent ces services que les non-membres190, mais en plus, les malades viennent consulter plus tôt, avant que la maladie ne s’aggrave191.

La question s’est toutefois posée, lors des discussions de groupes organisées dans le cadre du Projet de Partage du Risque Maladie (PRIMA) en Guinée Conakry192, de savoir, si dans cette amélioration de la fréquentation des services de santé, il n’y aurait pas une tendance subite des membres de mutuelles à la surconsommation des soins de santé.

L’ensemble des participants s’est accordé à constater que, bien qu’un tel risque puisse exister,

« les membres de mutuelles de santé ne se rendent au centre de santé que quand ils se sentent vraiment malades »193. La plupart des auteurs194 confirment cette tendance.

190 ATIM C., « Contribution actuelle et potentielle des mutuelles de santé au financement, à la fourniture et à l’accès aux soins de santé : étude de cas du Ghana, p. 11, - CHEE G., SMITH K., &KAPINGA A., « Assessment of Community Health Fund in Hanang District, Tanzania », p.61 - JAKAB M., et KRISHMAN C., « Community Involvement in health care financing : Impact, strengths ang weaknesses. A synthesis of literature ». In “health care Financing for Rural and Low-Income Populations: The Role of Communities in Resource Mobilization and Risk sharing”, repris par WAELKENS Maria-Pia et CRIEL Béart in “Les mutuelles de santé en Afrique sub-saharienne: état des lieux et réflexion sur un agenda de recherché”, p. 50.

191 ARHIN-TENKORANG D., « Health insurance for the informal sector in Africa : Design features, risk protection and resource mobilisation », p. 34, - MASSIOT Nathalie, « Contribution actuelle et potentielle des mutuelles de santé au financement, à la contribution et à l’accès aux soins de santé: etude de cas du Sénégal » p.

28, SCHNEIDER P, et DIOP F, « Synopsis of results on the impact of community-based health insurance on financial accessibility to health care in Rwanda », repris par WAELKENS Maria-Pia et CRIEL Béart in “Les mutuelle de santé en Afrique sub-saharienne: état des lieux et réflexion sur un agenda de recherche, p. 50.

192 WAELKENS M.-P. et CRIEL B., « Etude de la perception sociale de la MUCAS Maliando », in « Le projet PRIMA en Guinée Conakry : Une expérience d’organisation de mutuelles de santé en Afrique rurale », p.77.

193 Idem, p. 79.

194 Une enquête faite dans la région de Thiès au Sénégal par Jütting et Tine en 2000 révèle que les membres des mutuelles bénéficient de deux fois plus de soins hospitaliers que les non membres. SCNEIDER P. et DIOP (2001) observent quant à eux qu’au Rwanda, les membres malades utilisent cinq fois plus les soins modernes que les non membres qui ont plus recours à l’automédication. Ils observent également qu’il n’y a pas de signes de croissance de consultations « inutiles », mais plutôt d’une meilleure accessibilité des soins modernes quand c’est nécessaire. McCORD (2000) révèle quant à lui, que dans le projet UMASIDA en Tanzanie, les

115 2- L’accès équitable aux soins de santé

Si les systèmes de mutualisation du risque maladie améliorent l’accès aux soins d’un plus grand nombre de personnes, plusieurs auteurs195 s’accordent à dire que les plus pauvres restent exclus et que la garantie de leurs soins de santé n’est pas réellement l’objectif des mutuelles de santé. En effet, toutes les couches sociales n’ont pas le même accès aux soins et les deux principaux facteurs qui expliquent cette inégalité sont : l’éloignement des populations rurales des centres de santé et l’incapacité financière de certains ménages à pouvoir assumer leurs cotisations.

L’observation et le développement de telles inégalités nous amènent à nous interroger sur l’opportunité des systèmes de mutualisation du risque maladie pour les plus démunis.

Cette population est tenue de s’acquitter d’une certaine somme d’argent, or elle n’en dispose pas, pour avoir accès aux soins de santé. A ce sujet, Alain LETOURMY révèle que : « la solidarité mutualiste est par construction restreinte à ceux qui cotisent. Sa contribution à la couverture de l’indigence est faible, voire nulle ou exceptionnelle, en tout cas prématurée. Les mutuelles ont d’abord un objectif d’efficacité (rendre plus efficace le financement des ménages). Elles ne résolvent que partiellement le problème des exclusions »196.

Doit-on s’en tenir à ce constat et laisser à leur sort la situation des indigents ? Nous croyons que non et d’ailleurs, plusieurs stratégies d’orientations certes divergentes sont proposées, pour remédier à l’exclusion des plus démunis. Certains auteurs197 sont d’avis que des structures spécifiques d’assistance sociale, autres que les systèmes de mutualisation du risque maladie, devraient prendre en charge les plus pauvres afin que leur inclusion ne mette pas en difficulté les systèmes mutualistes déjà fragiles. D’autres198 par contre sont d’avis qu’il revient aux gouvernements de subventionner les primes des plus pauvres à l’intérieur même de ces systèmes

responsables des groupes avaient reçu pour consigne de limiter la surconsommation des soins. La conséquence en est que les patients ne fréquentent les centres de santé que lorsqu’ils sont vraiment malades et ont besoin de soins plus onéreux.

195 ATIM Chris Bukari, « Contribution actuelle et potentielle des mutuelles de santé au financement, à la fourniture et à l‘accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest et du Centre : résumé de synthèse et études de cas », p. 19, JÜTTING J. et TINE J., « Micro insurance schemes and health care provision in developing countries : An empircal analysis of the impact of mutual health insurance schemes in rural Senegal », p. 38, SCHNEIDER P. et DIOP F., « Impact of Prepayment Pilot Health Care Utilization and Financing in Rwanda : Findings from Final Household Survey », p. 78 .

196 LETOURMY Alain, « L’Etat et la couverture maladie dans les pays à faible revenu », repris par WAELKENS Maria-Pia et CRIEL Béat, « Les mutuelles de santé en Afrique sub-saharienne : Etat des lieux et réflexion sur un agenda de recherche », p. 54.

197 LETOURMY Alain, « L’Etat et la couverture maladie dans les pays à faible revenu ». – GBAGUIDI G.,

« Les mutuelles de santé en Afrique : concept importé ou réalité émergente ? Expériences et perspectives ». – BROUILLET P., WADE M., KAMBE M, et NDAO M., « Emergence des mutuelles de santé en Afrique : Enseignements et perspectives tirés d’une enquête sur les mutuelles de santé au Sénégal », pp. 40-54.

198 PREKER A., CARRIN G., DROR D., JAKAB M., HSIAO W., & ARHIN-TENKORANG D., “The Role of Community in Resource Mobilization and Risk Sharing : A Synthesis Report, in: Health Care Financing Sharing”, repris par WAELKENS Maria-Pia et CRIEL Béart in « Les mutuelles de santé en Afrique sub-saharienne: état des lieux et réflexion sur un agenda de recherche », p. 52.

116 3- L’influence des systèmes de mutualisation du risque maladie sur la qualité des soins

Les systèmes de mutualisation du risque maladie peuvent avoir une influence considérable sur l’amélioration de la qualité des soins. En effet, trois hypothèses sont généralement avancées pour justifier une telle possibilité.

Tout d’abord l’augmentation des ressources financières, par le biais des cotisations régulières des membres, permet de garantir aux mutuelles des revenus suffisants et stables ; une telle stabilité financière permettrait ainsi aux mutuelles de faire pression sur les prestataires pour améliorer la qualité de leurs soins.

Ensuite, la garantie de revenus suffisants et stables permettrait aux systèmes de mutualisation du risque maladie, de tirer parti de la compétition de l’offre à laquelle s’adonneraient les prestataires des soins, en leur imposant l’amélioration de la qualité de leurs soins.

Enfin, par son pouvoir de collectif d’utilisateurs, la mutuelle de santé peut constituer un contrepoids à celui des professionnels de santé et ainsi faire pression sur le personnel de santé pour mieux répondre à la demande, pour améliorer la qualité des soins.

On dénombre dans la pratique quelques exemples qui, bien que très insuffisants, étayent ces hypothèses. Le cas des Mutuelles Phacom, à Madagascar199, démontre une amélioration de la qualité des soins grâce à des ressources financières plus stables et régulières. En effet, l’approvisionnement en médicaments essentiels s’est considérablement amélioré, grâce à une plus forte implication des membres des mutuelles dans le choix des priorités des malades par les prestataires des soins. Toutefois, une telle amélioration n’est rendue possible que grâce au fort taux de la population couverte et à la régularité des cotisations ; ce qui n’est pas le cas de la grande majorité des mutuelles de santé en Afrique sub-saharienne. En effet, comme le précise François Pathé DIOP, la faiblesse de la taille des populations couvertes ne permet pas encore de générer des ressources pouvant avoir une contribution significative pour l’amélioration de la qualité des services des organisations de prestations de soins200.

En définitive, on peut reconnaître aujourd’hui que le système de mutualisation du risque maladie représente une stratégie pertinente, qui nécessite une prise en considération aussi bien par les chercheurs que par les politiques. Deux raisons principales justifient cet intérêt. En effet, comme le relèvent Maria-Pia WAELKENS et Beart CRIEL, d’une part, les systèmes de mutualisation se basent sur d’autres modalités de financement que les paiements directs à la charge des malades ; en mettant en œuvre les principes d’un partage solidaire du risque maladie, ils peuvent donc contribuer à améliorer l’accès aux soins pour les classes les plus démunies. D’autre part, les systèmes de mutualisation du risque maladie consistent en un modèle social d’organisation de la société, capable de contribuer au rééquilibrage des

199 BURNIER Eric, « Les Mutuelles Pharmacies Communautaires de Madagascar : une initiative locale victime de la mondialisation ? », Bulletin « Medicus Mundi Schweiz» N°80, Basel, Avril 2001, p.2.

200 DIOP François Pathé, « Contribution actuelle et potentielle des Mutuelles de santé au financement, à la fourniture et à l’accès aux soins de santé : Cas du Bénin », p. 29.

117 relations entre patients et prestataires de soins, et par là de constituer un levier essentiel pour agir sur la qualité des soins et la satisfaction des usagers201.

Dans l’ensemble des pays de l’Afrique sub-saharienne, les systèmes de mutualisation du risque maladie sont en plein essor. Même si au plan concret les résultats restent encore très modestes, le mouvement mutualiste reste porteur de valeurs comme la solidarité, la démocratie et l’épanouissement de la personne. Si le Cameroun a pris du retard à les intégrer dans leur environnement, par rapport aux pays de l’Afrique de l’Ouest, les systèmes de mutualisation du risque maladie constituent aujourd’hui un soutien à l’accessibilité aux soins de santé pour les classes les plus défavorisées.

201 WAELKENS Maria-Pia et CRIEL Beart, « Les mutuelles de santé en Afrique sub-saharienne : état des lieux et réflexion sur un agenda de recherche », p. 84.

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CHAPITRE 2 : LES MUTUELLES DE SANTE AU