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: Définition et principes de base des mutuelles de santé

Sous-titre 2 : LES MUTUELLES DE SANTE

Section 1 : Définition et principes de base des mutuelles de santé

Les mutuelles de santé constituent une composante essentielle de l’économie sociale.

Elles fonctionnent sur la base d’un certain nombre de principes fondamentaux créés pour résoudre les problèmes communs d’un groupe de personnes réunies autour d’un intérêt commun. Ils sont énumérés par le programme BIT/STEP143.

143 BIT/STEP, « Guide d’introduction aux mutuelles de santé en Afrique », p.17.

98 1- Définition

Pour mieux comprendre la notion de mutuelle de santé, il importe de définir tout d’abord celle de mutualité dont elle découle. La mutualité désigne le mode d’organisation, le système de pensée et la philosophie d’actions propres aux institutions mutualistes. Une institution mutualiste – ou mutuelle – est une association volontaire de personnes (donc adhésion libre), à but non lucratif (qui ne recherche donc pas le profit), dont le fonctionnement repose sur la solidarité entre ses adhérents. Sur la base des décisions des adhérents et au moyen de leurs cotisations, la mutuelle mène, en leur faveur et en celle de leur famille, une action de prévoyance, d’entraide et de solidarité dans le domaine des risques sociaux. De ce fait, une mutuelle constitue un mouvement social144.

Qu’en est-il de la notion de mutuelle de santé ?

En reprenant la définition de la mutualité présentée ci-dessus, il est possible de définir une mutuelle de santé de la façon suivante : Une mutuelle de santé est une association volontaire de personnes, à but non lucratif, dont la base de fonctionnement est la solidarité entre tous les adhérents. Au moyen de la cotisation des adhérents, et sur la base de leurs décisions, la mutuelle organise des actions de prévoyance, d’entraide et de solidarité dans le domaine de la santé.

Une mutuelle de santé combine les deux principes fondamentaux de l’assurance et de la solidarité. Par cette solidarité, les adhérents d’une mutuelle de santé expriment leur volonté de prendre en main eux-mêmes leurs problèmes, en s’assistant mutuellement. Ils s’engagent dans un processus de développement individuel et collectif. La cotisation concrétise le principe d’entraide et de solidarité au sein de la mutuelle : chaque adhérent bien portant accepte que sa cotisation soit utilisée pour couvrir les dépenses des autres adhérents malades.

Il s’agit d’un partage des risques entre les adhérents ; aussi un individu ne peut bénéficier des prestations de sa mutuelle de santé s’il n’est pas à jour dans le versement de ses cotisations145.

Ainsi définies, les systèmes de micro-assurance ou mutuelles de santé présentent des caractéristiques communes, qui font aujourd’hui l’objet de débats de la part des chercheurs.

Toutefois, le programme STEP146 du Bureau International du Travail en a identifié les plus importantes.

La fonction d’assurance : les mutuelles de santé mettent en jeu une assurance santé, c'est-à-dire un instrument financier par lequel des souscripteurs, en contrepartie du versement d’une cotisation (ou prime), obtiennent une garantie de se faire octroyer des prestations financières (ou de prise en charge des frais occasionnés par les soins) en cas de réalisation d’un risque de maladie. Les souscripteurs renoncent de ce fait aux cotisations qu’ils versent. Ce sont ces cotisations qui seront utilisées pour assurer le coût des prestations fournies à ceux des membres pour lesquels le risque maladie se sera réalisé. De la même manière que dans les systèmes modernes d’assurances

144 Programme Stratégies et techniques contre l’Exclusion sociale et la Pauvreté (STEP), Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes de Belgique (ANMC), Solidarité Mondiale WSM), « Mutuelles de santé en Afrique : caractéristiques et mise en place », p. 57.

145 Idem, p. 47.

146 Stratégies et Techniques contre l’Exclusion sociale et la Pauvreté.

99 sociales, les bénéficiaires ou adhérents du système d’ « assurance » apportent les contributions nécessaires, au moins partiellement, au financement des prestations.

L’adhésion non obligatoire : les bénéficiaires du système sont assurés sur une base volontaire.

L’exclusion de la sécurité sociale : les bénéficiaires du système sont, au moins en partie, des personnes dépourvues de la protection sociale publique, ou qui ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté défini sur le plan national.

Implication des bénéficiaires dans la gestion : les bénéficiaires ou les adhérents sont associés ou participent à la gestion du système d’assurance, tout au moins au choix des services couverts par ce dernier.

Substitut aux systèmes classiques de sécurité sociale : la création et la gestion de ces systèmes font à l’initiative d’opérateurs autres que les institutions classiques de sécurité sociale, comme les caisses de prévoyance maladie.

2- Les principes de fonctionnement des mutuelles de santé

Les mutuelles de santé constituent une composante essentielle de l’économie sociale.

Elles fonctionnent sur la base d’un certain nombre de principes fondamentaux. Le programme BIT/STEP en énumère quelques uns147.

2.1- La solidarité entre les adhérents

Le principe de la solidarité est le fondement même de la mutualité, laquelle refuse les discriminations financières et la sélection des risques. Ce principe implique, d’une part, que chaque membre paie une cotisation qui est indépendante de son risque personnel de tomber malade. Ainsi, les modalités de fixation des cotisations – cotisation égale pour tous ou proportionnée aux moyens financiers des adhérents (par exemple en pourcentage du salaire) – ne dépendent pas du risque encouru par l’adhérent. De même, le montant de la cotisation n’est déterminé ni par l’âge, ni par le sexe, ni par la santé du membre. Le principe de la solidarité implique, d’autre part, que chacun bénéficie des mêmes services en cas de maladie pour un même niveau de cotisation. La mutualité instaure donc une solidarité entre malades et bien-portants, entre jeunes et vieux, et entre les différentes catégories professionnelles et sociales.

La solidarité est l’un des moyens d’instauration de la justice sociale ; mais il n’y a pas de solidarité sans responsabilité, notamment dans l’utilisation des ressources. Par ailleurs, la solidarité est un concept dynamique : sa mise en œuvre, les moyens et les mécanismes pour la réalisation doivent évoluer avec la société dans laquelle la mutualité se développe. Elle ne s’exprime pas seulement sur le plan financier. Elle peut aussi se manifester par un engagement bénévole, en faveur des plus démunis, des handicapés, des personnes âgées, etc.

autrement vis-à-vis des groupes à risque.

Appliquée dans le domaine des mutuelles de santé, la solidarité signifie que l’adhésion ici n’est ni obligatoire, ni conditionnée par l’état de santé des futurs adhérents. Dans la pratique, les personnes présentant le plus de risque de maladie ont plus intérêt à s’affilier que

147 BIT/STEP, « Guide d’introduction aux mutuelles de santé en Afrique », p. 17.

100 les autres. Il peut en résulter un déséquilibre financier dangereux pour la viabilité de la mutuelle. Pour éviter ce problème, les mutuelles ont été obligées d’appliquer certaines techniques empruntées des systèmes d’assurance: imposition d’une période de stage (pas de droit aux prestations pendant les premiers mois d’affiliation), possibilité d’adhésion limitée à une période déterminée de l’année, obligation d’assurer tous les membres de la famille par exemple.

2.2- Le fonctionnement démocratique et participatif

La mutualité est le fruit de la liberté d’association ; chacun est libre d’adhérer à une mutuelle. L’adhésion y est libre et ce, sans aucune discrimination raciale, ethnique, sexuelle, religieuse sociale ou politique. Tous les adhérents ont les mêmes droits et obligations. Ils ont, entre autres, le droit de participer, directement ou indirectement, aux différentes instances de décision. Cette démocratie participative s’exprime à travers des structures qui garantissent aux adhérents la participation aux prises de décisions et la possibilité de contrôler le fonctionnement de leur organisation mutualiste. Dans les mutuelles de grande taille, il faut trouver les mécanismes de représentation (sur une base géographique, professionnelle ou autre) des différents groupes qui les composent.

Une vie démocratique ne se construit pas uniquement par des règlements. Par conséquent, le fonctionnement d’une mutuelle de santé ne sera réellement démocratique que si les adhérents prennent leurs responsabilités, dans les différentes instances, en connaissance de cause. La mutuelle doit donc veiller à leur donner aussi bien une formation adéquate que des informations claires, complètes et facilement compréhensibles. Sinon, la gestion ne sera pas transparente et les adhérents ne pourront pas exercer pleinement leurs droits148.

2.3- L’autonomie et la liberté

Une mutuelle est une organisation libre qui, en conséquence, doit pouvoir prendre des décisions sans demander l’aval des autorités politiques. Cette souplesse dans l’action est bénéfique pour les adhérents car elle permet d’adapter les services offerts à leurs besoins qui évoluent. C’est ce droit à l’initiative qui permet la créativité dans la définition des objectifs et l’efficacité dans l’utilisation des moyens. Ce droit ne peut s’exercer sans la responsabilisation des adhérents de la mutuelle.

Cependant, cela ne signifie pas que la mutualité ne doit pas être soumise aux lois et règlements comme ceux régissant l’enregistrement, la comptabilité, l’audit, le contrôle, etc.

Dans certains pays africains, un code de la mutualité existe déjà149 ; dans d’autres, les mutuelles sont enregistrées comme des associations ou encore comme des groupements coopératifs, faute d’une législation spécifique. Pour combler ce déficit, des projets de loi sont en préparation dans plusieurs pays du continent africain : c’est le las du Cameroun.

L’indépendance et l’autonomie signifient qu’il ne doit pas y avoir d’ingérence dans la gestion d’une mutuelle et dans le processus interne de prise de décision. Une mutuelle ne doit pas être autonome seulement par rapport à l’Etat, mais également vis-à-vis des parties

148 Idem, p. 63.

149 C’est le cas du Mali par exemple où ce code existe depuis 1995.

101 politiques, des employeurs ou des groupes de pression qui défendent parfois des intérêts autres que les siens150.

Appliqué aux mutuelles de santé, le principe d’autonomie et de liberté signifie qu’une mutuelle de santé est une structure privée et indépendante des pouvoirs publics ainsi que des prestataires de soins. Les conventions passées avec ces derniers ne les associent pas au fonctionnement de la mutuelle. La contrepartie de cette autonomie se traduit pour la mutuelle par la nécessité d’assurer sa viabilité financière et un équilibre financier constant entre les cotisations et les dépenses, sans subvention systématique.

2.4- L’épanouissement de la personne

Le respect de la dignité de la personne dans toutes ses dimensions, quel que soit son sexe, sa race, son ethnie, son origine sociale, est un autre principe de base de la mutualité.

Reconnaissant l’originalité de chacun, la recherche de l’épanouissement de la personne doit aboutir à une plus grande autonomie et responsabilité vis-à-vis de soi-même et des autres.

L’adhésion à une mutuelle de santé n’est pas un simple acte individuel. Elle résulte de la volonté de s’associer à d’autres et de respecter les droits et obligations de chacun. C’est un acte de responsabilité vis-à-vis de sa propre santé et de celle des autres. C’est dans cet esprit que la mutuelle offre à ses adhérents des programmes d’éducation à la santé et les encouragent à un engagement social au profit des malades et des plus démunis151.

2.5- La poursuite d’un but non lucratif

Une organisation mutualiste qui, par vocation, a pour ambition de consacrer son action au service de ses adhérents, ne peut pas poursuivre un but lucratif. Toute recherche du profit est incompatible avec sa nature. Cependant, cela ne veut pas dire que la couverture des coûts de fonctionnement ne soit pas un impératif absolu. Les considérations économiques et les principes de bonne gestion ne peuvent pas être négligés, car ils contribuent à la réalisation du bien-être collectif. Un surplus des recettes sur les dépenses peut, une fois les réserves raisonnables constituées, permettre d’améliorer les services existants, d’offrir de nouvelles prestations, de répondre à d’autres besoins tels que l’augmentation imprévue du nombre de malade en cas d’épidémie ou, éventuellement, de réduire les montants des cotisations. Ces surplus ne devraient pas être redistribués aux adhérents, sous forme de dividendes ou de trop perçu par exemple.152.

2.6- La responsabilité

La solidarité, la démocratie participative, l’autonomie et même l’épanouissement de la personne supposent toujours que la mutualité et ses membres prennent leurs responsabilités.

Tous ces principes resteraient lettre morte si la gestion d’une organisation mutualiste n’est pas saine et rigoureuse, si les adhérents ne se comportent pas de manière responsable vis-à-vis

150 Programme Stratégies et Techniques contre l’Exclusion sociale et la Pauvreté (STEP), Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes de Belgique (ANMC), Solidarité Mondiale (WSM), « Mutuelles de santé en Afrique : caractéristiques et mise en place », p. 58.

151 Idem, p. 63.

152 Idem, p. 64.

102 de leur santé et de celle des autres, dans l’utilisation des ressources de la mutuelle ou dans les décisions qu’ils prennent153.

2.7- La dynamique d’un mouvement social

En adhérant à une mutuelle de santé, les membres de la mutuelle s’engagent volontairement dans un processus de développement individuel et collectif. Ila sont membres d’un mouvement social, c'est-à-dire d’un groupe de personnes ayant pour but la défense du bien-être et des intérêts communs. Un tel mouvement social peut faire partie d’un ensemble plus large comme un syndicat, un mouvement féminin, un groupement d’épargne et de crédit, un mouvement de jeunes ou de personnes âgées. Il est donc souhaitable qu’il collabore avec d’autres organisations pour atteindre ses objectifs.

Une mutuelle de santé repose sur une dynamique locale d’entraide et de solidarité ainsi que de développement. C’est pourquoi les mutuelles de santé peuvent présenter une importante diversité en matière d’organisation et de fonctionnement. Elles œuvrent cependant toutes vers un même objectif et peuvent s’associer, au sein d’une région ou d’un pays, afin de renforcer la défense des intérêts des adhérents. Les mutuelles de santé pourraient ainsi jouer un rôle important en matière de cogestion des établissements sanitaires publics, dans le cadre de l’Initiative de Bamako, et dans la définition de la politique sanitaire locale et nationale154.